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FAITES LE POINT
Douleurs et travail : aider le patient à garder un emploi
Pain and work: Help the patient keep a job
Jean-Baptiste Fassier
a,1,∗, Audrey Petit
b, Catherine Yven
c, Patrick Sappey
d,
Franc ¸oise Bernieri
e, Esther Soyeux
f, Yves Roquelaure
baServicedemédecineetsantéautravail,UMRESTTE,hospicescivilsdeLyon,université Claude-BernardLyon1,59,boulevardPinel,69677Broncedex,France
bLaboratoired’ergonomieetd’épidémiologieensantéautravail(LEEST),EA4336,UAInVS, LUNAM,CHUd’Angers,rueHaute-de-Reculée,49045Angerscedex1,France
cCroix-Rougefranc¸aise,CMCRdesMassues,92,rueEdmond-Locard,69322Lyoncedex05, France
dProtocolelombalgies14,20,rueRosecHarel,14100Lisieux,France
eServicemédicaldel’assurancemaladie,69907Lyoncedex20,France
fRéseauLCD,35,rueCrémieux,75012Paris,France
Rec¸ule13septembre2013;acceptéle6d´ecembre2013 DisponiblesurInternetle13janvier2014
MOTSCLÉS Maintiendans l’emploi; Reclassement professionnel; (In)aptitudeau travail; Préventiondu handicapautravail; Travailenréseau
Résumé
Problématique.—Unepartieimportantedelapopulationactiveprésentedesdouleursd’origine musculo-squelettique (rachis lombaire, membre supérieur).Certains de ces salariéssont à risqued’évoluerversuneinaptitudemédicaleautravailvoireuneexclusionprofessionnelle.
Objectif.—Lebutdecetarticleestdeprésentersynthétiquementlesmesuresetlesacteurs mobilisablespouraiderunpatient(salarié)àgarderunemploimalgrésesdouleurs.
Résultats.—Lesmesuresdepremièreintentioncomportentunevisitedepré-repriseauprès dumédecindutravail,unerepriseàtempspartielthérapeutique,unaménagementduposte detravail.Lesmesuresdesecondeintentionpeuvent êtreidentifiéesetmobiliséesunique- mentdanslecadred’unprojetprofessionnelstructuréparlepatientavecl’accompagnement nécessaire.Cesmesuressontvariablesselonl’organismefinanceur.Ellespeuventconcernerla compensationduhandicapdanslasphèreprofessionnelle,ouencorelaformationnécessaireà unreclassementprofessionnel.
∗Auteurcorrespondant.
Adressee-mail:Jean-baptiste.fassier@chu-lyon.fr(J.-B.Fassier).
1 Photodel’auteur.
1624-5687/$—seefrontmatter©2014ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.douler.2013.12.004
Discussionetconclusion.—La démarche du maintien dans l’emploi d’un patient ayant des problèmesdesantédoitreleverdenombreuxdéfisliésaucloisonnementdesacteurs,àlafrag- mentationdesconnaissancesetàlacomplexitédelalégislation.Cependant,cettedémarche estpossiblemoyennantl’implicationdupatientetsonaccompagnementparunepersonneres- sourceappropriéechargéedecoordonnerlesinformationsetlesmesures.Lacollaboration,la confianceetladéterminationdetouslesacteurssontnécessaires.
©2014ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.
KEYWORDS Jobretention;
Redeployment;
Fitnessforwork;
Workdisability prevention;
Healthnetwork
Summary
Introduction.—Asignificantpartoftheworkerssufferfrommusculoskeletalpain(backpain, upperlimb).Someofthemareatrisktolosetheirjobduetotheirhealthcondition.
Objective.—Theaimofthearticleistodescribesyntheticallywhatactorsandmeasurecan beusedinordertohelpapatientkeephis/herjobinspiteofthepain.
Results.—First placemeasures includeavisit withthe occupationalphysicianbefore work resumption,part-timereturntoworkandworkplaceaccommodation.Secondplacemeasures requirethataprofessionalprojectisbuiltbythepatientsupportedbyaknowledgeableperson.
These measuresdepend onthe fundingagency.Theyaredevoted to compensate thework disabilitysituation,and/ortoprovidethetrainingrequiredbythepatient’sproject.
Discussionandconclusion.—Workdisabilitypreventionfacesmanychallengesduetobarriers betweenthestakeholders,scatteringoftheknowledgeandthecomplexityoflegislativeissues.
However,itremainspossibleprovidedthepatientiscommittedandsupportedbyacasemanager inchargeofcoordinatingtheinformationandthestakeholders.Confidenceandcollaboration arekeyissuesintheprocess.
©2014ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
Introduction
Unefractionconséquentedelapopulationactiveprésente despathologiesdouloureuses.Laprévalencedeslombalgies communesdanslapopulationactiveaucoursdes12derniers moisestestiméeà59%chezleshommeset54% chezles femmes[1].Lenombredelombosciatalgiesliéesauportde chargeslourdesetreconnuesenmaladiesprofessionnellesa augmentéen2011de25%[2].Leréseaudesurveillanceépi- démiologiquedes troublesmusculo-squelettiques(TMS)en entrepriseaévaluéque15%desfemmeset11%deshommes avaientaumoinsunTMSdiagnostiquéaucoursd’unexamen cliniquestandardisé.Parmilessalariésâgésde50à59ans, prèsde 19% des hommes et27% des femmes souffraient d’aumoinsundessixTMSdesmembressupérieurs[3].Ces troubles musculo-squelettiques représentaient en 2009la premièrepathologieindemniséeparlacouverture«risques professionnels» du régimegénéral de laSécurité sociale, soit 80% des maladies professionnelles reconnues avec 41000caspouruncoûtdirectannueld’environ875millions d’euros[2]. Ces chiffres nereprésentent pourtant que la partievisibled’uneréalitéplusétendue. Eneffet,letaux desous-déclarationdespathologiesdel’épauleétaitestimé en2007à74%,celuidusyndromeducanalcarpienà64%et celuidurachislombaireà80%[4].
