G. M. R AYMOND
Acoustique. Considérations sur les bases physico- mathématiques de l’art musical
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 1 (1810-1811), p. 65-77
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ACOUSTIQUE.
Considérations
surles bases physico-mathématiques de
l’art musical.
Par M. G. M. RAYMOND, principal du collège de Chambdri,
membre de plusieurs sociétés
savantes.L’EXPÉRIENCE
a fait voir que les recherches des savans dans l’étudo de la nature sont rarementinfructueuses ,
et que celles dontl’objet
semble le
plus éloigné
d’atteindre àquelque
utilitéréelle , jettent
tôtou tard une lumière nouvelle dans la
pratique
des arts. Combien dephénomènes long-temps isolés , dépourvus
en apparence de tout In-térêt,
et neparaissant
offrir que le fruit stérile dequelques
obser-vations
oiseuses
, ont fini par se rattacher à des doctrinesimportantes,
et par conduire à des
conséquences
inattenduesqui
ont exercé uneinfluence directe et féconde sur les moyens de satisfaire aux besoins de l’homme ou
d’augmenter
sesjouissances !
Telle sera vraisemblablement la destinée des découvertes que les mo-
dernes ont faites dans
l’Acoustique ,
relativement aux basesphysico-ma- thématiques
de l’art musical. Voiciquelques légers
aperçus sur cetobjet.
Des savans très-versés dans la connaissance des auteurs
qui
ont traitéde la
musique
desanciens,
ontpensé qu’il
a existé unsystème
mu-sical commun aux
Égyptiens,
aux Chinois et auxGrecs ;
que cesystème
étaituniquement
fondé sur laprogression triple
et sur FI-dentité des octaves,
c’est-à-dire, sur le sacré quaternaire I, 2, 3, 4,
RTom. I. 9
66
qui
donne i et 2,rapport
del’octave ;
iet 3 , rapport
de ladouzième ;
2 et
3, rapport
de laquinte ; 3
et4, rapport
de laquarte ;
iet 4, rapport
de la double octale ; d’où il s’ensuivait que lediagramme
déduit de ce
principe
ne contenait que des tonségaux
dans lerapport
t,
une tiercemajeure
dans lerapport 64 8I,
et une tierce mineure dans celui de27 32;
cequi
excluait nécessairement les tierces et les sixtes du nombre des consonnances. Les mêmes auteurs ontpensé
que tel était le
système
dePythagore ,
et que les modifications in- troduites parDidyme
et Ptolémée ne furent que des erreursqui
furent
ensuiterépétées
parZarlin,
etpropagées
a tort comme desprincipes liés
ausystème
musical des anciens Grecs.Quoi qu’il
ensoit ,
Ptoiémée substitua lerapport 4 5,
pour la tiercemajeure,
aurapport 64 8I,
et rendit ainsi cet intervalle conforme aurésultat des
expériences
modernesd’Acoustique ,
dont on a refusé laconnaissance aux Grecs. D’autres savans non moins
éclairés
assurentqu’en
cela Ptolémée ne fit que rétablir les véritablesprincipes
dusystème primitif
des Grecs.Les modernes ont découvert que le son d’une corde vibrante n’est pas un son
simple ,
mais que d’autres sons coexistent avec lui : cette coexistence de sons a donné le fondement de l’accordparfait, qui
était
déjà
usité dans les orgues : or ilparait
que cet instrument a été introduit enEurope
dès leseptième
siècle.Rameau
, étudiant son art enphilosophe ,
cherchait dans la naturequelque principe plus
satisfaisant que tout cequ’il
avait vujusqu’alors.
Il fut
frappé
de la résonnance des sonsharmoniques qu’il
remarqua dans la cordevibrante , phénomène déjà
connu , comme on le voitdans les écrits des Mcrsenne et Wallis. Rameau ne soupçonna que deux sons
aigus
réunis au sonfondamental
la douzième et la dix-septième majeure, sol (3), mi(5) (a).
