• Aucun résultat trouvé

N 396 Juillet-août-septembre 2013

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "N 396 Juillet-août-septembre 2013"

Copied!
61
0
0

Texte intégral

(1)

Pêche d’un Poulpe gigantesque, par la corvette l’Alecton, aux alentours de Ténériffe

N° 396

Juillet-août-septembre 2013

(2)
(3)

LE MOT DU PRESIDENT

Je débuterai aujourd’hui en naturaliste soucieux… car les bizarreries de la météorologie perturbée ont confirmé ce qui s’observe depuis maintenant au moins trois ans : la nature a de plus en plus de difficultés à en surmonter des exagérations répétées : hivers trop longs, printemps pourris, sautes de températures aux gradients peu ordinaires, etc. Même en montagne où l’on dit souvent que les choses « se rattrapent vite dès la belle saison », mon été entomologique fut extrêmement décevant, malgré une légère embellie fin juillet : nombreuses espèces carrément absentes des inventaires de certaines localités (comme les zygènes en altitude par exemple, les notodontes et arctides un peu partout), « chasses de nuit » désespérément pauvres (entre 30 et 60% des espèces observées habituellement ; et pour toutes, des effectifs en individus très réduits). J’ai même vu les merles de mon jardin s’attaquer aux salades… sans doute leur nourriture normale d’insectes et larves diverses devait-elle manquer cruellement ! Cela nous interroge évidemment comme je l’ai déjà souligné ici sur l’influence des activités humaines à long terme sur le climat, donc l’environnement et ses hôtes divers… Malgré tout, certains d’entre nous ont pu réaliser grâce à leur amour du terrain et leur sens affuté de l’observation, quelques belles découvertes que le bulletin ne manquera pas de répercuter.

Quant à la SHNS, sa survie continue à nous préoccuper, les compléments demandés urgemment à nos (très) maigres subventions pour 2013 tardant à nous parvenir, et ceci malgré nos interventions officielles, nos efforts continuels en activités diverses, et la rédaction du

« projet » réalisée à la demande de nos financeurs. Je rappelle qu’au jour ou j’écris ce mot, Mairie et Conseil Général nous ont alloué 7 000 € au lieu des 20 000 € absolument indispensables pour aborder 2014 sereinement. Suite à cette diminution drastique des subventions versées par nos tutelles, vous pourrez constater que ce bulletin est entièrement en

« noir et blanc », faute de moyens financiers pour imprimer des pages « couleur ».

L’impression du prochain bulletin de janvier 2014 est en suspens, tant que nous ne connaitrons pas les compléments de subventions accordées par la municipalité de Chambéry et le Conseil général de Savoie…

Le bureau reste mobilisé afin de permettre à la SHNS de poursuivre ses activités, et surtout le travail essentiel de surveillance, entretien, renforcement et valorisation des collections conservées précieusement par notre muséum de Chambéry et de la Savoie.

J’ajouterai qu’avec la disparition de notre filleule la Société d’Histoire Naturelle de Haute- Savoie, qui nous a demandé de recevoir ses biens lors de sa liquidation, nous avons maintenant un devoir renforcé qui s’étend à l’ensemble des deux départements savoyards.

La SHNS a par le passé traversé des moments difficiles, le muséum a déjà failli tomber en morceaux par manque d’entretien, mais tout cela a pu être surmonté par une volonté acharnée de maintenir en Savoie ce patrimoine unique.

J’en appelle donc à tous nos bénévoles (dont je remercie l’implication formidable) de maintenir notre effort, et à tous nos membres et sympathisants de participer au maximum à nos activités, afin d’apporter au bureau les éléments grâce auxquels nous pourrons défendre efficacement les demandes légitimes de moyens, afin de poursuivre cette belle aventure bientôt bicentenaire, dans l’intérêt de TOUS les « savoyards ».

Michel SAVOUREY

(4)

REVUE DE PRESSE

Quelques articles de ce trimestre du Dauphiné Libéré :

(5)
(6)
(7)
(8)
(9)

Merci à Philippe CLARIOND pour la transmission des articles.

(10)

PROGRAMME D’ACTIVITÉS DU 4ème TRIMESTRE 2013 & JANVIER 2014

CONFERENCES : (2ème jeudi du mois à 18h30) - 10 octobre : Champignon qui es-tu, que fais-tu ?

par Maurice DURAND (président de la S.M.B.R.C.).

- 14 novembre : Ecosystèmes : les pieds sur terre… de la géologie à la biologie, par Pierre GOTTELAND.

- 12 décembre : Le génie végétal, un ensemble de solutions pour lutter contre l'érosion superficielle des sols, par Yann BREULL.

- 9 janvier : Massif du Beaufortin : splendide géologie Alpine, par Gilles DE BROUCKER.

ATELIERS : (4ème jeudi du mois de 18h à 20h)

- 24 octobre - 28 novembre - 26 décembre - 23 janvier

Penser à apporter de quoi alimenter cet atelier (minéraux, fossiles, insectes, plantes ou des photos, livres nouveaux, etc.).

EXPOSITION :

- jusqu’au 25 octobre 2013 :

La Haute Maurienne, par Jacqueline EVIN.

- du 20 novembre au 16 janvier : Parés de lumière,

des scarabées…

…à voir de près ! Macrophotos

de Paul PAVLIDES

OUVERTURE DU MUSEUM : (visite gratuite) tous les jeudis de 14h à 18h

ainsi que pour les fêtes de la Science :

(11)

NOCTURNE AUX MARAIS DE VILLAROUX SORTIE DU 4 MAI 2013

Le samedi 4 mai 2013 ce sont une vingtaine de personnes qui se sont rassemblées sur le site de Villaroux, à proximité du lac de Sainte-Hélène pour une sortie conjointe LPO, FRAPNA et SHNS.

En perspective, la découverte de la zone humide de Sainte-Hélène du Lac, la rencontre avec la rainette verte et la découverte des papillons de nuit.

Cet alléchant programme à fait venir tous les participants, grands ou petits, très à l’heure ! Le groupe a donc dû patienter une petite heure que le jour décline, que le merle noir et le rossignol poussent leurs derniers cris pour entendre les premiers chants de la rainette verte démarrer.

Ce laps de temps a été mis à profit par les intarissables animateurs : Philippe Francoz (SHNS) pour une introduction sur les papillons de nuit, Lucile Gosa (FRAPNA Savoie) pour le site de Villaroux, son fonctionnement et son articulation dans le corridor Bauges-Chartreuse et Ludivine Quay (LPO Savoie) a décrit la biologie et l’écologie de la rainette verte.

Le groupe d’une vingtaine de personnes a été scindé en deux afin de pouvoir mieux observer rainettes et papillons, et de limiter l’impact sur le milieu humide et le dérangement des espèces. Au bout d’une petite heure les groupes se sont intervertis.

Rainette verte Faucille

Hyla arborea Drepana falcataria

Ce fut une bonne soirée pour l’écoute et la rencontre avec la rainette verte, petite émeraude des mares temporaires qui a fait fondre les naturalistes, petits et grands, par son air sympathique et sa couleur inimitable.

Ludivine QUAY Photos : Marc CHAMBRE

(12)

DE LA NAISSANCE DE LA TERRE A LA NAISSANCE DES ALPES LA TERRE EST UNE MACHINE A FABRIQUER DES MONTAGNES

COMPTE RENDU DE LA CONFÉRENCE DU 12 SEPTEMBRE 2013

Ce modeste article a pour but d'exposer l'état du savoir d'un simple amateur de géologie, sans formation particulière. Pour de plus amples informations, voir la bibliographie et les vrais géologues qui fréquentent régulièrement la Société d'Histoire Naturelle de Savoie.

Photo R. Joly-« La savoyarde », massif des Bauges

La Terre, cette planète qui nous héberge, est encore pleine de mystères. Depuis que l'homme existe, il n'a cessé de chercher à comprendre son fonctionnement. La Géologie est donc une Science historique, à tous les points de vue.

D'abord parce qu'elle travaille à partir d'archives, que sont les paysages, les roches et les minéraux qui les composent. Ces archives, comme toutes les archives historiques, ne sont pas toujours en bon état. Certaines périodes sont presque trop représentées, d'autres pas du tout.

Et, pour tout arranger, la même archive porte les traces mêlées de plusieurs épisodes. Les déchiffrer est alors une vraie enquête policière !

