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Des droits des enfants nés hors mariage en droit romain, droit français et droit roumain

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Thesis

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Des droits des enfants nés hors mariage en droit romain, droit français et droit roumain

SULIOTIS, Christodul-J.

SULIOTIS, Christodul-J. Des droits des enfants nés hors mariage en droit romain, droit français et droit roumain. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 1879, no. D. 225

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:21619

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:21619

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DES DROITS

DES

ENFAN'rS NÉS HORS MARIAGE

(3)

~MM.

Su:f!;•agants : (

Charles BROCHER \

J. HoRNUNG

f

Henri BROCHER ( Professeurs.

L. J OUSSERANDOT '

Ferd. GENTET /

(4)

FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ DE GENÈVE

DES

DROITS DES ENFANTS

NÉS HORS MARIAGE

EN DROIT ROMAIN, DROIT FRANÇAIS ET DROIT ROUMAIN

THÈSE POUR LE DOCTORAT

PAR

CHRISTODUL -J. SULIOTIS

DOCTEUR EN PHILOSOPHIE ET LETTRES, AVOCAT

GENÈVE

IMPRIMERIE JULES-GUILLAUME FICK

1879

G3~'itf

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INTRODUCTION

Il a fallu flétl'ir le concubinage ; il a fallu flétri!' les enfants qui en étaient nés. .

(MONTESQUIEU, Esprtt des lois.)

Envisagés dans leur nature et dans leur étendue, les droits de l'enfant n~turel seront examinés tour à tour dans la législation des peuples anciens et modernes, dans la législation romaine, dans l'ancien droit fran- çais, sous l'empire du Code Napoléon, et dans le droit civil roumain.

Presque partout, l'enfant naturel est regardé comme indigne dès sa naissance même, comme un paria de la socjété et souvent même de la famille. Et pourtant M. AL Dumas, dans l'Affaire Clemenceau, a dit avec .beaucoup de bon sens et de justice que <<la différence entre l'enfant légitime (qui a un père connu) et l'enfant . naturel (qui n'en a pas) est un malheur et non pCJ.s un crime. )) M. Al. Dumas, loin d'être un jurisconsulte, est un profond penseur, et il a parfaitement eu raison de dire cela. Et en effet, pourquoi tant de soins et tant de faveurs pour l'enfant légitime, et tant de sévé- rité et de cruauté pour l'enfant naturel ? M. Bélime (fhilos.

du

droit, p. 715 et suiv.) ajoute à cela que

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cc la loi, dans le désir d'engager les parents à former les liens du mariage, n'a eu d'autres moyens que de manifester une improbation contre les enfants eux- mêmes. Toutefois, elle n'aurait pu, sans injustice, prendre indifféremment tous les moyens. Ces enfants sont innocents, nous l'avons dit; elle ne pouvait donc prononcer contre eux aucune peine, c'est-à-dire elle ne pouvait les priver d'aucun des droits qu'ils tiennent de la nature, parce qu'ils n'ont pas démérité. Mais elle peut les priver des prérogatives que le droit pure- ment positif fait reposer sur le lien de famille, parce qu'alors elle ne les punit pas, mais elle récompeùse, elle encoueage la légitimité. »

Entre les parents et les enfants se forme, non-seu- lement un rapport physique, mais aussi un lien moral et juridique. L'amour paternel et maternel doit être le même aussi bien pour l'enfant légitime que pour l'enfant naturel; car Jules Simon a dit fort bien (t. 1, p. 216): <c La nature a donné aussi au père et à la mère une tâche commune, c'est l'éducation de leur enfant, éducation longue et difficile, puisque c'est une réflexion et ·une volonté qu'il s'agit de former. » Et dans le domaine de la rnorale nous tenons que l'enfant, soit légitime soit naturel, doit trouver chez ses père et mère une protection pendant sa minorité et une protection réciproque à l'âge où l'enfant peut défendre et aider ses parents. Il va de soi que le père est toujours père, et la mère toujours rnère. Cela ne peut être autrement, puisqu'en cas

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contraire, entre l'homme et l'animal il n'y aurait plus de différence, parce que l'animal aime son petit et s'en occupe pendant un certain temps. Seulement, chez l'animal nous ne trouvons que l'instinct, qui dure juste aussi longtemps que la nécessité qui lui a donné nmssance.

M. Ahrens a dit surtout, avec beaucoup de raison, . que « les principes généraux de droit sur les rapports entre parents et enfants doivent aussi s'appliquer aux enfants naturels. Nés d'unions que la morale réprouve, ces enfants supportent moralement les graves consé- quences de la faute de leurs parents, quand ils sont privés de l'atmosphère bienfaisante de la vie familiale»

(t. II, p. 296). Nous voyons donc que les enfants naturels de tout temps ont été exclus de la succession de leur père. Aujourd'hui il y a des législations qui reconnaissent aux enfants naturels certains droits de suecession aux

·biens de leurs parents. Mais personne ne peut justi- fier cette différence entre les enfants naturels et les enfants légitimes. Seul Montesquieu s'exprime ainsi :

« On ne connaît guère les bâtards dans les pays où la polygamie est permise. On les connaît dans ceux .où la loi d'une seule femme est établie. Il a fallu, dans ces pays, flétrir le concubinage, il y a donc fallu flétrir les enfants qui en étaient nés (Espr. des lois, li v. 23, ch. VI, t. 1, p. 352).

. Nous trouvons encore une maxime presque inutile:

« La recherche de la paternité est interdite )). Et pourquoi cela? ·Parce qu'il est impossible d'en

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faire la preuve et que l'on craint le scandale. Mais, tout· au contraire, le scandale est bien plus grand quand on pense qu'un père s'affranchit de l'obligation naturelle et morale de pourvoir à l'éducation et à l'entretien de son enfant. La loi pourrait fort bien permettre la recherche de la paternité, en indiquant les preuves sérieuses que doivent apporter ceux qui prétendent être l'enfant d'un tel ou tel. On peut ajou- ter qu'il n'y aurait à craindre aucun scandale; car justement alors le père, voyant qu'un tel procès prendra naissance, aura honte et tâchera lui-même d'éviter un procès scandaleux, en reconnaissant son enfant. En effet, c'est fort immoral et injuste que les enfants subissent les conséquences fâcheuses. de la faute de leurs parents. Le système actuel des légis- lations civilisées est contraire à la moral~ et à la jus- tice (Rœder, Mémoire, etc. ; Ahrens, t. Il, p. 197).

Peuples anciens et modernes.

Si nous eonsultons les quelques monuments histo- riques qui nous restent des civilisations primitives, nous sommes frappés du rapport que nous voyons dans la condition faite. aux enfants naturels chez les différents peuples.

Chez les Hindous, les lois de Mano.u instituaient huit formes de mariage, et les droits héréditaires des.

fils variaient suivant la caste d'où leur mère était sortie. En outre, les enfants illégitimes héritaient de

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la moitié de ce qu'ils auraient eu s'ils eussent été légi- times. Cependant, dans la caste des Parias, l'enfant naturel était mis sur le même pied que le légitime, et cela tient à 'ce que l'on considérait le mariage dans cette caste comme un fait purement brutal et sexuel.

En l'absence des descendants légitimes, jusqu'à la troi- sième génération y comprise, l'enfant naturel venait à la succession de son père, de préférence aux col- latéraux.

Cela tient au fait religieux des sacrifices aux Mânes paternels, sacrifices dont les plus sacrés sont ceux qui sont dûs au père, à l'aïeul et au bisaïeul (Ma- nou, IX, 163; Mânava-Dharma-Çastra, trad. franç.

Loiseleur-Deslongchamps, année 1833).