Ilparait qu’en 1749
lescommissaires de l’académie des
sciences, chargés
d’examiner leprin-
(a)
Démonstraton duprincipe
de l’Harmonie, etc. : ParisI750 ,
pag. 15 et suiv.67 cjpe
deRameau ,
et au nombredesquels
étaitd’Alembert,
n’en soup-çonnaient
pasdavantage (a).
Mais on sait que le son fondamental d’une corde vibrante entraine la coexistence d’une série de sonsaigus représentés, quant
au nombre des vibrationssimultanées ,
par la suite îndefinie des nombres naturelsI, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8,
etc. , telsqu’on
les obtient en divisant le monocorde selon cette même suite departies.
Rameau avait cru trouver dans le fait de la résonnance harmonieuse de la corde
vibrante ,
le fondement de toute lamusique ,
et le germe de toutes sesrègles :
on sait comment il en a dérivé son fameuxsystème
(le la Basse
fondamentale.
Tartini fit revivre en Italie une
expérience déjà
connue en Alle-, magne et en
France ,
celle de lareproduction
du songénérateur
par la résonnance simultanée de deuxquelconques
de sesproduits :
ex-périence qui présentait
une sorte de démonstration inverse dupremier principe
de larésonnance ,
et delaquelle
Tartini a déduit unsystème ingénieux.
D’autres
systèmes analogues ,
différens ou mêmeopposés
entre eux,ont paru
successivement ,
et l’on acherché ,
par une infinité devoies
quels
devaient être les élémensprimitifs
de lamusique.
L’abbé
Feytou
nousparait
être celuiqui
arépandu
leplus
dejour
sur cette
matière,
par une suited’expériences judicieuses
et par les raisonnemcnsqu’il
aemployés
à endévelopper
et à enappliquer
lesconséquences.
Il apris
pour fondement de sa théorie le fait de la coexistence des sonsaigus .3, 3, 4, 5, G, 7 et 8,
etc. , dans leson fondamental
pris
pour unité. On a contestéplus
d’une fois lalégitimité
de cettebase ,
nonquant
à la certitude dufait
y maisquant
à son
Importance
et à sesapplications.
M.
Chladni,
savantphysicien ,
àqui
l’on doit cles découvertes aussineuves
qu’intéressantes
dans laphysique
du son, etqui
vient de(a) Rapport fait
à l’Académieroyale
des sciences, le I0 décembreI749.
68
PRINCIPE
donner à l’Acoustique
une face toute nouvelle(a),
pense que la coexistence des sons dans une corde vibrante nepeut point
être con-sidérée comme la base de
l’harmonie.
Nous allons exposer en peu demots les raisons sur
lesquelles
estappuyé
sonsentiment ,
et noushasarderons là-dessus
quelques
observations.L’élasticité
dans
les corps est unequalité indispensable
pour la pro-duction
, comme pour lapropagation
du son.Or ,
l’élasticité a pourcause ou la tension des corps flexibles et non
rigides,
ou la com-pression,
ou le ressort naturel des corps doués d’unerigidité
interne.Les corps sonores , affectes de l’une de ces trois sortes
d’élasticité, peuvent
être considérés sousplusieurs
dimensions. Les corps non ri-gides
d’une seule ou de deuxdimensions,
sont les cordes et lesmembranes
tendues ;
les corps naturellementélastiques
sont des vergesou des
plaques
de matièrerigide
et à ressort. La différence dans les causes de l’élasticité enapporte
unetrès-grande
dans les lois des vibrations sonores : de là une multitude dephénomènes
curieux dontchaque
ordre est déterminé par la nature du corps sonore mis enaction.
La loi des sons coexistans dans celui d’une corde vibrante non
rigide
est , comme nous l’avonsdit , quant
au nombre desvibrations, celle
desnombres ,
et ,
quant
auxlongueurs
desparties vibrantes ,
celle desrapports ,
Les vibrations d’une membrane tendue sernblent
présenter quelque , analogie
avec celles du caslinéaire; mais,
dans l’état actuel de l’A-(a)
Voyez
son Traitéd’Acoustique;
,chez
Courcier,I809 ;
et leRapport
fait à
l’Institut
par la classe Jes Sciencesmathématiques
etphysiques,
et par celle des Beaux-Arts, dans les lances des 13 février et 18 marsI809.