Ces pathologies douloureuses ont des effets délétères surlavieprofessionnelledespatients.Lespremierseffets sontune altérationdelaqualité devieau travailavecla nécessitéde«tenirsonposte»malgrélesdouleurs.Ilpeut égalementyavoirrapidementunediminutiondelaproduc- tivitéoccasionnantdestensionsaveclescollègueset/oula hiérarchie.L’étapesuivanteestponctuéed’absentéismede
plusoumoinslongueduréegénérantunepertederevenus pourletravailleur(délaidecarence;limitationdumontant desindemnitésjournalières).L’absentéismeestégalement unesourcedecoûtsetdedésorganisationpourl’entreprise.
Enfin,l’absentéismeprolongédevientunemenacepour le maintiendansl’emploi,avecunrisquedelicenciementpour inaptitudemédicaleautravail(danslerégimegénéral)ou bienderetraiteimposéeparvoied’invalidité(danslafonc- tionpublique).
Cerisqued’exclusionprofessionnelleest d’autantpluspréoccupantqu’ilconcernedes
travailleursfaiblementqualifiésdontla probabilitéderetrouveruntravailsans exigencesphysiquesaprèsunlicenciementest
quasimentnulle.
C’estlaraisonpourlaquellelemaintiendansl’emploides patientsatteintsdedouleursostéoarticulaires(lombalgies, TMSouautres)devraitêtreconsidérédèsledépartcomme unobjectifàpartentièredelapriseenchargemédicale, parallèlementauxautresobjectifsthérapeutiques.
Prérogatives des différents acteurs médicaux
Le médecin traitant, le médecin du travail et le méde- cinconseildel’assurance-maladie(médecinstatutairedans la fonctionpublique) ont chacun unrôle àjouer dans les problématiques de retour au travail et de maintien dans l’emploi. Cependant, les notions sur lesquelles reposent leursprérogativessontsouventunesourcedeconfusionpour
Tableau1 Notionsutiliséesparlesdifférentsacteursmédicaux(lesacronymessontdéfinisdansleTableau2).
Notion Acteur Définitionetmiseenœuvre Finalité
Aptitudemédicale autravail
Médecindutravail Capacitéd’unepersonneàoccuperàunpostede travaildonné,àunmomentdonné,sansrisquepour sasanté
Aptitudeévaluéeaumomentdelavisitemédicale d’embauche,dereprisedutravailaprèsarrêt,ou bienàlademande(dusalarié,del’employeur,du médecindutravail)
Prévention; préservationdela santéautravail
Invalidité Médecin-conseil Pertedecapacitédegainsuiteàunaccidentouune maladied’originenonprofessionnelle
Invaliditédepremière,deuxièmeoutroisième catégorieselonlacapacitérésiduelledegainetla nécessitéd’unetiercepersonnepourlesactivitésde laviecourante
Revenude substitution
Incapacité Médecin-conseil Letauxd’incapacitépermanentepartielle(IPP)est évaluéparlemédecin-conseilaumomentdela consolidation(stabilisationdeslésions)aprèsun accidentdutravailouunemaladieprofessionnelle Letaux(en%)estconvertienunecertainesomme d’argentquiestverséesousformedecapital (IPP<10%)ouderentetrimestrielle(IPP≥10%)
Réparationdu dommagecorporel
Handicap CDAPH Lareconnaissancedelaqualitédetravailleur handicapé(RQTH)permetd’ouvrirdroitàdes avantages(enespèceouennature)visantà compenserlasituationdehandicapdansles différentessphèresdelavie(familiale,sociale, professionnelle,etc.)
Compensationdu handicap
CDAPH:Commissiondesdroitsàl’autonomiedelapersonnehandicapée.
lespatients,sinonpour lesprofessionnelseux-mêmes.Les distinctions entreles termes: inaptitude, handicap, inca- pacité et invalidité témoignent de cette complexité. Le sensetladéfinitiondecestermessontrécapitulésdansle Tableau1.
Dela mêmefac¸on, ilexisteunnombreimpressionnant d’acronymesdansledomainemédicosocial.Ilscontribuent àentretenirl’imaged’undomaineinaccessiblepourlesnon initiés,alorsquelaconnaissancedeleursignificationcontri- bueaucontraireàsimplifierlepaysage.Lasignificationde cesacronymesestdonnéedansleTableau2.
Retour au travail et maintien en emploi
Certaines notions sémantiques ont été consacrées par l’usage. Le «retour au travail» évoque généralement la reprise du travail dans la même entreprise aprèsun épi- sode donné d’absentéisme. C’est un objectif à court ou moyen terme de la prise en charge. Le «maintien dans l’emploi»ou«enemploi»évoquepluslargementlemain- tiend’uneactivitéprofessionnellemalgrédesproblèmesde santé.C’estunobjectifàmoyenetlongtermedelapriseen charge.Le«maintiendansl’emploi»peutêtremisenœuvre dans la même entreprise (avec ou sans changement de poste),oubienavecuneévolutionextérieureàl’entreprise (généralement aprèsune formation).L’expression«retour àl’emploi»évoquegénéralementlareprised’uneactivité
professionnelleaprèsunepérioded’inactivitéplusoumoins longue.Le«retouràl’emploi»concernedespersonnessou- vent désocialisées dont la problématique particulière de réinsertionsocioprofessionnellen’estpasabordéedanscet article.