Ensuite, la Géologie a sa propre histoire, qui est celle des femmes et des hommes qui l'ont faite. Histoire très humaine, avec ses génies, ses traitres, ses humbles serviteurs et ses grands seigneurs flamboyants. Si vous aimez l'aventure, vous serez servis, par exemple avec les aventures de M. de Dolomieu, qui évoquent Dumas ou Jules Verne.

Elle nous raconte aussi des histoires, passionnantes et parfois à peine croyables, celle du microscopique grain de sable, celle des pierres du chemin, celle des montagnes qui nous entourent, et aussi celle des planètes lointaines qu’on ne cesse de découvrir (plus de 1000 à l'heure actuelle).

Enfin la Géologie, qui s’intéresse au passé, est aussi Science du futur, par exemple en matière de risques naturels.

(13)

La Géologie est aussi une Science d'observation : le chercheur se sert de ses yeux d’abord (et de ses pieds…). D’innombrables thèses, nées dans un cabinet feutré, ont disparu devant un simple petit fait constaté sur le terrain. Ainsi, à partir d'observations pratiques, Nicolas Sténon invente, vers 1660, les principes qui gouvernent encore la Géologie, en particulier l'idée que des couches superposées indiquent une succession dans le temps. Idée révolutionnaire pour son époque où le Déluge biblique expliquait tout.

Mais si un savant d'autrefois pouvait prétendre tout maîtriser dans son domaine, c’est devenu impossible. La collaboration entre chercheurs et techniciens de diverses disciplines est une obligation et ne cesse de s’élargir. La géologie est ainsi devenue une Science expérimentale qui utilise les ordinateurs les plus puissants et les engins les plus sophistiqués (comme le synchrotron de Grenoble) pour des expériences et des simulations. Cet engin de pointe a servi tout récemment à tester le comportement des roches terrestres dans des conditions de température et de pression qui correspondent à la limite "Noyau-Manteau", soit une profondeur d'environ 3000 km (voir ci-dessous).

Mais simulations et expériences ne conduisent à rien d’autre que de belles images si on ne les confronte pas avec les données d’observation. Certains chercheurs semblent l’avoir un peu oublié, en géologie comme ailleurs.

Naissance de la Terre :

La Géologie cherche à comprendre comment fonctionne la Terre. Mais si on peut démonter une machine quelconque pour en connaitre les mécanismes, c'est une technique impossible avec notre planète. Il faut donc des moyens indirects.

Or les astronomes ont l’avantage de voir des planètes en formation : d’immenses nuages de gaz et poussières flottent dans l’espace. Le philosophe Kant et le mathématicien Laplace ont été les premiers à deviner l’essentiel. Ces nuages ne peuvent pas être stables. Deux forces sont en lutte : l'énergie thermique (la chaleur, équivalente à la vitesse des particules) qui provoque la dispersion des éléments, et l'énergie gravitationnelle (l’attraction, « façon Newton » si vous voulez) qui cherche au contraire à rassembler les éléments dispersés. Si celle-ci l'emporte, le nuage se condense, entre en rotation et s'aplatit en une "galette". Des

"grumeaux" se forment en appliquant la technique de la boule de neige, se croisent, se brisent ou s'agrègent, donnant ainsi naissance à des embryons puis à de vraies planètes et leurs satellites. C'est une période prodigieusement violente (imaginez des milliards d'auto- tamponneuses de toutes tailles) et difficile à modéliser. Pour finir, comme dans une jungle, les plus gros mangent les petits.

On remarque que tout ce petit monde tourne dans le même sens et à peu près dans un même plan, autour d'un corps plus gros (il concentre 95% de la masse du système) qui devient une étoile.

On a déjà repéré, dans notre proche voisinage, plusieurs centaines de systèmes planétaires. Et la surprise, c'est qu'aucun ne ressemble à un autre. Notre système solaire n'est pas le modèle unique. Il y a donc encore, dans le scénario de fabrication des planètes, beaucoup de zones incertaines....

la Terre reçoit chaque année environ 20 000 tonnes de matière, du grain de poussière à la météorite de taille métrique ou plus. La « ceinture d’astéroïdes » entre Mars et Jupiter constitue un réservoir inépuisable de corps de toutes tailles.

La Terre d'il y a 4,5 milliards d'années est en fusion sous les impacts des corps de toutes tailles qui encombrent encore l’espace. D'ailleurs, elle a failli disparaître dans une collision avec un objet de la taille de Mars. Cette catastrophe a donné naissance à un corps céleste rarissime, une planète double : le couple "Terre-Lune", dont l'existence a peut-être influé sur la Géologie et l'apparition de la Vie ? Encore un problème non résolu. Ce bombardement dure quelques dizaines de millions d'années, puis cela cesse (ou presque) faute de munitions. Les cicatrices de cette époque, visibles encore sur la Lune et Mercure, ont disparu de la surface de la Terre, encore trop chaude à l’époque et remise à zéro par l'érosion. Encore que, de temps en temps, nous nous apercevons que le système solaire n’est pas encore bien « propre » :

(14)

La Terre reçoit chaque année environ 20 000 tonnes de matière, du grain de poussière à la météorite de taille métrique ou plus. La « ceinture d’astéroïdes » entre Mars et Jupiter constitue un réservoir inépuisable de corps de toutes tailles.

Notre planète est donc, au début, une boule de magma fondu. Les matières lourdes coulent vers le centre. Ce noyau de fer et de nickel cristallise lentement en se refroidissant.

C’est probablement l’origine du champ magnétique de la Terre. Les matières les plus légères (eau, hydrogène, gaz divers) s’évaporent presque totalement. Une théorie voudrait que l’eau des océans nous ait été rapportée plus tard par les comètes. Question encore en suspens…

La chaleur est entretenue par les noyaux radioactifs (uranium, thorium, potassium) présents dans le manteau qui entoure le noyau. La Terre est une énorme cocotte-minute qui évacue sa chaleur sous 2 formes : par conduction (peu efficace) et par convection, autrement dit par brassage. Ce manteau subit 2 influences contradictoires (voir schéma) : la CHALEUR qui devrait le rendre liquide et la PRESSION qui empêche cette fusion. Pour les événements rapides comme les séismes, le manteau est rigide, mais si on compte en millions d'années, le manteau «coule» doucement (quelques centimètres par an = des milliers de km en 100 millions d'années !). Il n'y a donc pas de "feu central" comme on le croyait.

La surface du globe en fusion se refroidit et finit par se solidifier par endroits. On ne

peut pas encore fixer une date précise. Sur les continents les plus stables, Groenland, Canada, Australie, on a trouvé des roches plus vieilles que 3,5 milliards d'années.

Cette croûte discontinue se déforme avec le temps : c’est la tectonique des plaques.

Voilà le grand mot lâché : la tectonique des plaques.

C'est venu de l'observation très ancienne et très banale de l'Atlantique Sud, dont les deux rives s’emboîtent très exactement. D'autres régions du globe offrent aussi cette curieuse symétrie. Alfred Wegener fut le premier à proposer vers 1915 une théorie cohérente connue sous le nom de «dérive des continents». Mais son point faible -outre qu'il n'était pas géologue - c'était le moteur de ce mouvement des masses continentales. Et sa théorie fut oubliée.

(15)

Jusqu'à ce qu'on s'intéresse aux fonds océaniques d’abord pour des raisons militaires. Ils présentent une curieuse symétrie : partant du milieu de l'océan, vers l'Est et vers l'Ouest, on trouve des roches de plus en plus vieilles en s'approchant des côtes, mais jamais plus de 200 millions d'années (M.A.). Or le milieu de l'Atlantique est jalonné d'une chaîne de volcans appelée «dorsale médio-atlantique» d'un cercle polaire à l'autre. Et tous les océans ont leur dorsale.

Cette «dorsale océanique» est une déchirure complexe de la croûte. Il y a ici décompression du manteau, donc fusion, donc sortie de laves qui débordent de chaque côté.

C’est surtout par là que la Terre se refroidit. Le fond de l'océan semble un double tapis roulant, sortant du manteau par la dorsale. Le moteur de ce mouvement c’est le refroidissement des plaques océaniques : en sortant de la dorsale, le magma se refroidit, cristallise en basalte, s’épaissit aux dépens du manteau sous-jacent, s’alourdit et finit par

« couler » jusqu’à une profondeur dont discutent encore les spécialistes. Les courants de convection du manteau sous-jacent y sont sans doute aussi pour quelque chose. Encore un problème à l’étude. D'ailleurs, au lieu de "dérive des continents" il serait peut-être plus exact de parler d'"expansion des fonds océaniques" ? Toutes choses inconcevables au temps de Wegener.

