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Accessions
SlielfXo.
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E^05tmt Jluliitr Cittmm
Pamphlets.
30 u
(\)V<ioo\uX\ XÛW.
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\/ôOunrZ:frf^ '^(S/h-i
z? V
LE TOMBEAU
DE VOLTAIRE
,
V E N G É.
«é
POEME
A L'IMPERATRICE DE RUSSIE,
A PARIS,
Ghez A. G. RocHETTE, Imprimeur
, tw$Sâint-Jcan-de-Beauvais ,
N^^ 37 &
38*I
90,
7
(3)
'
-
- "— Miwai
-AVANT-PROPOS,
lET Ouvrage
fut écritquelque temps
aprèt-la
mort de M. de
Voltaire.Les
Français se croyoient alors la première nationde
l'Europe,
parce
que
les coëfFeurs et les généalogistesj
laisoient et
y
faisoient faireune grande
fortune^à
ceux
qui mettoienten œuvre
leurs talens«Aujourd'hui
que
lepeigne
et leparchemin ont cédé
lapalme
â rexercicede
la raison, c*êst d'après d'autres basesque
la nationcommence*
à juger
de
la valeur deshommes.
Ellecom- mence même
déjà à se reprocher son injustice et son ingratitude envers cethomme
célèbredont
elle a reçu tantde
gloire.De
toutes part§on demande
qu'il lui soit érigéun monument
dans la capitale, et
qu'on ne
puisse plus faireà
laFrance
les justes reprochesque
Frédéric- le-Grand
a consignés dans son élogede Vol*
taire^
page 43.
Croiroit'Oîi que ce Voltaire^ auquel la pro-
fane
Grèce aurait élevé des autels, qui eût eudans Rome
desstatues^ auquel unegrande Impi^
tatrkêsprotectrice des sciences, voulait érigif
A
%'(4)
un monument
à Tétershourg; qui croira^ dis-je,au un
tel êtremanqua dans
sa patrie d'unpeu
de terrepour
couvrir ses cendres ?Ek
quoi !dans
le dix-huitième sièclejou
leslumières sont plus répandues quejamais
j. ou l'esprit philo- sophiquea
tant fait de progrès , il se trouve des Hiérophantess 'plus barbares que desHé-
Tules, plus dignes de vivre avec les peuples de la
Taprobane
9quavec
laNation
Françaisesavfcu^és
par
iin faux, "x^le a ivres defanatisme
,qui empêcheront qu.on rende les derniers devoirs de riiumanité
à
un.deshommes
les plus célèbres'que''
jamais
laFrance
ait porté! Voilà ceque
r Europe a vu
avec douleuret avec indignation*En
lisant cetOuvrage
et lesNotes
qui l'ac-compagnent
» lelecteurvoudra
biensesouvenirqu'il
y
a plusde
dix ansque
ceci fut écriteDepuis
cetemps
là les choses ont bienchangé en France;
et les bons espritsy
sont dansune
situation plus favorable
au développement
dei lalens*^^ -.-
y
—
iî^ ses;
LE TOMBEAU
DE VOLT AI
V E N G É.
POEME.
Voltaire
a cessé d'être ; il not cesse d'mstruire.Du
chantre deHenri
,de
l'auteur de ZaïreOn
rerendra îong-tems les sublimes leçons ;Et du
dieu desbeaux
arts les doctes nourrissont Irontle consulter auTemple
deMémoire.
La Minerve du
nord partagera sa gloire.Une
patrie ingrate avoitdéshonore
Le beau nom de VoLT
Aliis: etson corps ignoré(6)
Glissé furtivement dans larustique église
D'un
Bernardin bouffide
graisse etde sottise^Ce
corps enseveli sans lemoindre ornement
fNous demandoit
en vaia l'honneur d'unmo-
nument
;Quand
despeuplesdu
rrordlaSouveraineaugBste,iPour l'Homère
Français ets^agniiique etjuste»A
voulu répareraux yeux de
l'universL'outrage qu'onfaiioît
en France au
dieudesvers*Tandis que
sur son frontle dieude
lavictoire Entassoitles lauriers,monumens de
sa gloire»Le
doctedieudu Pinde en
longs habitsde
deuilSe montre
àCat HERINE,
etlui porte ce«plaintes,
4^0n
refuseàmon
filsleshonneurs du
cercueilfD'une
sotte fureur lesâmes
sont atteintes.Tel
qu'onavu
jadis le belliqueux Gaulois (i)Ramper
servilementaux
piedsd'un fierDruide
,**»Les Druides(ditDionCîîrisojtomc,dite,49)régnentdaas
» lesGau!e«,oàaumilieu del'éclat etdelasplendeurdu trône
» lesrois ne sont dana!c faitijue les minUtresetlesexécuteur»
» des volontésdes Prêtres.»