LaFig.1représenteschématiquement lesétapesd’une personne confrontée à des difficultés professionnelles à causedeses douleurs.Lademande desoins estfréquem- ment retardée par rapport à l’apparition des douleurs, alors même qu’il existe déjà des difficultés dans le tra- vail. Lademande de soins auprès dumédecin traitanten lienavecd’autrescorrespondantsestl’occasiondeformu- lerleprojetthérapeutique.Desarrêtsdetravailviennent émailler l’évolution lorsqu’ils sont nécessaires au projet thérapeutique(hospitalisation,rééducation,etc.)ouquand la pathologie n’est pas compatible avec la poursuite ou la reprise du travail. À ce stade, les objectifs thérapeu- tiquesdelapriseenchargesontgénéralementprioritaires sur les objectifs professionnels. Pourtant, il est parfois possible d’identifier précocement que des difficultés pro- fessionnellesvontseposeràcourt,moyenoulongterme.
Àl’instantmêmeoùdesdifficultésprofessionnellessont anticipéespourlareprisedutravail,laquestiond’unrisque d’inaptitudeàcourt,moyenoulongtermedoitêtreposée.
Lecaséchéant,lesmesuresdepremièreintention(visantle retourautravailàcourtoumoyenterme)etlesmesuresde secondeintention(visantlemaintienenemploiàpluslong terme)doiventêtreévoquéesaveclepatient.Àcestade,il
PROBLÈMES DE SANTÉ VIE
PROFESSIONNELLE
Douleurs sans demande de soins Baisse de producvité Conflits latents
Demande de soins Projet thérapeuque
Arrêts de travail Courts / moyens
Retour(s) au travail Arrêt de travail Long Épisodes (sub)aigus Projet thérapeuque
Chronicité / Séquelles Projet thérapeuque
Exclusion professionnelle Mainen en emploi
Mesures de retour au travail et de mainen en emploi
De première intenon
De seconde intenon
Visite(s) de pré-reprise Aménagements du poste de travail Restricons d’aptude Reprise à temps parel thérapeuque
Bilan de compétences +/-Formaon(s) Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) Orientaon
Risque d’inaptude PROJET
Mesures de compensaon du handicap (mobilité ; accessibilitéé ; aides techniques ou humaines ; autres)
Figure1. Étapestypesdelatrajectoireprofessionnelled’unpatientdouloureux.
Tableau2 Principauxacronymesrencontrés.
AAH Allocationadultehandicapé
CARSAT Caissed’assuranceretraiteetdesantéau travail
CDAPH Commissiondesdroitsàl’autonomiedela personnehandicapée
CIF Congéindividuelàlaformation DIF Droitindividuelàlaformation
ESAT Établissementsetservicesd’aideparle travail
FIPHFP Fondsd’insertionauxpersonnes handicapéesdelafonctionpublique IP(P) Incapacitépermanente(partielle) MDPH Maisondépartementaledespersonnes
handicapées
OETH Obligationd’emploidestravailleurs handicapés
OPCA Organismeparitairecollecteuragréé PCH Prestationdecompensationduhandicap PDP Celluledepréventiondeladésinsertion
professionnelledelaCARSAT PSOP Prestationspécifiqued’orientation
professionnelle
RQTH Reconnaissancedelaqualitédetravailleur handicapé
SAMETH Serviced’appuiaumaintiendansl’emploi destravailleurshandicapés
VAE Validationdesacquisdel’expérience
estfortementconseilléaupatientetauxprofessionnelsde santéquileprennentencharged’identifieretd’établirun liendeconfianceaveclespersonnesressourcessusceptibles d’intervenir:lemédecindutravail;lemédecin-conseil(ou médecinstatutairedanslafonctionpublique),unassistant deservicesocialcompétentsurlesquestionsdemaintienen
emploiouunchargéd’insertionprofessionnelle.Cesliensde confiancesontnécessairespouraiderlepatientàélaborer son projetprofessionnel et mettre enœuvre les mesures appropriées.
Mesures de première intention Visite de pré-reprise du travail
La visite de pré-reprise du travail peut être effectuée à la demande du patient, de son médecin traitant ou bien du médecin-conseil de l’assurance-maladie (médecin sta- tutaire dans la fonction publique). Elle a pour objectif d’évoqueraveclemédecindutravaillesdifficultéssuscep- tibles de se poserau momentde lareprise du travail: il s’agitd’anticiperaumieuxcesdifficultéspourlesrésoudre oulesamoindriravantlareprise.L’employeurpeut nepas êtreinformédecettevisitesilepatientledemande,cequi anéanmoinspoureffetnégatifdelimiterlespossibilitésde résolutionsdesproblèmes.
Cettevisitenedonnepaslieuàl’émission d’unavisd’(in)aptitudeautravail.
Ellepeutinterveniràplusieursreprisesdurantunmême arrêt.Elledoitintervenirsuffisammentenamontdeladate prévisible de reprise pour être utile. Très souvent, cette visiteestleseulmoyenpourlemédecindutravaildesavoir qu’unepersonneestenarrêt.
Aménagements du poste de travail
Les aménagements du poste de travail peuvent être proposésparlemédecindutravailàl’employeur.Cesamé- nagements peuvent porter sur les horaires, les tâches à
effectuerouencorel’équipementdupostedetravail.Par exemple,l’employeurpeutautorisersonsalariéàcommen- cerle travailplustôtoule finirplustard,ouluiproposer temporairement une autre affectation. Ilest parfois pos- sible de proposer des équipements visant à réduire les contraintesphysiquesdupostedetravail(outils,mobilier).
