LUNDI 15 FEVRIER 1988
LES AMIS
BELGES
DE
L’UNIVERSITE
HEBRAÏQUE DE JERUSALEM,a.s.b.l.
sous le
Haut Patronage de S. M. la
ReineCONCERT DE GALA
EN HOMMAGE A ARTHUR RUBINSTEIN
A L’OCCASION DU 100 ANNIVERSAIRE DE SA NAISSANCE
au profit
del'INSTITUT D'ARCHEOLOGIE REINE ELISABETH DE
BELGIQUE
etde
laMAISON
BELGE « COLLEGIUM BELGICUM FABIOLANUM »
PALAIS
DES BEAUX-ARTS, BRUXELLES
SALLEHENRY
LEBŒUFLUNDI 15 FEVRIER 1988
HOMMAGE A ARTHUR RUBINSTEIN
Il nous livra des interprétations dont la texture extra
vertie était un chant et hommage à la vie, sain, simple et net Dans ses écrits, Rubinstein parlait de lui-même avec une espièglerie sans bornes qui cachait une pudeur extrême quant à son talent et à sa personnalité profonde.
Lui qui pouvait dominer tout obstacle instrumental avait la coquetterie de dire : « Je ne joue pas toutes les études de Chopin parce qu’il y a quelques traits que je n'ai pas étudiés !.. »
Cet interprète dont un des aspects visibles était celui d'un artiste mondain très fêté, se montrait aussi témoin exigeant et sévère de l'évolution de I histoire du 20e siècle. Artuhur Rubinstein fustigea les créa
teurs ou éxécutants qui s’autorisaient à cantonner leur rayonnement à leur activité intellectuelle et sensible, sans s’intéresser aux événements qui parcourent le monde.
» Qui sont-ils donc ? » proférait-il. « Si leur « monde intérieur est égoïste et limité, cela s’entendra quand ils se produiront sur scène ! ».
Cet enthousiaste avait de grandes pudeurs.
Ce pianiste qui était devenu une figure légendaire de son époque (la nôtre) regardait encore la scène avec les yeux émerveillés et craintifs de tout interprète conscient de la responsabilité qu'il prend en décidant d'offrir aux hommes les œuvres des compositeurs qu’il aime.
A un organisateur de concerts qui, dans les coulisses, juste avant qu'il entrât en scène, lui disait : « ...Quand vous voulez, Maître... », Rubinstein répondait avec son inimitable plissement des yeux, à la fois malicieux, aigu et fataliste : « ...Mais c'est vous qui voulez ! ».
Et il entra « on the stage » sous les ovations.
Comment écrire à propos d'Arthur Rubinstein ? Avec une plume dont l’encre serait le cœur. Parce qu'il restera toujours en nos plus lointains souvenirs, le symbole épique et merveilleux de l’artiste mobile et magnifique qui arpenta l'Europe, l'Océanie et les Amériques en un temps où c'était chose moins cou
rante qu'aujourd'hui. Parce qu'il traversa guerres et épreuves avec une identique foi dans la vie et dans l'Art, un identique pouvoir de persuasion en son approche des maîtres dont il choisissait d'exécuter les œuvres.
Pourquoi écrire à propos d'Arthur Rubinstein ? ...Parce qu'il restera notre maître à tous, nous les pianistes. A cause de la « distance » qu’il était capable de prendre avec la difficulté technique, qui jamais n'était son ennemie mais devenait sa complice, la partenaire facétieuse avec laquelle il jouait, de laquelle il « se jouait », qu'il entraînait dans des parties de cache-cache dont il sortait toujours vainqueur.
...Parce que, musicien, il envisagea toujours le matériel sonore avec un esprit positif, constructif, optimiste.
Que dire de son sourire, en lequel, à la joie d'exister, se mêlait un indéflectible humour ?
Un siècle de piano
• Son temps ?» Il fut long et fertile.
Arthur Rubinstein est né à Lodz, en Pologne, à la fin du siècle dernier, en 1886. Et il vécut 96 belles années (il s'éteignit à Genève le 20 décembre 1982).
Un de ses premiers maîtres fut le légendaire Paderewski, pianiste et patriote. A Berlin, il travailla ave Max Bruch. Première « pierre blanche » en son parcours de conteurs de sons : l'interprétation d'un concerto de Mozart sous la baguette de Joachim.
Tournée en Russie avec Koussevitzky, rencontre amé
ricaine en 1906, Paris, puis l'Angleterre pendant la premiere guerre mondiale; Rubinstein était déjà, à 30 ans, citoyen du monde. Il joua avec Eugène Isaye, épousa en 1932 Aniela Mlynarski, fille d'un chef d orchestre de son pays, bénéficia d'une notoriété fastueuse des 1937.
