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Un droit sans histoire?

DUFOUR, Alfred

DUFOUR, Alfred. Un droit sans histoire? Commentationes Historiae Iuris Helveticae , 2007, no. II, p. 106-114

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:73361

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MISCELLANEA

Letextequisuitestcelui d’un exposé présenté à la dernièreréunion deshistoriensdu droitet romanistes suissesà Neuchâtel le25 mai2002.Antérieurà la mise en applica- tion du«modèle de Bologne» danslesFacultésde droit suisseset retraçantlesdiffé- rentes réformesde l’enseignementdesdisciplineshistoriquesdansl’une d’entre elles, cetexterevêt un double intérêthistorique;c’estcequi nousa déterminésà le publier danslesCommentationes Historiae Iuris Helveticae.Pour une approche plusgénérale de la problématique de l’utilité desdisciplineshistoriques, onsereportera avec profit à l’étude critique consacrée à deuxFestschriften*portant surcesujetparPio Caroni,

«Nutzlos, nützlich, notwendig», inZeitschrift für Neuere Rechtsgeschichte,2007, No 1–2, pp.131–140(Note de larédaction).

Alfred Dufour

UN DROIT SANS HISTOIRE?

Sous ce titre énigmatique, je voudrais tenter de répondre à la demande des organisateurs de cette réunion de traiter sous l’angle historique d’une situa- tion particulière de tentative de démantèlement des acquis historiques, soit des disciplines historiques en Faculté de Droit. Je veux parler de celle que nousavons vécudepuis un demi-siècle dansma Faculté d’origine, la Faculté de droitde Genève.

Le sous-titre de ce bref exposé pourrait être ainsi: «Un demi-siècle d’expériences genevoises». Il s’en faut de beaucoup cependant que je m’en tienne à la micrologie d’une histoire locale comme si les expériences gene- voises étaient exemplaires.Je pensesimplement que ces expérienceslocales sont significatives de processus et de tendances plus générales qu’il vaut la peine de chercheràsituerdansl’histoire générale de la pensée etde lascience juridique occidentale.Cesera l’objetde la IèrePartie de ce bref exposé.

* Ils’agitde laFestschrift für Hans Hermann Seilerzum 24.12.1999, Rechtsgeschichte und Privatrechtsdogmatik, hrsg.v.R.Zimmermann, R.Knütelu.J.P.Meincke, 1999, et de laFestschrift für Hans Hattenhauerzum 8.9.2001, Der praktische Nutzen der Rech- tsgeschichte, hrsg.v.J.Eckert,2003

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I.

Comme l’a finement suggéré en 1914 déjà un Hermann Kantorowicz dans son étude magistrale «Die Epochen der Rechtswissenschaft»1, c’est périodi- quement quese faitjourdansl’histoire de la pensée etde lascience juridique occidentale ceque j’appellerai lemiraged’unDroit sans histoire.

Carl’alternance oul’oppositionque décritKantorowiczd’une orientation formalisteetd’une orientationfinaliste,quiseraitcaractéristique de l’histoire de la science juridique occidentale et que l’on pourrait suivre de l’Ecole de Bologne, auxXIIeetXIIIesiècles, au«modèle de Bologne» dudébutduXXIe siècle, correspond bien à l’insistance ouà l’impasse faitesurl’histoiredansla formation etla méthode detravail desjuristesaucoursdes siècles.

DucourantdesconsiliateursauXIVesiècle à celui durationalisme juridi- queduXVIIesiècle etjusqu’auxdiverspositivismescontemporains, lesépo- quesetlesÉcolesne manquent donc pasoùla formation desjuristescomme leur méthodologie font tout simplement l’impasse sur l’histoire, cultivant ainsi précisément unDroitsanshistoire.

Mais,selon l’alternance etle mouvementderetourdubalancierobservé et décrit parKantorowicz, lesmouvementsderéaction à cette impasse faitesur l’histoire, voire à cette ignorance de l’histoire, ne manquent pas non plus.

