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Didactique des mathématiques

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Didactique

des mathématiques

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textes de base

en pédagogie

Didactique des mathématiques

sous la direction de Jean Brun avec la collaboration de

Ruhal Floris

M. Artigue G. Brousseau Y. Chevallard F. Conne G. Vergnaud

delachaux

et niestlé

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textes de base en pédagogie dirigée par Jean-Paul Bronckart

ISBN 2-603-01030-1

Cet ouvrage ne peut être reproduit, même partiellement et sous quelque forme que ce soit (photocopie, décalque, microfilm, duplicateur ou tout autre procédé analogique ou numérique) sans une autorisation de l'éditeur.

Composition: Montserrat Acarín Maquette: K@

© Delachaux et Niestlé S. A., Lausanne (Switzerland) Paris 1996.

79, route d'Oron - 1000 Lausanne 21 - Switzerland.

Tous droits d'adaptation, de reproduction et de traduction réservés pour tous pays.

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LES AUTEURS

Université Paris VII et IUFM de Reims IUFM d'Aquitaine

Université de Genève IUFM Aix-Marseille

Séminaire Cantonal de l'Enseignement Spécialisé, Canton de Vaud

CNRS, Paris

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Présentation

Présentation de l'ouvrage

J. Brun

Face à l'évolution rapide de la recherche en didactique des mathématiques, des points de repères s'avèrent utiles. Le but de ce recueil de textes théoriques est d'en proposer quelques-uns. Des concepts nouveaux circu- lent, sont diffusés, repris ailleurs pour être travaillés.

Rassembler des textes qui présentent de manière condensée les cadres théoriques et les concepts princi- paux, tel est le principe qui a guidé la réalisation de cet ouvrage. Les notions de "situation didactique", de

"transposition didactique", de "champs conceptuels" ont très vite été à l'origine de nombreuses recherches. Des trajectoires de plus en plus précises et de plus en plus claires sont données à chacune des théorisations où ces notions interviennent. Ainsi, aujourd'hui, l'approche systémique de Brousseau unifie beaucoup d'aspects des fonctionnements didactiques (ch. 1), l'approche anthropologique de Chevallard devient inséparable de la compréhension du processus de transposition

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didactique (ch. 2), les champs conceptuels de Vergnaud (ch. 3), répondent à beaucoup des questions théoriques posées par la didactique à la psychologie cognitive.

Que tout ceci soit regroupé dans des textes de base en pédagogie n'est qu'une concession faite aux classifica- tions éditoriales existantes, et tout procès épistémolo- gique à ce sujet apparaîtra vite surfait au fur et à mesu- re de la lecture de ces textes, tant est clair leur statut.

Tous ces textes ont déjà été publiés par ailleurs, selon le principe des Textes de base. Plusieurs d'entre eux (les chapitres 2, 3 et 4) ont pour contexte d'origine une des Ecoles d'été de didactique des mathématiques tenues ces dernières années, c'est-à-dire là où se trans- met, sous forme d'enseignement, l'actualisation des cadres théoriques et des méthodes de recherche. Il faut savoir que ces textes correspondent alors à des cours et ont été conçus dans le but d'un enseignement.

Le chapitre introductif (texte d'une conférence) analyse un fait qui caractérise l'évolution des travaux en didac- tique des mathématiques au cours de ces vingt der- nières années. Ce fait est celui d'une certaine émanci- pation vis-à-vis des disciplines de référence, comme par exemple la psychologie, l'épistémologie ou les mathématiques elles-mêmes. Ces liens restent très forts et sont indispensables, il est bon de le réaffirmer; ce qui a changé ce sont les rapports que la didactique, comme nouveau champ d'études, entretient avec ces disciplines. Après qu'on ait cherché à fonder les choix didactiques sur des savoirs extérieurs à un savoir pro- prement didactique, savoir inexistant de fait car les savoirs de référence pouvaient considérer de droit l'en- seignement des disciplines scolaires uniquement

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comme un terrain d'application, la question s'est posée de construire la didactique comme un champ théo- rique, avec ses objets et ses méthodes propres. Ce recueil de textes cherche à témoigner de l'aventure engagée pour répondre à cette question.

Les trois premiers chapitres, ordonnés selon l'ordre alphabétique des noms des auteurs, exposent les concepts fondamentaux de la didactique des mathéma- tiques. Dans le premier chapitre, Guy Brousseau déve- loppe quels en sont les fondements dans un texte qui a joué un rôle crucial dans la constitution de la disci- pline. Il définit ses objets d'études de la manière sui- vante: «la description et l'explication des activités liées à la communication des savoirs et les transformations, intentionnelles ou non, des protagonistes de cette com- munication, ainsi que les transformations du savoir lui-même». (Brousseau, 1986, p. 34). Plus encore que les activités liées à la communication des savoirs, ce sont les phénomènes spécifiques que ces activités pro- duisent, comme les effets de contrat par exemple, qui deviennent objets d'étude. Ces phénomènes didac- tiques restent inexpliqués par les disciplines aux- quelles on fait d'ordinaire appel pour répondre aux questions posées par l'enseignement, d'où la nécessité d'une méthode d'analyse sans laquelle la description de ces phénomènes resterait du domaine de l'anecdo- tique. Pour expliquer ces phénomènes, la démarche habituelle est inversée: au lieu d'envisager successive- ment et séparément les activités de l'enseignant, de l'enseigné, et le savoir, on prend comme objet d'étude le système formé par ces trois éléments, appelé "systè- me didactique", en considérant les jeux qui s'y jouent.