21 estdestraitsdecâraclèrequijmalgrélachutedessiècles«ft
â9$évéïisoaeas, rsii^ntlong-teiiipsindélcbilc»d&iu.une A3iiozij|>
(7)
L^abreaver
de
sonor, donttoutPrêtre est avide»Abdiquer
la pensée, et n'avoir d'autres loisQue
cellesqu'a dictél'imposteur quileguide.Tels
on
voitaujourd'hui ses frivolesenfans(i)Toujours
foibles d'esprit ^quoique
toujourivaillans
,
Braver le
champ de Mars
, redouter lapensée,Et
dansla folle erreurdont
leurame
estblessée^Se
faireune
vertude
ra plusraisonner.Et
n'oser réfléchir craintede
sedamner
; Croire toutle bon-sensrenfermé
danslatêteD'un
Prêtrequidu
Cielveut être l'interprète^Se
décharger surluidu
fardeaude
penser.Et
trembler àsa voixde peur de
l'offenser.Le
Prélat fastueux ,quiritde
sa foiblessej Pard@
vainest'erreurs captivantsajeunesse pAvec
leplusgrand
soin écartede
sesyeux
Tout
écritraisonnable^ etqui pourroitinstruire%Et pour
mieiîxtîment&r
le fortde
sonempire^
Ilpornpe avec ardeur
un
métal présieux?Qui donne
àla sottiseun
tonimpérieux
|(8
)|>ui
soumet
àcoup
sûrlesâmes
consternées ^Et
la rend redoutableaux
têtes couronnées.Ainsi
donc
leFrançais, imbécilleettremblant^Gémit
danslestravauxetl'extrêmemdigence;
tandis que du
Prélat l'orgueilleuseopulence, Tnsulte à la vertu parun
fastearrogant-Pespote
tudacieux ,ennemi du
talent »A^
plus cherde mes
fils il refuseun
asyle,Où
repose la cendre ignorée ettranquilleDu
citadin obscur,du
plus vil des traitan?;Eùt-il détruitlui seul encor plus d'habitans
Qu^
n'enontéclairéles écritsde VOETAIRE.
Vous
aimiezses écrits;sagloirevous
fut chère.C'està
vous de venger
l'outrage qu'il ressent^Et
d'apprendreauFrançaistroppeu
reconnoissanîQue
s'il a dans l'Europe encore quelque gloire^ Q'^n'estsûrement
pasau dieu de lavictoire Qu'illadoitaujourd'hui, mais augrand
écrivainQu'une
nature aveugleajette dans son sein»Ce
futleseul Françaisdont le hardi génie Fit parlerla rai^ojiau
seinde
sapatrie (3).(9)
De
faplume
éloquente, il lui prêtaTappuîeChez
nous l'artde
penferne
dateque de
luûil corrigeoic nos
mœurs
;grâce à fon éloquence^Dëjâ
le petit-maître avoitmoins de
jactance^Et
le haut financier perdoit son arrogance.îl eût à la sottife arraché le
bandeau;
Il eût
du
fanatisme enlevé le drapeau*Le moine de
St.Claude
eûtperdu
des efcîavesiMais
la France auroiteu de
citoyens plus braves^Son code
auroit offertmoins de
férocité»Ses arts, ses goûts , ses
mœurs
,moins de hU
Tolité.