69 coustique,
on n’a pas encore assezd’expériences pour
établir unethéorie certaine.
Si l’on fait résonner avec un archet une verge
élastique fixéee
parune extrémité
sculement,
et mettant à part le son leplus
grave, les vitesses desautres’ sons,
àcompter
ainsi dudeuxième,
suiventla loi des
nombres
. Si la verge est seulement
appuyée
à l’une desextrémités ,
l’autrerestant
libre,
les vîtesses des sons suivent alors la loi desnombres
Si les deux extrémités sont
libres ,
la loi est celle desnombres,
Si les deux extrdmités sont
appuyées,
la loi est celle desnombres,
Si les deux extrdmités sont
fixées,
la loi est de nouveau celledes
nombres,
Enfin, si
l’une des extrémilés estfixée,
et l’autreappuyée,
laloi est celle des
nombres,
Les vibratons des verges
courbes,
cellesdesfourches,
des anneaux,donnent aussi des lois très-différentes entre
elles
, selon les cas.Si nous passons ensuite aux
plaques planes
oucourbes,
nous trou-verons une variété presque infinie de
phénomènes assujettis
à deslois
particulières.
Il résulte de ce court
exposé
que lephénomène
de la corde vi- brante n’estqu’un
casparticulier parmi
les loisnombreuses
quepré-
70
PRINCIPE
sentent les
vibrations
des corps sonores ; d’où M,Chiadnl
conclutqu’on
ne saurait
prendre
pour base de toutel’harmonie ,
une loi tirée d’un seulphénomène naturel ,
tandisqu’une
multitude d’autrcs’phénomènes analogues présentent
d’autres lois très-différentes et tout aussi natu-relles que la
première.
Il pense donc que le seul fondementque
l’onpuisse
donner àl’harmonie ,
est laplus
ou moinsgrande simplicité
des
rapports numériques (a).
Mais ,
enadmettant ,
si l’on veut , ceprincipe ,
ne serait-il paspermis
de dire que ,parmi
les divers ordres dephénomènes
quepré-
sentent les corps sonores , celui-là
peut
êtrepris
pour base de l’har-monie, qui
donne lesrapports numériques
lesplus simplcs ? Or ,
si la corde
vibrante
donne en effet lesrapports
lesplus simples ,
etsi la coexistence des sons
qu’elle
contient ne nousplaît qu’à cause
de la
grande simplicité
desrapports numériques
de ces sons, nesommes-nous
pas conduits,
en vertu même duprincipe
de M.Chladni,
à une
conséquence
exactementopposée
à son assertion ainsi conçue que le monocorde nepeut
pas servir pour établir lesprincipes
del’harmonie
(b)?
M. Chladni nerévoque point
en doute que les rap-ports qui
doivent êtrepris
pour bases del’harmonie ,
ne soient ceuxdes
nombres,
loi des sons coexistans dans le
monocorde ;
ainsi il seraitrigoureu-
sement vrai que c’est dans le monocorde
qu’il
faudrait chercher lesprincipes
de la seule harmonie avouée par l’oreille.Et en
effet ,
les corps flexiblesparaissent
être les seuls dont les sons s’accommodentégalement
à tous les organes , etplaisent
leplus généralement.