Comment cela? Le concept de "situation" devient alors

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nécessaire pour répondre à cette question; il constitue la clef de compréhension des systèmes didactiques. En effet beaucoup d'analyses butent sur le fait qu'elles ne décomposent le système qu'en reprenant chacun de ses éléments; elles étudient alors respectivement les élèves, les savoirs, parfois les maîtres. Elles peinent ensuite à le recomposer, ne pouvant envisager que certaines relations partielles, comme la communication entre maître et élève par exemple, mais alors les savoirs deviennent de simples messages, ou bien comme l'interaction entre élève et tâche mais ce sont les intentions didactiques qui deviennent alors absentes. Dans son texte, Brousseau expose une modélisation en montrant comment l'analyse du fonc- tionnement des systèmes didactiques peut finalement surmonter ces difficultés: il étudie non plus chaque élément du système, mais différents types de "situa- tions", que sont les situations d'action, de formulation, de validation, puis d'institutionnalisation. Organisées en un processus, ces situations sont à même de rendre compte des fonctionnements des systèmes didactiques;

elles sont censées correspondre aux différents statuts, protomathématiques, paramathématiques et mathéma- tiques, des connaissances en jeu. Le rôle de la didac- tique expérimentale consiste d'abord à mettre ce pro- cessus à l'épreuve.

Dans le deuxième chapitre qui reproduit un texte dont l'origine est un cours donné à l'école d'été de didac- tique des mathématiques en 1991, Yves Chevallard pro- longe ses études précédentes sur la transposition didac- tique en élargissant le cadre d'analyse du didactique par une approche de type anthropologique. Il place nettement le didactique au sein de l'anthropologie, et

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plus précisément dans le champ de l'anthropologie cognitive. On notera l'emploi du singulier: le didac- tique. Les phénomènes didactiques, objets d'études de la didactique des mathématiques, sont repris comme une catégorie de l'anthropologie, de la même façon qu'on parle du politique, du religieux, etc.

Dans sa théorisation, Chevallard introduit, en la met- tant au premier plan, la notion d'institution. Toute intention didactique, dit-il, se réalise au travers d'insti- tutions. Cette notion recouvre quantité d'objets du champ didactique, aussi bien un cours, une classe, que l'école. Mais le point important pour lui est de consi- dérer comment une intention didactique se réalise. Sa réponse est la suivante: «concrètement, cette intention didactique se manifeste à travers la formation d'institu- tions que je nomme, génériquement, systèmes didac- tiques» (1992, p. 92). La structure de ces systèmes didactiques reste formée, comme dans la théorie des situations, par les positions de maître, d'élève et par le savoir. L'approche de Chevallard porte principalement sur les conditions de possibilité et de fonctionnement des systèmes didactiques. Parmi ces conditions il met en avant les contraintes externes de ces systèmes en relevant le fait que les systèmes didactiques ne peu- vent vivre de manière isolée. Aux sytèmes didactiques proprement dits, il devient alors nécessaire d'associer une autre institution, les "systèmes d'enseignement", entendus comme l'environnement des systèmes didac- tiques. Un système d'enseignement se définit relative- ment au sytème didactique qu'il fait vivre. L'auteur donne comme exemple de système d'enseignement l'école d'été dans laquelle un cours relatif à un objet de savoir constituerait un système didactique. Cette

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conceptualisation permet de ne pas oublier que l'expli- cation des phénomènes d'un système didactique est à chercher non seulement à l'intérieur de ce système, mais aussi à partir de l'environnement qui détermine ce système.

Dans le troisième chapitre, Gérard Vergnaud dévelop- pe sa théorie des champs conceptuels en avertissant d'emblée qu'elle "n'est pas à elle seule une théorie didactique"; cependant "du fait qu'elle offre un cadre pour l'apprentissage elle intéresse la didactique" (p.

135). On pourrait également dire qu'en s'inscrivant dans le champ des questions posées par la didactique à la psychologie, elle modifie les rapports habituels entre les deux. Elle comble d'abord un vide en propo- sant une véritable théorie de la conceptualisation et des apprentissages complexes; la référence aux conte- nus de savoirs mathématiques y est une exigence per- manente. Son objet est d'étudier "les filiations et les ruptures" entre connaissances, mais cette étude est tou- jours faite du point de vue des concepts mathéma- tiques. Cette liaison est maintenue grâce aux

"schèmes", dont la définition, renouvelée, inclut, par l'intermédiaire des invariants opératoires qui les consti- tuent, les concepts et les théorèmes implicites, en- actes, c'est-à-dire les formes primitives des savoirs.

Etudier leurs filiations et leurs ruptures amène alors à devoir considérer non plus des concepts isolés, mais des "champs conceptuels". La définition de ces champs conceptuels comprend à la fois l'ensemble des situa- tions qui donnent du sens aux concepts, l'ensemble des invariants qui permettent de les analyser du point de vue mathématique, et l'ensemble des signifiants, représentations symboliques et langage nécessaires au

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travail de conceptualisation. Les structures additives et les structures multiplicatives sont les exemples les mieux connus de champs conceptuels étudiés expéri- mentalement.