Le
Français deveïioitun
être raisonnable^Le
prélat fastueux devenoit charitable*Le
prêtre auroitperdu de
son autoiitéjf
Mais
le culte eût repris bien plusde
dignité^Aux mensonges
sacréson
déclaroit là guerre|Et
déjàl'on pensoitailleursqu'enAngleterre»Çi^
On
arrêta bientôt le coursde
fes travaux|
On
l'arrêta lui-niême^ et i'ame des dévotsA
décrier sesmœurs
fut toujours obftinée tL'^uyIç à le poursuivra %assi fut acharnée^|
(
10
)Enfin, toujours errant, prosent, persécuta^
li fut dans
Albion
chercher la liberté (5),Le
plus sage des rois^en
l'approchantda
trône,
D'un
éclat plus brillant rehaufla fa couronne*Il goûta
quelque temps
les douceursde
la paix»Lorsque
yers les confinsde
l'empire Français,
Loin
des perfecuteurs il fixa fademeure.
Et
qu'il fçut confacrer jufqu'à sa dernièreheurt
Au
périlleuxemploi
d'éclairer l'univers.Et
d'unir la raisonau doux charme
des vert»Mais
il alloit fermer famourante
paupière^Lorfqu'il vit traverfer fa brillante carrière :
Dès-lors il dut prévoir
que
jamais fes travaux,Ne
pourrpient opérer la guérifon des sots,/Qu'on
nis;târderoitpoint d'insulter a fa cendre»Quand
vers lesfombres bordson
Tauroîtvu
dcî*cendre , v>
La Minerve da
nord eft fenfible à TaffronlQuV
reçu le plus cher des enfans d'Apollon|R
bientôt elle voit tout ce quelle doit faîrçLe
projetqu^elîeforme eu
dignede VOLTAI
"kZ^Ce
grandhoînme
avoireu pour
guides ,poux amis.
Les
plus grands écrivains , qnil avait réuni»Dans un
vaste portique,ornement de
Tafyle»OÙ
c^uloient Tes vieux jours , loindu
bruit d%,. laville.
C*étôit-là qu^il passoit d'agréables
moments
i^A
s'instruire ;iveceux
desmœurs de
tous l&t-temps
:C'étoit-là qu'il puifoit ces tréfors
de fageHev
*Dont
faplume
fçavanteaugmentoit
la richeffè^Et
ces traitsficonnus
,toujoursrendusnouveaux
En
se reproduifant fous fes brillants pinceaux>
Ces
livrespiécîeux,compagnons de
sa gloireg.Ces
fidèlesamis
vont fervir famémoire
:Ils
formeront eux
feuls lenouveau monument^
Et
ToeuvredeVoLTAlRE en
feraiornement,.
Sur
le vasteocéan
deshumaine*
pensées %,On
verra furnager celles qu'il a laisséessCeouae on
voit à lamer
millô corpslumlneu»
Kéjôuîr les vaisseaux par l'ëclat de leurs feux;
Lorsque
durant le cours d'unefombre
carrière,
Ils tracent dans les
eaux
des filionsde
lumière,
Catherine
aformé
le plusgrand
desprojets:Elle veut rendre
heureux
et polir fes fujets.Elle appelle les arts :
&
quel plus noble afyle !Son
palais vaformer
leur brillant domicile :Des
tréforsde
Voltaire elle va l'enrichir;Ces
trésors précieuxau
palais vont s'ouvrir ;Et
delàvont
répandreen
fonempire immenfe Les
feuxde
la raison» les ilotsde
la science^De
touttemps
vers lenord
fe font forgés le«fers 9
IJuî^devoîent asservir presque taus l'univen ?
Maî^
leDieu
desbeaux
arts , fur ces cîimatfde
glace,
N*avoît jamais jette qju'un regard
de
difgrace*Vers
ces lieux écartés il »e tourne aujourd'hui|Pour
habiter lenord
, il quitte le midi.Catherine
l'appelle % et lui drefle âe$temples%
he$
toi»de
cesdîmati
ont ftûviiè«exemple^
(
13)
Et
leursdoâes
enfants vont bientôt devanceiDes
peuples qui jadis ofoient les dëprifer.Ces
peuples énervés parun
luxe frivole.Sont
de foibles rivauxpour
l'habitantdu
pôle.Catherine
a repris , et tientde
toutes partsLe
fceptrede
lamort
et celui desbeaux
arts;Et
rinfulaire altîer dont l'audacenous
brave, *Qui
méprife l'Ibère ,&
fe ritdu
Batave,Le
fierAngloiscraindroit d'infulterfesvaiffeaux^Et
les laiffevoguer
librement fur les eaux.Des
bordsde
la Viftuleaux
rivesdu Bosphore
,
Le
culte qu'elle suit,&
le dieu qu'elle adore.Trouvent
sous ses drapeauxun
fecours irpuis-»sant, (6)
Qu'il fortenfin
vengé de Rome
Sedu
croiflant.^*L'héroïne
du nord
a fait tous ces prodiges*Elle a
de
l'ignorance écarté les prestiges.Au
niveaude
fon fiècle elle amis
ses états;* Ceci fut écritver* ij4i , lorsque l'Efpagae
&
laHolknde^«îliécj arec la France^ ne caufoicnt qu'uac médiocre frajreaf
AUX Anglois.