C’estainsique le pragmatismeutilitaire et la méconnaissance croissante des sources romainesparlesconsiliateurs vont déterminerlaréaction deshuma- nistes.Cesera l’essorde l’humanisme juridique,avecsonretour auxsources et sacritiquephilologique ethistorique,qui està l’origine,sinon de cequ’on a puappeler une premièreEcole historique, entoutcasd’unesingulièrereva- lorisation de l’histoire dansla formation etla méthode desjuristes.Il enrésul- tera, d’une part,touteunesérie d’éditionscritiques,toutà la foisdes sources romaines et des sources germaniques, les fameuses Leges Barbarorum, d’autre part, une incontestable relativisation du droit romain au profit des droitscoutumiersnationaux.

Maisl’humanisme juridique n’est pas seulement gros detout un courant decritique philologique et historique,qui se prolongera dans l’Elegante Ju- risprudenz.Il est également riche de tout un courantsystématique, tendantà réaliserle projetcicéronien deréduire le Droitensystème(jus in artem redi- gere).C’estce courantsystématique –notammentillustré parHuguesDoneau etFrançoisLe Douaren –quis’épanouira parl’intermédiaire de Grotiusdans l’Ecole du Droit naturel moderne. A cet égard, si les Fondateurs de l’Ecole

1 Cf.H.U.KANTOROWICZ, «Die Epochen derRechtswissenschaft», inDie Tat, 1914, p. 345ss.

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du Droit naturel moderne,de parleursfonctionsd’historiographe comme de par leur formation historique, ont encore une pensée juridique ouverte sur l’histoire, il n’en ira plusde même des systématiciensdurationalisme juridi- quedes Lumières, comme Wolff et ses disciples Darjes et Nettelbladt et de leurs émules en France, Encyclopédistes et Philosophes. Dans leur rigueur systématique etleur rationalisme abstrait, les unsetlesautres vontégalement fairetable rase de l’histoire.Ilsprépareront ainsi, bon gré mal gré, lavoie à un nouveauDroit sans histoire comme celui qu’illustreront les radicales in- novations de la Révolution française en matière de législation civile et ses funestesexportationsen matière constitutionnelle.

Maisà nouveau,selon la loi d’alternance oulesimple mouvement dere- tourdubalancierdécritparKantorowicz, lesexcèsdurationalisme jusnatura- listedesLumièrescomme dulégislativismeinnovateurde la Révolution fran- çaise vont déterminer la vaste et puissante réaction de l’Ecole du Droit historique.Carl’Ecole du Droit historiquede Savigny se définit aupremier chef comme un mouvement de pensée et de politique juridique en réaction toutà la foiscontre lerationalisme juridiquede l’Ecole du droit naturel mo- derne du XVIIIe siècle, ne reconnaissant pour fondement du Droit qu’une Raison universelle s’imposant à l’ensemble du genre humain, et contre le législativisme révolutionnaireinspiré de l’idéologie dumouvementde codifi- cation etporté à identifierle Droità la Loi.

Si l’Ecole du droit historique de Savigny mérite tout de même quelque attention pournotresujet, c’estpourdeux raisons:

1. la première, c’est qu’il est peu de courantsde pensée juridique qui aient pareillementinsistésurle caractère fondamentalementhistorique duDroit, tant àraison de son enracinementdansla conscience populaire de chaque nation qu’à raison de son développement organique aucours des siècles, soitpar voie coutumière,soitpar voie d’élaborationscientifique.

2. la deuxième raison de prêter quelque attention à l’Ecole du Droit histori- quede Savigny, c’estl’ampleurdeson influence, d’une part,surla pensée juridique helvétique dominante concernantles rapportsentre DroitetHis- toire, d’autre part surlesprogrammesd’étudesde nosFacultésde Droit.