Les Egyptiens, étant polygames, ne faisaient aucune différence entre les enfants légitimes et les enfants naturels.

Il en était de même chez les Hébreux quant aux enfants, à l'exception de ceux qui naissaient des . femmes étrangères. Telle est du moins la prescription du Talmud, et nous ne voyons d'autre exception que celle que fit Abraham en faveur de son fils Isaac, qui hérita de tous les biens paternels au détriment de son

frè~e Ismaël (Genèse, XXI, 10, et XXV, 5-6).

. Chez les anciens Arabes et chez les anciens Perses, nous voyons encore les prescriptio~s du Zend-Avesta et du Coran n'établir aucune différence entre les en- fants quels qu'ils soient. Cependant, le Zend-Avesta qui, de toutes les lois asiatiques, avait le plus de

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tendance à rétàblir la monogamie, ne parle pas du droit de succession.

Chez les anciens Grecs, nous n'avons pas de don- nées bien· certaines sur les droits successoraux des enfants naturels, si ce n'est que la loi d'Athènes dé- fendait au père de famille de léguer à ses fils naturels au delà de cinq mines, et que les enfants nés d'un père athénien, hors d'un mariage légitime, n'avaient aucun droit de parenté avec la famille paternelle; pour- tant on pouvait faire des dons n1anuels (J,d, xe'p~ç)

aux enfants naturels ("o.9-ot), et on les appelait vo.9-ela.;

de même le vo.9-ûov pouvait être laissé par testament:

Harpocrat.ion et Suidas disent: vo.9-e7ov x,a.ra.Àifh7rdve'v (Bunsen, De jure lzered. apztd Athen., p. 60).

Dans la législation aetuellede la Grèce, nous trouvons les idées du droit romain, c'est-à-direque si le père n'é- pouse pas sa concubine, les enfants reçoivent un sixième de la fortune, si toutefois les enfants sont élevés dans la maison paternelle; de même, le père vient à la suc- cession de ses enfants naturels. Mais si le père a des.

enfants légitimes ou une épouse légitime, les enfants naturels (rd vo.9-ct) auront_ seulement droit à des ali- ments (rJ,a.rpo<lJ~). Les enfants naturels ont les mêmes droits que les enfants légitimes à la succession de leur mère; on· excepte seulement les enfants naturels des femmes illustres (ill us tris, 'eïGÀC!.fh7reordrnç ).

Le droit canonique accorda aux enfants adultérins et incestueux le droit de demander des aliments, tout en sévissant avec rigueur contre le concubinage. Il

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admit, cependant, que le mariage légitime tous les enfants nés des deux époux.

L'Italie, berceau du droit romain,. devait naturelle- ment subir son influence dans les temps modernes;

aussi ne voyons-nous que quelques dispositions parti- . cul!ères montrer quelque rigueur à l'égard des en- fants naturels. Les statuts de Gubbio n'accordaient qu'un douzième de la succession aux enfants naturels en concours avec des enfants légitimes. A Rome, l'en- fant naturel n'avait qu'un qüart de ce qu'il aurait eu s'il eût été légitime.

En Espagne, le eoncubinage était considéré comme une sorte de mariage, et la moitié des acquêts, meu- bles et immeubles, était accordée à ·la concubine veuve. A partir du XIIIe siècle, le concubinage ne fut plus permis qu'aux hommes non mariés, et les enfants résultant de ces unions avaient le droit de succéder a.b intesta.t, pourvu qu'ils n'appartinssent pas au clergé.

Philippe II défendit .aux père et mère de donner plus d'un cinquième aux enfants naturels, quand il existait des enfants légitimes.

En Portugal, les bâtards des nobles étaient inca- pables de succéder; plus tard, cependant, on adoucit cette sévérité à leur égard (Ordenaçoes e Leys do regno de Portugalo. · Lisboa, 1727, IV, 92).

Chez les Scandinaves, l'enfant naturel était celui qui était conçu clandestinement, ainsi que le témoi- gnent les racines des mots hornungr (enfant du bois), bœsingr (enfant de la caverne), hirnttngr (enfant de la

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forêt). Du reste, nous n'avons pas de données bien certaines sur les différentes conditions que ces enfants avaient dans ce P,ays. La Suède ne leur assurait que des aliments et l'éducation.

En Islande., l'épouse légitime commande à la con- cubine parce qu'elle a été achetée, tandis que la con- cubine ne l'a pas été. Les bâtards étaient exclus de la succession, et ne concouraient qu'à défaut de fils, de fille, de père, de mère, de frère et de sœur.

La Norwège avait à peu près les mêmes institutions que l'Islande, à la différence que les enfants naturels ne concouraient . à la succession du père qu'à défaut de descendants, jusqu'au petit-fils y compris.

Dans le Danemark, les enfants naturels étaient traités sur le pied d'égalité avec les. enfants légitimes avani l'introduction du Christianisme.

En· Russie, les bâtards étaient flétris par l'opinion publique et leur légitimation par mariage subséquent

,défendue. •

En Allemagne, la position des bâtards était celle des individus qui, sans être serfs, ne jouissaient pas de tous les droits des hommes libres. Cependant cette position s'améliora par l'introduction du droit romain.

Dans plus d'un droit coutumier de l'Allemagne, on put voir cette différence s'agrandir;t surtout dans la Franconie et dans les villes de Colmar, Cologne et Saarbruck ..

Dans les Pays-Bas, et sauf de rares exceptions, les bâtards pouvaient être nommés héritiers par testa-

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ment comme tout autre étranger, tàndis que les enfants incestueux et adultérins ne pouvàient rece- voir que ce qui était nécessaire pour leur entretien ..

En Angleterre, l'enfant naturel et adultérin ne pou- vait succéder à son père et était considéré comme faisant partie de la famille de la mère seulement, jus- qu'à ce que le père l'eût reconnu en lui donnant des aliments. Telle était la eoutume celtique. Le droit anglais, après avoir refusé tout droit de succession aux enfants naturels, tout en leur donnant des ali- ments, autorisa la recherche. de la paternité dans le but de leur faire aecorder une indemnité par le père reconnu.

En Ecosse, le droit ne différait pas de celui de l'Angleterre; cependant la légitimation par mariage subséquent y fut établie.

En Suisse, la recher-che de la paternité était admise avec quelques restrictions. ~e Code de Bernè refuse les droits de famille à l'enfant naturel et ne lui ac- corde qu'une pension alimentaire. A Fribourg, même système. Le Code argovien a atlopté une marche ana- logue, et nous pouvons voir que le résultat de l'ad- mission germanique dans ces trois cantons a amené l'exclusion des enfants naturels de toute succession, voire même de celle des parents de deux lignes. De nos jours, la recherche de la paternité est abolie en Suisse, où elle s'était longtemps conservée, surtout dans le canton de· Vaud .. Dans ce dernier pays, les enfants naturels étaient adjugés au père ou à la mère

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par la voie des tribunaux, sans que, cependant, l'en- . fant pût réclamer lès droits d'un enfant légitime.

LEGISLATION ROMAINE.

CHAPITRE PREMIER~

DU CONCUBINAT.

On ne connaît pas l'origine véritable du concubi- naius en droit romain. Peut-être faut-il aller en re..:

chercher la cause dans les inégalité~· des classes de la société romaine, dans_le défaut de connubimn qui résultait de ces différences de rang entre les patri- ciens et les plébéiens, les ingénus et les affranchis.

Il est, en effet, tout _au moins vraisemblable de sup- poser que pour deux personnes de rang différent, qui auraient, à cette époque, voulu contracter des justes noces et qui s'en trouvaieni empêchées par ces obs- tacles purement civils, il n'y avait de ·possible qu'une union de fait, licite d'ailleurs et honorable, le con- cubinat.

