Images en Dermatologie • Vol. IX - n° 3 • mai-juin 2016 92
Éditorial
Comment aider un patient à se motiver ?
Pr André Grimaldi (Service de diabétologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
Il faut d’abord noter qu’on ne peut pas motiver quelqu’un, on peut seulement l’aider à se motiver. Les psychologues distinguent motivation intrinsèque et motivation extrinsèque.
Toutes les deux demandent un effort, mais, dans le premier cas, l’action à accomplir est en elle-même source de plaisir ou d’intérêt tandis que, dans le second, l’action est plutôt déplaisante, voire franchement pénible. Toutefois, elle permet d’obtenir un bénéfice secondaire ou d’éviter un désagrément plus grand encore.
Exercer le métier de soignant relève en principe de la motivation intrinsèque ; accepter les contraintes d’un traitement
fait plutôt appel à la motivation extrinsèque. Cependant, le propre de l’être humain est sa capacité à inverser les rôles.
Ainsi, pour la plupart, l’argent a une valeur extrinsèque, il est le moyen d’obtenir des choses désirées. Mais pour l’avare, l’argent a une valeur intrinsèque, il est en lui-même le suprême bonheur.
C’est en quelque sorte du “concentré d’amour”…
En matière d’observance thérapeutique, la motivation extrinsèque peut être très puissante, comme l’illustrent les deux observations suivantes. J’ai été amené à voir en consultation un pilote d’avion diabétique traité par régime et metformine. Le médecin du travail avait suspendu sa licence de vol, car son hémoglobine A1c (HBA1c) était à 7,4 %. Le délai de deux mois avant la consultation lui
avait suffi pour ramener son HBA1c à 6,5 %. J’ai suivi une jeune femme diabétique insulinodépendante qui réduisait ses doses d’insuline de façon à rester mince grâce à une glycosurie massive.
Son HBA1c était en permanence autour de 14 % et rien n’y faisait. Un jour, elle arriva en consultation avec une HBA1c à 5,9 %. Entre temps, elle avait développé une neuropathie aiguë hyperalgique avec des sensations de brûlures intolérables au moindre frôlement. Elle savait bien entendu qu’un parfait équilibre du diabète était la condition de la guérison. Dans les deux cas, il s’agissait d’une motivation extrinsèque puissante : récupérer sa licence de pilote, ne plus souffrir. Motivation puissante, certes, mais fragile. Que se passera-t-il lorsque le diabète évoluant, le pilote perdra définitivement sa licence de vol ? Ne souffrant plus au bout de quelques mois de son symptôme, la patiente retrouvera-t-elle son trouble du contrôle pondéral ?
© La Lettre du Neurologue 2016;3(20): suppl. 1
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Images en Dermatologie • Vol. IX - n° 3 • mai-juin 2016 93
Éditorial
La vraie question pour le clinicien suivant des patients atteints d’une maladie chronique est donc la suivante : comment aider un patient à intérioriser une motivation extrinsèque ? L’interrogation appelle trois réponses :
✔intégrer les projets de soins aux projets de vie, encore faut-il les connaître ;
✔aider le patient à négocier entre l’objectif médical guidé par la raison (l’EBM [Evidence-Based Medicine]) et ses objectifs de vie, en se faisant l’avocat des deux parties, sans oublier de se faire l’avocat du diable… ;
✔surtout, favoriser l’expression du vécu émotionnel du patient et lui permettre d’exprimer son identité narrative. Encore faut-il qu’il ait la conviction qu’il ne sera l’objet ni d’un jugement ni d’une volonté d’emprise.
Finalement, un médecin motivé pour connaître “son” patient est un médecin motivant !
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