(16)

La surface de la Terre étant limitée, les plaques vagabondes finissent forcément par se rencontrer. Une précision : le basalte des fonds océaniques est un peu plus lourd que le granite des continents (densité 3,3 contre 2,8).

- Première forme de rencontre : une plaque océanique s’enfonce sous le continent voisin (on parle de subduction) et va se perdre dans le manteau.

C'est une zone très agitée du globe : volcans violents (volcans

« gris »), séismes majeurs, tsunamis... (« Ceinture de Feu » du Pacifique).

- Seconde forme de rencontre, lorsque c’est une bordure continentale qui est à l’avant (par exemple après subduction de la croûte océanique qui la précédait.

Forcément, elle en rencontre une autre. La collision engendre une chaîne de montagnes, avec séismes parfois importants (Inde, Asie du Sud-Est).

- Troisième configuration : deux plaques coulissent l’une contre l’autre. Les bords n’étant pas lisses, ça coince. D'où blocages puis déblocages imprévisibles progressifs ou brutaux, avec peu de volcanisme mais des séismes ravageurs (Californie, Turquie…).

Je laisse de côté le phénomène particulier et important des « points chauds », un sujet très « chaud » qui divise les géologues. Les progrès de la sismologie ont révélé ce phénomène, mais ne fournissent pas encore d’observations suffisamment précises pour conforter telle ou telle hypothèse.

Xavier le Pichon et ses collègues avaient déterminé 6 grandes plaques rigides, correspondant en gros aux continents avec leur talus continental. Actuellement, on nuance la chose : les plaques sont déformables, compte-tenu du fait qu'elles sont souvent composées de morceaux d'anciennes plaques plus ou moins bien soudés. Voir ce qui arrive à l’Asie du Sud- Est, dont les anciens morceaux sont en train de se faire éjecter vers l’Est par la collision indienne.

Une des conséquences de cette théorie solidement prouvée, c'est que la géographie de notre planète est en perpétuel changement. On peut reconstituer le dernier milliard d'années avec une certitude raisonnable. On découvre comme ça que certains morceaux de continents ont fait des circuits extraordinaires, passant pratiquement d'un pôle à l'autre. Les pôles se déplacent aussi, mais c’est une autre histoire. On sait maintenant pourquoi il y a des traces de glaciers dans le Sahara !

(17)

Naissance des Alpes :

Nous en venons enfin à nos Alpes.

La formation d’un continent unique, la Pangée, vers -350 millions d'années (M.A.) avait provoqué la surrection d'une énorme chaîne de montagnes ressemblant à l'Himalaya actuel. Les restes en sont encore visibles : c'est le Massif Central et ses annexes (dont font partie les roches les plus anciennes des Alpes, le Mont Blanc entre autres)

Entre -200 et -175 M.A. la Pangée se brise en plaques qui se séparent lentement les unes des autres, et formeront les continents actuels. Diverses hypothèses expliquent cette déchirure d’un continent : l’arrivée d’un « panache » de matière chaude qui affaiblit la croûte terrestre, ou la divergence de courants de convection dans le manteau sous-jacent. Peut-être un peu des deux ?

Vers -160 M.A., un océan, « la Téthys », s'ouvre entre l'Europe et l'Afrique au sud de notre Massif Central. Les débris de l'érosion s'y entassent sous forme de sédiments et de boues. Avec le temps, ces sédiments vont se durcir et devenir des roches variées selon la nature du dépôt originel.

Vers -150 M.A. le mouvement s'inverse. Cette fois, c’est la partie sud de la Pangée appelée « Gondwana » qui se déchire. L’Atlantique Sud s’ouvre puis l’Atlantique Nord. Le continent Afrique commence son rapprochement avec l'Europe. Vers -100 M.A. la petite plaque qui supporte Italie et Adriatique avance SUR le fond de l'ancien océan, bousculant au passage les sédiments. Certains sont repoussés en avant (et deviendront nos massifs préalpins, par exemple les Bauges et la Chartreuse), d’autres sont enfouis sous l'Afrique et subissent écrasement et chauffage (on dit «métamorphisme» quand on est géologue). Vers -50 M.A.

l’Océan Thétys est totalement refermé : c’est la collision. La plaque Afrique surmonte la plaque Europe, avant d’être presque totalement érodée. Il en reste des lambeaux, comme le Cervin. Des morceaux du continent Europe sont entraînés sous l’Afrique, dont les éléments qui formeront la Vanoise.

A cause de la collision, le mouvement se ralentit fortement. Aussitôt, certains blocs coincés sous l'Afrique jusqu’à 100 km de profondeur (un mélange de débris de la dorsale, de sédiments océaniques et de morceaux de la croûte continentale) remontent vers la surface à

(18)

très grande vitesse (peut-être à peine 1 à 2 M.A. !). On les désigne sous le nom de « nappes de charriage ». Elles ont été tellement métamorphisées qu'elles sont devenues malléables : ainsi les schistes de Vanoise ont pu se plisser comme des chiffons et s'empiler sur des épaisseurs de plusieurs kilomètres, comme de vrais mille-feuilles, parcourant au moins 100 km en passant par-dessus le massif du Grand Paradis, doublant ou triplant l’épaisseur du massif. Mouvement facilité par la présence d’une couche de gypses et de cargneules. Cela se passait il y a moins de 30 M.A.

Il y a quelques variations selon les régions : l’histoire des alpes orientales (Suisse orientale, Autriche, etc.) est un peu différente mais les mécanismes sont les mêmes.

Restons dans les Alpes françaises. De récents séismes, heureusement peu intenses, prouvent que les Alpes continuent à bouger de façon différenciée : les massifs centraux (Mt Blanc, Belledonne par exemple) grandissent encore (1 à 2 mm par an) repoussant les massifs subalpins, y compris le Jura, vers l’Ouest. Les massifs internes au contraire, semblent plutôt en train de redescendre vers l’Est sous l'effet de leur propre poids ! Tout ça prend du temps, mais pas énormément : à la vitesse actuelle de soulèvement des Alpes centrales, il faut à peine 1 million d'années pour monter de 1000 m. Horizontalement, à 1 cm par an, il ne faut que 10 millions d'années pour glisser de 100 km.

Mais depuis le début l’érosion n’a pas cessé d’attaquer tout ce qui dépassait. Le relief que nous voyons est le résultat de ces forces contradictoires. Selon la nature des roches, leur histoire proche ou lointaine (présence de failles), le climat du moment, l’érosion a remporté plus ou moins de succès, donnant forme aux montagnes et aux vallées que nous parcourons.

D’autres phénomènes viennent compliquer le schéma : le massif montagneux pèse sur la croûte terrestre qui s'enfonce dans le manteau : sous les Alpes, elle mesure 50 km d'épaisseur par endroits, au lieu de 30 (75 km sous l'Himalaya). Mais l’érosion, allégeant ce poids, provoque, elle, une remontée de l’ensemble… Devinez qui va gagner cette course ?

… La Terre est aussi une machine à détruire les montagnes.

Résumons pour finir le cycle des roches terrestres par ce schéma simplifié.

(19)

Bibliographie (non limitative …) :

-COURTILLOT V. : Nouveau Voyage au centre de la Terre [Odile Jacob, 2009]

-FISCHESSER B. : La Vie de la Montagne [Ed. de la Martinière, 1998]

-FUDRAL S. & BERTRAND J.M. : Petit guide géologique pour randonneur curieux [Club alpin Français, 2010]

-GRAPPIN Christiane (sous la direction de) : TERRE, Planète mystérieuse [INSU, Le Cherche-Midi]

-LEMOINE M., de GRACIANSKY P.C., TRICART P. : De l’océan à la chaîne de montagnes [Gordon & Breach, Géosciences, 2000]

-MATTAUER M. : Monts et Merveilles [Hermann, 1999]

-MICHEL F. : Roches et Paysages [BRGM éditions, 2007]

-TAZIEFF H. : Cratères en feu [Arthaud, 1975]

-WIDMER H. : Guide du relief des Alpes françaises du Nord [Gap, 2009]

-WIDMER H. : Guide du relief des Alpes françaises du Sud et Provence [Gap, 2013]

Et le site internet de l’Institut de Physique du Globe de Paris www.ipgp.fr et des tas d’autres…

Robert JOLY

(20)

NEIGE MARINE

- Avez-vous trouvé l'Argonaute et le Nautile dans leur vitrine ?

vous demandais-je lors du dernier bulletin de la SHNS. Tous deux Céphalopodes, de la sous-classe des Dibranchiaux Octopodes pour le premier, et de celle des Tétrabranchiaux Nautiloïdes pour le second.