Postérieurement nous voyons le droit ciVil consa- crer lui-même la légalité de pareilles unions : ce fut

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l'objet de l'une des dispositions des leges htliœ, ren- dues sous August.e, qui ne nous est pas parvenue.

Les jurisconsultes qui nous parlent de cette institu- tion semblent attribuer à ces mêmes lois le nom même (le conc~tbinatus, pour la distinguer des union~ illi- cites, stupra. Voici, en effet, ce que nous lisons dans la L. 3, § 1, Dig., de concubinis, XXV, 7: Nam q~tia

concubinatus per leges nomen assumpsit, extra legis }Jœnam est.

A partir de cette époque, le concubinat rious appa- raît non-seulement comme une tolérance de la loi, mais encore comme une union honorable et respec- tée. Notis voyons le nom de concubine figurer sur les tombeaux et pénétrer jusque dans le palais impé- rial, notamment sous Vespasien et Marc-Aurèle., Ce qui contribua à maintenir le concubinat, ee fut l'iné- galité sociale qui régnait toujours dans la société ro- maine. T?utes les fois qpe deux personnes, éprises l'une pour l'autre d'une vive affection, se trouvaient dans l'impossibilité de se marier, soit à cause d'un obstacle légal, soit à cause des préjugés de caste, elles durent plus que jamais se réfugier dans le concubi- nat. Mais parmi ces unions, il n'en fut point de plus fréquentes ni de plus honorées, que le concubinat entre patron et affranchie.

En principe, le concubinat exige les mêmes condi- tions que les justœ n1tptiœ elles-mêmes : 1° Le con- sentement des deux contractants; 2° la puberté (L.1,

§ 4, de concubinis, XXV, 7). Comme le mariage, le

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concubinat est une union exclusive, et il est interdit d'avoir en même temps unè concubine et une uxor, ou plusieurs concubines (L. 2, C., III, 15) .

. Quant aux autres conditions relatives à la validité du mariage, en ce· qui concerne le consentement des parents et le connubium, les textes nous disent fort peu de chose. Il nous semble cependant très probable que ces conditions devaient être ici moins rigoureu- sement observées que dans le m~riage. En effet, celui qui, étant in potestate, contractait un concubinat, à la différence de celui qui contractait mariage, nous sem- ble avoir pu se passer du consentement de ses ascen- dants; il n'y avait pas les mêmes raisons ici pour l'exiger, comme en cas de justœ nuptiœ, où les enfants issus de cette union légitime deviennent de plein droit heredes sui du paterfamilias: au contraire, les enfants issus du concubinat n'ont aucun lien de parenté avec les ascendants de leurs père et mère, ainsi que nous le verrons!;plus loin.

A plus forte raison ne devait-on pas exiger pour le concubinat Ja conditÏO:f.l du connubium, puisque cette institution devait précisément son existence à l'absence de connubium entre certaines classes de personnes qui, ne pouvant dès lors se marier, durent recourir au concubinat. Mais ce n'est pas à dire pour cela que tous les obstacles aient été levés et qu'aucune des eauses d'incapacité de mariage n'ait dù être appliquée en matière de concubinat. Nous ferons à cet égard une distinction entre les empêchements qui reposent

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sur une idée de moralité publique, et ceux qui,· au contraire, ne tiennent qu'à un intérêt spécial politique ou privé. Les premiers, qui ont leur. source dans le

droit naturel, devront être appliqués au concubinat comme au mariage; les seconds, au contraii,e, seront sans application au concubinat.

Le concubinat se formait, comme le mariage lui- même, par simple consentement, si l'on admet du moins cette opinion relativement au mariage. Une seule chose les séparait, c'est l'affectio rnaritalis, qui n'existait que dans le mariage. Cette différence était des plus délicates et très difficile à apercevoir, et même à ca- ractériser. Mais si les deux unions se confondaient, en droit, au point de vue de leur formation, il n'en était point ainsi en fait. Le mariage, union licite et en honneur, était toujours accompagné de solennités extérieures, telles que la deductio de la femm.e in do- rnurn rnariti, qui révélaient à tous la formation de l'union conjugale; le concubinat était beaucoup plus modeste et les manifestations extérieures n'étaient point de mise en pareille circonstance.

La concubine diffère de l'épouse, précisément à cause de l'absence de l' alfectio marita lis : Concttbi- narn ex sola anirni destinatione œstimari oportet (L. 4 D., XXV, 7). Dans la société romaine, elle était moins considérée que l'uxor. Mais il ne faudrait pas croire que

la

cause de cette absence de considération pour les concubines eût sa raison d'être dans l'immo- ralité même des femmes qui avaient accepté une pa-

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reille union. Il est vrai, sans doute, que généralement les concubines étaient prises dans les dernier~ rangs de la société, parmi les affranchies, ou parmi les fem- mes de mauvaise vie; mais il n'en était pas toujours ainsi, car il semble, d'après un texte de Modestin (L. 3, pr., D., XXV, 7), que cette union fût seule permise aux jeunes filles pauvres, alors même que leur mora- lité n'eût reçu aucune atteinte: In concubinatu potest esse ingenua, maxime quœ obscuro loco nata est. Ce qtü · ·paraît certain, c'est que le concubinat entraî- nait pour la femme une sorte de flétrissure. C'est ainsi qu'une femme d'un rang honorable ne pouvait vivre en concubinage sans perdre de sa considération (L. 41, § 1, Dig., XXIII, 2).

Lorsqu'un homme veut vivre en concubinage avec une fem·me honnête' il doit déclarer par avance et publiquement son intention. S'il ne le fait point, le mariage est présumé et le concubin est déclaré pas- sible des peines du stuprum, s'il dénie à la femme la qualité· d'uxor.

Le concubinat ne produisait, en général, aucun des effets du mariage, ni quant aux personnes des concu- bins ni quant à leurs biens. Relativement aux enfants issus· de ·cette union, leur situation était bien différente de celle des enfants nés dans le mariage, ainsi que nous ·le verrons par la suite.

Le concubinat ne disparut pas avec le Christia- nisme; nous verrons seulement les empereurs chrétiens frapper indirectement cette institution, en réglemen-

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tant d'une façon sévère les droits des enfants issus du concubinat. Il se maintint même après Justinien e~ ne fut aboli que par les empereurs Basile et. L.éon le Phi-

losophe (Const. 91 ).

CHAPITRE II.

DES ENFANTS NÉS HORS MARIAGE ET DE LEUR CONDITION VIS-A-VIS DE LEURS PÈRE ET MËRE.

La classe la plus importante des enfants nés hors du mariage, se composait des liberali naturales, issus du concubinat.

Mais d'autres naissaient en dehors du mariage et du concubinat, soit de relations passagères (stuprum), comme les spurii ou vulgo concepti, soit de l'adultère et de l'inceste. Ces diverses catégories d'enfants nés hors mariage ne doivent pas être confondues entre elles : car leur ·situation est diftërente, ainsi que nous le verrons dans la suite. Rappelons dès à présent que les liheri naturales seuls pouvaient être légitimés, et acquérir par ce moyen tous les droits des enfants légitimes. Cette voie n'était pas ouverte aux spurii ou aux enfants adultérins ou incestueux.

Tous les enfants nés hors mariage étaient sui juris, puisqu'il n'existait pas à leur égard de puissance pater- nelle, dont les sources exclusives sont: les justes noces, l'adopti.on et la légitimation. Nous avons à nous de-

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~ander maintenant quels étaient leurs droits dans la famille, c' ~sf.-à ... dire vis-à-vis de leurs père et mère:

nous étudierons à part dans un chapitre spécial leurs . · droits de succession.

