188 | La Lettre du Neurologue • Vol. XX - n° 7 - septembre 2016
ÉDITORIAL
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Auto-immunité et maladies
neurologiques : seulement le début ?
Pr Sophie Dupont
Unités d’épilepsie et de réhabilitation, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, centre de recherche de l’institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), UMPC-UMR 7225 CNRS-UMRS 975 Inserm, et université Pierre-et-Marie-Curie, Paris 6.
Le nombre de maladies relevant d’un mécanisme d’auto-immunisation et entrant donc dans le cadre nosologique des maladies auto-immunes est en constante augmentation. On en recense actuellement 80 (lire page 193).
Ce fort accroissement est particulièrement notable dans le domaine
de la neurologie où l’on est passé de rares maladies auto-immunes bien délimitées comme la myasthénie (lire page 214), à une explosion de nouvelles entités comme le PANDAS (Pediatric Autoimmune Neuropsychiatric Disorders Associated with Streptococcal infections) [lire page 210], décrit pour la première fois en 1998, ou les nouvelles encéphalites auto-immunes (lire page 203), dont le démembrement est toujours en cours et, très certainement, loin d’être terminé.
Cela conduit à une évolution à la fois des pratiques diagnostiques −
avec de nouveaux biomarqueurs (lire page 218) − et des pratiques thérapeutiques − avec des schémas novateurs mais demandant encore confirmation (lire page 198) −, et même des hypothèses physiopathologiques concernant certaines maladies non considérées comme auto-immunes (lire pages 226 et 230).
On peut néanmoins légitimement s’interroger sur la cause de cette recrudescence de maladies auto-immunes neurologiques. Progrès techniques permettant de mieux les détecter ? Facteurs environnementaux ou génétiques différents ? Facteurs infectieux protecteurs ou, au contraire, délétères ?
Deux grandes théories s’opposent dans le domaine des maladies auto-immunes et de leur substratum infectieux : la théorie du mimétisme moléculaire
(molecular mimicry) et la théorie hygiéniste. La théorie du mimétisme moléculaire repose sur l’analogie entre un antigène du soi et certaines structures d’un agent pathogène viral ou bactérien. En simplifiant à l’extrême, en voulant détruire un agent pathogène reconnu comme étranger et potentiellement dangereux, l’organisme va déclencher une réaction immunitaire aboutissant à sa propre destruction. La théorie hygiéniste suggère, quant à elle, que l’évolution des pratiques médicales (recours exagéré aux antibiotiques) et l’évolution sociétale (hygiène accrue, amélioration des conditions sanitaires, moindre exposition et donc moindre conditionnement aux agents pathogènes) ont modifié et fragilisé la flore intestinale, ou microbiote intestinal, aboutissant à une dysrégulation des systèmes immunitaires digestif et général.
Toutes ces théories, en réalité, ne s’opposent pas et concourent très certainement à l’éclosion actuelle de nouvelles pathologies auto-immunes.
Mieux les comprendre permettra de mieux les diagnostiquer et de mieux les traiter.
Bonne lecture.
0188_LNE 188 14/09/2016 12:24:50