Nos connaissances concernant les Céphalopodes remontent très loin dans l'histoire.

Aristote (-384/-322) et Pline l'Ancien (23/79) décrivirent déjà quelques espèces, déjà connues des peuples des civilisations minoennes (Crète, -3000/-1580) et mycéniennes (Argolide en Péloponnèse, -1600/-1200), qui en firent des représentations décoratives.

En Crète, à l'époque tardive (-1500/-1470), naquit un style marin d'ornementation qui donna lieu à la représentation de Dauphins, d'Etoiles de mer, de Murex dont on tirait la pourpre nécessaire pour teindre en rouge foncé le manteau conférant la dignité impériale chez les Anciens Romains. Furent aussi représentés les Céphalolopodes, avec à l'honneur le Poulpe commun (Octopus vulgaris) et l'Argonaute commun (Argonauta argo).

Décor stylisé de poulpe Décor de poulpe

Coupe de Rhodes (Musée du Louvre) Cratère crétois (Musée du Louvre)

Vase au poulpe de Gournia Stylisation du poulpe

(21)

A la fin du Moyen-âge apparaissent fables de pêcheurs et légendes populaires. Les découvertes et les phénomènes extraordinaires et inexplicables ont alors joué un rôle dans les superstitions et les coutumes, c'est ainsi que, trouver un fossile alimentait les légendes concernant les dieux, la médecine…

De nos jours, les peuples « premiers » utilisent encore fragments de coquilles et anneaux de ventouses pour confectionner des colliers et des bracelets servant de parures.

Les Ammonites ont disparu voilà soixante cinq millions d'années et seules subsistent deux sous-classes de Céphalopodes :

- les Nautiloïdes Tétrabranchiaux représentés par le Nautile.

- les Dibranchiaux, soit Octopodes dont font partie les Argonautes, soit Décapodes qui accueillent les Calmars géants.

Les Ammonites éteintes et les Dibranchiaux actuels sont équipés de dix tentacules, alors qu'ils se sont multipliés chez les Nautiloïdes. Mais sur la membrane buccale des Décapodes six à dix petits lobes représenteraient les restes d'une couronne interne de tentacules. Les animaux auraient donc pu posséder autrefois seize à vingt tentacules, et régresser jusqu'à huit à dix, alors que les Nautiles auraient augmenté jusqu'à quatre vingt dix le nombre des leurs.

Les Céphalopodes préfèrent comme biotope les régions océaniques où la concentration saline est plutôt élevée (3,2-3.75%). Les mers chaudes abritent la plus grande variété d'espèces, mais les mers froides recèlent le plus grand nombre d'animaux, solitaires rencontrés jusqu'à cinq mille mètres de profondeur. Parmi les sept cent trente espèces connues, l'Europe septentrionale en accueille trente cinq, l'Europe occidentale quarante-cinq, et l'Europe méridionale cinquante.

La Méditerranée, les îles de la Sonde et les abords du Japon présentent la plus grande variété d'espèces, qui sont absentes de la mer Noire et de la Baltique pour cause de salinité trop faible.

Hercule se mesurant avec l’Hydre de Lerne Attribué au peintre Diosphos

((Musée du Louvre)

(22)
(23)

- Imaginez que flotte gracieusement à la surface de la mer une chaloupe animée... La barque élégante qui se joue du courant et de la vague n'est pas œuvre humaine mais fille de la nature...

C'est l'Argonaute, dont les multitudes parées de mille couleurs errent la nuit à la surface de l'océan.

C'est Linné qui le premier baptisa cette coquille marine du nom d'Argonaute, qui jouissait d'un grand renom dans l'Antiquité grecque et romaine. Elle avait donné lieu à de gracieuses légendes et inspiré bien des poètes.

Aristote nomma Nautiles ce curieux animal, et Pline, Nautilus.

Peu d'animaux ont été aussi célèbres, aussi anciennement connus. Les poètes grecs et romains voyaient en lui une élégante miniature du navire construit par le génie et l’audace de l'homme qui, le premier, osa braver les fureurs de l'onde perfide.

« Un triple chêne, un triple airain, couvrait le cœur de celui qui, le premier, confia aux flots redoutables une barque fragile. » (Horace)

La rencontre du Nautilus était, pour les superstitieux Romains, le plus favorable des présages. Le petit nautonier errant au gré des vagues capricieuses, était une divinité qui guidait le navigateur dans sa course, lui assurant une traversée heureuse.

« Le Poulpe Nautiles est de la nature des animaux qui passent pour extraordinaires, car il peut flotter sur la mer. Il s'élève du fond de l'eau, la coquille étant renversée et vide. Mais arrivé à la surface, il la retourne. Il a entre les bras une espèce de tissu semblable à celui qui réunit les doigts des oiseaux palmipèdes... Il se sert de ce tissu lorsqu'il fait un peu de vent, en laissant tomber, pour lui servir de gouvernail, les bras de chaque côté. Au moindre danger, il plonge dans la mer, en remplissant d'eau sa

coquille. » (Aristote)

Pline, lui, explique comment le Nautilus navigue en élevant ses deux premiers bras, entre lesquels se déploie une membrane extrêmement fine, ramant avec les autres et gouvernant avec son bras médian.

Oppien, poète grec du second siècle de notre ère, parle aussi du Nautilus :

« Se cachant dans une coquille concave, le Pompyle peut aller sur la terre, mais il peut aussi s'élever à la surface des eaux, le dos de sa coquille en haut de peur qu'elle ne se remplisse. Aussitôt qu'il y est parvenu, il la retourne et navigue comme l'homme le plus habile ; pour cela il étend comme des antennes deux de ses pieds, entres lesquels est une membrane mince tendue comme une voile par le vent, pendant que deux autres qui touchent l'eau dirigent comme avec un gouvernail la maison, le navire et le poisson. S'il aperçoit un danger, reployant ses antennes, sa voile et ses gouvernails, il plonge, rendu plus pesant par l'eau qu'il a fait entrer dans sa coquille.

Comme on voit un homme vainqueur dans les

(24)

jeux publics, le front ceint d'une couronne autour duquel se presse un peuple immense, ainsi les Pompyles vont toujours en foule à la suite des navires, tant qu'ils ne sont pas troublés par la crainte du voisinage de la terre.

O poisson, justement cher aux navigateurs ! Ta présence annonce les vents doux et amis ; tu ramènes le calme et tu en es le signe. »

(Oppien)

Oppien allait loin dans son admiration, l'Argonaute est bien un esquif animé, mais en faire presque un oiseau, lui accorder la faculté de naviguer avec grâce sur les ondes et de s'élancer dans l’atmosphère, c'était dépasser les limites de l'exagération poétique.

Tout ce qui précède montre que l'Argonaute a fortement frappé l'imagination des Grecs et des Romains.

Mais il a aussi attiré l'attention des Chinois qui le nomment « poulpe à bâton » et en parlent avec beaucoup de détails.

En Inde un grand prix est attaché à la coquille de l'Argonaute. Les femmes la considèrent comme une magnifique parure, et dans les fêtes solennelles les danseuses portent dans leur main droite une coquille, l'élevant gracieusement au-dessus de leur tête.

Mais l'Argonaute n'avait pas besoin de tous ces éloges dont l'Antiquité l'a entouré pour récolter l'admiration et l'intérêt des naturalistes. Néanmoins, convenons qu'il est une des plus curieuses et élégantes créations de la nature, à l'égal si vous le voulez bien de la... Dentelle de Neptune.

(25)

Aristote avait découvert dans la cavité palléale de la femelle Argonaute, cavité située dans le manteau et contenant ses organes respiratoires, des éléments pourvus de ventouses qu'il avait considéré être des vers parasites.

Ce n'est qu'à la moitié du dix-neuvième siècle que les naturalistes se rendirent compte que ces vers ne sont que des tentacules copulaires qui se sont détachés du mâle pour permettre la fécondation des spermatophores.

Chez les Argonautes les mâles sont nains, d'une longueur de dix à quinze millimètres, rarement vingt, et ne fabriquent pas de coquille. Leur seule raison de vivre est l'accouplement au cours duquel ils perdent leur grand tentacule copulateur de vingt à trente millimètres. Celui-ci est rentré sous forme de pelote dans une poche buccale adaptée, en forme de poire. Lorsque la croissance de l'animal est achevée, ce réceptacle éclate, libérant ce tentacule copulateur plus long que lui, garni de ventouses, et dont l'extrémité est aplatie comme un fléau.