L’élasticitéproduite
entièrernent par la tension serait ainsi la source par excellence des sons vraiment musicatix. On saitque
les corps doués de laplus grande
mesure derigidité naturelle ,
(a) Traitéd’Acoustique,
page II et 25I.(b)
Ibid. pag, 11.7I tels que les
cloches,
le verre, etc. , rendent des sons oupeu
har-monieux,
oususceptibles d’agacer trop
fortement les nerfs : tout le monde nesupporte
pas les sons del’harmonica ,
et ceux des clochesse
prêtent très-peu
à lamélodie ,
et moins encore aux accords. Les cordes de métal que l’onadapte
àquelques instrumens, ayant
unecertaine mesure d’élasticité
naturelle , participent
de la nature descorps sonores à ressort ; aussi ces cordes rendent-elles
toujours
unson
plus
dur que les cordes de soie ou àboyau : cependant
onplie
leurs sons au
système
musical reçu , en leur donnant par la tension lecomplément
d’élasticité nécessaire à laproduction
du son , cequi
les fait rentrer en
grande partie
dans la classe des corpsflexibles,
quoique jamais
elles nepuissent
obtenir dans leur timbre cemoelleux ,
ce velouté si
agréable qui
caractérise les sons d’une bonne corde flexible.Quant
au son destuyaux d’orgue
et des instrumens à vent. engénéral ,
il estproduit
par des vibrationslongitudinales
de Fair contenudans leur
canal,
et ces vibrations suivent la loi des vibrations lon-gitudinales
des verges, cequi
revient à celle des cordesflexibles,
et ce
qui
donne au son de ces instrumens le caractère fondamental des sons musicauxproprement
dits.. Et remarquons que, s’il se méle â ce sonquelque
résultat des vibrationsqu’exécutent
lesparois
del’instrument,
on voit aussi que le son en est d’autantplus
doux que la substance de l’instrument cst moinsrigide
par elle-même. On n’aqu’à
comparer les sons de laflûte ,
duhaut-bois ,
du cor , de latrompette,
ceux destuyaux d’orgue
construits enbois ,
enplomb,
en
étain,
en étoffe(a)
ou enfer-blanc,
et l’on verra quepar-tout
on .retrouve le même
principe
sur la cause vraisemblable du caractère n1uslcal que nous attribuons aux sons reconnus comme tels.Il semble donc
qu’on peut
poser en fait que toutinstrument
composé
de corps sonores à ressort naturel suffisant pourproduire
leson,
sera peupropre à
rendre lamusique
tellequ’elle
estconstituée,
(a)
Mélange
d’étain et deplomb.
72
et 51
quelques
instrumens de cette nature,chefs-d’0153uvre
del’industrie, paraissent
faireexception,
nous croyonspouvoir
assurerqu’ils
neplairont
pas universellement(a).
N’est-il pas naturel d’attribuer’ cettegrande
différence d’effets entre les corps flexibles et ceux à ressort, à la nature intime et propre de leurs sonsrespectifs , c’est-à-dire ,
à l’effet total et
simultané
des sonsaigus
coexistans dans les uns etdans les autres ?
L’expérience
prouve que la résonnance simultanée des sonsI, 2, 3, 4, 5, 6,
etc. , constitue laplénitude
du sonqui paraît
leplus
pur et donne leplus
beau desaccords ; l’expérience
prouve de même que la résonnance simultanée des sons établis sur
toute autre
série,
neproduit plus
le même effet et nepeut
contenter l’oreille,M. Chladni convient
qu’il n’y
a pas moyen , dans aucuneespèce
de corps sonores,
d’empêcher
la coexistence des sonsaigus,
tant que subsiste le son fondamental : onpeut
seulement isoler lespremiers
en touchant les noeuds des cordes ou des verges
vibrantes ,
ou leslignes
nodales desplaques
et descloches ,
et il avoue que cette coèxistence est peu harmonieuse dans tous les cas où la série dessons n’est pas celle de la suite naturelle des
nombres , laquelle
estla seule
qui
satisfassepleinement
l’oreille. Ainsi cette coexistencequi ,
loin d’être un inconvénient dans le son des corps
flexibles,
dont elleconstitue au contraire la
beauté ,
cette coexistence est un inconvénient inhérent au son de tous les autres corps sonores , et semble ainsi lesexclure du domaine de l’art musical.
Ici,
comme enbeaucoup
d’autreschoses
, l’instinct a donc dévancé lascience ; par-tout
le sentirnent a fait choisir les corps flexibles depréférence
aux autres. Les corpsélastiques
n’ontjamais
été in-(a) Les membres de la classe des Beaux - Arts de l’Institut, et ceux de la
première
classe aqui
ils étaient réunis pour examiner leClavi -Cylindre
de M - Chladni, ces commissaires àqui
on ne peut contester laqualité
de connaisseursen ce genre, n’ont pu
s’empêcher,
tout en rendant justice aux diverses sortesde mérite de cet instrtiment ,
d’y
reconnaître sur - tout un caractère de mdlancolieet de tristesse.
troduits
L’HARMONIE. 73
troduuits
’dans lamusique qu’avéc’ beaucoup de réserve, et
ils l’ontrarement été
sans inconvénient.