*•Protection donnés aux dissideasâYt^foric| 9clux
ôi^
lôfifif au dt grtc è CoAtUfijriAopIe,
Et mn nom
fait trembler les plus fiers potea-tats. (7)
Pierre avoir
commencé
d'éclaîrer la Ruffîe ^Catherine
luidonne
encorplus d'énergie^Elle a
de
la raison fait revivre les droits.Le commerce
et les arts fleuriffent fous fes loix.Déjà
je voistomber
les fersde
refclavage ^^Qui du
Ruffe avili ternifîbient le courage :Déjà
je vois rentrer dans la fociété (8)Ce*
biens quidu
pontife exaltoientl'arrogance^Fomentoient
fa luxure&
fon oiflveté ;Ce moteur
éternelde
la cupidité,
Son
orne
fera plus funefte àTinnocence
:te
prêtre auraperdu
le nerfde
fa puiffance»Catherine
a parlé t le prêtre n'aura pluiCe
fafterévoltant ces tréfors fuperflus ^^î
caufant à fon peupleune
indigence extrême»Font
fufpeâer le prêtre&
le cultelui-même*
Ces
biens reftituésaux
peuples appauvrisg^Appaiferont enfin leurs larmes et leurs cris^
Et
le clergémodeâ^s^
tt par-là plu$imlen
Pomn
plusdécemment
prêcher fôHér^iig3^
En&nts de Tabondance & de
la liberté» Bientôt naîtront les arts et la profpérité»Le
Rufie jouirade
fa propre indoftrie r Il connoîtra les droitsde
la propriété:Ses
mains en
foulevantune
glèbe darcîe^Porteront la richeiTe
au
feinde
ia patrie:En
libre citoyen Tefclave transformé» Recueillerapour
lui le grain qu'il afemé
,*Et
les peuplescharmés du
jourqui leséclaire^Béniront
Catherii^e^
et connoîtrooVoltaire*
*-^:à
(
t7)
NOTES.
(i) L'auteur
de
cePoème
sçaitcombien
i^îest
dangereux en France de
vouloir exercerk
pensée : mais il n'a
pu
contenir ses regretses Toyant
le contraftede 17
à 18 millions d'ka-bitarts , qui luttent
péniblement
contre lami-
sère et la faim, parce
que deux ou
trois millemoines ou
prêtresy
périssent d'indigestion et d'ennui , etque dtux ou
trois rnille grands seigneurs , et autantde
financiers insatiablesy
dévorent la substance des peuples.
On me
dirapeut-être
que
ce tableau eft chargé. Je le sou-»haiterois assurément:
mais pour
répondre a ce reproche» je joins icil'anecdote suivante9dont
je garantis la certitude, et qui peint bien Té*
tat
de
laFrance
avant la révolution quis'opère*Il n'y a pas long-tems
qu'un pauvre paysan
du
diocèsede Langres
,occupé
àremuer
leiterres au jardin
du
roi,me
racontoitque
laiet ses
camarades
n'avoient quitté le paysque
parce
que
la disettey
étoit siexceissive,que pour
avoirquelque
pâture,on
étoit obligéde
sortir dès l'aubedu
jour, et d'allercourirles chanap»^pour y
ramasser les mauvaii^es herbe$que
lanature
('7)
ftatuiè deftinoît à nourrir les plus vIU animaux,,
On
faisoit bouillir ces herbages,y
mettoitdu
«el qui
en
avoir, et l'on se bourrôitdé
cette nourtiture lourde etmal
faine ,peur
retour- neraux champs en
faireune
nouvelle provi- sion. S'il arrivoitpendant
ce tèms-làquQ
les enfans se missent à pleurer , le plus
âg^
d'entr'eux mettoit dans la
bouche
des plus jeunes quelques cuillèresde
cette bouillie ,.et le reste
du tems
se passoit à ramasser quel-ques mauvaises
broussailles, à l'aide desquelleson
pût cuire la proviliohdu lendemain. Ce- pendant
ce pays estcouvert d'églises puissantes, etde
monastères opulens , dont les biens re- jettes dans la société, ( ainsi qu'il à été faiten
Russie ) auroient conservé des cultivateurs ,et.des citoyens.