Argonaute femelle Argonaute mâle

L'espèce la plus connue et l'une des plus remarquables est l'Argonaute commun qui vit dans les mers assez chaudes et est très répandu en Méditerranée, surtout le long des côtes Siciliennes et dans le golfe de Tarente. Il vit en pleine mer sans jamais avoir de contact avec le fond. Les femelles forment souvent des troupes nombreuses se déplaçant avec leur coquille ((longueur de la femelle environ trente cinq centimètres – coquille environ vingt centimètres).

On peut penser que la femelle possède une vraie coquille de mollusque, mais cet esquif en forme de barque n’est en rien partie intégrante du corps de l’animal et ne sert à la mère qu'à protéger ses œufs qui sont très petits. Cette coquille translucide, fine comme du parchemin, ne présente qu'une seule chambre enroulée en une spirale naissante, et ressemble à un casque décoré d’ornements variés.

Les rapports de l'animal avec sa coquille sont très particuliers. L'Argonaute n'y adhère par aucune partie de son corps. Mais qu'est-ce donc que cette coquille qui doit être soutenue par deux tentacules, les six autres servant à la nage et à la chasse ? Elle n'est pas produite par le manteau, comme celle des autres Mollusques, mais par les secrétions de ses deux bras lobés qui la recouvrent extérieurement.

(26)

Au cours de sa croissance il se forme sur chacun des deux tentacules supérieurs de l'animal, encore en forme de lacets, un élargissement en forme de lobe à leur extrémité. Ces deux disques de tentacules sont situés latéralement de chaque côté du corps, et ils se touchent vers la face inférieure de l’animal. Sur leur face interne, ils sécrètent une coquille secondaire, la primitive étant dégénérée comme chez toutes les pieuvres qui appartiennent au même sous-ordre des Incinnata (Pieuvres). Les deux moitiés de cette coquille sont soudées, à leur rebord inférieur.

Argonaute papyracé Coquille de l’Argonaute papyracé (Argonauta argo. Lin.) (Argonauta argo. Lin.)

Argonaute papyracé nageant au moyen Argonaute papyracé retiré de son tube locomoteur dans sa coquille (Argonauta argo. Lin.) (Argonauta argo. Lin.)

Il arrive à l'occasion que Madame Argonaute abandonne sa barque pour un bref moment, mais sans sa coquille elle est incapable de nager. Et elle nage sa bouche dirigée obliquement vers le haut, dans une locomotion par à-coups générée par un puissant entonnoir situé dans l'axe du déplacement. Durant ce déplacement les deux tentacules lobés enveloppent la coquille et la soutiennent, tandis que les six autres sont repliés à l'intérieur.

Singulièrement le corps de l'Argonaute ne pénètre pas jusqu'au fond de sa coquille. Il n'y est retenu par aucune attache musculaire mais n'est pas un usurpateur de domicile comme le Bernard l'ermite.

Pourtant le parasitisme de l'Argonaute a été longtemps admis par les naturalistes. Mais les faits ont démenti ces vues. Car des coquilles d'Argonautes de toutes dimensions et de tous âges ont été recueillies, habitées toutes par le même animal dont la taille était toujours en rapport avec le volume de la coquille. Et quand un morceau de coquille est brisé, l'animal le restaure en quelques jours. De plus, il semblerait que les œufs

(27)

grandit avec lui. Faut-il en conclure que l'Argonaute secrète une nouvelle coquille à chaque stade de son développement, puis qu'il abandonne l'avant-dernière ?

Ces petits êtres partageraient-ils avec les Poulpes la faculté de changer de couleur selon l'influence de vives impressions ? Cela a été signalé. Mais il est bien difficile d'apercevoir de si charmants animaux. Ils ne fréquentent pas les abords des rivages.

Timides et craintifs, ils se cantonnent en haute mer, nageant en famille, plutôt au crépuscule, sur la surface tranquille de l'Océan, se laissant porter passivement par les courants et les vents.

A moins que, comme le rapporte une légende des temps d'Aristote, ils se servent de leurs bras palmés en guise de rames et de voiles, les nuits de pleine lune...

Argonaute : femelle et son paquet d’œufs

En bas à gauche le mâle très agrandi et au dessus sa dimension proportionnelle à celle de la femelle

- Imaginez que vogue élégamment dans les profondeurs de l'océan un bateau de perle ondoyant... L'esquif élégant qui va et vient dans son élément surgit en fils de la nature de la nuit des temps, d'un voyage de cinq cent millions d'années depuis un primaire Cambrien...

C'est le Nautile, solitaire aux galons colorés qui mène une vie de prédateur nocturne au fond de l'océan.

Il y a trois siècles, un médecin hollandais, Georg Rumpf, « le Pline de l'Inde » rapportait déjà en 1709 que :

« Ces animaux nagent par à coups avec des mouvements saccadés, leurs tentacules étirés et étalés autour d'eux. Par contre lorsqu'ils sont au fond, ils rampent ou s'ancrent avec ces mêmes tentacules. »

(28)

Argonaute femelle portant sa ponte (Argonauta argo. Lin.)

Argonaute femelle dans sa nacelle

Nautile (Nautilus pompilius. Lin.)

(29)

Il décrivait également les manipulations par lesquelles était détachée la couche extérieure de la coquille, afin de parvenir jusqu'à la couche nacrée pour la transformer en une sorte de verre à boire, peu pratique. La partie extérieure, ornée de figures sculptées, était enduite d'un mélange composé de poudre de charbon, de cire et d'huile, de manière que ces figures se détachaient en noir.

Dans une lointaine époque, les Tétrabranchiaux dominaient la classe des Céphalopodes, représentés par des classes variées.

Les Nautiloïdes Tétrabranchiaux forment une sous-classe indépendante de tous les autres ordres de Céphalopodes vivant actuellement, et qui possède quatre branchies alors que les Dibranchiaux n'en ont que deux. Le genre Nautilus diffère donc radicalement des Dibranchiaux. La raison de ce cas isolé dans la sous-classe des Tétrabranchiaux est un des mystères de l'histoire de la Terre, et le Nautile est un spécimen ultime rejeton d'une lignée autrefois répandue, une sorte de « dernier des Mohicans ».

Le genre Nautilus prend de l'ampleur voilà quatre cent cinquante millions d'années à la charnière entre le Cambrien et le Silurien, à l'ère primaire. Les Nautiloïdes s'éteignent à la fin de l'ère primaire, au Permien, c'est à dire il y a deux cent millions d'années.

Mais le Nautile seul remonte les temps, se diversifie en deux cent espèces à l'ère secondaire (-200/-60 millions d'années) et finit par diminuer rapidement à l'ère tertiaire (-60/-2 à 3 millions d'années) pour rester le seul représentant vivant actuellement.

Le Nautile est donc un céphalopode tentaculifère à quatre branchies, aux nombreux bras ne portant ni ventouses ni cupules, à coquille extérieure, vivant dans une belle chambre nacrée.

Selon les auteurs, quatre à neuf espèces le représentent, la plus connue étant le Nautilus pompilius des cotes Indo-pacifiques, abondant aux Philippines.

La coquille externe de cet élégant animal mesure dix à trente centimètres de diamètre et s'enroule en spirale plane à tours contigus suivant un plan de symétrie, de façon que les spires les plus anciennes soient recouvertes par les plus récentes, le dernier tour enveloppant les autres. L'espace antérieur est délimité postérieurement par une cloison transversale, concave en avant, qui présente un trou en forme d'entonnoir en son centre. Coupons la coquille selon son axe, toute une série de compartiments se dévoile en autant de chambres, ou loges, au fur et à mesure de la croissance de l'animal, toutes traversées par un appendice tubulaire prolongement membraneux du corps du Mollusque : le siphon, qui reçoit et protège les ligaments à l'aide desquels l'animal est retenu dans sa coquille.

Coquille du Nautile flambé Coupe sagittale d’une coquille de Nautile (Nautilus pompilius. Lin.) montrant le cloisonnement et les goulots

siphonaux qui perforent chaque cloison.

(30)

Le Nautile est confiné dans la dernière loge après qu'en grandissant il progresse à l'intérieur de la coquille, secrétant périodiquement derrière lui un nouveau diaphragme calcaire, coquille elle-même secrétée par les bords antérieurs de son manteau. Leur taille adulte est atteinte au bout d'un an, et dans la dernière loge qui le contient l'animal est couvert d'un manteau qui tapisse les parois de la loge. Quand il se contracte, il est protégé par une sorte de capuchon triangulaire et charnu. Des tentacules nombreux, de quatre-vingt-deux à quatre-vingt-dix, contractiles et rentrant dans des gaines, dont quelques-uns sont garnis d'un grand nombre de lamelles, entourent une tête peu distincte du corps.