Le choix des deux derniers chapitres, présentés égale- ment selon l'ordre alphabétique des noms des auteurs, relève de deux préoccupations différentes. La première concerne la méthodologie que se donne la didactique des mathématiques. Complémentairement aux méthodes habituelles comme les questionnaires, les entretiens individuels, les épreuves papier-crayon, l'ob- servation de groupes, une méthodologie de recherche propre s'est constituée, celle de l'ingénierie didactique.

On désigne ainsi la réalisation en classe, comme pra- tique de recherche, d'une séquence d'enseignement, ou de plusieurs séquences d'enseignement successives.

Outre la réalisation en classe, cette méthodologie demande la conception de séquences en fonction de questions précises de recherche, puis l'observation et l'analyse. Michèle Artigue développe cette notion d'in- génierie didactique et en décrit les étapes successives:

analyses préalables, analyse a priori des situations et analyse a posteriori, le rôle de cette dernière étant de valider les hypothèses faites lors de l'analyse a priori.

Une question se pose vite avec ce type de méthodolo- gie, c'est celle de la transmission des situations expéri- mentales: le contrôle qu'exerce la théorie sur la réalisa- tion expérimentale doit être pris en charge d'une manière ou d'une autre par celui ou celle qui la repro- duit. Cette exigence se trouve déjà lors de la réalisation expérimentale puisque ce type d'expérimentation demande un enseignant. Elle se retrouve éventuelle- ment ensuite lorsqu'un enseignant souhaite reproduire

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la situation dans le cadre d'un programme scolaire.

Ceci soulève un ensemble de questions, dont celle de la reproductibilité des situations et celle des conditions de leur transmission. La recherche doit alors étudier les décisions que prend l'enseignant en classe et ce qui les détermine. Ces décisions peuvent venir se greffer sur les variables didactiques choisies lors de la conception de la situation.

Le dernier chapitre répond à une autre préoccupation.

Jusqu'ici les différentes approches théoriques ont été présentées de façon indépendante, même si, ça et là, les auteurs évoquent des liens entre elles. Chevallard par exemple consacre une partie de son texte à situer son approche institutionnelle par rapport à la théorie des situations chez Brousseau. De manière générale cependant, le travail d'articulation est encore assez rare. C'est pourquoi le dernier chapitre accueille un essai qui a été tenté dans cette direction. François Conne s'y livre à ce qu'il appelle un "essai théorique"

qui met en relation le didactique et le cognitif. Pour ce faire il reprend et renouvelle la distinction entre savoir et connaissance. Au-delà d'une distinction admise qui signifie d'un côté le régistre social et de l'autre le régistre individuel (même s'il a une origine sociale), l'auteur définit, par savoir et connaissance, deux posi- tions du sujet dans ses rapports avec une situation. Ce sont bien deux ordres distincts, aucun ne se suffit à lui-même et ce sont les situations qui les départagent et les articulent à la fois. Ceci s'opère par le moyen de l'enseignement. «Enseigner, écrit-il d'une belle formula- tion, c'est travailler le savoir, pour induire dans un cadre situationnel choisi, un processus cognitif suppor- tant l'apprentissage dont le produit sera en retour

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institué en savoir» (p. 249). Il montre également com- ment toute étude de la connaissance, que cette étude soit psychologique ou didactique, présuppose le savoir. La notion de transposition devient alors encore plus centrale: l'étude de la connaissance, comme l'étu- de de l'enseignement, se font l'une et l'autre à partir d'une transposition des savoirs.

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Introduction

Evolution des rapports entre

la psychologie du développement cognitif et la didactique des mathématiques

J. Brun

Toute discipline nouvelle, comme c'est le cas de la didactique des mathématiques, se voit confrontée à la question de ses rapports avec des disciplines scienti- fiques déjà constituées. Parmi celles-ci figure la psycho- logie du développement de l'enfant qui, dès ses débuts, s'est imposée comme candidate pour donner une base scientifique à l'éducation. Claparède, au début du siècle, parle même de "révolution coperni- cienne" à propos de la connaissance sur l'enfant que la psychologie apporte aux éducateurs. La recherche sur l'enseignement de son côté s'est tournée bien naturelle- ment vers la psychologie du développement, (du déve- loppement intellectuel en particulier), pour assurer des fondements scientifiques aux apprentissages scolaires.

L'expérience a montré que ce qui semblait devoir aller de soi demandait en fait un travail approfondi sur la

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manière d'envisager les rapports entre psychologie et enseignement. Je vais essayer de mettre en évidence, en procédant à une revue de travaux, comment durant ces vingt dernières années ces rapports avec la psy- chologie du développement cognitif ont été travaillés dans notre domaine de la didactique des mathéma- tiques. On verra que la psychologie du développement cognitif est passée du statut de science de référence externe (statut venant du fait qu'elle étudie des objets que l'on trouve aussi dans la didactique), au rôle de participante à l'étude de l'ensemble des phénomènes didactiques. J'essayerai de repérer le rôle donné au développement cognitif à différents niveaux de cet ensemble. Mon fil conducteur sera la succession des niveaux de généralité.