Ces considérations nous smeblent jeter
ungrand jour
sur lesvraies
bases
del’harmonie,
et nousparaissent bien propres
àjustifier l’emploi
du monocorde
pour determiner
lespremiers
élémens del’art ,
comme àconfirmer’,
encohséqience,
lalégitimite
’desprincipes
que lamusique
moderne aadoptés ,
à l’exclusion de toute théorieabstraite
,uniquement
établie sur idesrapports
inanimés que rame ne consultejamais
en matière de sentiment.Pourquoi
leplein jeu
del’orgue paraît-il
offrir une série desons individuels,
seprêtant
aux mêmesemplois
que si chacund’eux
étaitun
sontinique et simple, quoiqu’il
soitcomposé
enlui-même
decinq
sans simultanés ? C’estque chaque
groupe desons , affecté à
chaque degre
deléchelle,
est une Imitation duprocédé
de lanaturel
dans la
production
del’eipèce
de son leplus
harmonieux. Si l’on s’avisaitde
formerartificiéllement
des sonscomplexes,
en yemployant
les données
fournies par’Ia
resonnance des corps naturellement élas-tiques, tels que les sons,
ou
bien
et
que
l’onétablît une échelle diatonique et chromatique
avec des sonsainsi
composés ,
oh n’obtiendrait vraisemblablementqti’une affreuse cacophonie.
Cetteexpérience
assezcurieuse
, etqui
mériterait d’êtretentée ,
mettrait dans tout sonjour
la différence intimeet très-im-
portante qui règne
entre les corps sonoresflexibles,
et ceux àressort y
envisages’
commeproducteurs
des sons àemployer
dans lamusique.
Ceci
pourrait
conduire à la solution de cettequestion, savoir,
siles intonnàtions
réglées
sur la loi de laprogression triple,
seraientplus
naturelles que lesnôtres ,
comme le pense l’abbé Roussier.Pour
résoudre cettequestion
, on a recherchéquelles
étaient les intonna- tionsdes anciens,
et parcequ’on
a cru voir que leurdiagramme
Tom. 1. I0
74 PRINCIPE
dérivait de
la progression triple ,
an en aconclu que
le chantfondé
sur ce
principe
est en effet leplus naturel à l’homme.
Levice de ce
raisonnement estmanifeste ,
et, une tellequestion
nepeut
être tranchéepar de
simples
autoritéshistoriques, qui d’ailleurs
sontsujettes ,à
contestation. J’aimerais
mieux
que l’onconsult
le chant des sauvagesqui
n’auraient eu aucunerelation,
avec, lespeuples policés ,
etdont
on
pourrait attribuer
lesintonnations plutôt à l’instinct,de
la naturequ’au pouvoir
del’habitude ;
et. encore les.résultats d’une
telleob-
servation ne
pourraient-ils
êtreregardes, comme péremptoires.
Supposons qu’il s’agisse d’entonner successivement
les deux sonsut,
mi ;
cedernier étant considère
comme unproduit de
la pro-gression triple,
aura pourexpression numérique 8I, comme quatrième
douzième à la suite de
1’u,t fondamental pris
pourunité ;
etrapprocha
ensuite de six octaves, il forme avec l’ut
l’intervalle 64,
81.Or,
la résonnance de l’ut entraîne celle d’un mi
(80);
et l’onpeut dire,
sans aucune
prévcntion systémati
que, que l’oreille estdéjà disposée
àla sensation de ce
mi,
dont l’utlui
adonne
, enquelque
sorte , lesentiment;
tandisqu’il
n’est nullementraisonnable
de penser que le sentiment de la douzième soit assez fort pour lier la sensation du mi(81)
à cellede l’ut,
yayant
iciquatre générations consécutives dont
il est
impossible
à l’oreille de se rendrecompte.