Il s établit a Hollywood, revint ensuite à Paris, se vit dedier maintes partitions : par Sravinsky (the « Piano Rag Music », la version pour clavier des « Trois mouvements de Petrouchka »). Szymanowski, Villa Lobos, Manuel de Falla... Ces œuvres lui furent dédi
cacées parce que cet interprète n'était pas « seule
ment » un pianiste au faîte de la gloire ; il rayonnait de personnalité, de force souriante, de combativité bien placée, et surtout d’une ouverture d’esprit qui faisait de lui un prospecteur, un « chercheur d’or » dans les mines enchantées de la Musique.
Son amitié avec les compositeurs de son temps se i’mnnT JUStl.f!er. par mille raisons. dont la moins importante n était pas la « curiosité ».
Rubinstein joua Mozart et surtout Beethoven, Schu
mann et Brahms, Rachmaninov et Tchaïkowsky, Saint- Saëns et Mendelssohn... et puis Chopin, proche de sa terre qu’il chantait et qu'il défendait avec une fougue aissant stupéfaits et ravis les mélomanes venus I applaudir en foule.
L interprète, très attaché à Israël, y retournait souvent.
Il s intéressa de près à son évolution, joua d'innom
brables fois avec l'Israël Philharmonie Orchestra, fut nommé docteur honoris causa de l’Université Hébraïque de Jérusalem et de l'Université de Tel-Aviv, se vit décerner maintes autres distinctions honorifiques. En 1981, fut fondée en Israël «the Arthur Rubinstein International Music Society ». Le 1er Concours Inter
national Arthur Rubinstein se tint en septembre 1984 deux ans après sa mort.
Il avait inauguré de célèbres « Masterclasses » pour les jeunes artistes israéliens, donna aussi maintes conferences à la Julliard School à New York. Très age déjà voyant peu, il clamait d'une voix forte à son jeune auditoire, du haut de sa chaise : « Je ne vous vois pas, mais je vous entend ! ».
Cet appel énoncé comme une déclaration officielle, résumait toute sa philosophie : « ETRE EN EVEIL » fut-ce jusque et y compris dans la cécité.
Ce fut un maître de son instrument,
maître quant à I'« art de vivre ». mais aussi un Qu’il en soit remercié.
Marie-Paule Cantarella
This giant marble sculpture in the form of an abstract piano keyboard will long be a reminder of the special relationship between the late pianist Arthur Rubinstein and Israel
MENDI RODAN
Nommé,
le1er septembre 1983,
Chefd
’orchestre directeur
musicalde
l’
OrchestreNational
de Belgique,Mendi
RODAN fitses
étudesmusicales à l’Académie
de Musiquede Bucarest
auprèsde Constantin SILVESTRI.
Jusqu
en
1958iloccupa le
postede
chefpermanent de l
’Orchestrede laRadio Télévision
Roumaine.C
’est
en1961qu’il s
’installe en Israël où il
fait sesdébuts avec
l’IsraëlPhilharmonie
Orchestra. Ildonne, depuis
lors,de nombreux concerts avec cet orchestre à l
’occasiond’
évènementsexceptionnels
telsqueleFestival
deMusique d’
Israëlou
l’accompagnement de
différentes sessionsdu
ConcoursArthur Rubinstein.
Mendi Rodan, qui
estune
despersonnalités
leplus en vue de
lavie musicale
de sonpays,fut
égalementpremier chef
etconseiller
musicalde l’
OrchestreSymphonique de la
RadioIsraélienne.
Depuis
1977,
ilestdirecteur musical
et chef permanentde « The Israël
SinfoniettaBeer
Sheva». Ilfonda
l’Orchestre de Chambre
deJérusalem.Son enthousiasme
communicatif etses
qualitésartistiques
exceptionnellesfont de
luiun
chefinvité à la tête
des plusgrandsorchestres et avec des solistes de
réputationmondiale
aussi bien enEurope, en
Australiequ
’au Moyen-Orient, en Afrique
du Sudou
auxEtats-Unis.
Son
programmechargé ne
l’empêche pas de
siégerrégulièrement dans des jurysde
concoursinternationaux. Ilestégalement
professeurde
directiond’
orchestre àla Rubin Academy of
Musicde
Jérusalem,doyen
de laFaculté de
Musiquede l
’Université Hébraïquede
Jérusalemet conseiller
au « Jérusalem International Music Center ».