Nautile flambé Nautile flambé

Coupe laissant voir la dernière loge Coupe laissant voir la dernière loge vide, où l’animal est fixé, ainsi que le siphon et les cloisons donnant passage au siphon (Nautilus pompilius. Lin.) (Nautilus pompilius. Lin.)

Les yeux du Nautile nous fixent, immobiles, dépourvus de cristallin et de corps vitreux, fonctionnant comme une chambre photographique à ouverture punctiforme.

Deux gros yeux pédonculés fixés de chaque côté de la tête, possèdent une rétine très perfectionnée qui reçoit les rayons lumineux pénétrant par la pupille. Sous chaque œil un appendice, le rhinophore, est le siège des perceptions chimio-sensibles. D'autres organes sensoriels sont situés, sous forme de plis, à chacune des quatre branchies, servant principalement d'organes olfactifs.

La bouche du Nautile est armée de mandibules, façon bec de perroquet, et garnie d'une langue râpeuse couverte de dents cornées, radula de deux rangées de treize dents, qui réduit les aliments en bribes infimes. Cette radula sert plutôt de pelle pour avaler la nourriture, petits crustacés et animaux rencontrés sur les fonds de cinquante à six cent cinquante mètres, digérés très lentement en plus de trente heures.

Vue de la tête du Nautile Nautile vu de face.

Sous les tentacules, l’entonnoir

(31)

Langue d’escargot : radula formée de minuscule dents

cornées, jusqu’à 27 000 Restes du dernier repas d’une Ammonite (20 000 chez l’escargot (-200 à -65 millions d’années) de Bourgogne) - dents radulaires : peignes et sabres

de 1 mm de longueur - au dessus, gastéropode - en bas à droite, crustacé

Les Nautiles vivants aujourd’hui sont globalement peu nombreux et se déplacent rarement à la surface de l'eau. Ils se tiennent cachés le jour et mènent une vie de prédateurs nocturnes au fond des mers. Les loges contiennent une certaine quantité de gaz et une quantité variable de liquide que l'animal peut augmenter ou diminuer à l'aide de son siphon tubulaire qui se prolonge jusqu’à la plus ancienne loge. C'est ainsi qu'est modifiée l'ampleur du volume gazeux et par conséquent son effet sur la propulsion de l'animal. C'est alors qu'il peut s'élever ou s'enfoncer dans l'eau. Et en faisant saillir son corps hors de la dernière chambre, il augmente de volume à poids constant, ce qui lui permet de se déplacer à volonté. Le Nautile est adapté de fait à la pression des profondeurs sous-marines étant doté de quatre branchies, le seul parmi les Céphalopodes, et d'un cœur qui comporte un ventricule et une oreillette.

Que le Nautile soit au repos ou qu'il se déplace en nageant régulièrement, tous ses tentacules sont rentrés dans leur gaine, et parfois seules les extrémités sont vues. Dès qu'un tentacule latéral externe, le tentacule du goût, touche un aliment, d'autres tentacules, les préhensiles, sortent de leur gaine et s'étirent pour saisir la proie et l'amener sous le bouclier. Et pendant que l'animal se repaît de sa proie, celle-ci est maintenue par la couronne extérieure de tentacules. Et ce drame silencieux se déroule fréquemment, à l’affût d'un poisson, dans une cavité bourbeuse de prédilection.

Nautile tenant entre ses tentacules Deux nautiles probablement un morceau de poisson en train de s’accoupler

(32)

En cas de besoin, ces animaux, aux dires des autochtones, se déplacent aussi vite que les poissons. Si cela est vrai cela serait étonnant..., bien que des calmars de dix centimètres soient eux-mêmes capables de « voler en bandes » au-dessus de l'océan à la vitesse de plus de onze mètres par seconde, tentacules et nageoires rabattus lorsqu'ils se propulsent en expulsant de l'eau, puis déployés durant un vol plané d'environ trente mètres, et plus rapidement que sous l'eau, durant trois secondes.

L'aire de répartition du Nautile est limitée aux régions tropicales de l'arc Indo- Pacifique, de l'océan Indien aux Îles Fidji, dans l'archipel des Salomons, près de la Nouvelle-Guinée, près de la Nouvelle-Calédonie. Les différentes espèces se distinguent par les dimensions du corps et par le nombre et l'ordonnance des bandes brun-rouge qui ornent leur coquille. On trouve aussi bien de nombreux rubans colorés formant des zigzags sur toute la coquille, qu'une surface extérieure rugueuse.

Des coquilles fossiles d’Ammonites de deux mètres de diamètres ont été trouvées, et j'ai eu la chance d'en voir une au Maroc près d'une exploitation de phosphate, dans une couche de soixante millions d'années. Il s'agit donc de la date de l'extinction de ces cousines des nautiles, à la fin de l'ère secondaire, dont elles diffèrent par le siphon qui est plaqué contre la paroi extérieure de la spirale. Pour le reste, les formes de l'Ammonite rappellent d'assez près celles de l'actuel Nautile qui vit dans des zones où la température de l'eau atteint un maximum de trente et un degrés Celsius, et où il trouve en plus des poissons, des petits crabes et des animaux morts.

Ce malheureux Mollusque est lui aussi très exposé à être dévoré par les crustacés et par d'autres carnassiers marins, ce qui semble être prouvé par les déchirures du bord des coquilles retrouvées.

On trouve en mer plus de coquilles vides que d’habitées. Parfois, après une tempête, des animaux morts et des coquilles vides échouent en masse le long des côtes, et les autochtones les récoltent pour les manger et en faire des parures.

Le Nautile est une forme qui tournoie, qui spirale, Et cette spirale est la suite de l'onde marine en mouvement qui forme… elle-même...

La gazelle a la corne qui ondule, et celle du mouflon tournoie. Pourquoi l'escargot a-t-il décidé de s'enrouler, de même que la fougère et sa crosse naissante ?

Pourquoi contrairement à l'éléphant qui laisse sa trompe traîner dans la poussière, le papillon enroule-t-il méticuleusement la sienne ?

Le tourbillon engloutit comme une tornade ou s'engloutit comme l'eau du bain dans la bonde, la spirale est plus posée et joliment mathématique.

* Elle est courbe qui prend naissance en un point ou en un axe particulier et qui tourne

(33)

Elle est courbe tournoyante dans le plus grand, dans la forme des galaxies, et dans le plus minuscule, lors de l'explosion d'un proton. Pommes de pin, chardons, tournesols et autres plantes lui soumettent la disposition de leurs feuilles, pétales et graines, et nous la retrouvons jusque dans nos oreilles.

La spirale a tant fasciné les humains que nous la retrouvons sur les pierres de la préhistoire, les manuscrits de l'histoire, et tatouée à même la peau du visage des Maoris.

Dans la géométrie sacrée la spirale a trouvé sa place et notre escargot marin Nautile est peut-être une spirale parfaite. Mais nous ne saurons jamais pourquoi les hommes préhistoriques traçaient des spirales, et il faudrait demander aux Maoris leur avis sur la question.

Le Nautile est dépourvu de ces arrières pensées métaphysiques lorsqu'il construit sa coquille... et ce, d'autant plus qu'il architecture ses nouvelles loges sans se compliquer la vie, programmé qu'il est, pour déposer du calcaire selon un angle qui reste constant tout au long de son existence. Il agrandit ainsi l'ouverture de sa coquille avec une régularité d'automate, coquille qui conserve sa forme en grandissant.

La forme est superbe et la spirale fascinante, les mathématiciens la baptisent logarithmique, mais chez le Nautile ne présupposons pas une géométrie divine ! L'histoire de ce Mollusque, comme celle de chaque espèce, n'est faite que de hasards et surtout de contraintes qui donnent des résultats plus proches du bricolage que de l’ingénierie.

Les Ammonites, apparentées aux Nautiles, se sont éteintes à l'âge des Dinosaures, et après avoir produit de magnifiques spirales certaines espèces se sont déroulées et ont donné de difformes coquilles asymétriques. Qui sait à quoi ressembleront les descendants des Nautiles dans quelques millions d'années ?

Pour l'heure, contentons-nous d'admirer cet esquif élégant, ce bateau de perle solitaire aux galons colorés, et...