Je
croismême que
le ciel étoit bien pluschoqué
des larmes et desimpréca-
tions
de
tantde malheureux
, exténuésde
fa- tigue etde faim,
qu'il n'étoit glorifié par les superbes bâtimens , et les cantiques Judaiquesdé
quelques prêtresou moines
fainéans.Il
semble que
ce soitpour
cemalheujeux
paysqu'un
Anglois écrivait , lorsqu'il dlîoic vers lécommencement de
ce siècle ; << dans>
ces contréesou
le prêtre insolent, et le cé-»» hobite inuttls sont seuls opulen§,
récom»
C
(
i8
)pensés , considérés , le reste des citoyens
»» croupit dans l'inertie , dans l'engourdisse»
é>
ment
9 dans la misère» et languit dansun
»
abrutissement léthargique , qui lui ôte le>> sentiment
même de
sesmaux
>>. Hiil.Na-
turelle
de
la superstition, parRenchard
,tom.
3
j p. 38.(2) Il
y
à long-téins qu'on a reprochéaux
Françaisun
espritde
frivolité inconciliableave«
îes fortes opérations
de
l'entendement.Un
jé*ïuite bel rfprit ;
mais
qui a'étoitque
cela^ le P*BbuhoursMyant demandé
dansun de
se»ouvrages,
siun Allemand
potivôit avoirde
l'esprit,
un
écrivainde
cette nationdemanda
si
un
Françaispou
voit avoirdu
senscommun.
ta
récrimination étoit juste ; mais ce n'étoitqu'une
récrimination. Il esten
France ,comm^
par-toutailleurs, quelques bons esprits capable*
de
pensées fortes et d'ouvrages méthodique*»ment
raisonnes.Mais
ces sortes d'esprits n'y sont pascommuns
: ils sontmême
obligés d'y vivre dans le silence et robfcurité»Lés
places des universités et desacadémies^
des finances et
dé
l'administration , des tribu-mux
et desarmées, ne
sont pas faitespour
EUX
; cllfs sontaniquemênt pour une
espèce(
19
)èe
petits-maîtres » etde beaux
esprits qu'onne
connoît point ailleursLa
basse flexibilitéde
leur
ame
effaçant prcsqu'entièrement leur ca- ractère , les rendabsolument
nulspour
toute autre choseque pour
l'intrigue et les plusim*
ponunes
sollicitations.Le
charlatanisme est aussi lemoyen de ceux
qui n'en ont point d'autre , et cenombre
n'est pas petit.Aussi
nulle part
on ne
voit autant d'histrions qu'enFrance
II n'y a pas quatre joursque
lesHy-
droscopes,
Paraogue &
Biattony
faisoienttour-ner toutes les têtes ; ce sont aujourd'hui les,
grands magnétiseurs
Mesmer
etDeslon
quioccupent
les tréteaux.Cependant
lesmarchands de fumée
, Montgolfier et Pilatre fontquelque
diversion à la crise , ettoutlemonde
veutaussi feire de^ sacs àfumée. Les
graveurs etlesgens de
lettrenç
s'occupentplus d'autrechose , parceque
tout lemonde
veut avoir partau
bénéficede
la fotfifc nationale,(3)
Quelques
écrivains Franeais se sontbîea
quelquefoispermis
d'usçrde
leur raison , etde
franchir le cercle étroit
que
l'ignoranceou
les préjugés traçolent autour d'eux;mais on
le»a
bientôt
ramenés au
gironde
l'ignorance etde
U
sottise»M. 4ô
Buffona
été plus d'un^ foia(
lO
)bbligé
de
tendre lamain pgur
recevoirlà férule des docteursde Sorbonne
> sans quoi jamais il n'auroitpu
conjurer l'orage quicpnimençoit à
«e
former
sur sa têtÇoMM,
Helvetius ;J. JacquesRousseau
, Delisle ,Reynal
, et autres « ont été molestéspour
leurs écrits.M. d'Alembert
s'est bien quelquefois permis d'exercer la
pen-
sée 9 etde