TZIMON BARTO
Un an à
peine,après
avoirterminé
ses etudes, TzimonBarto
débutaen Europe et
aux USA.Ilse révéla
comme
chef d’orchestre du
nouveauromantisme et comme le
plusdoué de
sagénération...
Agé
de
24ans, il étudia à
laJuilliard
Schoolavec
Adèle Marcuset fut primé
par3
fois,en tant que
pianisteet en tant
que chef d’orchestre.En
1984, il reçut
leprix de
LilaAcheson
Wallace Endowmentpour ses activités de
chefd’orchestre
avec¡’
AmericanOpéra
Centerde
NewYork.
Il
commença
sesétudes de
pianoavec sa
grand-mère,à
l’âgede 4 ans
;écrivit son
premieropéra,à
8anset
dirigeason premier orchestre à 14 ans.
Tzimon Barto commença sa
carrière européenne comme
pianisteet chef
d’
orchestre,au festival de
Spoletaen 1985.
Ilyfut invité
parGian Carlo
Menotipour
diriger lanouvelle
œuvreducompositeur
àl’occasion de son
75e anniversaire.Il se produisit aux
USA
avec le BostonSymphonie
Orchestra,sous la
directionde
ChristopheEschenbach, lequeldéclara
:« c
’estle
virtuosele
plusdoué et
que j’ai
jamaisentendu de
ma vie».En
janvier 1987,
iljoua au
Palais Princierde Monte-Carlo en
l’honneur du
100eanniversairede la
naissanced’ArthurRubinstein.
Le « Arthur
RubinsteinInternationalMusic
Society»
organisaalorsd
’autres concerts avec
saparticipation,
enhommageà Arthur
Rubinstein,en
Israëlet
à Tokyo.Tzimon Barto se
produisit également
danslaplupartdes
capitales musicalesd Europe
enrécitalou
avecorchestre, soitcomme
pianiste,soitcomme
chef d’orchestre.
CONCERT DE GALA
EN HOMMAGE A ARTHUR RUBINSTEIN AL’OCCASIONDU 100e ANNIVERSAIREDE SA NAISSANCE
TZIMON BARTO
pianiste
etl
’
OrchestreNational de
Belgique sous ladirection de
MENDI RODAN
ADRESSE
Monsieur RolandMortier,
Professeur à l’
UniversitéLibrede Bruxelles,
Présidentdes Amis Belges
de l
’Université
Hébraïquede Jérusalem
PROGRAMME
RAVEL Concerto
ensol majeur MOZART Concerto
enré mineur Entracte
CHOPIN
Concerto en mi mineur
CHOPIN AndanteSpianato
CHOPIN Grande polonaise brillante
GALA CONCERT
HULDE AAN ARTHUR RUBINSTEIN
BIJ GELEGENHEID VAN ZIJN 100s" GEBOORTEJAARDAG
TZIMON BARTO
pianist
en
hetNationaal Orkest
vanBelgiëonder
leidingvan
MENDI RODAN
TOESPRAAK
De Heer Roland Mortier,
Professoraan
de Université Libre de Bruxelles, Voorzitter van de Belgische Vrienden van de
Hebreeuwse Universiteitvan
JeruzalemPROGRAMMA
RAVEL Concerto in
sol majeur MOZART Concertoin ré
mineur PauzeCHOPIN
: Concertoin mi mineur
CHOPIN
:Andante Spianato
CHOPIN
Grande polonaisebrillanteMaurice
RAVELCONCERTO POURPIANO
EN SOL
MAJEUR (1929-1931)Septembre 1929
:Ciboure, Saint-Jean-de<uz, Biarritz. La
côte basquefête
MauriceRavel. A Cibourne où
ilest né
en1875, la
ruedu
Quai, débap tisée,
devient le Quai MauriceRavel.Prophète en
son pays, lecompositeur ne sait
commentréagir à
ces multipleseffusions de
cordialité.C’est à ce moment
précisqu’
illui faut
concevoirses
deuxconcertos
pour pianoLe concerto
pour
lamain
gauche futcomposé pourle pianiste
autrichienPaul
Wittgenstein,qui en
donnala
première audition àVienne
le 27novembre 1931.
Quantau concerto
ensol,il
futcréé,
quelquetemps
après,à Paris,
parMarguerite Long, sous la
directiondu compositeur. Cette création
sedéroulaà la
sallePleyel,
le14 janvier 1932
Ce concerto,
l’
un deschefs
d’œuvre de
lalittérature pianistique,
se présentetel
un divertissementde virtuose,
brillant,clair, et
léger, mais auxreliefs aigus. On
noterala
verveéclatante de l
’allegramente innitial, et le caractre
serrédu presto
final. Et quede beautés accumulées dans l’
adagio central:
ungrandlied
dont la sérénitécontemplative s'appa
rente
exceptionnellementà la rêverie fauréenne.