Le premier point que nous avons à résoudre est le suivant: Les enfants nés hors mariage font-ils partie sinon de la famille civile, . tout au moins de la famille naturelle? Sont-ils sinon agnats, du moins cognats?

La cognation s'apprécie, d'après Gaius, ratione san- guinis et. Modestin nous en donne l'étymologie sui- vante: Cognati ab eo dici putantur quod q1tasi una communiterve nati, vel ab eodem nati, progenitive sint (L. 4, § 1, Dig., XXXVIII, 1 0). De cette défini- tion il résulte que les cognats sont ceux qui se rat- tachent à un auteur commun par les liens du sang.

Dès lors les enfants nés hors mariage, comme les enr fants légitimes, durent avoir cette qualité.

Ce point est certain vis-à-vis de la mère : à son égard tous ses enfants, quelle que soit leur origine, sont également des cognats : Vulgo quœsiti cognati sunt sibi sicut et matris cognatis (Jnst., § 4, III, 5).

Quand on examine la question vis-à-vis du père, il faut écarter tout d'abord les spurii ou vulgo concepti, dont la paternité est incertaine et ne paraît pas avoir pu être recherchée à Rome, pas plus que dans le droit moderne.

En ce qui concerne les liberi naturales, issus ex concubinatu, nous sommes porté à croire qu'ils

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étaient regardés comme cognats de leur père. C'est ce qui découle nécessairement de la définition que nous avons empruntée à Modestin.

Une autre question non moins intéressante est de savoir si l'obligation alimentaire, qui existait entre le père et sdn fils légitime s'appliquait aux enfants naturels.

Il semblerait tout d'abord logique d'attribuer l'ori- gine de la dette alimentaire plutôt à la cognation qu'à l'agnation et ·de décider, en conséquence, que ce droit existe aussi bien pour les enfants naturels que' pour les enfants légitimes. Mais telle ne paraît pas avoir été l'idée romaine. Des textes formels nous disent que pour 'demander des aliments, il faut que l'enfant prouve qu'il est né ex j_ustis nuptiis (L. 5, § 1 et § 6, Dig., de agnoscend. et alend. lib.).

Dans le droit de Justinien, l'enfant naturel a le droit de demander des aliments non-seulement à son père, mais encore à ses frères et sœurs naturèls (Cod., de natural.lib., V, 27; Nov.18, ch. 5).

CHAPITRE III.

DE LA LÉGITIMATION.

Avant d'aborder la question des successions, nous dirons quelques mots sur les moyens de devenir liberi legitimi. Nous commencerons par la légitimation.

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La légitimation peut être définie: un.moyen d'acquérir, postérieurement à leur naissance, la puissance pater- nelle sur des enfants que nous avons procréés. Avant le Bas-Empire, il n'y a pas d'institution régulière qui permette d'arriver directement à ce résultat.

Cependant, à l'époque classique, on 'peut trouver des traces de la légitimation. En vertu de la causœ probatio, le Latin Junien, père d'un enfant d'un an (anniculus), obtient la cüé pour lui et son fils, ainsi que la patria potes tas (Gai us, 1, § 1, § 29 et § 31) sur celui-ci.

Le même résultat est produit par l'erroris cattsœ probatio. Ceci est relatif au cas où un mariage a été contracté entre deux personnes et qu'à leur insu il n'y avait pas connubiurn (par exemple, un citoyen épouse une Latine, un pérégrin épouse une Latine); dès qu'il est né un enfant de cette union, la preuve de l'erreur est admise et la justification, une fois faite, a pout effet de les rendre citoyens et de faire acquérir au mari la puissance paternelle sur 1 'enfant qu'il a pro- créé (Gaius, I, § 69 et s.). Enfin, lorsqu'un pérégrin acquiert la cité cum filiis suis, ou cum uxore prœg- nante, il n'obtient pas pour cela la puissance pater- nelle sur l'enfant déjà né, soit même sur celui qui est seulement conçu; mais c'est là une faveur que l'Em- pereur peut lui accorder (Gai us, 1, § 93 et s.).

Tels sont les modes en usage à l'époque classique, modes qui, dans le sens large du 1not, constituent une véritable légitimation, puisqu'ils ont pour résultat de

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rendre légitimes des enfants qui ne sont pas nés avec cette qualité. Les enfants à Rome étaient ou legitimi, c'est-à-dire issus des justes noces, ou naturales, nés · du concubinat et d'un ·père connu, ou enfin vulgo concepti, ce qui veut dire sans père connu. La, légiti- mation a pour but rle faire acquérir le titre d'enfants légitimes à ceux des deux dernières catégories.

Sous le Bas-Empire, il y eut des modes directs et réguliers de légitimation :

1 o Par oblation à la curie. Ce moyen a été établi en 442 de l'ère chrétienne par Théodose et Valenti- nien. Les curies ou petits sénats des ci~és organisées sur le modèle du Sénat à Rome, après avoir joui d'une grande importance, étaient devenues sous le Bas-Em- pire des instruments de fiscalité entre les mains des Empereurs. C'est ainsi qu'on imposait aux curiales ou decuriones de chaque ville l'obligation de lever l'im- pôt public et de répondre du recouvrement. Comme ils étaient les plus riches de la cité, on mettait à leur charge les impôts extraordinaires (aurum coronarùun). Il leur était défendu de se soustraire à la charge de decurio et de vendre leurs biens. On comprend qu'ave.c une telle sujétion, la dignité de curialis fût peu re- cherchée. La légitimation dont il est ici question fut établie dans le but de faciliter le recrutement de la curie. L'enfant devait, à cet effet, apporter une somme évaluée à vingt-cinq juger a de terrain. Sic' était une fille, elle parvenait au même résultat en se mariant à un clwialis et en apportant en dot une somme équivalente.

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Les effets de la légitimation ne s'étendent pas au · delà du père : l'enfant devient son fiis légitime;

·la situation de la mère reste la même; vis-à-vis des parents de son père, l'enfantn'aequiert pas de nouveaux droits (L. 9 pr., C., de nat. lib.).

2o Par ·mariage subséquent. Ce mode avait été établi d'une manière transitoire par les Empereurs Constantin et Zénon; il est devenu définitif sous Jus- tinien .. Sous ce prince, il est permis de l'employer, même quand on a d~s enfants légitimes, ce qui n'existait pas auparavant (Const. d'Anast.; L. 6, C., eod. tit. ). · .

Dans le droit nouveau, il est indispensable, pour constater d'une façon non équivoque la volonté des parents, de dresser des instntmenta dotalia.

Enfin, comme les· enfants avant la légitimation sont sui juris, il faudra demander leur consentement, pour empêcher qu'ils ne deviennent alieni juris mal- gré eux, ce qui eût été contraire à une règle fonda- rnentale (L. 11, Dig. ·, I, 6).

Par testament et par rescrit du prince. Dans les Novelles nous trouvons ces deux nouveaux modes de légitimation. Ils s'appliqueront dans l'hypothèse où le père d'un enfant naturel, qui veut le légitimer, ne pourra pour un juste motif employer l'un des modes que nous venons d'indiquer. Il devra s'adresser au prince, qui accordera la légitimation par rescrit. Si le père de l'enfant naturel vient à mourir sans avoir ob- tenu le rescrit, le prince pourra encore, par sa vo-

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- 25 -

lonté, confirmer le testament dans lequel l'intention de légitimer l'enfant a été formellement exprimée (Nov. 74, ch. 2, § 11).

Notons, pour terminer sur ce point, qu'à l'époque de Justinien il n~e.st plus permis, comme auparavant, d'arriver indirectement à la légitimation des enfants naturels par la voie de l'adrogation. Justinien défendit i-lu père d'adroger ses enfants naturels (Nov. 74·, ch. 3).