... ne croyez pas ceux qui essaieront de vous persuader que si on multiplie la taille du Nautile par le nombre de ses tentacules et par le nombre d'or on obtient précisément le dixième de la longueur de la base de la pyramide de Khéops !

Pendant ce temps là, l’œil du Nautile nous regarde…

(34)
(35)

- Imaginons que vous avez observé ce magnifique Calmar géant, l'Architeuthis, Céphalopode de la sous-classe des Dibranchiaux Décapodes, présenté un soir de juillet à la télévision par le professeur Kubodera qui a réussi à le filmer par six cent trente mètres de fond.

Les terrifiantes histoires contées par des marins à leur sujet paraissent bien souvent exagérées. Bien que nous ne devons pas prendre trop au sérieux les légendes des siècles passés, il ne fait pas de doute qu'elle contiennent une parcelle de vérité. On peut considérer comme appartenant au domaine des fables les histoires de Calmars géants attaquant des voiliers avec tout leur équipage, et les entraînant dans les abîmes.

Quand ils ont attaqué parfois des bateaux il s'agit peut-être de leur part d'une confusion avec un cachalot, leur ennemi juré, de même que les grands requins peuvent confondre un surfeur sur sa planche avec un phoque.

Cependant des Calmars géants isolément échoués sur des côtes et le contenu stomacal de nombre de cachalots ont montré quelles dimensions gigantesques peuvent atteindre de vieux sujets cachés dans les profondeurs. Un spécimen capturé en 1933 près de Nouvelle-Zélande mesurait vingt-deux mètres, huit pour le corps et quatorze pour les tentacules !

Hélas ! Les tempêtes et de mortels combats endommagent considérablement le corps mou des Calmars géants avant que ceux-ci n'atteignent la surface. Aussi ne peut-on souvent déterminer l'espèce à laquelle ils appartiennent, quand cela est possible, qu'avec imprécision. Cette identification se faisant d'après la forme de la mâchoire.

Cependant l'observation du contenu de l'estomac des Cachalots porte à notre connaissance des faits très étonnants. On y a découvert des ventouses de quinze, vingt et même vingt-cinq centimètres de diamètre, et des yeux jusqu'à quarante centimètres de diamètre, les plus gros yeux de tout le monde animal. De telles pièces à conviction indiquent qu'il existe des Calmars géants dont le corps mesure dix mètres de long, ce qui suppose une longueur totale de vingt-cinq mètres et un poids supérieur à cinq tonnes.

Une vingtaine d'espèces de Calmars ont été décrites mais des analyses cellulaires plus fines indiqueraient qu'en fait il n'en existerait qu'une seule. La femelle pond des œufs et stocke le sperme du mâle pour les féconder. Pour la suite on n'en sait pas plus. Ses ventouses immobilisent les proies, aidées par de petites dents. Mais que mangent-ils ? Comme prédateurs ils ont à connaître certains requins et aussi leurs congénères. Mais également leurs principaux ennemis, les cachalots, qui portent souvent sur leur tête des traces de ventouses en guise de collier. Quant à leur espérance de vie, c'est l'incertitude totale, de deux à trente-huit ans selon les spécialistes.

Mais le plus extraordinaire est à venir : lors de l'échouage d'un cachalot de vingt mètres en Nouvelle-Zélande, il a été compté dans son estomac 16 000 becs de Calmars de toutes espèces...

Bec de Calmar Bec d’Architeuthis

(36)

Plus précisément il est reconnu que la femelle Cachalot engloutit 700 à 800 Calmars journellement, le mâle se contentant de 300 à 400. Et les Architeuthis représenteraient un pour cent de ces 550 Calmars en moyenne par Cachalot.

Par contre le nombre de Cachalots est bien connu, de l'ordre de 360'000. Ce qui permet de conclure que près de deux millions de calmars géants sont consommés journellement. Et si chaque Cachalot déguste ses Architeuthis tous les jours, en une année 730 millions auront passé de vie à trépas.

Plus raisonnablement nous pouvons compter sur une population de plusieurs dizaines de millions d'Architeuthis consommés.

Quant à connaître leur population exacte...

Oui la Nature est généreuse, prolifique, et elle ne compte pas.

A côté de dizaines de millions d'Architeuthis consommés, comptons, sans parler des autres calmars :

- Chez les invertébrés

- 1,1 millions d’espèces d'arthropodes (insectes, crustacés, arachnides), - 15 000 espèces d’éponges,

- 110 000 espèces de mollusques (des simples coquillages jusqu'aux pieuvres),

- 11 300 espèces de cnidaires (méduses, anémones de mer, coraux), - 45 000 espèces d'annélides (étoiles de mer, oursins, concombres de mer).

- Chez les vertébrés

- 31 250 espèces de poissons,

- 6 670 espèces d'amphibiens (grenouilles, crapauds, salamandres, tritons, cécilies : batraciens fouisseurs aveugles),

- 7 700 espèces de reptiles (crocodiles, lézards, serpents, tortues), - 10 100 espèces d'oiseaux,

- 5 500 espèces de mammifères.

Et l'animal lui-même est généreux.

Celui qui a le plus de dents dans sa bouche est l'escargot. Comme tous les Mollusques, à l'exception des Bivalves, il possède une langue un peu spéciale, cette radula que nous avons déjà évoquée, sorte de ruban armé ressemblant aux dents d'une lime, formée de minuscules dents chitineuses cornées, jusqu'à 27 000 qui lui servent à râper et broyer la nourriture, dans une bouche pas plus grande qu'une tête d'épingle. Notre escargot, dit de Bourgogne, en compte 20 000.

A vos microscopes... !

Après les micro-organismes et les plantes, les lombrics seraient la troisième biomasse la plus importante sur la terre. S'ils remontaient tous à la surface on trouverait 250 vers au mètre carré ! Chaque hectare en contient de cinq à vingt tonnes ! Dans une prairie la masse de vers pèse plus lourd que les vaches qui y paissent..

Et sur nos pelouses les merles ne mourront pas de faim, mais quel gagne-vers et quelle énergie !

...J'avais noté un jour qu'il fallait compter en millions de tonnes la masse des déjections déposées chaque année dans la nature par les chats au États-Unis.

Prenons un chat moyen qui défèque 100 grammes par jour. En un an nous aurons

(37)

million de tonnes soit 1 000 millions de kilogrammes pour 40 par an. Les États-Unis abritent donc 25 millions de chats pour 325 millions d'habitants, soit un chat pour treize.

C'est cohérent, un chat toutes les trois maisons, mais un million de tonnes de crottes cela fait quand même beaucoup !

Vous vous demandez sans doute où je veux en venir avec tous ces nombres que la Nature nous lance au visage...

Si je vous disais que c'est la faute à la neige marine...

Revenons à l'Architeuthis du professeur Kubodera.

Pendant qu'il l'observait à cinq mètres de distance en train de croquer le calmar-appat, à un moment je ne voyais plus qu'un nuage blanc qui traversait l'écran de haut en bas, un voile de matières organiques mortes qui tombaient depuis la surface de l'océan.

Au-dessous d'environ cent cinquante mètres, plus de lumière donc plus de photosynthèse et la règle des océans est alors une alimentation carnée à cent pour cent.

Car la mer est un élément carnassier où tous les animaux non microscopiques, ainsi qu'une bonne part de ceux qui sont microscopiques, invisibles à l’œil nu, ne vivent qu'en dévorant leur voisin. Et tout cet édifice est supporté par le plancton végétal.

Mais qu'est-ce exactement que le plancton ?

C'est la masse de tous les micro-organismes végétaux, dits autotrophes, et animaux, dits hétérotrophes, en suspension dans l'eau. Dans les mangroves les jeunes poissons s'en régalent, comme les Mollusques Bivalves sur les côtes sablonneuses et d'autres sur les côtes rocheuses : Bernacles, Huîtres, Moules,...

Ils sont très goûtés par les crevettes, et dans les récifs coralliens par les Polypes, les Eponges, les Anémones, les Vers spirographes.

Le phytoplancton autotrophe est constitué en majeure partie d’algues brunes microscopiques n'excédant pas quarante microns de long, et d'autres unicellulaires de photosynthèse, et ils se situent à la base de la plupart des chaînes alimentaires des océans.

Ayant besoin de lumière et de nutriments il se concentre dans les eaux côtières, au plus près des déversements minéraux par les fleuves.

Au large, il se développe à la croisée des courants, et là où l'eau froide riche en nutriments remonte des profondeurs. Et c'est l'énergie solaire qui lui fait produire de l'oxygène.