Dans lepremier
cas,il y a sensation Immédiate du rni dans
celle de l’ut ;
et, dans le se-cond,
iln’y
aqu’un rapport éloigné
quel’esprit seul peut apercevoir
et dont le résultat est
combattu
parle sentiment,
actuelqui naît
dela
résonnance ,
etqui
exclut celuid’un produit
sansanalogie
av-ec elle.D’où l’on
peut
conclurequ’un diagramme
entièrement déduit de laprogression triple
neprésente qu’une
suite de sonsindépendans,
netenant à
aucun. système
commun , etn’ayant
entre eux aucune liaisondirecte
fondée sur lasensation;
que ces sons, étant renduslibrement
par les cordes harmonieuses d’un
instrument,
manifesteraient àl’oreille.,
dans certaines
transitions, l’Incohérence , l’opposition
mêmequi
résul-teraient de leur nature
respective
etIntrinsèque ,
telleserait, entr’autres,
la résonnance successivedes
cordes ut(64)
et mi(81); qu’en
con-75 séquence,
est peu vraisemblable que laprogression triple
ait été eneffet le
principe fondamental, primitif
etunique
de toute lamusique
des
anciens’;
etparticulièrement de
celle desGrecs, qui avaient
unesi
grande
délicatessed’organes.
Il
paraîtrait
bienrésulter
dequelques
autoritésimposantes,
que lesystème
dePythagore était uniquement
fondé sur laprogression triple.
Mais les
Pythagoriciens
ont été accusés de n’avoir consulté quequel-
ques
préjugés métaphysiques
sur lespropriétés
desnombres,
et onleur a contesté d’avoir
professé
les vraisprincipes
de lamusique pri-
mitive. D’autres autorités leur attribuent une doctrine
analogue
à cellede Dydime
et dePtolémée,
et croient avoir découvert dans la ré-sonnance de la corde
vibrante,
ou , céqui
revient aumême ,
dansles
divisions
naturelles et indéfinies dumonocorde,
les vraisprincipes
de
Pythagore (a).
Résumons
maintenant
lespoints principaux qui sembleraient
résulterdes observatons
quenous
venons de faire...l’.0 Les sons les
plus
beaux aujugement
de tout lemonde
, lessons les
plus généralement goûtés ,
sont ceux queproduisent
les corpsflexibles tendus,
et les instrumens à vent ,c’est-à-dire ,
les sonsformés de la coexistence
des
ordres devibrations , représentés
par lasérie
naturelle des nombres1
, 2,3 4, 5,6,
etc. La coexistence des sonsassuj’ettis
à cette loi ne setrouvant
que dans les deux classes de corps sonores dont ils’agit,
ces corps seraient donc lesseuls
(a) En rendant justice aux connaissances étendues et à la
profonde
éruditionqui règnept
dans le savant mémoire de l’Abbé Roussier, sur lamusique
des anciens, je nepuis m’empêcher d’y
voir unelongue
preuve de l’influence quel’esprit
desystème
peut exercer sur les meilleursesprits.
Rien deplus remarquable
que les efforts de ce savant , dominé par lesystème
si souvent faux des causes les plussimples
et de l’unité deprincipe,
pour ramener toutes les bases de l’art musicalau
rapport I 3, duquel
il ne pense pasqu’il
soitpossible
de s’écarter sans. violertoutes les
règles
d’une sainelogique.
Selon lui, toutes lesexpériences d’Acoustique
sônt fausses ou
superflues ;
il n’en reconnaît aucune , et l’unité durapport I 3
doit êtrela seule
règle
du musicienphilosophe.
76 PRINCIPE
propres à
fournir les matériauxprimitifs de l’art musical (a).
2.0 Le fondement de tous
les accords adoptés
parl’oreille
est dansla série
naturelle
desnombres I,
2,3, 4, 5
etc.;
et cette série serait ainsi la base naturelle del’harmonie.