Prenons d'abord le niveau le plus général où intervient le cognitif.

La question piagétienne

de la transformation des connaissances Une étape décisive est franchie avec Piaget du fait de la dimension épistémologique de son oeuvre. Son pro- jet concerne en effet une nouvelle discipline, l'épisté- mologie génétique; la psychologie génétique en sera l'instrument et servira de méthode pour étudier la for- mation des connaissances et pour construire une théo- rie de la connaissance. Rappelons que dans sa Préface au tome 1 de son Introduction à l'épistémologie géné- tique consacré à la pensée mathématique Piaget définit l'objet de l'épistémologie génétique par la question sui- vante: "comment s'accroissent les connaissances?", c'est-à-dire comment évoluent leurs organisations suc- cessives. C'est un renouvellement de la question des

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épistémologues d'alors qui portait sur la nature des connaissances. Il est important de bien resituer d'abord le sens de la psychologie génétique chaque fois qu'on cherche à la mettre en relation avec l'enseignement.

J'emprunte à l'ouvrage d'Inhelder, Cellérier et collabo- rateurs (1992) la définition de ce sens: «L'originalité profonde de Piaget a été d'orienter d'emblée son oeuvre vers l'étude des catégories de la connaissance, sans les- quelles aucune adaptation à la réalité et aucune pen- sée cohérente ne seraient possibles, ce qui lui a permis de créer une psychologie fondamentale traitant de la construction de notions constitutives comme l'espace, le temps, la causalité, etc. C'est en ce sens que le sujet épis- témique apparaît surtout comme le sujet d'une connaissance normative» (20-21), ceci dans le droit fil de la question kantienne des catégories de la connais- sance.

En s'occupant d'épistémologie des mathématiques Piaget a bien sûr été entraîné sur le terrain pédago- gique, à l'intention duquel il a accompagné ses écrits épistémologiques de quelques considérations et recommandations pour l'enseignement (voir en parti- culier Piaget (1965, 1973); mais aucun écrit de sa part ne se présente comme un travail scientifique sur l'en- seignement. La psychologie génétique entretient donc, à l'origine, un rapport d'extériorité avec la recherche sur l'enseignement, mais sa nouveauté quand elle s'aventure sur ce terrain, est dans l'affirmation de la nécessité d'un point de départ épistémologique aux questions d'enseignement.

Cependant les travaux qui se recommandent des idées piagétiennes n'ont pas manqué dans le domaine de l'enseignement des mathématiques. Il y a sans doute

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beaucoup de manières de se penser piagétien, mais il me semble qu'une ligne de démarcation assez nette peut être faite entre les travaux sur l'enseignement qui se placent dans une conception "applicationniste" de la psychologie génétique (ou plus généralement aujour- d'hui de la psychologie cognitive) et ceux qui utilisent ces sciences de référence -leurs méthodes surtout- en les insérant dans une problématique et un ensemble de questions demandant un corps théorique original comme la didactique des mathématiques.

La position "applicationniste" considère l'enseignement comme un terrain modelable au bon gré des avancées des sciences de l'enfant, qui deviennent alors norma- tives pour l'enseignement. G. Ricco (1992) a fait dans sa thèse une analyse approfondie de différentes tenta- tives de programmes qui ont cherché à suivre l'évolu- tion de la psychologie génétique. Ces tentatives se caractérisent par des substitutions d'objet d'enseigne- ment, en excluant le savoir, et ceci de deux manières au moins.

La première manière consiste à substituer aux objets mathématiques à enseigner des contenus relevant des structures opératoires définies au moyen de la logique (logique des classes et des relations). On profite de l'enseignement des mathématiques pour introduire une sorte de programme de développement opératoire, appelé parfois logique élémentaire. On aboutit ainsi au transfert de montages expérimentaux et de la méthode d'entretien clinique, propres à la psychologie géné- tique, dans des propositions didactiques et dans des situations d'enseignement; ces dernières se voient don- ner pour but d'accélérer le développement cognitif ou d'en compenser le retard. Par exemple les expériences

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de la genèse du nombre serviront de modèle à un pro- gression didactique: classification, sériation, nombre comme synthèse des deux. Procéder ainsi, c'est détourner ces expériences, qui n'ont de sens que réunies entre elles selon un plan expérimental destiné à trancher entre différentes positions épistémologiques à propos du nombre.