Ces aménagements peuvent être mis en œuvre relative- ment aisément lorsqu’ils sont temporaires et n’exigent pasd’investissements financiersoude réorganisationtrop importants. Ils nécessitent dans tous les cas une collabo- rationefficaceentrelemédecindutravail,l’employeuret lesalarié;leuranticipationaumomentdelavisitedepré- reprisefaciliteleurimplantation.Enfin,lesaménagements peuventêtre«immatériels»enagissant surl’organisation du travail et en accompagnant le retour de la personne arrêtée auprès de ses collègues pour faciliter les méca- nismesd’entraideetle travailcollectif. L’entreprisepeut faciliterle retourautravailenaménageantdespostes de travailsurleprincipedespostes«cadrevert»[5].Lecadre vertdéclinelesdifférenteslimitesconnuesdescontraintes qui présentent des risques pour l’appareil locomoteur en généraletpourlacolonnevertébraleenparticulier(manu- tention,postures,pousser-tirer, etc.).C’est unrecueilde valeurs limites de différentes contraintes qui rendent un postedetravailacceptablemêmepourunsalariéenretour précoceousansarrêtdetravailaprèsoupendantunépisode delombalgieaiguë[5].
Restrictions d’aptitude médicale au travail
Lesrestrictionsd’aptitudemédicaleautravailpeuventêtre libelléesparlemédecindutravailaumomentdelavisitede reprise(cettevisiteestobligatoire dèsquel’arrêtdetra- vaildépassequatresemaines).Cesrestrictionssontcensées s’imposeràl’employeurquial’obligationdelesprendreen comptedansleposteproposéàsonsalarié.Ils’agitcepen- dant d’unoutilà manieravecprécaution carl’employeur peutarguerdesonimpossibilitéàproposerunposteadapté pour invoquer un licenciement pour inaptitude. Les res- trictions d’aptitude communiquées à l’employeurdoivent respecterlesecretmédicalenmentionnantuniquementles tâchesdevantêtreévitéesetcellespouvantêtreeffectuées (capacités résiduelles). Lorsqu’elles peuvent être envisa- gées sur une base temporaire (de quelques semaines à quelques mois), les restrictions d’aptitude sont un outil efficace pour faciliter le retour au travail après un épi- sode d’arrêt,alorsmême que lepatient n’apas retrouvé l’ensembledesescapacitésfonctionnelles.Iciencore,cette mesurenécessiteunecollaborationharmonieuseentreles personnesimpliquées.
Reprise du travail à temps partiel thérapeutique
La reprise du travail à temps partiel thérapeutique peut être mise en œuvre sans durée minimum d’arrêt dans le régime général de la sécurité sociale. Dans la fonction publique,ellenécessited’avoirétéarrêtésixmoisaumini- mumàtempscompletpourlemêmemotif,endehorsdes cas d’accidentdutravail etdes maladies professionnelles où cette condition ne s’applique pas. Le travail à temps partielthérapeutiquepermetdepoursuivrelessoins etla
rééducationpendantl’arrêttoutenreprenantl’activitéde travail.Ellepeutintervenirencomplémentdesmesurespré- cédentes,etnécessitel’accordconjointdumédecintraitant (prescripteur),dumédecinconseil (quivalide la prescrip- tion)et du médecin du travail (qui valide la reprise). La reprisenes’effectuepasnécessairementà50%etladéno- mination«mi-tempsthérapeutique»estunabusdelangage.
Letempstravailléauproratadutempsenarrêtpeutvarier (parexemple: 60/40ou 70/30) et peut évoluer de fac¸on progressivedurantunmêmearrêtpourautantquetousles protagonistesensoientd’accord.Danslafonctionpublique, cesaménagementsnécessitentl’accordducomitémédical départemental ce qui limite leur réactivité. L’employeur peuts’opposeràcettemesures’iljustifiequ’ellen’estpas compatibleavecsonorganisationdutravail.Danslafonc- tionpublique,lesdroitsàtempspartielthérapeutiquesont limitésàunandanstoutelacarrièrepourlemêmemotif.
Élaboration du projet du patient
Dès le moment où un risque d’inaptitude est identifié, lanécessité d’élaborer unprojets’impose rapidementau patient avant que ses droits sociaux à arrêt pour mala- die ne soient épuisés et restreignent ses possibilités. Il s’agitd’une étapedifficiledans laquelle lespatients sont désemparéspar lacomplexité deleursituation socialeet lesincertitudesdeleurtrajectoiremédicaleetprofession- nelle. Il leur est difficile d’anticiper l’avenir alors qu’ils doivent parfois effectuerun véritable travail dedeuil de leursituation«d’avant».Cedeuilestd’autantplusdifficile sur le plan professionnel que les patients avaient forte- mentinvestileurtravailavecuneidentitéprofessionnelle marquée(parexemple dans lesmétiers dela santéoule secteurdubâtiment).L’enjeupour lesdifférents interve- nants est ici d’effectuer un travail de liaison autour du patientpourl’accompagnerdansl’élaborationdesonpro- jet.L’attitudetropfréquemmentrencontréeàcestadeest de«laisser faire leschoses»enespérantquele projetse construiradelui-mêmeetquelesdifficultésserésoudront avecletemps.Lesobjectifsdel’accompagnementsontde rassurer, d’informer, de restaurerla confiance dupatient dans ses possibilités. Concrètement, il est nécessaire de répondrerapidementàlaquestion:«unprojetdereclas- sementinterne(danslamêmeentreprise)est-ilréaliste?» Laréponse àcettequestiondéterminelesintervenantset letypedemesures desecondeintentionquipeuventêtre misesenœuvre.Danslecascontraire,d’autresintervenants etd’autresmesuresdoiventêtreévoqués.
Lespersonnesressourceslesplusàmêmed’accompagner le patient dans l’élaboration de son projet professionnel sontleschargésd’insertionprofessionnelleoudemaintien dansl’emploi, unpsychologue (clinicienou dutravail) ou encoreunassistantdeservicesocialpossédantl’expérience des mesures et des réseaux qui peuvent être sollicités.