Pourle premierpoint relatif à l’ampleurde l’influence de l’Ecole du Droit historique sur la pensée juridique helvétique dominante concernant les rap- portsentre Droit et Histoire, vous me permettrez devous citer un peu lon- guementcomme témoignage privilégié lesconsidérations d’Eugen Huber, le rédacteur duCode Civilsuisse, dontonva fêterle centenaire,surl’utilité de connaissanceshistoriquespourle droit.Cesontcelles qu’il expose au seuil du quatrièmevolume duSystem und Geschichte des schweizerischen Privatrech- tsde 1893.Pourlesecond point,relatif à l’ampleurde l’influence de l’Ecole du Droit historique sur les programmes d’études de nos Facultés de Droit

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109 jusqu’aux années 70 du XXe siècle, je m’en tiendrai comme annoncé à l’exemple que je connais le mieux, à savoir l’exemple genevois. Et ce sera précisémentle pointde départde la IIèmePartie de mon exposésurles tentati- vesde démantèlementdesacquishistoriquesdudernier tiersduXXesiècle.

Pour reveniraupremierpointetau témoignage d’Eugen Huber,voyonsce qu’écritlerédacteurduCode Civilsuisse:

«La connaissance de l’Histoire», commence-t-il par relever, «ressemble à l’expérience personnelle.Toutesdeuxn’ontdevaleurpournous que celleque notre conscience est à même de leur donner (Die Kenntnis der Geschichte gleicht der persönlichen Erfahrung. Sie beide besitzen für uns nur den Wert, den ihnen unser Bewusstseinzu geben imstande ist.).Desconnaissancesmor- tes sontdesconnaissances qui n’ont subjectivementouobjectivementaucune signification.N’est vivant que lesavoir qui esten mesure derattacherle pas- sé à notre présent et de conférerforme et contenu à notre conscience. (Tote Kenntnisse sind subjektiv oder objektiv bedeutungslose Kenntnisse. Lebendig ist nur das Wissen, das die Vergangenheit mit unserer Gegenwartzu verknüp- fen und unserem Bewusstsein Gestalt und Inhaltzu verleihen vermag.)»2.

Fort de quoi, Eugen Huber pose en ces termes la question même de l’utilité de l’histoire du droit:

«Quant à laquestion de l’utilité desconnaissances d’histoire du droit, il ya trois réponsespossibles, dont seule latroisième touche à l’essentiel.On peut dire, en effet,toutd’abordque l’histoire dudroit sertà l’explication dudroit envigueurlà oùcelui-ci n’estpasclairparlui-même.Ceservice, l’histoire du droitestà même de lerendre aumieuxenrapportétroitavec l’étude dudroit positif, detellesortequ’ilsuffitalorsdansl’exposé dudroitpositif de donner chaque fois qu’il le fautlesexplications historiques nécessaires. Telle est la réponse dupraticien dudroit»3.

Mais il est une autre perspective, une autre réponse à la question de l’utilité desconnaissances historico-juridiques:

«On peut aussi trouver que la connaissance du droit national dans son développement spécifiquerenforce lesentimentnational etparfaitentoutcas notre culture. En ce sens des connaissances d’histoire du droit forment le pendantdes rudimentsde littérature, de l’histoire de l’artoud’autreséléments de la culture générale.Telle estlaréponse de l’amateurd’histoire etdulettré parmi lesjuristesà laquestion de l’utilité de l’histoire dudroit»4.

2 Cf.E.HUBER,System und Geschichte des schweizerischen Privatrechts, Bd.4, Bâle, 1893,§106, p.1.

3 Op.cit., loc.cit.

4 Op.cit.,loc.cit.

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Cesdeux réponses-type ontchacune leurbien-fondé pournotre auteur.Ce n’est cependant pour Eugen Huber que d’un autre point de vue que les connaissances d’histoire juridique s’élèvent au-dessus des querelles d’interprétation etdesantiquitésjuridiquesdes sièclespassés.