CHAPITRE IV.

DROITS SUCCESSORAUX DE L'ENFANT NÉ HORS MARIAGE.

La loi successorale des Romains était, à l'origine, fondée exclusivement sur la parenté civile : l'enfant naturel n~étant pas sous la puissance de son père, n'a- vait aucun droit à son hérédité. Te1le était la règle du droit civil; mais peu à peu le préteur et plus tard les constitutions impériales vinrent modifier et améliorer, à ce point de vue, la situation de l'enfant naturel vis- à-vis de sa mère et même vis-à-vis de son père.

Succession maternelle. Vis-à-vis de sa mère, l'enfant naturel était traité comme les enfants légi- times. Ceux-ci n'étant pas unis à leur mère par les liens de la patria potestas, n'avaient aucun droit à sa succession, à moins que leur mère ne fût tombée in manu mariti; auquel cas elle se trouvait vis-à-vis de ses enfants loco sororis, ce qui leur donnait le droit

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- ~6 -

de venir à sa succession. A cette différence près, la condition des enfants naturels était la même, à cet égard, que celle des enfants légitimes. Le droit pré- torien vint modifier cet état de choses, en créant la bo'fl:orum possessio unde cognati. C'est à ce titre que furent appelés tous les enfants, sans distinction, non-seulement les naturales, mais encore les spurii, sur la même ligne que Jes enfants légitimes (Inst.

Just., pr., Ill, 3; Corn. Gaïus, III, 32).

Sous Marc-Aurèle, le sénatus-consulte Orphitien vint augmenter encore les droits des enfants naturels, et faire disparaître les inconvénients du système pré- torien, qui ne les appelait que dans un rang très éloigné. Le SC. Orphitien attribue aux enfants naturels la qualité d'héritiet·s, et les appelle à succéder en première ligne; à défaut des agnats. Ils étaient donc, dans la famille maternelle, ce que les enfants légi- times étaient vis-à-vis de leur père, non pas heredes sui, car cette qualification serait impropre, mais loco heredum suorurn.-

Cet avantage que le SC. procura aux enfants na tu-- reis, fut probablement la conséquence pure et simple du droit de succession accordé aux. enfants légitimes.

Ceux-ci une fois appelés à la succession de leur rnère, il n'y avait pas de raison pour exclure les enfants

· naturels, dont la situation était la même ·vis-à-vis de leur mère.

Plus tard, un SC. Tertullien, par un système de réciprocité, vint accorder à la mère le droit de succé-

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- 27 -

der à. sa fille; dans ce cas, la mère devait-eUe passer avant les e,nfants naturels ou légitimes de sa fille?

On décida que les enfants primeraient la mère (L. 1, 4,

.c.,

ad. SC. Orphit., VI, 56).

Le . SC. Orphitien avait un inconvénient : il ne s'occupait que des enfants et laissait de côté les des- cendants plus éloignés. Il est ~rai que ceux-ci avaient la ressource d'envoyer, auprès du préteur, la bono- rurn possessio un de cognati; mais nous avons déjà signalé les inconvénients du rem~de prétorien. Les petits-fils ou petit es-filles furent appelés à la succes- sion de la gr-and'mère par une constitution de Va- lentinien, Théodose et Arcadius; mais un quart de leur portion fut réservée par la constitution aux agnats (L. 9, C., de suis, VI, 55). Justinien abolit cette restriction et accorda aux descendants la part que leur mère eût elle-même obtenue si elle était venue à la succession (L. 12, C., eod. ).

II. Succession paternelle. Les sources sont muettes sur les droits de l'enfant naturel à la succession de son père. D'après le droit civil, il est évident qu'il n'était point héritier. Mais en était-il de même vis-à- vis du droit prétorien, lorsque fut créée la bonorurn possessio unde cognati? Nous avons, par avance, ré- pondu à la question en décidant que l'enfant naturel issu du concubinat était le cognat du pater certus.

Telle est l'opinion enseignée par d'éminents auteurs (Accarias, Précis, t. II, p. 108; Ortolan, t. III, p. 6'1 ).

Nous ne reviendrons pa·s à ce sujet sur la question

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28

de la cognation, dont nous avons essayé d'établir le véritable caraotère. Nous nous bornerons à réfuter les arguments de l'opinion contraire.

Pour combattre notre solution, on a cité le passage de Justinien aux Institutes, où il est dit que cet em- pereur aurait innové en ce qui concerne les droits successoraux des enfants naturels. Mais dire ·que Justinien a innové sur ce point, ce n'est pas dire qu'il ait pour la première fois créé le droit de succession des enfants naturels. Cet empereur a mo- difié la situation des enfan.ts naturels en déterminant d'une façon plus équitable la qualité de leurs droits;

voilà en quoi consiste son innovation.

Nous admettons donc que les enfants naturels ve- naient à la succession prétorienne au troisième :cang, au rang des cognats; il est, en effet, hors de doute qu'ils ne pouvaient invoquer la bonorum possessio t!Jnde li be ri, accordée seulement aux heredes sui ou à ceux qui avaient cessé de l'être par suite d'une capitis demi- nutio. Jamais les enfants naturels n'ont eu la qualité d' heredes: ils ne pouvaient donc venir dans cet ordre.

Depuis Constantin, les enfants issus du concubinat ne peuvent légalement recevoir aucune libéralité de leur père, même par testament.

Il est, dès lors, logique d'admettre que les enfants naturels étaient à cette époque exclus de la succes- sion ab intestat de leur père, sans quoi la prohibition·

n'aurait" pas eu de sanction. Toutefois, comme nous n'avons pas de texte précis qui prononce cette exclu-

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-- 29 -

sion, le doute est permis, d'autant plus qu'il n'y a pas de contradiction absolue entre l'incapacité de rece- voir par testament, et le droit de recueillir une suc- cession ab intestat.

Quoi qu'il en soit à cet égard, il faut arriver jus- qu'à Justinien pour trouver les enfants naturels admis à la succession de leur père,· à titre d'enfants, c'est-

à-dire en première ligne. '

La législation de Justinien en cette matière manque de clarté; nous allons essayer de la ,résumer Je plus clairement que nous pourrons.

Les enfants nés ex concubinatu n'ont" droit qu'à des aliments dans la succession de leur père, quand celui-ci laisse à sa mort une épouse légitime ou des enfants issus du mariage. Lorsqu'ils sont en concur- rence avec ies agnats, ils prennent le sixième de la suceession.

Dans cette hypothèse, la mère, si elle vit encore, est appelée à partager avec les enfants naturels la portion qui leur est attribuée. El1e obtient une part virile, et si elle est seule, elle ne peut avoir plus d'un douzième de la succession. Ajoutons que ces disposi- tions ne s'appliquent qu'autant que le de cu(jus n'a laissé qu'une seule concubine (Nov. 89, ch. 12).

Justinien a établi un droit de succession analogûe pour le père naturel. Il obtient des aliments ou un sixième de la succession, lorsque l'enfant naturel est mort laissant, soit une épouse, soit des enfants légi- times, soit des agnats (Nov. 89, ch. 13).

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Nous venons de voir les droits accordés aux en- fants naturels. Ces droits ne furent point étendus par Justinien à leurs descendants: Jure ab intestato in avi successionem nemini eorum penit us aperimus (L. 12, C., V, 27).

Les enfants naturels ont-ils droit à une légitime?

Nous allons examiner successivement la situation de l'enfant naturel, à cet égard, vis-à-vis de la succes- sion maternelle et vis-à-vis de la succession paternelle.