La seconde manière essaye de tenir compte de l'évolu- tion des travaux piagétiens des années 70: les ques- tions portent alors sur les mécanismes du développe- ment; l'accent mis sur les structures est déplacé vers l'étude du fonctionnement cognitif. Les contenus opé- ratoires passent alors au second plan et le transfert de ces travaux dans l'enseignement porte sur "l'apprentis- sage" des mécanismes opératoires eux-mêmes (conflit cognitif, abstraction réfléchissante, équilibration), indé- pendamment de tout contenu spécifique. Nous avons là un bon exemple d'impasses à laquelle conduit une vue applicationniste de la psychologie du développe- ment cognitif. D'abord le sens même des travaux en psychologie génétique est à nouveau détourné; par exemple ceux publiés en 1974 par Inhelder, Sinclair et Bovet sur l'apprentissage des structures de la connais- sance sont interprétés comme s'il s'agissait d'une théo- rie générale de l'apprentissage pouvant fournir des normes pour des programmes scolaires. Sans parler de la signification qu'aurait l'introduction de tels pro- grammes pour l'école comme institution, c'est oublier que ces travaux de référence ne visent pas à construire une théorie générale de l'apprentissage mais cherchent à faire un détour par des méthodes expérimentales d'apprentissage pour mieux comprendre les grands mécanismes du développement, objets, eux, de la

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théorie. Les auteurs le précisent bien: «Le problème théorique très général concerne l'existence et le pouvoir explicatif du facteur d'équilibration dans les apprentis- sages cognitifs. Ce mécanisme se laisse difficilement sai- sir à travers les conduites transversales qui ne rendent compte du développement que par des découpages dis- continus dans le temps. En revanche la méthode d'ap- prentissage qui permet de suivre pendant une certaine durée les acquisitions successives d'un enfant dans un contexte expérimental défini, permettra, espérons-nous de recueillir des manifestations plus claires de ce méca- nisme essentiellement dynamique» (1974, p. 32).

La proximité des préoccupations concernant la trans- formation des connaissances chez un sujet et chez un élève explique sans doute l'utilisation directe des tra- vaux de psychologie du développement cognitif, faute de s'interroger sur la nature des projets et des objets respectifs de la psychologie et de la didactique. Les détournements de sens évoqués ne doivent cependant pas faire oublier certaines questions qui me paraissent communes entre l'épistémologie génétique et la didac- tique des mathématiques. Je comprends en effet pour ma part que la didactique des mathématiques est à son tour un essai fondamental de réponse à la question des transformations des connaissances, en prenant en charge dans ces transformations la part qui revient aux phénomènes de transmission culturelle, c'est-à-dire aux savoirs, par l'intermédiaire d'institutions, en particulier l'école, porteuse de l'intention d'enseigner.

(Dans mon propos la distinction entre connaissances et savoirs restera très générale; par savoirs je désigne- rai les savoirs constitués, ceux qui ont trait au projet d'enseignement, et par connaissances, ce qui relève du

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développement et de l'expérience, du côté du sujet donc, en-deça de toute objectivation en savoirs. Pour une étude plus approfondie de cette distinction, on se reportera à Conne 1992).

Des réponses communes?

Si l'on veut bien admettre que la transformation des connaissances, au niveau le plus général, participe des possibles dont est porteur le "sujet épistémique" au titre de sujet connaissant universel il est raisonnable d'affirmer, au point de départ de toute question didac- tique, la nécessité d'une prise de position épistémolo- gique concernant le rapport du sujet connaissant à l'objet de connaissance; c'est ce que fait la didactique des mathématiques en adoptant, sur ce point, une position constructiviste et interactioniste dans le sillage de l'épistémologie génétique. La didactique renforcera le point de vue interactioniste, en particulier en se référant à Vigotsky (Vergnaud, 1990). Cette position est résumée ainsi par Vergnaud (1977): «L'activité en situa- tion est, pour une majorité croissante de psychologues, à la fois la source et le critère de la pensée conceptuelle.

Le langage joue, bien entendu, un rôle fondamental, puisqu 'il permet seul le discours théorique et que, sans ce discours, il n'y a guère de concept, mais il ne consti- tue pas, aux yeux des psychologues, le critère le plus décisif. Le critère le plus décisif reste l'action en situa- tion» (p. 53). Pour Piaget, la connaissance, y compris 1. "L'universalité du sujet épistémique, c'est, selon Ducret, la thèse selon laquelle "la généralité constatée dans les conduites ou les connais- sances humaines est la conséquence de l'universalité des mécanismes du fonctionnement cognitif- abstraction réflechissante, équilibration- agissant en leur point de départ sur les formes propres aux coordina- tions les plus générales de l'action, conséquence de l'organisation biolo- gique générale des êtres vivants" (1993, 183)

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mathématique, dérive de l'adaptation de l'individu à son environnement et constitue un cas particulier d'un processus biologique plus général qui est celui du jeu entre assimilations et accommodations. L'action est le facteur principal du processus de connaissance; elle est progressivement intériorisée et devient opération.

L'action se transforme en connaissance mathématique par abstraction des propriétés et des relations propres aux actions et opérations du sujet.

A partir de cette position fondamentale, il est évident que des questions nouvelles se posent, questions aux- quelles ne répond pas la connaissance seule du sujet épistémique, qui est la figure la plus générale (et indis- pensable) du sujet connaissant. Jusqu'à ce point, une absence est notable, celle du savoir mathématique constitué.

La question des contenus mathématiques:

des structures logico-mathématiques aux champs conceptuels

La première question nouvelle posée est donc celle de la place du savoir dans cette édification des connais- sances chez un sujet. Nous venons de voir que certains répondaient en éliminant le savoir pour lui substituer des éléments propres au développement intellectuel, soit du point de vue structural, soit du point de vue fonctionnel.