3.° Les, corps sonores
rigides
nepourraient
êtreemployés dans
lamusique
que, par unesorte
detolérance ,
et dansle
casroulement
où ce que leur résonnance individuelle renferme de
contraire à
celle,des
corpsflexibles, serait dominé
et,neutralisé
parl’influence majeure
du
système
de cesderniers;
et alors onpourrait
dire. que l’oreillepréoccupée
dusystème de résonnance auquel elle
secomplait
exclu-sivement,
etqui l’affecte habituellement,
se feraitillusion
sur desexceptions faibles qui
rentreraientdans
lesystème dominant. Les
corpségides
nejoueraient plus
alorsqu’un
rôleanalogue a
celuides autres
; et l’onn’y distinguerait
autre chosequ’une
différence detimbre , qui,
par son caractère
particulier , apportera’it
uneexpression nouvelle dans l’ensemble,
et concourait àl’expression
totale par C. tte variétéde
nuances.4.°
Si l’onconstruit
des instrumens demusique
avec des corps naturellementélastiques ,
onpourrait
dire que l’oreille seprête
vo-lontiers à
l’illusion qui lui fait prendre les
sonsqui
enrésultent ,
pour
des sons individuelssusceptibles
d’êtrecombines
tant enmélodie qu’en harmonie ;
mais il n’est pas moinsvrai
que ces instrumens por-tent avec eux un caractère
remarquable ;
ils ont un genred’expression mélancolique
ouénergique qui agit
avec force sur lesnerfs,
etde.
vient même
insupportable a beaucoup
depersonnes.
(a)
Cetteproposition acquiert
ungrand degré
devraisemblance;
1.0 si l’on admet , avec M. Villoteau, que c’est dans les sons naturels de la voix humainequ’il
faut chercher les éiémens naturels et
primitifs
de lamusique ;
2.° s’il est vrai, commeon serait
porté
à le croire, que les sons artificiels, lesplus généralement agréables,
soient ceux
qui
ont leplus d’analogie
avec la voix humaine ; 3.° si l’on fait atten- tion quel’organe
vocal est un instrument mixtequi participe à
la fois de la nature des tuyaux sonores et de celle des corps flexibles rendusélastiques
par latension:
aussi voyons - nous que les sons de la voix humaine ne peuvent être
imites
avecsuccès que par des instrumens de l’une ou l’autre de ces deux
espèces.
77
5." L’échelle desmodernes,
a la
plus grande partie
de ses élémens d’accord avec ceux de la ré-sonnance du son
générateur qui
lescontient tous, à l’exception
dedeux’, fa
etla ; et’
ceux-ci rentrent dans le mêmeprincipe
par lamanière dont ils sont
employés.
D’ailleurs letempérament
en vertuduquel
on substituele fa
ci-dessus au son(11) ,
et le la a l’un dessons
(13) ou (I4)
estjustifié
par une foule de raisonsqu’il
seraittrop long d’exposer
ici. Nous nous bornerons à direqu’il suffit ,
engênéral,
de connaîtredans les arts
les basesprimitives
données par la nature, et que, 6’il n’étaitpermis d’y
rienajouter,
les arts neseraient
plus
des arts.La
nature fournit directement le modèlede
tous les accords con-sonnans
usités ; elle
donne encore celui desdissonnances,
sauf unelégère
différence avouée parl’oreille ;
et enfin elleindique
leprincipe
général des salvations ,
comme l’a démontré l’abbéFeytou :
que pou- vait-elle faire deplus
pour dicter toutesles
loisd’une harmonie
ré-gulière ?
Ainsi
Les nouvelles découvertes del’Acoustique
nous auraient ra-menés à
cetteconséquence remarquable ,
que les vrais etuniques
fon-deinens de
l’art
musical sont donnés immédiatement par le son d’une cordevibrante ,
et que tous les élémens de cet art sontcompris
dansla suite naturelle des
nombres I, 2, 3, 4, 5, 6,
etc. Ainsi sejus-
tifieraient les vues
pleines
desagacité
que l’abbéFeytou
avaitportées
sur cet
objet,
aquelques
restrictionsprès qu’une
saine raison sembleexiger,
attenduqu’il
ne fautjamais
outrer aucunprincipe.
Ces aperçus , que nous abandonnons à des personnes
plus
éclairéessur ces
matières,
sont tirés d’unpetit
ouvrage que nous terminonsen ce moment , touchant le
système
de M.Villoteau,
sur lapossi-
bilité et