L’identificationdecettepersonneressourcepeutnécessiter dutemps:c’estpourtantunpivotcentralquipeutgarantir lesuccèsdeladémarche.Lesintervenantsmédicaux(méde- cintraitant;médecindutravail;médecin-conseil)peuvent êtreamenésàpartagerentreeuxdesinformationsdesanté concernantle patient. Ce partage du secret médical est prévudanslecodededéontologie:ildoitêtremisenœuvre
uniquementavecl’accorddupatient,danssonintérêt,et doitêtre limité àcequi estnécessaire àla qualitéde sa priseencharge.Ilestnécessairedepartagerégalementdes informationsdesantéaveclapersonneressourcequiaide lepatientàélaboreretàmettreenœuvresonprojet.
Certainesinformationssontparticulièrement nécessairesàl’élaborationduprojet professionnel:leslimitationsfonctionnelles,les
capacitésrésiduelles,laduréeattenduedu projetthérapeutiqueainsiqueleséléments
d’ordrepronostique.
Ces informations peuvent encore concerner les effets secondairesdutraitement.Cepartagedesinformationsde santédoit être mis en œuvre dans les mêmes conditions queprécédemmentetdansunmêmebut:aiderlepatient àconserverunemploi.
Laphasedel’élaborationduprojetprofessionnelestun véritabletalon d’Achille. Le patientest rarement accom- pagné dans ce défi qui exige qu’il reprenne confiance, identifiesesdésirsetlesconfronteàlaréalité.Aucontraire, le fonctionnement du système de santé et de protection socialetend à le maintenir dans une position de docilité et d’attente, avec des droits et des obligations dont la complexitéluiéchappelaplupartdutemps.Pourtant,c’est bien l’élaboration dece projet qui conditionne la nature des mesures de seconde intention devant être mises en œuvre pour un reclassement réussi aboutissant au main- tiendansl’emploi.Lespersonnesressourcepouvantaiderà l’élaborationd’unprojetpeuventappartenir àdifférentes structures:équipes «Comète-France», servicesde méde- cineetsantéautravail,servicesocialdupersonnel,service socialdel’assurance-maladie,mission«handicap»danscer- tainesentreprises,SAMETH,etc.
Rôle de l’assurance maladie
L’assurance-maladiepeutinterveniràplusieurs titrespour le maintien dans l’emploi, en collaboration de confiance indispensable avec le médecin-conseil dont l’accord est nécessaire pour certaines de ces mesures. Il est recom- mandé d’informerdès quepossible le médecin-conseildu projetprofessionnel du patient pour évoquer la question essentielle de la durée prévisible et nécessaire du main- tien des indemnités journalières. Un projet professionnel réalisteetstructuréestindispensablepourfairevaloirces arguments auprès du médecin-conseil. Même si les déci- sions des médecins sont variables selon les personnes, la tendanceestdeviserl’harmonisationdespratiquesavecla supervisiond’unmédecinchef.Ilfautcependantgarderà l’espritquelajustificationdesindemnitésjournalièresestla nécessitéduprojetthérapeutique,etnonduprojetprofes- sionnel.Par ailleurs, l’assurance-maladieadéveloppé des cellulesdepréventiondeladésinsertionprofessionnellequi peuventêtre sollicitées parle patientenarrêt dès qu’un risqued’inaptitudeaétéidentifié(notammentparlesassis- tantessociales de la CARSAT). Cescellules (régionales et auniveaudechaqueCPAM)sontcomposéesd’unmédecin- conseil,d’unassistantdeservicesocialetd’ungestionnaire
dedossierquipeuventorienterlepatientversuneforma- tionprofessionnellecontinuedetypebilandecompétence ouVAEetanticiper lesmesures à mettreenœuvreaprès sareprise.D’autresmesurespeuventêtremisesenœuvre parl’intermédiairedel’assurance-maladie.Desprestations spécifiques ont été développées comme le PSOP (presta- tionspécifiqued’orientationprofessionnelle).Lecontratde rééducation professionnelle en entrepriseest une mesure potentiellementintéressantemaislourdeàmettreenœuvre etpeuutilisée.
Rôle de la MDPH
LesMDPHontunemissiongénéraled’informationdesper- sonnesrelevantdelaloidu11février2005.Ellesprocèdent à l’évaluation de la demande par une équipe pluridis- ciplinaire abordant les conséquences du handicap dans ses différents domaines: personnel, familial, profession- nel,etc.Lecaséchéant,ellesattribuentlareconnaissance de travailleur handicapé (RQTH), statuentsur l’éligibilité pourl’attributiondeprestationsfinancières(prestationsde compensationduhandicap;allocationadultehandicapé)ou bien de cartes diverses(carte d’invalidité; de stationne- ment,destationdeboutpénible).LaMDPHesthabilitéeà seprononcersurl’orientationenmilieudetravailordinaire ouprotégé(ESAT:établissementsouservicesd’aideparle travail).LaMDPHestunpointdepassagequasimentobligé danslatrajectoiredumaintiendansl’emploi.LaRQTHest eneffetcomparableàunsésamenécessaireàl’attribution duplusgrandnombredesmesuresmobilisables.Cependant, leniveaudeformationdespersonnelsetlesdélaisdetraite- mentdesdemandesdesMDPHsontvariablesetnepeuvent passuffireàgarantirqueledemandeurseracorrectement orientéetaccompagné.