l'envelopper dans ses pointes et ses,jeux
de mots
:mais
quels toursde
force et d'adressene
lui a-t-il point fallupoui
la déro- beraux yeux de
la multitude.M. de
Voltaire parun bonheur
singulier, qu'onne
peutattribuer qu'à l'éminente supérioritéde
ses talents,M. de
Voltairç a biende
son vivantéchappé
à la sé- véritéde
l'inquisition Française^ mais il n'a pas plutôteu fermé
lesyeux
à la lumière, qu'ona vivement
insulté à sa cendre.,
Tout homme
qui sevoue
à l'artde
penser doitdonc en France
renoncer à l'art d'écrire^8*il
ne
veut renoncerau
reposde
ses jours ! cetdeux
arts sontabsolument
inconciliablesparmi
nous. Aussi les plus sages sont contraintsde
se taire, tandisque
les plus souples, les plusim-
portuns , et Ij^s plus intrigansy
pâturent aveclaplus grande sécurité leschardons
académiques
>toujours multipliés
pour de
plats écrivains qui consententde
renoncer à la pensée »poBivu
(ai)
qu'on neles force point
de
renoncer àla pâture.Tout
leur esprit,au
direde
Perse , est dansleuif çstomac.
Ma^istcr
artîs ingeniique largi*ior venter,
(
4
) Je suisun peu comme
le maîtrede
danse Marcel. J'aime à
me
persuaderqu'une
face Anglaise jointe à Tallure
de
cette nation doit présenter l'imagede
l'instruction ,de
l'ai-sance, et
de
la liberté.Ce
qui s'observe plusou moins
chez les autres nations , jusqu'à cequ'on
n'y trouve plusque
les traitsde
la sot- tise,de
la servitude,etde
la misère.En
France,selon
que
l'individu se rapproche plusou moins de
l'un des trois états quiy
absorbent touteconsidération , il se rapproche aussi plus
ou moins de
l'espècehumaine
: tout le restey
estabsolument
regardécomme
bêtede somme.
Il£aut
donc y
êtrehomme
d'église, courtisanou
financier, c'est-à-dire, histrion,
mendiant, ou
frippon, sil'on veut
y
êtrequelque
chose; en- coremême
faut-il tenir ausommet de
l'unede
cestrois professions, sil'on
ne
veuty
êtreécrasé;car le bas étage
de
ces trois ordresretombe
dans la populace, classe foufFrante et absolu-ment
avilie, quine
tientque
parun
filàl'espècehumaine. En
Angleterreun homme
estur
^Qtr-(
2*
)fflaefe et cetitre seul est sufEsant
pour
înspiret^B
safaveurquelque
sortede
respect ;en France
QXk se riroit
de
quelqu'un qui oserokcompter
$ur
ce
caractère ,pour
exiger quelque sortede
considération , et
pour
se croi-Tede
lamênie
fspèce
que
l'individuen
fevqur.(5 )
Tout
lemonde
aconnu
les indécentes,^atribes
du
foUiculaixeFréron
etde
ses suer cesseurs, contreM. de
Voltaire ; elles ont dur^plus
de
vingt ans , sansque
la police se soif aiireenpeine de
les faire finir.Le
fils et laveuve de ce
folliculaire les ont continuées avec lamême
indécence» 1^même acharnement
et laxïieme impunité.
Mais
le filsde
ce Frérona
Qsé élever sa censure jusqu'àun
histrion assezmédiocre,
et direque
la voixdu
sieurDeses-
^urt ressembloit à lavoixd*un ventriloque :
Dès»
lors la foudre a
grondé
sur sa tête, il a été regardécomme
coupablede
lèze-majesté théâ- Uale,on
lui a ôté la feuille« eton
Tadonnée â
laveuve
Fréron, avec injonction d'être plus circonspecteque
son fils.Rien ne
caractérise snieux le géniede
notre nation, etl'étatactuelde
notre littératureque
cetévénement.