G. Vergnaud est le premier psychologue à s'être atta- qué à la question des contenus d'enseignement à l'in- térieur d'une psychologie du développement cognitif, question qu'il renouvelle de la manière suivante: «La psychologie cognitive est Confrontée au double problème de tenir compte au plus près des savoirs sociaux consti-

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tués (scientifiques, techniques, culturels, pratiques...) et en même temps de ne pas rester prisonnière de leur des- cription actuelle, de manière à analyser au plus près la formation et le fonctionnement des connaissances des sujets individuels» (1985, p. 251). Cette phrase contient à mes yeux la double et forte exigence de tout travail sur le cognitif en didactique. Ce travail demande que soit réinterrogée la description des savoirs constitués;

c'est une démarche nouvelle pour le psychologue, habitué soit à se référer à des modèles généraux et à ne pas entrer dans les savoirs constitués, soit à admettre par avance la description qui en est donnée au moment où il s'y réfère.

Nous sommes mis face à la question centrale de la cor- respondance entre les connaissances effectives des sujets et les savoirs constitués historiquement, cette mise en correspondance devant s'opérer au sein des systèmes didactiques dans l'institution scolaire.

La première exigence, tenir compte des savoirs consti- tués, marque donc une première différence avec le point de vue strictement piagétien qui réorganisait les connaissances dans des structures logico-mathéma- tiques générales. Vergnaud répond à cette exigence en élaborant la théorie des champs conceptuels (1991):

«Par rapport à une psychologie cognitive centrée sur les structures logiques comme celle de Piaget, la théorie des champs conceptuels apparaît plutôt comme une psycho- logie des concepts, même lorsque le terme 'structures' intervient dans la désignation même du champ conceptuel considéré: structures additives, structures multiplicatives» (147). Voilà un point important qui marque une étape décisive dans la façon d'envisager

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les rapports entre psychologie du développement cognitif et didactique des mathématiques.

La seconde exigence demande que l'on considère sérieusement chez les sujets individuels une organisation des connaissances qui ne se laisse pas enfermer d'em- blée dans les descriptions des savoirs, et qui, en plus, tienne compte des activités en cours du sujet connais- sant dans des situations. N'oublions pas que l'action en situation est la source de la formation des concepts.

Un champ conceptuel s'explique donc par deux entrées, l'entrée par les concepts et les théorèmes d'une part, l'entrée par les situations d'autre part.

Situation est pris, à ce niveau d'analyse, au sens large de situation-problème et non de situation didactique.

«Le champ conceptuel des structures additives est à la fois l'ensemble des situations dont le traitement implique une ou plusieurs additions ou soustractions, et l'ensemble des concepts et théorèmes qui permettent d'analyser ces situations comme des tâches mathéma- tiques» (id., 147). Le lien étroit entre situation et concept a pour conséquence que l'on fasse des décou- pages originaux et assez grands dans le savoir, tenant compte du fait,souvent mentionné par Vergnaud, qu'un concept ne prend pas sa signification dans une seule classe de situations et qu'une situation ne s'ana- lyse pas à l'aide d'un seul concept. La recherche est alors engagée sur la voie "des filiations et des ruptures"

entre les connaissances demandées par la transforma- tion des situations sur le long terme.

L'unité de base de cette architecture de filiations et de ruptures est le schème, «organisation invariante de la conduite pour une classe de situations donnée" (id.

136). C'est le schème qui organise et donne du sens à

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la fois aux actions, aux situations et aux représenta- tions symboliques qui les accompagnent; il est en effet essentiellement assimilateur, anticipateur et dyna- mique; il peut changer de signification et se transfor- mer en cours d'actions.

Les schèmes, de manière générale, ont pour caractéris- tique d'être des unités à la fois structurales et fonction- nelles (Inhelder, Cellérier et coll. 1992). Ils sont des organisations, produits de l'activité cognitive, et des organisateurs, instruments d'assimilation. La théorie des champs conceptuels valorise ces deux caractères du schème: d'une part elle tient compte des aspects structuraux des schèmes en les analysant en termes d'invariants opératoires, et ce du point de vue des savoirs constitués eux-mêmes (point central de la théo- rie); c'est du moins le sens que je donne aux notions de concept-en-acte et de théorème-en-acte (Vergnaud, 1991). Avec les invariants opératoires on cherche à donner un contenu mathématique aux organisations des conduites repérables en situation. D'autre part du point de vue fonctionnel l'épistémologie génétique plaçait les schèmes au centre du processus général d'adaptation des structures cognitives; la théorie des champs conceptuels précise la fonctionnalité des schèmes pour le processus de transformation des connaissances à travers des situations centrées sur des concepts (voir les séquences didactiques sur la notion de volume, 1983). On peut ainsi comprendre le mou- vement réciproque de transformation des situations et de transformation des connaissances en rapport avec les concepts.