AMarguerite Long, Ravel confessa
qu’
il composa cemouvement sous l
’impression quelui avait faite le quintette
avecclarinette de Mozart.
Charles
Philipon
MOZART x
K.
' >
. > '<-■\ >.
CONCERTO POUR
PIANO
(n°20), EN RE MINEUR
KV466Daté du 10 février 1785, à
Vienne,ce
concertose caractérise
essentielle ment
parson expressivité
tragique.C’est
l’
apogéede la
réputationde
Mozart commecompositeur
pourle
pianoet
virtuosedu piano.
C’
està
cemoment aussi
que JosephHaydn déclare à Léopold Mozart :
«Jevous le
dis, devant Dieu,en
honnête homme,votrefils
estle plus
grandcompositeur
que jeconnaisse.Il a du
goût,et en
outre laplus grande
sciencede
lacomposition...
»Passant
du
registre lyriquede la
musiquede chambre au
registreépiquedu
concerto, Mozart, avecle KV
466,traduit
avec ampleuret universalité, le
côtétragiquede
l’histoire humaine, qui dépasse sa propre histoire individuelle.
L’intensité pathétique du
mouvementlent qui
reçoit icile nom apaisant de
romance, donne unconsidérable
éclatà
l’
affirmationvictorieuse du
final.Parmi les
ombres d’
un drametoujours
renaissant,s’annonce en
uncri de
triomphe,la délivrance
nouvelle.Charles Philipon
77
CHOPIN
CONCERTON° 1 EN
Ml
MINEUR, OPUSIIEn
1830, Frédéric
FrancisChopin décide de
quitterla
Pologne. Varsovieest à la veille du
soulèvement.Dernières vacances en
famille— il
avingtans , à Zelazowa
Wolaoù il
estné.Et son
dernier concerten Pologne, le
11octobre,
avecla première
auditiondu
concertoen
mimineur.
C
est dans la plus
externedesspontanéitésque le
jeune compositeuroffre cette œuvreau
publicil était tout
enthousiasme, toutefraîcheur, et
rêvede
s’élancer
versl’
amour,le
bonheur...A
proposde l’
œuvre,Ravel écrira
:« Dans cette musique, tous les traits
sont inspirés...»
Et voilà,
d'unseul jet, un Chopin sans bavures, qui d'emblée conjugue bravoure,
donde la virtuosité
instrumentale,instinct
etpersonnalité
harmonique.A
proposde la Romance du
concerto,Chopin
écriraà
son amiTitus Woyciechowski
qu’il s'agit « d
’un regard posé
surle lieu le plus
cherde
nossouvenirs,
une rveriede printemps au clair de
lune...»
Alfred Cortotcomparera ce mouvement
à un
«ineffablenocturne qui
semble détachéde toute
matérialité.»EtSchumann
saluera Chopin en
ces termes: « Chopin est reconnaissable jusque
danslespausesetlessilences...» C’est
pourtantLiszt qui le
mieux asaisi I
hommeet l’artiste :
«larichesse,
l'exubérancen’excluent jamais la
clarté.La
singulariténe dégénère pas en
bizarreriebaroque. Quelle
profondeursous
tantde grâce,
etque
d’
habiletésous tant de charme... »
ANDANTE SPIANATO
ET GRANDE
POLONAISE BRILLANTE OPUS22
Liszt,dans son
ouvrage consacréà Chopin, après la
mortde son
ami insiste longuement surle caractère de la polonaise : il souligne
d'entréede jeu la
différencequi
sépare les polonaisesmignardes, fardées à la
Pompadeour, cellesdes orchestresde bal
etde
salon,dela musique héroïque de
Chopin.«
Ellesrespirent
»,écrit-il, « la
bravoureet la valeur la résolution, la
courtoisie,la
fièrtépompeuse, l’honneur vétilleux, la
danse dédiéeau plus
vaillantou à la plus
belle...»
Chopin
a vingt
ans. Ilécritsa Grande Polonaise brillante
enmibémol, opus
22, qu’ilfait précéder, cinq ans plus
tard,d’un
AndanteSpianato’Cet
andante rêveur,
contrasteavec la pétulance
dela polonaise, morceau de
bravoure aux traitsenrubannés,
derrièrelesquels Chopin
avoueson
admiration pour l’opéra
italien.Charles
Philipon
79