Reconnaissance de la qualité de travailleur handicape (RQTH)
La RQTH présente un intérêt majeur pour le maintien en emploi et constitue une condition d’éligibilité aux différentes mesures et prestations mobilisables. Du fait de l’obligation d’emploi d’un quota de 6% de personnes handicapées pour les entreprises de plus de 20salariés, l’ensembledesemployeurs (publicsetprivés)doiventres- pectercetteobligationsouspeinedespénalitésfinancières conséquentes.Àcetitre,l’obtentiondelaRQTHaplusieurs bénéfices pour le patient en incitant son employeur à le conserver dans ses effectifs, même si cela nécessite des aménagementsetuneréorganisation.Parailleurs,laRQTH peutouvrir desdroitsspécifiquesentermesdecompensa- tion du handicap dans toutes les sphères de l’existence, dont la sphère professionnelle. Ces droits peuvent finan- cerdifférentesmesuresconcernantlamobilité(organisation des transports domicile —travail), l’accessibilité (rampes d’accès,etc.)ouencorel’organisationdupostedetravail (système d’aide à la manutention,fauteuil ergonomique, etc.).Malgrésesbénéficespotentiellementimportantspour le maintien en emploi, la RQTH se heurte fréquemment à la méconnaissance et/ou aux représentations négatives despatientsetdeleurspraticiens.Ellenécessitedoncune
communicationattentiveàcesreprésentationsetdoitlais- ser le temps de la réflexion face à des questionnements légitimes.Deplus,sesdélaisd’obtentionpeuventallerde 4à12moisselonleslieux.Ilnes’agitdoncpasd’unemesure d’urgence;la demandede RQTHdoits’intégrer dans une stratégieàmoyenetlongtermeavecdeseffortsimpératifs d’anticipation.Danslecadredepathologiesdontl’évolution permetd’anticiperaveccertitudeunproblèmed’aptitude médicaleautravail,lapossibilitédelaRQTHdoitêtreabor- déerapidementpourélargirlespossibilitésdereclassement professionnel. C’est pourquoi la demande de RQTH a été représentée schématiquement entre les mesures de pre- mièreetdesecondeintentionsurlaFig.1.
Organismes financeurs et mesures de seconde intention
LaFig.2ci-dessousreprésente schématiquement lesliens entrelesorganismesfinanceursetlesmesuresdeseconde intentionpourlemaintiendansl’emploi.
Outre l’assurance-maladie, il existe quatre principaux financeursdesmesurespourlemaintiendansl’emploiselon lesecteurd’activitéprofessionnelledupatient.L’AGEFIPH estl’organismedédiéàlagestiondufondspourl’insertion etlemaintiendansl’emploidespersonneshandicapéesdans lesecteurprivé.LeFIPHFPestsonéquivalentpourlesper- sonnestravaillantdanslafonctionpublique(qu’ellessoient titulairesoucontractuelles). L’OETHconcerne lessalariés desétablissementsprivésàbutnonlucratifdusecteursani- taire, social et médicosocial (établissements de soins et de rééducation, ESAT, EHPAD, IME, etc.). Enfin, certaines grandesentreprisesontpassédesaccordsagréésavecl’État etlespartenairessociaux(représentantspatronauxetorga- nisationsde travailleurs);elles financent elles-mêmes les mesurespourl’insertionprofessionnelleetlemaintiendans l’emploideleurssalariéshandicapésparl’intermédiairede
«missionshandicap»propresàcesgrandesentreprises.
Les mesures de seconde intention peuvent être sché- matiquement regroupées en deux grandes catégories. La première catégorie de mesures concerne la compensa- tion du handicap professionnel: c’est un ensemble de mesuresfinancières,techniques,humainesouorganisation- nellesdestinéesnotammentàl’aménagementdupostede travail. Il est impossible de dresserun catalogueexhaus- tifdecesmesuresquisontspécifiquesàchaqueorganisme financeuretquisontenévolutionpermanente.Untravailde veilleestdoncindispensablepouractualiserlesconnaissan- cesdecesmesures,deleurcontenuetdeleursconditions d’attribution(publiccible).Ilexistedeplusunevéritable ingénierie qui nécessite d’identifier la ou les personnes devantformulerlademande(salarié,employeur,médecins, autres),lespersonnesouorganismesdontl’autorisationest nécessaire (financeurs, employeur, etc.) et les modalités demiseenœuvre(identificationetchoixd’unprestataire approprié). Cette ingénierie nepeut être mise en œuvre que par une personne expérimentée: le plus souvent, ce sont les «chargés de maintien en emploi» qui possèdent laconnaissance,l’expérienceetle réseaunécessaires. La difficultéestd’identifier cespersonnes ressourcedans les différentesinstitutionsauxquellesellespeuventappartenir
(réseauComète-France, servicesdemédecineetsantéau travail,assurance-maladie,SAMETH,entreprises,etc.).
Ladeuxièmecatégoriedemesuresconcernelaformation professionnelledèslorsqueleprojetdupatientlenécessite.
Lesopportunitésdeformationdoiventêtre considéréesselondifférentscritères:la
motivationetlesdésirsdupatient,ses compétences,leslimitationsfonctionnelleset capacitésrésiduelles,lesbesoinsfinanciersdu patient,lespossibilitésdefinancementdela formation,etlesbesoinsdumarchédutravail.
Ilexisteunvasteéventaildeformations(diplômantesou non,brèves oulongues,initialesoumisesàniveau, etc.).
Unbilandecompétencesestparfoisnécessaire:cedernier n’estpasunefinensoi.Iln’estpasindiquédanstoutesles situations.Ilnefautpasenattendre larésolutiondetous lesproblèmesdansuneformedepenséemagique.Ilexige uninvestissementintellectueletémotionnelimportantpar- foisdifficileàfournirparlespatientslesplus fragilisés.Il arriverégulièrementquelesrésultatsd’unbilandecompé- tencessoitinutiles,fautederéflexionpréalablesurleprojet professionnel.Cettemesuredoitdoncêtreutiliséeavecdis- cernement.Certainsdroitsàlaformationsontprévusparle droitcommun etne nécessitentpas lareconnaissance de travailleurhandicapé:congéindividueldeformation,droit individuelàlaformation(pouvantêtreutiliséchezunautre employeur), validation des acquis de l’expérience, etc.