Qu’est-ce à dire?Eh bien, pourciter une dernière foisnotre législateurcivil, c’est queseule cettetroisièmeréponse assigne à l’histoire dudroitpourfonc- tion:

«...lasaisie de l’évolution historique dans sonréseauincommensurable de causesetd’effetscommeuntoutetcommeun planquisertà la compréhen- sion de notre conception du droit et de notre conscience juridique.Cela im- plique d’abord, par rapportà notre conscience,que nouspostulionsdansnotre façon de considérer l’histoire l’idée d’un perfectionnement et d’un progrès dont le droit soit susceptible, progrès qui se réalise, quoique différemment selon les temps, leslieuxetlesmodalités, cependantégalement partouteten dépit de toutes les forces contraires. Cela implique ensuite par ailleurs, par rapport à la recherche scientifique, que nous recherchions dans le plan du développementhistorique lesprincipes qui commandentl’essordudroit, de- puislesoriginesdetoute connaissance historique au temps présent.Et notre objectif n’estdèslorspas seulementde montrercomment se présente le droit desépoquesprimitives, mais surtoutde mettre enrelief pour quelleraison il en était ainsi dudroitdesépoquesprimitiveset quellescausesontdéterminé les changementset les mutations qui sesont opérées depuislors et jusqu’au tempsprésent»5.

Beau témoignage assurément quantà l’ampleuretà l’influence de la pen- sée juridique de l’Ecole du droit historique ! A défaut d’êtreun modèle au- jourd’hui encore, même dans saremarquable ouverture philosophiquequise prolongera, on lesait, dans sonRecht und Rechtsverwirklichung6,Eugen Hu- ber demeure un témoin de valeur inestimable pour l’approche des rapports entreDroitetHistoire.

Mais, nousle relevionsà l’instant, l’ampleurde l’influence de l’Ecole du droit historiqueest surtout perceptible dansl’aménagementdesprogrammes d’étudesdesFacultésde Droithelvétiquesjusqu’audernier tiersduXXesiè- cle, à raison de la place faite aux disciplines historiques en général et à l’histoire du droit en particulier. C’est précisément le point de départ de la deuxième partie de ce bref exposé.

5 Op.cit., loc.cit.pp. 2–3.

6 Berne 1921.

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II.

Concernant la place faitesous l’influence de l’Ecole du droit historique aux disciplines qualifiéesd’historiquesen général età l’histoire dudroiten parti- culierdansle programme d’étudesde la Faculté de Droit de Genèveque j’ai choisi de prendre pour exemple, l’on constate, pour s’en tenir au dernier demi-siècle,que jusqu’à la fin des années 60, selon les règlementsd’études de 1950et de 1958,Droit romainet Histoire du droitfaisaientl’objetà Ge- nève:

1. decours obligatoiresde Ièreannée;

2. decoursde5 à 6 heurespar semaine;

3. dedeuxexamenschacun de IèreetIIèmeannées.

C’esten m’entenantà ces troiscritères 1. ducaractère obligatoire

2. dunombre d’heureshebdomadaires 3. dunombre d’examens

que jevoudraisexaminermaintenantl’entreprise dedémantèlementdesdisci- plines historiquesen coursdepuis untiersdesiècle à Genève.

Audépartdonc:

1. droit romain et histoire du droit et des institutions politiques constituent d’abordtousdeuxdesdisciplines obligatoiresde Ièreannée;

2.le droit romain est donné àraison de 6 heures par semaine avec en plus uneconférence facultativede2 heures en été pour les débutantset unsémi- naire d’une heure en étépourlesétudiantsavancés.

Quantà l’histoire du droitc’estàraison de7 heures par semaine en hiver etde4 heures en étéque le coursestdonné, comprenantl’histoire des institu- tions politiques suisses et genevoisesen été.

3.Quant au régime des examens, il implique deux examens de droit romain (soit théorie et interprétation detextes) en fin de IIeannée et deux examens d’histoire du droit, d’abord, en Ièreannée pourl’histoire dudroitetIIèmeannée pourl’histoire desinstitutionspolitiques suissesetgenevoises, puisdès1958 lesdeuxen Ièreannée.

A relever enfin qu’en fait d’examens obligatoires, les examens de droit ro- mainet d’histoire du droit représentent près du tiersdes examens desdeux premièresannées,soit4sur14 examens.