Cette démarche de recherche a montré sa grande fécon- dité par l'intermédiaire du travail de classification des

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situations, des problèmes, des procédures et des repré- sentations, travail qui constitue un des acquis majeurs de la recherche en didactique des mathématiques. Je cite ici longuement Vergnaud pour insister sur l'origina- lité de sa démarche: «La classification des situations résulte à la fois de considérations mathématiques et de considérations psychologiques. Certaines distinctions ne sont intéressantes que parce qu'elles entraînent des différences significatives dans la manière dont les élèves s'y prennent pour traiter les situations ainsi diffé- renciées; le mathématicien lui-même n'y prend plus garde et, si l'on s'en tenait aux mathématiques consti- tuées, on négligerait des distinctions qui sont impor- tantes pour la didactique. Pourtant une classification qui n'aurait pas de sens mathématique serait irrece- vable. L'une des gageures que doit tenir le psychologue qui s'intéresse à l'apprentissage des mathématiques est d'établir des classifications, décrire des procédures, for- muler des connaissances-en-acte, analyser la structure et la fonction des énonciations et des représentations symboliques, dans des termes qui aient un sens mathé- matique» (id. 156). Et plus loin, à propos des situations didactiques cette fois: «La thèse sous-jacente à la théorie des champs conceptuels, cependant, est qu'une bonne mise en scène didactique s'appuie nécessairement sur la connaissance de la difficulté relative des tâches sco- laires, des obstacles habituellement rencontrés, du répertoire des procédures disponibles, et des représenta- tions possibles. La psychologie cognitive est essentielle»

(id. 157).

Dans cette architecture, le concept de représentation est, on l'aura déjà noté à travers ces citations, également

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important. Il a pris une grande place en psychologie cognitive, au point d'être entouré d'un certain flou, et il n'est peut-être pas inutile d'en repréciser la fonction en didactique où il a également un certain succès. A quelles nécessités répond-il?

Tout d'abord à une nécessité développementale: si l'on suit le fonctionnement des schèmes au fur et à mesure du dévelopemment de l'enfant, l'apparition de la fonc- tion sémiotique à un moment de ce développement fournit des éléments nouveaux à ce fonctionnement;

ce sont les représentations de type sémiotique. Les sujets peuvent dès lors s'appuyer sur des signifiants qu'ils peuvent distinguer des signifiés. Les représenta- tions sémiotiques joueront donc un rôle éminemment fonctionnel.

Dans le processus de formation des connaissances en situation, la représentation est instrumentale et consiste à désigner les objets, à réfléchir les buts et les moyens, à planifier l'activité, à répondre aux problèmes de communication et de validation qui peuvent se poser en situation: «Toutefois l'action opératoire n'est pas le tout de la conceptualisation du réel, loin de là. On ne débat pas de la vérité ou de la fausseté d'un énoncé totalement implicite, et on n 'identifie pas les aspects du réel auxquels il faut prêter attention, sans l'aide de mots, d'énoncés, de symboles et de signes. L'usage de signifiants explicites est indispensable à la conceptuali- sation» (id. 145).

Dans les situations de résolution de problèmes particu- liers cette fois, la représentation met en fonctionne- ment les connaissances en rapport avec une situation précise; elle sert à choisir et évoquer les schèmes utiles

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pour atteindre le but fixé et pour engager les démarches à entreprendre; elle travaille alors comme intermédiaire entre schèmes et situation pour en préci- ser les significations (Brun et Conne 1990). Dans ce contexte, je comprends les schèmes en effet moins comme des états de connaissances (même s'ils tendent à la généralisation) qui seraient actualisables à la demande, mais plutôt comme des possibles, incons- cients, qui doivent toujours être formés, reformés, face à une situation nouvelle. Un schème chez un sujet n'est qu'à l'état de virtualité et c'est l'action en situation qui décidera en quelque sorte de l'individualisation du schème (Inhelder et de Crapona, 1992); la fonction de représentation joue alors son rôle.

J'insiste sur ce point: reconnaître aux schèmes du sujet un caractère structural qui se laisse décrire dans les termes des mathématiques constituées n'a pas pour but de déterminer les "acquisitions" du sujet, même sous une forme implicite. C'est simplement (si je puis dire!) chercher à établir comment des organisations et des processus cognitifs structurent le savoir mathématique.

(Il me semble que l'on s'éloigne sérieusement des conceptions par trop mentalistes des représentations conçues comme réserves d'acquisitions disponibles à la demande).

Les champs conceptuels, leur organisation sur une échelle temporelle longue (par exemple les structures additives, multiplicatives), aussi bien que leur forma- tion à travers des séquences de situations (par exemple les séquences didactiques à propos de la notion de volume), constituent des acquis décisifs en réponse à la question de la place des contenus mathé-

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matiques dans l'architecture cognitive. Ils donnent de surcroît aux enseignants des outils pour se représenter ces contenus et agir en termes adaptés à la formation des concepts chez les élèves.

La démarche qui produit ces résultats est sytématique, et il est bon de la rappeler à la suite de Vergnaud (1990):

• analyser et classer la variété des situations dans chaque champ conceptuel

• décrire avec précision la variété des conduites, des procédures et des raisonnements des élèves face à chaque situation.

• analyser les compétences mathématiques comme organisées en schèmes et identifier les invariants qui constituent ces schèmes, ceci en relation avec les invariants des situations

• analyser comment le langage et d'autres activités symboliques pren- nent place dans de tels schèmes, comment ils aident les élèves, com- ment les enseignants les utilisent

• suivre la transformation des invariants implicites (connaissances et théorèmes en acte) dans des objets mathématiques bien identifiés Comment s'effectue cette transformation? C'est la ques- tion qui se présente maintenant. Le niveau d'analyse que j'aborde se préoccupe précisément de rejoindre en situation didactique le fonctionnement des schèmes et la transformation des invariants implicites en savoirs mathématiques.