Qu'im-»porte
en
effet àune
nation essentiellement histrionne etbaladined'avoir despenseurs etdf
%ôft$ écrivains ? S'il s'en trouve pâî
quelqu'un parmi
elle,©n
le livre toutàussi'-rôlaux
corsairesde
la littérature qui le dëchirenti.Mais
si eeux-ci veulent faire la plus légèi^ ex*"cursion sur tout ce qui toutlre
aux
prêtres i,aux académiciens» aux comédiens de
la villtou
des boulevards , l'oragegronde
sur feux^on révoque
les lettresde marque
qu'ilsont ob^
tenues
pour
la course : etune
nation cîies:quï
se passentde
semblables absurdités > atep^i*
dant
encore le ridiculede
se croire la premièî^nation
de l'Eumpe en
faitde
science etéé
littéiature »
comme en
fiiitde modes
^tdé
toisiiae.
^6) Lès
derniers troublesde Pologne ^î
bpt
causé tantde
calamités à cette iïâtièn^^
ont
enfinamené
la dévastation et îè pàïta;^des états
de
cette république^ cestroubles n'oïiieu pour
causesque
les injustes "tracasseries^^
les vexations qu'on faisoit
éprouver aux
dissâ- d^Cnts^ dont la inajetaré partie est coitïiposée^chrétiens grecs. L'Impératrice
de
Russie,comïftèlà première puissance
de
cetteci^mtoion^
tel a protégés ; etdès raisons d'état, jointes à iVj»«poftunité des circonstances, ont enfin
amené
le iîtàgede
laPologne
; iUêroiîà souhaiterqaÉ
(
24
)les
mêmes
circonstancesseréunissentpour ame*
ner le partage
de
l'empireOttoman. Le
chrif-tianisme seroit enfin
venge de
l'opprobre sous lequel ilgémit
depuis si long-tems.Ce
qui estbien plus intéressant encore, la raison et l'hu-
manité
reprendfoient enfin des droits perdus depuis bien des siècles :l'aveugle fanatismene
transformeroit plus leshommes en
betes ; illeur seroit enfin permis
de
se servir d'une rai-son , qui
ne
leur aVoit étédonnée que pour
la faire présider à leurs
démarches. Nos
pèresont vu
la première partie,du
miraclede Na-
buchodonoaor
accomplieparmi nous
; c'est-à-- dire, leshommes
abrutis par la rapacitéde
la superstition etdu
despotisme, changésen
bêtesde somme.
Puissent nosneveux
voirun
jour laseconde
partiede
ce miracle se réaliser;c'est-à-dire , ces
mêmes
êtres éclairés par la philosophie , etgouvernée
par la Sagesse , re- prendre leurforme
originelle, et se convertiren
hommes
! Puisse enfin le despotisme politique et religieuxde
l'islamisme €tde
tant d'autres institutions aussi absurdes, se creuser un. jour son propretombeau
, et rendre leshommes
à-une
liberté sage et raisonnable î(7) On
savoit ceque
la sagesse ajoutée â(25
)îa bravoure j étôit capable de faire dans tiïj
grand
capitaine, et dansun
conquérantillustre.César
n'avoiteu
besoinque
d'arriver etde
semontrer pour
soumettre les provinces entières ;mais on ne
soupçonnoit point encore qu'il fut possible de conquérir les plus vastes états,en
fxe faisant
que
des dispofîtionsde
cabinet, etde
fimplesmontres
de puissance. CatherineII n'a paseu
besoinde
répandre le sangde
ses peuples, n'y d'arracher le painde
ses enfanspour
étendre sadomination
:une
partiede
laPologne,
et laCrimée
entière,ont étérangée»«ous ses loix , sans presque tirer
un coup de
lusil : et l'onn'a encore
pu
décider sic'estlater-*,reur
de
sesarmes,
plutôtque
la sagesse écla- tantede
ses loix et ladouceur de
son gouver*iiement, qui ont
«tendu
les bornes d'unem*
pire, qui embrassoit déjà la iixième partie
da inonde
habité*( 8)
Je
voudrois pouvoir esquisser ici le ta*bleau
de
tout ceque
Tauguste Catherinea faitpour
sa gloire, et fur-toutpour
lebonheur de
«a nation : mais cette efquisse,
quelque
racour- cie qu'elle pût être , excéderoit encore les bor*ties
que
jeme
suis prescrit dans cet ouvrage*Je me
contenteraide
citer quelquesmots de
D
M.