C’estcerégime d’étudesetd’examensdesdisciplineshistoriques quiva faire l’objetdès1970d’unevéritableentreprise de démantèlementaufuret à me- sure desnouvelles réformesdesétudes.

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Atrois reprisesen effet, lorsdes réformesdesétudesde 1969/70, de 1979/80 etde 1992/93, lerégime desdisciplineshistoriques va faire l’objetderemises en causesérieuses, maisheureusement toujoursmoins substantielles.

I.D’abord, enunpremier temps, c’est dans la foulée de mai 1968que la ré- forme desétudesdécidée d’en haut,en forme derécupération dumouvement estudiantin, va drastiquement réduire la place des disciplines historiques quantaunombre d’heures de courset quantaurégime des examens, maisnon quantà leurcaractère obligatoire.

C’est là en fait la seule granderéforme dans ce dernier demi-siècle concer- nantlesétudesde droit, puisqu’ellesubstituera àunepremière année de type généraloupropédeutiqueunepremière année d’immersion dans les branches dedroit positif(droitcivil, droitpénal etdroitconstitutionnel).

Le contrecoup ensera laréduction,sinon lamarginalisation,des disciplines historiques,qui demeurerontcependantobligatoireseten Ièreannée.

Cetteréductionsetraduiraquantaunombre d’heures de coursparladiminu- tionde6 heures par semaineà4 et 3 heures par semainepourledroit romain et par celle de 7et 4 heuresà 3 et 4 heures par semaine pour l’histoire du droit et des institutions politiques.

Quantaurégime des examens, il n’yaura plus quedeuxexamensen fin de Ière année,soit un pourledroit romainet un pourl’histoire du droit et des institu- tions politiquesetcesdeuxexamensnereprésenterontplus qu’uncinquième desexamensde la 1èresérie de 10examens.

II.C’estce nouveau régime d’études, focalisésurlesdisciplinesde droitposi- tif en Ièreannée etarrêté par un Règlementde 1970,quiva êtreremisen cause enun2ème tempsà la fin desannées1970par une grande commission deré- forme, préoccupée notamment par l’importance à donner en Ière année aux sciences sociales, à lalogiqueetà lathéorie juridique.

Le contrecoup enseraune nouvelletentative demarginalisation des discipli- nes historiques. Celle-cise traduira, d’une part, par unetentative de mutila- tiondudroit romainréduità2 heures par semaineen Ièreannée, d’autre part, par un essai de mise à option obligatoirede l’histoire du droit, lesétudiants devantchoisir entre histoire du droit privéet histoire des institutions politi- ques en Ièreannée. Enfin, ce projet tendra à l’élimination pure et simple du coursd’histoire des institutions politiques de la Suisseintégré dansle cours dedroit constitutionnel suisse.

C’estdirequ’avec laréalisation de ce projetderéforme, c’est unDroit sans histoireauquel auraientété forméesdes voléesd’étudiants soitendroit privé, soitendroit publicselon leurchoixd’option obligatoire.

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113 Fortheureusement, grâce à la vigoureuse réaction du tout nouveaudéparte- ment d’histoire du droit et des doctrines juridiques et politiques et de son premierdirecteurIvo Rens, ce projetderéformeradicalva céderla place àun projetplusmodéré, maintenantensubstance lesacquishistoriques.

C’estainsiqu’à partirde 1983 un nouveau règlement d’étudesmaintiendra à 4 et 3 heures par semaine en Ière année l’enseignement du droit romain et fixera à3heures par semaine en Ièreannée celui de l’histoire du droit et des institutions politiques générales et suisses, ajoutantmêmeune optionsemes- trielle de deuxheuresetpourledroit romainetpourl’histoire du droit.

III.Il n’empêcheque cerégime d’étudespourlesdisciplines historiquesn’en sera pasmoins une nouvelle foispartiellement remisen cause lors de la der- nière réforme dudébutdesannées1990instituant formellementà Genève la licence enquatre ans.