Relativement à leur mère, les enfants naturels, dès qu'ils furent compris au nombre des cognati par l'édit du préteur, durent avoir, en cas d'omission ou d'exhérédation, la querela inofficiosi testamenti (L. 29,

§ 1', C., de inof. test., V, 2).

Cette actiop, en effet, est attribuée par les textes aux descendants appelés à la suecession de leurs ascendants ; peu importe, dès lors, qu'ils y soient appelés à titre de successeurs prétoriens ou d'héritiers du droit civil.

Les enfants naturels, dès que le préteur leur eut accordé la bonorum possessio unde cognati, eurent donc le droit d'intenter la querela. Seulement, à la différence des enfants légitimes, qui pouvaient exercer ce droit en première ligne, les enfants naturels ne le· pouvaient qu'autant qu'ils auraient été héritiers à défaut du testament de leur auteur. Si, donc, il y avait concours d'enfants légitimes ou d'agnats avec les enfants natu~els, ceux-ci ne pouvaient intenter la querela, parce que dans cette hypothèse le testament

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,_. 31

ne leur faisait aut::un tort, puisque ces enfants (cognati) se trouvaient primés par des héritiers appelés, avant eux, à recueillir la succession ab intestat.

Il est à remarquer, cependant, que le SC. Orphitien vint, à ce point de vue, modifier la situation· des en- fants naturels, qui, dès ce moment, furent appelés toujours en première ligne, comme les enfants· légi- times eux-mêmes.

D'après ce qui précède, on voit que les enfants naturels avaient un"e réserve dans la succession mater- nelle. Relativement à la succession paternelle, la ques- tion est très difficile à résoudre. Les auteurs sont divisés sm· ce point et nous n'oserions, en J'absence de textes, formuler une opinion qui ne reposerait sur aucun témoignage certain.

CHAPITRE V.

DE LA CAPACITÉ DES ENFANTS NATURELS DE RECEVOIR A TITRE GRATUIT.

Nous ne trouvons pas à Rome de dispositions qui.

frappent, comme dans notre législation moderne, l'en- fant naturel de l'incapacité de recevoir des libéralités de ses père et mère. Tout citoyen était libre de dis-·

poser de son patrimoine, au profit de toutes per- sonnes, excepté de celles qui n'avaient point la factio testctrnenti passive. L'enfant naturel, n'étant pas com- pris au nombre de ces incapables, pouvait donc rece-

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32

voir tout ou partie du patrimoine de ses père et mère, par testament ou par donation.

A partir de Constantin il en fut autrement. Cet emperevr, pour sanctionner la prohibition de mariage, établie par lui, entre les personnes de rang illustre et une catégorie de femmes, décida que les libéralités faites par un homme de cette classe, qui aurait en- freint cette prohibition, à sa femme ou aux enfants nés de cette union illégale, seraient regardées comme non avenues (L. 1, C., de nat. lib., V, 27; Ch. Bro- cher, La légitime et les réserves, p. 115).

Mais en dehors de cette incapacité spéciale, refa- tive à une certaine classe d'enfants naturels, y eut-il une incapacité générale frappant tous .les enfants naturels? La question est difficile à résoudre. Il semble bien, cependant, qu'une telle disposition- ait existé du temps dès empereurs V:alens, Valentinien et Gratien, car Justinien nous dit que ces empereurs vinrent adoucir, à cet égard, le sort des enfants natu- rels (Nov. 89, c. 1'2, pr.; Ch. Brocher, ibid., p.115).

Sous ces empereurs, voici quelle fut exactement la situation de ces enfants. Le de cufus, s'il n'a ni enfants légitimes, ni père, ni mère, peut laisser à ses enfants naturels, ou à leur mère, les trois douzièmes de sa succession. S'il a des enfants }égitimes, il ne peut laisser à ses enfants naturels qu'un d~uzième,

qu'ils devront .partager avec leur mère. Que décider dans le cas où il n'y a pas d'héritiers ab intestat?

Il faut admettre, croyons-nous, que les enfants natu-

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33 -

reis pouvaient alors recevoir toute la successiOn (Nov. 89; Ch. Brocher, ibid., p. 1'16).

Ces dispositions furent modifiées sur plusieurs points par Justinien. Cet empereur, tout en n'lain- tenant l'incapacité de l'enfant naturel dans le cas in- diqué plus haut, lui permet de recevoir la 1noitié de la succession dans le cas où son père ne laisse- rait ·ni enfants légitimes, ni ascendants du premier degré (L. 3, C., de _nat. lib., V, 27). Plus tard, il leur donna le droit de recevoir, dans la même hypothèse, la totalité de la fortune paternel1e, et dans le cas où il y avait seulement des ascendants réservataires, toute la portion disponible (L. 3, C., de nat., lib., V, 27, et Nov.

89,

c. 12, § 3).

ENfin, aucune incapacité de recevoir n'est venue frapper les enfants naturels vis-à-vis des parents, as- cendants (L. 12, C., de nat. lib., V, 27) ou autres, du

père naturel, ni vis-à-vis de la mère/ naturelle.

CHAPITRE VI.

DES DROITS DES ENFANTS NÉS HORS MARIAGE AUTRES QUE LES NATURALES.

En dehors des enfants naturels nés du concubinat, il y en avait d'autres nés, soit de relations passagères (stup1·urn), vulgo quœsiti ou concepti, spurii, soit de l'adultère ou de l'inceste.

3

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Les sp-urii ou mtlgo concepti se trouvent, vis-à-vis de leur mère, dans une situation identique à celle des enfants naturels, et l'on devrait leur appliquer tout ce que nous avons dit de ces derniers, relativement à leur qualité de cognati ou d'héritiers d'après le SC. Orphitien, et à la querel·a inofficiosi testamenti.

Vis-à-vis du père, comme il n'était point connu, au- cun li~n successoral ou autre ne pouvait se former entre lui et le mtlgt;J quœsitus.

Quant aux enfants nés de relations adultères ou incestueuses, ils furent frappés, à l'époque du Bas- Empire, d'une incapacité absolue de succéder ab in- testat ou de recevoir, par testament ou donation, une fraction quelconque de la fortune paternelle ou mater- nelle, fût-ce à titre d'aliments. Telle fut la disposition · généra te par laquelle Justinien frappa cruellement les enfants incestueux ou adultérins, pour des crimes dont ils étaient innocents (Nov. 74, c. 6; Nov. 89, c. 15;

Ch. Brocher, La légitime et les réserves, p. 116).

LÉGISLATION GERMANIQUE.

CHA PITRE VII.

Les anciens Germains n'avaient qu'une seule femme légitime et la polygamie n'existait que pour les chefs ou nobles : Nam prope soli bar:ba,rorurn, dit Tacite

(36)

- 35.

(Germania; XVIIIJ,. singulis ~txoribus contenti sunt, exceptis admodum paucis, qui non libidine sed ob nobilitatem plurimis nuptiis anz.bùtntur. Le· principe germanique était que l'enfant naturel n'a point de famille, il est considéré comme un étranger.

Dans la dissertation 14e (p. 698)· de la Loi Salique de M. Pardessus, nous trouvons que la loi des Bava- rois exclut de la succession paternelle les enfants qu'un homme a eus d'une femme de condition infé- rieure, et elle les recommande à la pitié de leurs frères : Ut fratres hœreditatem patris œqualiter di- vidant, ut quamvis mullas mulieres hfJbuisset et totœ liberœ fuissent de genealogia s1ta, quamvis non œqua-

l~ter divites, unusquisque hœreditatem matris suœ possideat, res autem paternas œqualiter dividant. -·

Si vero de ancilla habuerit filios, non accipiant por- tionem inter fratre.s, nisi tantu.m quantum eis per misericordiam da re voluerint fral'res eor1tm; q~tia

in lege veteri scriptum est: cc Non enim erit hœres jilius ancillœ cum filio liberœ. )) Tamen debent mi- sericordiam consider·are, quia caro eorum est· (Lex

Bajuvariorum, tit. XIV, cap. VIII).