.de Voltaire^ qui feront connoître les gîo*lieux travaux
de
cette augufte fouveraine.>)
L'ame
de Caiherine aconçu
le deflein-»> d'être la libératrice
du
genre huiriain ,dans
^»refpaee
de prèsde douze
cens millede ,p
nos grandes lieues quarrëes. Elle n'entreprend7>^point ce grand
ouvrage
par la force ,mais nparla
feule raison. Elle invite les grands>» feigneurs
de
fonempire
à devenir plus grands»v
en commandant
à deshommes
libres : elle,>> .en
donne
lesexemples
: elle affranchit les» fcrfs de fes
domaines
: elle arrache plusde
?> cent cinquante mille efclaves à l'église fans
»
la fairemurmurer
,& en
ladédommageant
;i^ elle la rend respectable
en
la sauvantdu
re-m
procheque
la terre entière lui faifoit d'affervir.)> Icè hcirirTiCs qu'elle
de
voit inftruirc&
foula-*»
ger. ( Lettre sur les panégyriques.)
Tout
lemonde
fait qu'elle adonné une forma
îiouvelle à Tadminiftration des biens de l'eglife
p
en les mettant fous fa
main &
faifantaux
eccléfiaitiques des peniions convenables à leur Importance
&
à leur utilité. Arfene ,Evêque
de
Roitou ,mécontent de
ceschangemens^
tente
de
foulever ses confrères contrelanou-
velle administration ; mais la fermeté fage
&
éclairée
ds
cette augufte fouveraine prcvint(
27
)tous les troubles : elle fît citer
TEvêque
ôeu- pableau Synode de Novogorad
,où
il futdé- claré féditieux&
fanatique , 8ccomme
tel livré 'au bras féculierpour
être puni. L*impër*i-"trice voulut bien lui faire gr^ce
&
fe contentade
le réduire à l'étatde moine
pour le reliede
fes jours :on
ne iSniroit pus fion
vouloit feulemeiit indiquer les plusmémorables
évé-nemens
d*unrcgns
auffiglori^^o
o/joU §d'
'''uanin
...;c} îuir.
i
(
29
)LE VAUTOUR,
F
yi JSL
£. *i kk timide
Colombe
erroit dansun boccage
,Pleurant le
compagnon de
fes chaftesamours
,
Et
pouffant vers Tauteur de fesmalheureux
joursLes
cris plaintifs de fonveuvage
;Quand
des oifeaux le plus pervers,
L'implacable tyran des airs.
Le Vautour
, planant fur fa tête ,Fondit fur l'innocente bêie :
Il la déchire
&
l'immole à fa faim ;Mais
dansJ'inftant ileftlui-même
atteintD'un
traitmortel, qui,retendfur laplaceEt
le laiffe fansmouvement.
a—
— I .1 I II I . .1 II I —I Il» Il 1.1^
Cette fable futécrite vers lafindu
dernier règne» lorfque , fousun
prince abruti par ladébauche &
l'encens des adulateurs , les illus- triflimes brigandsde
la cour regorgeoientde
la fubilance des peuples, exténués par le travail&
la&im.
(5®)
il court»
on
volt avec étontiementLongè par
un en?'m
d'mietffs odieux j"^*Qui
dès fou ¥i¥a.-^ rriéme en iaiibieiit leurpâtureI.vOrfqu'il
ravageok
tous les lieuxQu'a
V Oit embelli la nature,« . ' '
'
Roio
ae
laterre5 entendez-vousma
voîx>Par vous foulé, le peuple eu.
aux
abois;Mais
des ferpensj lahorde
dëteftable, Courtilans 9 ênanciers , maîtrefTes&
valets^En vous
rongeant, vous rendent mépri- fâbles,
Et vengent
tôtou
tard le fangde
vos fujets,^*
M. de
BufFon rapporteque
lorfqu'ontueun
Tautôur 9
on
le trouve ademi rongé paf
lavermine
qu'il perte avec lui.i T"*