C’estainsi qu’aprèsde nombreusespéripéties,si l’enseignementetl’examen obligatoiresdedroit romainserontmaintenusen Ièreannée àraison de3 heu- res par semaine avec un séminaire dans les années ultérieures, l’enseignement d’histoire du droit privé passera, à raison de 2 heures par semaine,en 3ème semestre et l’examen d’histoire du droit et des institutions politiques passera en IIème année comme examen anticipé à la session de mars. En plus, une option et un séminaire bisannuel seront prévus en alter- nance.

Voilà pourlesexpériencesgenevoises de ce dernier demi-siècle,voire de ce dernier tiersdesiècle concernantles régimesd’étudeset d’examensdes dis- ciplineshistoriquesaufuretà mesure desdifférentes réformesdesétudes.

Ces réformes,quantà elles, me paraissentillustrer uneentreprise de démantè- lementdesacquiscentenairesde l’Ecole du droit historique.

Si lesconditionset lescirconstancesensontassezévidentes, de mai68 à la poussée et à la mode des sciences sociales en passant par l’abolition de l’exigence dulatin, les raisonsalléguées sontmoinsclaires.

Etces raisons, comme ellesémergent desdifférents rapportsderéforme des études,vontdu sentimentdesuperfluitéetd’inutilitédesbrancheshistoriques desétudiantsde 1èreannée, mentionné dansle Rapportde 1979, à l’argument de l’extension duchamp desdisciplinesà étudier.

Face à cette entreprise de démantèlement périodiquement réactivée et qui nécessite une vigilance constante des historiens du droit et des romanistes, notamment à chaque nouvellevacance de poste historique, on peutêtretenté parle découragement.Eten ce débutde XXIesiècle, on peut se demanderce qui demeure de convaincant des considérations d’Eugen Huber sur l’utilité des connaissances d’histoire du droit. A l’heure de la mondialisation et de l’intégration européenne, à quoi bon s’attacher à connaître la spécificité de

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droits nationaux appelés à s’eurocompatibiliser, sinon à disparaître? Pareil- lementavec l’universalisation de la démocratie etde lareligion desDroitsde l’Homme, pournerien dire de la perspective d’unefin de l’histoire,quelsens peutencore bienrevêtirl’idée de perfectionnementetde progrèsdontle droit serait susceptible? Alors finalement ne serait-ce pas tout simplement à l’explication du droit en vigueur que serait ordonnée l’histoire du droit en rapport étroit avec le droit positif selon la perspective dite du praticien du droit?L’historien dudroitne devrait-il pas serésignerainsi à ne plusêtreque leFigaro des praticiens?

En fait, je crois qu’il y a une autre attitude que celle du découragement face aux tentatives de démantèlement des disciplines historiques. Et c’est celle de lapatience dans l’attente du retour dubalancier décrit parKantoro- wiczdans son évocation desépoquesde lascience dudroit.C’estaussi celle de l’imagination dans la conception de la place des disciplines historiques dansle processusdemondialisation du droitface à laréaffirmation concomi- tante desidentités nationales.Mais c’est surtoutcelle de lasérénitéface aux revendications récurrentes des praticiens du droit à l’égard des Facultés de droit. C’est l’attitude à laquelle incite la lecture de ce brouillon de lettre du Doyen Hornung auRecteurCarl Vogtdu8 juin 1875:

«Dansnotre démocratie lascience est souventméconnue.Ainsi parmi nos avocats, ilyen a beaucoupqui ne comprennentpasceque doit êtreune Fa- culté de droità notre époque: la Commission, nommée pourlaréorganisation de nosétudesde droit, propose de diminuer toutcequi est théorique ethisto- rique, et par exemple toutce qui tient à la science de l’Etat. Est-ce àvous, Monsieur,quisavezceque c’est que la grande etlibrescience, de décourager ceux quitâchentd’en maintenirlatradition dansnotre Université7?».

7 Citée in Chs. BORGEAUD, Histoire de l’Université de Genève – L’Académie et l’Université au XIXesiècle 1814–1900, Genève, 1934, p.481.

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