Le zooplancton hétérotrophe est constituée d'animaux à peine visibles à l’œil nu qui pour la plupart se nourrissent de phytoplancton, même si certains chassent d'autres animaux planctoniques. Les plus nombreux sont des crustacés à peine visibles à l’œil nu, les copépodes. Sont représentés aussi des larves de créatures plus grandes comme les Balanes, petits crustacés fixés sur les rochers littoraux, les coquillages et les vers des grands fonds.

Balanes

Copépode Calanus gracilis

(38)

En dessous de cent cinquante à deux cent mètres, dans le grand large des océans, on ne trouve que des animaux, et le zooplancton partage les matières organiques mortes qui tombent depuis la surface de l'eau avec toutes sortes de créatures. Il s'agit donc de ce que l'on appelle la neige marine, dont il se nourrit le jour, migrant la nuit vers les eaux peu profondes pour manger le phytoplancton, suivi par les prédateurs. A l'ultime étage inférieur, dans les plaines abyssales, cette neige marine nourrit sur de vastes bancs de sable un monde dominé par les échinodermes : Oursins, Etoiles de mer, Concombres de mer. Ils rampent par millions fouillant les sédiments, et sont considérés par certains comme les animaux les plus nombreux de la planète.

Et cette masse de planton est formidable. En s'en tenant aux seuls êtres vivants invisibles, sauf avec l’aide du microscope, on trouve en haute mer 3000 spécimens au litre entre 10 degrés de latitude Nord et Sud. Cette quantité augmente à mesure que l'on s'éloigne des tropiques. Contrairement à une logique erronée, la vie est plus dense dans les eaux froides de notre planète. A 40 degrés de latitude chaque litre d'eau de mer contient 20 000 organismes en moyenne. Ailleurs, et en ne comptant que les diatomées, algues unicellulaires munies d'un étui protecteur à deux valves, cette densité peut croître jusqu'à 346 000 individus par litre d'eau. Une diatomée relativement grande ne dépasse un dixième de millimètre de diamètre et présente des géométries variées allant des dessins hexagonaux ressemblant à des rayons de miel, à des formes de roues à rayons de vélo. Pour se reproduire la diatomée se sépare simplement en deux moitiés identiques, opération non seulement rapide mais irrésistible et inéluctable comme un mouvement d'horlogerie.

Alors là, si la nature ne nous lance pas des nombres au visage... ! Une seule diatomée, en se reproduisant librement, sans rentrer dans le cycle de la vie (durée de vie du phytoplancton : vingt minutes - durée de vie du zooplancton : 1 semaine), produirait au bout d'une semaine une masse égale à celle de la Terre toute entière, c'est à dire que cet être invisible à l’œil nu, aurait en sept jours une descendance pesant 6000 trillons de tonnes (soit 6 000 millions de billions, c'est à dire 6 000 millions de millions de millions : en fait 6, suivi de 21 zéros !).

Les spécialistes considèrent qu’un dix-millième du volume des océans est constitué de plancton. Ce volume étant de un milliard trois cent millions de kilomètres cubes, cela donne cent trente mille kilomètres cubes de plancton ! Essayons d'étaler ce plancton sur notre belle France d'environ cinq cent mille kilomètres carrés.

130 000 km3 / 500 000 km2 = 0,26 km Elle sera recouverte d'une couche grouillante de 260 mètres !

On peut donc dire que chaque seconde qui passe voit naître dans les océans plusieurs milliards de tonnes de matière vivante.

Et cela depuis des milliards d'années.

Et cela n'est pas un hasard si la baleine est si volumineuse.

C'est qu'elle puise sa nourriture à la source, sans efforts. Loin de se fatiguer à poursuivre de grosses proies agiles elle se contente d'ouvrir sa gueule immense et de filtrer l'eau. Chaque fois que cent mille mètres cubes s'y engloutissent, un mètre cube de plancton la régale, filtré par six cent fanons. Cette tonne de nourriture rejoindra l'estomac qui peut en contenir dix, d'un animal pesant jusqu'à cent cinquante tonnes.

La baleine n'est qu'un invité d'honneur à ce festin carné, et notre tarine ruminante n'a pas encore de correspondant aquatique.

(39)

Cette aventure perpétuelle du plancton est fascinante, et pendant que je regardais tomber cette neige marine m'est revenu en mémoire une statistique qui stipule que chaque gramme d'être vivant résulte de dix grammes de cabillaud.

Donc, pour fabriquer une tranche de cabillaud de 200 grammes que je découpe dans mon assiette, la morue (cabillaud salé, séché) a dû manger 2 kilogrammes de maquereaux qui avaient dévorés 20 kilogrammes de petits harengs qui s'étaient régalés de 200 kilogrammes de mollusques. Et ce n'est pas fini, car les mollusques sont eux-mêmes carnivores. Ils mangent de petits invertébrés, des crustacés, des œufs, ... , et du zooplancton, qui...

Prenons seulement en compte ce dernier, nous sommes à 2 tonnes, elles- mêmes issues du phytoplancton, premier maillon de la chaîne, soit 20 tonnes.

En résumé, chaque fois que nous mangeons 200 grammes de cabillaud, ou autre poisson, retenons que la portion est issue de 20 tonnes de plancton végétal mangé, assimilé, et ainsi de suite six ou sept fois. Et de cette alchimie en cascade je n'oublie pas que de ces 200 grammes, mon fils, qui a grandi, en a retenu 20.

20 tonnes de phytoplancton pour 20 grammes d'homme !

Et comme il pèse 76 kilogrammes, pour le fabriquer, il aura fallu 76 000 tonnes de phytoplancton.

Ce sera le mot de la fin.

Philippe CLARIOND

(40)

Premier portrait officiel de l’Architeuthis (A. Verrill - 1875)

Premier portrait Européen de l’Architeuthis Spécimen de Saint-Paul (Vélain - 1877)

(41)

Cicatrices sur peau de

Cachalot (Murray - 1912) Tentacule

Combat entre un Cachalot et un Architeuthis

Ventouse Œil (coupe)

Calmar Poulpe Poulpe Homme

(42)

SOUS-TABLEAU RÉCAPITULATIF

Embranchement des Mollusques

Sous-embranchement des Conchifères (Mollusques à coquille) Classe des Gastéropodes (Gastropodes)

Classe des Lamellibranches (Bivalves)

Classe des Céphalopodes (bras reliés directement à la tête) Sous-classe des Nautiloïdes Tétabranchiaux (4 branchies)

Famille des Nautilidés (NAUTILES)

Sous-classe des Dibranchiaux (2 branchies)

Ordre des Décapodes (8 bras + 2 tentacules, bras rétractiles) Sous-ordre des Tenthoïdes (Calmars)

Super famille des Architeuthoïdés (Oegopsides) Famille des Architeuthidés (Calmars géants)

Genre ARCHITEUTHIS Ordre des Octopodes (8 bras)

Sous-ordre des Incirrata (Pieuvres, Poulpes) Famille des Argonautidés

Genre Argonauta (ARGONAUTE commun)

Références :

Merveilles et mystères de la nature (Sélection Readers Digest - 1969) Larousse des invertébrés - (1974)

Animaux de la mer (Mission découverte) Le monde animal (Stauffacher - Tome 3 - 1973)

Panorama des invertébrés (la grande encyclopédie de la nature) (Rencontre - 1971) Vie et mœurs des animaux (zoophytes et mollusques) (L. Figuier) (Hachette 1866) La paléontologie (R. Furon) (Payot 1943)

Références

Documents relatifs

[r]

pourra passer dans 50 commissions de contrôle, les fautes pédagogiques de détail seront relevées mais, presque toujours, les graves fautes de l'ensemble

En outre, la pénurie de personnes dont la qualification repose sur la maîtrise des compétences mathématiques et/ou scientifiques, la croissance des métiers et des professions

CePendant,: compte tenu des precisions fo.umies par le representant du Ponds monetaire inter national, ainsi que du fait que la question ne figure pas a 1'ordre du jour de la

HV <***"»** (Secretaire executif) souligne que lea structures regxonales du systeme des Nations Unies decoulent, selon les cas, d'ar- rangements institutionnels, de

dans Le s dif;fe~rlt6 pays, pour discuter du fo~d de la question avec les personnalites ohargees de repondre au questionnaire, d~ oatta ra¥~n il devrait ~tre possible d10btenir

Dans le commerce international; des mesures devraient etre prises pour obtenir une decision internationale sur les produits de base avant 3a fin de 1972 et des efforts deployes pour

[r]