Chez les Visigoths, les enfants nés d'une femme ingénue et d'un serf ou d'un affranchi étaient serfs et n'avaient aucun droit de succéder: Ex tali eni'm consortio filios procreatos constitui non oportet hœre~

des (Lex Visigothorum, I, 3, tit. Il, § 3).

La loi des Francs Saliens déclarait infâmes toutes les unions criminelles, les enfants qui en naissaient

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. n'étaient pas héritiers de leurs parents et devaient être infamia notati (Lex. Sal., tit. XIV, § 7).

La Loi Ripuaire contenait des dispositions ana- logues (Loi Ripuaire, tit. LVIII, § 12).

Les lois des Lombards étaient, au commencement, très sévères pour les enfants naturels, et la femme ingénue était soumise aux mêmes dispositions rigou- reuses que dans le droit des Bourguignons (Leg.

Lombard., II, 9, §§ 1-3). L'enfant né d'un père libre et d'une femme serve ou affranchie, appartenant à au- trui, ne peut être héritier de son père que si le père Ta r~cheté (L~x Lamb., II, 14, § 4).

Les lois ·écrites des Lombards, par l'édit du roi Rothaire, en 643 après Jésus-Christ, s'occupent des enfants illégitimes (Lois Lomb., II, 12, §§ 3-4). Ces enfants· peuvent venir en concours avec des enfants légitimes, mais en prenant une. part de moitié in- férieure, et qui ne peut être augmentée qu'avec le consentement des fils légitimes arrivés à leur majorité,

c'est-à~dire à l'âge de douze ans accomplis (plus tard, le roi Luitprand fixa la majorité à l'âg~ de 18 ans révolus), et réciproquement les parents du bâtard peuvent lui succéder. Malheureusement ce principe humanitaire ne dura pas longtemps, car le roi Luit- prand défendit de rien donner aux bâtards et les ré- duisit à ce que leurs frères légitimes voudraient bien leur céder: Nam pater, non possit illas illicitos, neque per thinx neque per qualecumque colludium hœredes

inslit~tere. Hoc aut~mideo constituimusut omnis homo,

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37 -

· qui vult, accipiat legitimam uxorem; nam non illicitas contrahat nuptias (Lois Lombardes, Il, 8, § 6).

Nous voyons donc qu'à l'exception de la loi de RothaireJ les lois germaniques étaient très sévères pour les enfants naturels; avec le temps néanmoins, les formules et les capitulaires, se pénétrant des doc- trines chrétiennes et du droit romain, leur devinrent un peu plus favorables. ·

LEGISLATION FRANÇAISE

CHAPITRE VIII.

RECONNAISSANCE ET LÉGITIMATION DES ENFANTS NATURELS SOUS LE CODE NAPOLÉON.

Notions générales.

On appelle enfants naturels ou illégitimes tous les enfants nés hors du mariage. A Rome, on appelait enfants naturels les enfants nés du concubinat.

Les enfants naturels se divisent en enfants na- turels simples, enfants adultérins et enfants inces- tueux. Les enfants naturels simples sont ceux dont les auteurs étaient, au moment de la conception, libres de tout lien conjugal, et entre lesquels il n'existait aucun lien de parenté ni d'alliance sus-

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ceptible de faire obstacle à leur mariage. Les enfants adultérins sont ceux dont l'un des auteurs, ou les auteurs, étaient engagés dans les liens d'un autre mariage; les enfants incestueux sont ceux nés de per- sonnes entre lesquelles le mariage est prohibé pour cause de parenté ou d'alliance.

De ces trois classes d'enfants, la première est traitée avec une faveur relative par la loi; mais les deux autres proviennent d'unions trop scandaleuses, pour que la loi les ait regardées d'un œil favorable.

La condition des enfants naturels est encore un problème à résoudre. L'ancien droit, qui autorisait la recherche de la paternité, était très sévère à l'égard des bâtards: il les excluait·. de la succession de leurs père et mère, et ne leur accordait que le seul droit aux aliments; de plus, s'ils mouraient s.ans héritiers, leurs biens faisaient retour au seigneur par droit de bâtardise. Le droit in.termédiaire tomba dans l'excès contraire, en assimilant complètement les enfants naturels aux enfants légitimes. C'est le système de la lçü du 1 ~ brumaire, an II, art. XII, système inspiré par l'esprit de réforme et d'égalité de l'Assemblée constituante.

Entre ces deux extrêmes, le Code essaya de choisir un juste milieu:- il ne voulut pas aller aussi loin que le législateur intermédiaire qui, par son système d'assimilation complète, diminuait sensiblement le respect dû au mariage, et d'un autre côté, il tempéra la rigueur de l'ancien droit,en accordant aux enfants

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naturels sünples les bénéfices de la reconnaissance et de la légitimation.

Toutefois son système n'est pas le dernier, car la question des enfants naturels est loin d'être défini- tivement tranchée.

SECTION I.

De la reconnaissance.

Souseette rubrique, le Code semble· n'entendre que la reconnaissance volontaire, ou l'acte pàr lequel là filiation de l'enfant naturel est constatée par son père ou sa mère. Mais notre chapitre comprend aussi la reconnaissance judiciaire, c'est-à-dire la constatation de la filiation de l'enfant naturel par un jugement.

Cette reconnaissance judiciaire ou forcée s'appelle, dans notre matière, recherche de la paternité ou de la ma- ternité, et correspond à la réclamation d'état de la filiation légitime.

§ ~. Des preuves de la filiation naturelle.

· Les moyens de preuve de la filiation naturelle sont resserrés dàns des limites très étroites. Dans l'ancien deoit, au contraire, la filiation naturelle, ayant très peu de éonséquences juridiques, était plus facile à prouver. Sous l'empire de la loi du 12 brumaire, an II, la filiation naturelle pouvait être prouvée par la possession d'état, et c'est une question très contro- versée que de savoir si cette preuve est admise dans le droit actuel.

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Les modes de preuve de la filiation naturelle sont:

a) l'acte de reconnaissance, et b) la preuve par té- moins. Ils correspondent, l'un à la reconnaissance volontaire, et l'autre à la reconnaissance forcée.

a) Fremie?' mode de p?·euve. Acte de reconnaissance.

La filiation naturelle ne se prouve pas, comme la filiation légitime, par l'acte de naissance; c'est ce qui résulte de l'art. -334: << La reconnaissance d'un enfant naturel sera faite par un acte authentique, lorsqu'elle ne l'aura pas été dans son acte de naissance. )) La ' reconnaissance, pour avoir une valeur, doit être faite d'une manière expresse dans l'acte de naissance; c'est, , en effet, l'acte le plus propre à contenir une recon-

naissance; et un acte de naissance, lors même qu'il mentionnerait les non1s des père et mère ou de l'un d'eux, ne prouverait qu'une seule chose, la naissance de ]~enfant; il faut, pour que la preuve de la filiation naturelle puisse en résulter, qu'il contienne une décla- ration de reconnaissance, émanée soit des· père et mère, soit de toute personne munie d'une procura- tion spéciale et authentique, ou, en tout cas, qu'il soit fait mention de la reconnaissance en 1narge de l'acte.

Pourquoi cette différence entre la filiation légitime et Ja filiation naturelle? C'est que la première étant un fait honorable, il n'y a pas lieu de suspecter la déclaration faite à l'officier de l'état civil; la seconde étant, au contraire, honteuse, il y a lieu de se défier

de cette déclaration.