Cependant,laRQTHpeut conféreraux patients uneprio- ritéd’accèsàcesformationsprévuesparledroitcommun, oubienouvrirledroitàd’autresformationsspécifiquesaux travailleurs handicapés. Le contenu des formations, leurs conditionsd’attribution etleur miseenœuvredépendent notammentdesorganismesenchargedelaformationpro- fessionnelle: les OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés) ainsi que des co-financeurs éventuels (AGEFIPH, FIPH,OETH,entreprises sous accord agréé).Ici encore,il existeuneingénieriespécifiquepourlaquellelaqualitéde l’accompagnementdupatientparlapersonneressourceest cruciale.
Difficultés du maintien dans l’emploi
L’objectif d’aider un patient à conserver un emploi mal- grésesdifficultésdesantéseheurteàdenombreuxdéfis.
Les connaissances nécessaires pour atteindre cet objec- tif appartiennent à des univers différents: monde de la santé, droit social, monde du travail, formation profes- sionnelle.Le rassemblementetla miseen cohérence des informations fragmentées nécessitent du temps et de la déterminationquifontparfoisdéfaut.Lepartagedesinfor- mations nécessite d’établir des liens de confiance, qui eux-mêmesnécessitentdutemps.Lefinancementdesdif- férentes mesures n’est pas toujours pérenne ni suffisant, imposant des montages parfois complexes et incertains.
L’obtentiondes mesures nécessaires peut dépendreétroi- tementdesindividusenresponsabilité.L’identificationdes personnesressourcepeutprendredutempsetparfoisnepas aboutir,s’agissant notamment de coordonner l’ingénierie
Financeurs
AGEFIPH FIPHFP OETH Entreprises
Mesures
Assurance maladie
Temps parel thérapeuque
Bilan de compétences pendant un arrêt (autorisaon) Prestaons spécifique (BORA, PSOP)
Autres (contrat de rééducaon professionnelle)
MDPH
Informaon Évaluaon de la demande
Reconnaissance travailleur handicapé (RQTH) Prestaon de compensaon du handicap (PCH) Allocaon adulte handicapé (AAH)
Orientaon en milieu de travail (ordinaire ou protégé) Aides financières / techniques / humaines / organisaonnelles
Mobilité ; accessibilité
Compensaon d’un handicap sensoriel Étude et aménagement de la situaon de travail Prestaons financières spécifiques Aide au tutorat
Bilan de compétence et droits à la formaon
Bilan de compétences CIF ; DIF ; VAE; etc.
Ingénierie
Demande
Autorisaon
Mise en œuvre Contenu ; condions ; ingénierie
OPCA
Salarié ; Employeur Médecin(s) ; autres
Financeur; Employeur Médecin(s) ; autres
Prestataires Compensaon du handicap
Formaon professionnelle Éligibilité Bénéficiaires de la loi
du 11 février 2005
Equipes « Comète » SMST
Autres SAMETH Éligibilité
Figure2. Organismesfinanceursetmesuresdesecondeintention.
desmesuresdumaintiendansl’emploi.Lesincertitudesdu parcoursmédicalpeuventretarderl’élaborationd’unnou- veau projet professionnel. Enfin, le manque d’autonomie despatientsetl’adoptiondeposturesattentistesentravent l’élaborationde ce projetet des mesures correspondant.
Pourtant,cettedémarcheestpossiblecommeenattestent denombreuxparcoursfavorablesdepatientsayantréussià conserverunemploietàconduireunreclassementprofes- sionnel.Parailleurs,plusieursprojetsdetravailenréseau ontétédéveloppéscesdernièresannéesafindedécloison- nerlapriseenchargesanitaire,socialeetprofessionnelle.
Avantages et limites du travail en réseau
Leréseau«Lutter contreladouleur—Paris(LCD75)»est un réseau ville-hôpital ayant pour objectif de décloison- ner la prise en charge entre les professionnels de santé hospitaliersetlibéraux(médecins, kinésithérapeutes,psy- chologues, etc.) dans l’objectif d’améliorer la prise en chargeetleparcoursdesoinsdespatientsdouloureux.Des actionspluridisciplinairesde formationmédicale continue sont menéesenvue d’intégrer précocement ladimension professionnelle à la prise en charge des patients dou- loureux. Il existe également une consultation spécialisée d’évaluationetd’orientationsocioprofessionnelle.
Le réseau régional «Lombaction» dans les pays de la Loire a pour objectif (entre autres) de prévenir les risques d’exclusion socioprofessionnelle des travailleurs souffrantdelombalgiechronique.Laprise enchargepré- voituneévaluationglobalemédico-socioprofessionnelledes patientsenconsultationmultidisciplinaire,uneproposition dereconditionnementàl’effort(eninstitutionouchezdes
kinésithérapeutes libéraux adhérents au réseau)et l’aide conjointe au retouren emploivia la coordinationavec le médecindutravail,lemédecinconseilet/oulespartenaires locauxdumaintienenemploi[6].