La situation didactique et l'apprentissage des savoirs

L'exigence impérative de comprendre les organisations de connaissances des sujets du point de vue des contenus de savoirs est donc réalisée par la théorie des champs conceptuels, qui cherche les filiations entre schèmes et concepts solidaires des situations. Dans

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cette démarche, les savoirs sont pris comme modèles pour comprendre et décrire ces organisations en fonctionnement. Ils restent tacites dans les processus cognitifs à l'oeuvre sur les situations.

La question qui suit concerne le changement de statut de ces connaissances, c'est-à-dire le relais qui se forme entre ces organisations cognitives et les savoirs à appendre en situation didactique. Dans sa thèse, A.Rouchier (1991) parle de "cognitif primitif" (celui qui apparaît comme un produit de la situation a-didac- tique), qui «doit être transformé pour se rattacher à un domaine plus savant où la connaissance n'est plus dans l'action.» Y. Chevallard (1992), de son côté, dis- tingue d'une part ce qu'il appelle "le cognitif pur", c'est-à-dire, dans ses termes, ce qui relève du rapport personnel au savoir, et d'autre part "les transformations de ces rapports" personnels. Il conçoit ces transforma- tions de la manière suivante: «Mais on doit alors tenir compte d'une réalité incontournable dans nos sociétés:

le cognitif pur n'existe pas, ou presque pas. Les change- ments dans les rapports personnels y sont très fréquem- ment liés à une intention institutionnelle que changent ces rapports; ils sont institutionnellement, c'est-à-dire anthropologiquement corrélés avec l'apparition d'inten- tions didactiques» (104, 1992).

Je comprends pour ma part que loin d'écarter le cogni- tif cette position invite à approfondir et à compléter les niveaux d'analyse où il peut intervenir.

Le premier niveau où se trame ce relais entre connais- sance et savoir a été finement analysé par François Conne (1992). C'est celui qu'il appelle "l'échange didactique": «On ne peut pas considérer comme iden-

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tique sans autres, écrit-il, un théorème-en-acte que l'observateur repérera chez un sujet avec un (ou des) savoir de ce sujet, car cette concordance dont nous avons fait état est le fait de l'observateur, de sa lecture de la situation. Voilà pourquoi, au niveau de l'échange didactique, vouloir traiter les théorèmes-en-acte comme des savoirs nous paraît plutôt problématique» (236).

Faute de traiter cette question comme problématique on peut être conduit à se satisfaire des actions des élèves et attribuer d'office à ces élèves des savoirs qu'on a reconnus dans leurs actions selon des "effets Jourdain" décrits par G. Brousseau. Les élèves feraient des mathématiques sans le savoir, comme Monsieur Jourdain de la prose. Un autre problème lié à l'échan- ge didactique tient au fait que le levier de l'explicita- tion est la verbalisation par l'élève de ses connais- sances-en-acte; or il ne suffit pas d'interroger un élève pour qu'il puisse expliciter le modèle implicite qui a guidé son action. On connait également les effets de contrat qui accompagnent cette verbalisation lorsqu'el- le prend la forme d'un dialogue maître-élève. Cette remarque ne remet nullement en question l'intérêt de la verbalisation; c'est son organisation didactique qui est à réfléchir. Le rôle de transformer les connais- sances-en-acte en objets de connaissance ou savoirs est également dévolu à un hypothétique processus d'abstraction, à la manière de Dienes: de la manipula- tion concrète on passe directement à la représentation des actions, ce qui laisse supposer que le relais entre connaissances en acte et connaissance objectivée va de soi, que leur jonction est immédiate et que les connais- sances-en-acte se transforment comme naturellement

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Depuis plus d'une vingtaine d'années, la didactique des mathématiques comme domaine de recherche a forgé des problématiques et des concepts que ce recueil de textes de base contribue à rassembler. Sont réunis des textes fondamentaux de Huy Brousseau, Yves Chevallard et Gérard Vergnaud sur les notions de situation, contrat, transposition didactiques et champ conceptuel.

Chacun de ces textes, publiés séparément auparavant, met en relief l'une des trois approches, systémique, anthropologique et cognitive, qui caractérisent l'étude actuelle des phénomènes didactiques en mathématiques.

Avec ces problématiques et ces concepts l'ingénierie didactique s'impose en tant que méthodologie privilégiée de la recherche en didactique des mathématiques.

Deux essais complètent cet ensemble de textes, essais qui envisagent les rapports entre les ordres didactiques et cognitifs de l'enseignement et de l'apprentissage des savoirs.

Jean Brun, docteur de troisième cycle en psychologie de l'Université Lyon II, est actuellement professeur en didactique des mathéma- tiques à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education de l'Université de Genève. Ses travaux ont pour thème l'étude des rapports entre le développement cognitif et l'enseignement des mathématiques en prenant en compte la situation d'enseignement, et ce, aux niveaux de la scolarité des élèves de 6 à 12 ans.

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