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- 41

b) Formes de la ?'econnaissance.

Si la reconnaissance n'est pas contenue dans l'acte de naissance, elle pourra être faite par acte authen- tique, reçu par un officier public corppétent et sui- vant les formes prescrites par la loi. Une reconnais- sance par acte sous seing 'privé serait sans valeur.

On comprend la solennité et la gravité attachées à l'acte authentique; il n'y a donc pas à craindre que celui qui' reconnaît ait été surpris ou entraîné.

Quel est l'officier public compétent? M. Valette nous dit : « Il faut que ce soit un officier public non restreint à éertains actes déterminés et étrangers à l'état civil. )) Ainsi la reconnaissance peut être reçue : '1 o Par les officiers de l'état civil, soit dans l'acte de naissance, soit dans un acte séparé et postérieur, soit dans l'acte de célébration du mariage des père et mère (Art. 331 in fine).

2° Par les notaires, qui ont pour mission de rece- voir tous les actes authr,ntiques.

La reconnaissance peut résulter aussi :

D'un procès-verbal de conciliation du juge de paix;

D'un procès-verbal de réunion du conseil de famille;

D'un aveu en justice, pourvu qu'il ne soit pas étran- ger à l'affaire en litige. Le greffier inscrit sur la feuille d'audience la reconnaissance établi~ par cet aveu, et le tribunal en donne acte à la partie qui le demande.

La Cour de cassation de Paris est allée jusqu'à ad-:- mettre comme valable une reconnaissance faite devant un greffier.

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Enfin, la reconnaissance peut être faite dans un testament public, e'est-à-dire dans un testament reçu par deux notaires, en présence de deux témoins, ou par un notaire en présenee de quatre témoins; mais elle ne peut l'être ni rlans un testament olographe constituant un véritable acte sous seing privé, ni dans un testament mystique, où il n'y a d'authentique que la suscription mise par le notaire.

La reconnaissance faite par acte authentique, reçu par un officier autre que l'officier de l'état civil, ne doit pas être soumise à la publicité, car le législateur n'a admis cette reconnaissance que pour la tenir secrète ; les dispositions de l'art. 62 C. ci v.· ne doi- vent donc pas lui être applicables.

c) Par qui peut être faite la reconnaissanae.

La reconnaissance peut être faite soit par les père et mère, soit par le père ou la mère seulement, soit par leur fondé de pouvoir, muni d'un rnandat spécial et authentique (art. 2 de la loi du 21 juin 1843).

Je ne pense pas qu'il faille appliquer les principes généraux des contrats, pour savoir queUe est la capacité nécessaire pour reconnaître. Ainsi la femme mariée peut reconnaître un enfant naturel qu'elle aurait eu avant son mariage, sans l'autorisation de son mari.

Cela résulte de la .disposition de l'art. 337.

De même, un mineur peut faire une reconnais- sance, puisqu'il pourrait faire la déclaration de nais- sance d'un enfant légitime. De même, un interdit,

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dans-un intervalle lucide, a le droit de reconnaître un enfant naturel. Il ne s'agit pas, en effet, dans tous ces cas d'un aveu dans le sens juridique du mot, et exi- geant toutes les prescriptions que la loi a établies pour l'aveu (Cass., 18 juin 1851 ). Il ne s'agit que d'une déclaration, d'un témoignage.

Et puis, un individu, qüand il reconnaît un enfant naturel, ne contrac.te pas ; il ne fait que remplir un devoir, réparer· une faute. Pourquoi donc entraver ainsi cette réparation? Je suppose que si la loi, dans une matière aussi grave, avait voulu exiger une capa- cité particulière, elle n'eùt pas manqué de s'expliquer.

Passons maintenant à l'art. 330, dont le sens est assez délicat à saisir: « La reconnaissance du père, nous dit-il, sans l'indication et l'aveu de la _mère, n'a d'effet qu'à l'égard du père. )) D'après l'opinion de la jurisprudence, cet article signifie que, du ~hef de la mère, la· reconnaissance peut être admise, suivant les circonstances, par un aveu fait d'une manière quel- conque, même par un aveu tacite, par exemple dans le cas où il y aurait eu reeonnaissance du père, et désignation de la mère dans l'acte de reconnaissance.

Cette désignation, si elle n'est pas contredite par la mère, vaut reconnaissance pour elle.

A mon avis, ce n'est pas là le sens de l'art. 336;

il veut dire que la reconnaissance, faite par le père, sera pour la mère res inter alios acta, et n'aura pas d'effet contre elle. Mais quelle est l'utilité de ce prin-

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cipe? Nous la trouvons dans l'histoire dr. la rédac- tion de l'art. 336.

Le projet du Code était ainsi conçu: << La recon- naissance du père seul, non avouée par la mère, sera de nul effet à l'égard du père et de la mère. )) Cette rédaction parut dangereuse, car il était à craindre que la mère ne nuisît à l'enfant naturel, soit par son absence, soit par sa folie, ou par sa haine pour le père. Alors, sur un amendement du premier consul, on modifia ainsi la rédaction:.<< La reconnaissance du père, si elle est désavouée par la mère, sera de nul effet; )) mais cette formule étant aussi dangereuse que la première, on en vint à notre article, dont je viens d'expliquer le sens.

Les enfants naturels simples ·SOnt les seuls qui jouis- sent du bienfait de la reconnaissance; c'est ce qui résulte de l'art. 335 : « La reconnaissance ne pourra avoir lieu au profit des e~fants nés d'un commerce incestueux ou adultérin. )) Ce serait, en effet, faire outrage aux bonnes mœurs, que de révéler au public l'immoralité de l'union qui a existé entre les père et mère. Cependant, l'article 762, en accordant des aliments aux enfants adultérins ou incestueux, semble contredire l'art. 335 ; de même l'art. 908. Il n'en est rien, car il y a des cas où la filiation adultérine ou incestueuse se trouve établie ipso facto et même légalement : dans le cas de désaveu de paternité, par exemple, et dans le cas de nullité d'un mariage pour cause de bigamie ou d'inceste.

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45 -

Mais puisque la reconnaissance de l'enfant adul- térin ou incestueux est interdite, il doit y avoir une sanction à cette prohibition.

Certains auteurs, argumentant de ces Inots de l'art.

335: « Ne pourra avoir lieu au, profit des enfants, » pensent que la reconnaissance a lieu contre eux. Je crois, au contraire, que la reconnaissance est nulle en tout point, et qu'elle ne peut être invoquée ni mt profit de l'enfant reconnu, ni contre lui. C'est ce que disait M. Duvergier au Corps législatif: << L'officier public ne doit point recevoir la reconnaissance d'une filia- tion adultérine ou incestueuse. Si, malgré lui, il la reçoit, elle sera nu1le; l'enfant qu'e11e concernera n'en profitera point. )) Mais dans ce cas, il n'y a pas de sanction; je n'en vois point, en effet, la loi ayant voulu éviter la publicité de tels faits et le scandale qui peut en résulter.

Passons à la seconde partie de notre paragraphe:

à quelle époque la reconnaissance peut-elle être faite?

, L'enfant naturel peut être reconnu:

1 o Depuis sa conception ; en effet, la reconnais- sance n'est que l'aveu d'un fait, et doit être indépen- dante de l'époque où elle a lieu ; aucun texte ne s'y oppose. La maxime in fans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agit~tr est donc applicable à l'enfant natureL S'il en était autrement, l'enfant nature] ne pourrait jamais être reconnu, si son père venait à mourir avant sa naissance, ou sa mère au

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