Le «protocole Lombalgies 14» a été développé dans le Calvados pour prévenir la désinsertion professionnelle du salarié lombalgique. Le dispositif a été mis en place au sein d’un service de santé au travail, en partena- riat avec le réseau service vie autonome de la région (RSVA).Après6—8semainesd’arrêtdetravailpourlombal- giescommunes,lorsd’unevisitedepré-reprise,lemédecin du travail propose au salarié de rencontrer la coordina- trice du réseau pour envisager son engagement dans le dispositif. Si consentement, une feuille de route est éta- blieconjointement parle médecin traitantetle médecin dutravailquis’appuientsurundoublebilaneffectuédans les deux premières semaines: celui de l’examen de la situationdehandicapdansl’entrepriseetceluid’unbilan fonctionnel du patient. Il en découle simultanément une étude des possibilitésd’aménagement des postes de tra- vail ainsi qu’une orientation du patient vers un service deprise en chargede ladouleur et/ou unprogrammede reconditionnement à l’effort, visant la reprise selon les modalités adaptéesà chaque situation. Le salarié bénéfi- cieainsid’unaccompagnementpluridisciplinaire(ycompris auniveausocial)etd’unecoordinationentrelesdifférents acteurs, lui permettant dese situer dans une dynamique dereprise dutravail toutensuivant unparcoursde soins adaptés.
L’associationnationale «Comète —France»initie dans des établissements ou services de soins de suite et de réadaptation (SSR), spécialisés en médecine physique et de réadaptation (MPR), une prise en charge précoce des
problématiques sociales et professionnelles des patients hospitalisés. Une équipe labellisée «Comète — France» regroupe des compétences médicales et paramédicales (médecin de MPR, ergonome, ergothérapeute, psycho- loguedutravail, chargé d’insertionprofessionnelle), dans l’objectifdeconstruire,aveclaparticipationactivede la personne, un projet de vie incluant obligatoirement une dimensionprofessionnelle,quipourraseconcrétiserleplus rapidementpossible aprèsla sortie de l’établissement de soins.
Les possibilités detravail en réseau pour décloisonner et améliorer les pratiques professionnelles sont réelles.
Cependant,le travail enréseau nécessite unengagement de longue durée de ses promoteurs et de ses adhérents.
Lerenouvellementdufinancementdesréseaux estsujet à denombreuses contraintes administrativesetrevirements politiques.
Lefinancementdesmesuresenentreprise n’estpastoujoursacceptéparlesorganismes financeursdesréseauxdesoinsoudesanté.
Lavisibilité etlapérennitédeces réseaux dansl’offre desoinstraditionnelleestrarementacquise,cequilimite l’atteinte dupublic cible. Enfin,la participation des pro- fessionnels de santé libéraux et des médecins du travail seheurtentrégulièrementàlapénuriedetempsmédical, maisaussiparfoisaumanqued’implicationdanslesenjeux socioprofessionnelsdespatients.
Conclusion
Aider un patient à conserver un emploi malgré ses dou- leurs devrait faire partie des objectifs à part entière de lapriseenchargemédicale.Cetobjectifdoitêtrediscuté explicitementet précocement avecle patient.Dès qu’un risque d’inaptitude est identifié, il convient d’identifier les différents partenaires impliqués pour accompagner le patient dans la maturation etl’élaboration d’un nouveau projetprofessionnel.Cetteélaborationestrarementeffec- tuée en temps voulu, conduisant à restreindre le champ des possibilités du patient pour un reclassement pro- fessionnel réussi. De nombreuses mesures peuvent être mobilisées à cet effet et nécessitent la coordination des intervenantsautourdupatient.L’identificationd’une per- sonne ressource chargée de maintien dans l’emploi est essentielle.
MESSAGESÀEMPORTER
Lemaintiendansl’emploid’unpatientdouloureuxdoit êtreunobjectifàpartentièredesapriseencharge.
Cet objectif doit être abordé explicitement et précocement avec lui, et les autres personnes concernées.
Lapériodedel’arrêtdoitêtreutiliséepourélaborer un projet professionnel, identifier les personnes ressourceetlesmesuresappropriées.
Il existe peu de mesures mobilisables pour le maintien dans l’emploi si la reconnaissance de la qualité de travailleurhandicapén’a pasété obtenue oudemandée.
L’accompagnement du patient par une personne ressourceexpérimentéeestunfacteurdesuccès.
Déclaration d’intérêts
Lesauteursdéclarentnepasavoirdeconflitsd’intérêtsen relationaveccetarticle.
Références
[1]FouquetN,HaC,BodinJ,ChotardA,BidronP,LedenvicB,etal.
Surveillancedeslombalgiesetdeleursfacteursderisqueprofes- sionnelsdanslesentreprisesdesPaysdelaLoire.BullEpidemiol Hebd2010;(5—6):48—54.
[2]CNAMTS. Faitsmarquants et chiffres-clés 2011de labranche
«accidentsdutravail-maladiesprofessionnelles».Caissenatio- naled’assurancemaladiedestravailleurssalariés;2012.
[3]ChironE,RoquelaureY,HaC,TouranchetA,ChotardA,Bidron P,etal.LesTMSetlemaintienenemploidessalariésde50ans etplus:undéfipourlasantéautravailetlasantépublique.
SantePublique2008;20(S3):S19—28.
[4]RivièreS, PenvenE,Cadéac-BirmanH,RoquelaureY, Valenty M.Approche delasous-déclarationdes TMSdansdix régions franc¸aisesen2009.Saint-Maurice:Institutdeveillesanitaire;
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[5]INRS.Travailetlombalgie:dufacteurderisqueaufacteurde soin.Institutnationaldelarecherchedelasécurité;2011.
[6]Roche-Leboucher G, Petit-Lemanac’h A, Bontoux L, Dubus- BausièreV,Parot-ShinkelE,FanelloS,etal.Multidisciplinary intensive functionalrestorationversus outpatientactivephy- siotherapyinchroniclowbackpain:a randomizedcontrolled trial.Spine2011;36(26):2235—42.