B. DUBEUF
INRA Unité de Recherches sur les
Systèmes Agraires
et leDé U eloppement,
Route de ,Saint-Cyr,
78026 Versailles Cedex 1Relations entre les
caractéristiques des
laits de troupeaux,
les pratiques d’élevage
et les systèmes d’exploitation
dans la zone de production
du Beaufort
L’Union des Producteurs de Beaufort et le Syndicat de défense gèrent
la qualité du fromage Beaufort
avecle souci de préserver
sesqualités intrinsèques et de respecter
son «authenticité
» encherchant à
consolider la liaison terroir-races bovines-produit. La diversité des
systèmes de production laitière est
reconnueet
sonmaintien est
souhaitable
sousréserve que
cessystèmes reposent
surdes techniques
et des savoir-faire traditionnels respectant l’environnement.
Devant les
risques
de diminution du nombre depetits producteurs,
desous-exploi-
tation de certains espaces et
d’appauvrisse-
ment de la diversité des
systèmes d’exploita- tion,
l’Union des Producteurs de Beaufort(UPB) s’interroge
sur unegestion
de la qua-lité du lait au sein de la filière
qui puisse répondre
aux attentes descoopératives
fro-magères
ets’adapter
à la diversité desexploi-
tations laitières.
Actuellement,
lestypes
de conseilpratiqués
en matière deproduction
laitière sont variés en raison de la diversité des
agents pouvant
intervenir sur ce domaine(contrôleurs laitiers,
conseillersagricoles,
techniciens de
laiterie, commerciaux,
vétéri-naires...). Pour permettre
l’aide à la décision d’actionsadaptées
à la diversité des pro- blèmes dequalité
du lait et dessystèmes d’exploitation,
lescoopératives
ont besoin deconnaître leurs
producteurs
à travers leursystème d’exploitation
et letype
de laitslivrés,
défini àpartir
de critères dequalité
que recherchent les
coopératives.
Certains
critères,
tels que lacomposition chimique
du lait et ses teneurs en germestotaux et en
leucocytes,
ont faitl’objet
denombreux travaux
expérimentaux
ainsi que d’études dans desexploitations
laitières.Leurs facteurs de variation sont bien connus.
La
composition chimique
du lait detroupeau
Résumé
-Une typologie des laits livrés par 129 des bassins de collecte de deux coopératives
fromagères
de la filière Beaufort a permis de mettre en évidence une diversité d’associations descaractéristiques
des laits livrés (taux protéique, tauxbutyreux,
cellules, flore totale, répartition annuelle de la livraison, volume annuel). A partirdes données recueillies dans 34 exploitations laitières, des pratiques d’élevage
ont été associées aux différents types de lait. L’étude confirme
l’importance
desfacteurs alimentaires et de la période des vêlages dans l’évolution de la composi-
tion chimique du
lait, l’importance
desproblèmes d’hygiène
de la machine à trai-re dans la
présence
de germes totaux et lamultiplicité
des facteursd’élevage
associés à l’augmentation des
leucocytes
dans le lait. La diversité des associations des caractéristiques des laits sous-tend celle des pratiques associées et de la maî-trise par les producteurs de l’ensemble du système d’élevage. L’existence des liai-
sons entre les types de laits et les systèmes d’exploitation montre l’intérêt de pro- poser des actions de qualité adaptées à la diversité des exploitations laitières.
varie sous l’effet
conjugué
de nombreux fac- teursphysiologiques,
saisonniers et alimen- taires(Hoden
et al1985, Agabriel
et al 1990et
1993,
Coulon et al1991).
Les germes totaux dans le lait ont troisorigines :
la florede la
mamelle,
l’infection mammaire et l’envi- ronnement(Pankey 1989).
Une teneur élevéeen germes totaux est
principalement
associéeà des
problèmes d’hygiène
du matériel detraite,
à l’absence denettoyage
de la mamelleet à des
problèmes
de refroidissement du lait(Galton
et al1986, 1989).
Un taux élevé deleucocytes témoigne
de l’existence d’unemammite,
dontl’apparition
et ledéveloppe-
ment
dépendent
de nombreux facteurs envi- ronnementaux et individuels(Barnouin
et al1986, Pluvinage
et al1991).
Mais peu de tra-vaux de recherche ont étudié simultanément l’ensemble de ces
caractéristiques
du lait auniveau des
exploitations. Or,
pour lescoopé-
rativesfromagères,
leconcept
dequalité
dulait
comporte
un ensemble de critèresqui prennent
en considération la structure de livraison du lait et sescaractéristiques
intrin-sèques
ainsi que lesystème
deproduction
etle savoir-faire du
producteur.
L’objectif
de cetteétude,
réalisée dans deuxcoopératives fromagères
de la filière du Beau-fort,
est de mettre en évidence la diversité des laits livrés définis par leurcomposition chimique,
leurqualité sanitaire,
leur volume annuel et l’évolution annuelle de ce volume et de la relier auxpratiques
des livreurs. Cespratiques
ont étéanalysées
dans le contextegénéral
du fonctionnementd’exploitation,
afin d’identifier les relations existant entre les
types
de laits et lessystèmes d’exploita-
tion. Il
s’agit
de fournir auxcoopératives
leséléments leur
permettant
de formuler un dia-gnostic
sur lesproblèmes
dequalité
du laitdans leur bassin de collecte et de construire
un
questionnement
pour un conseiladapté
àla diversité des
producteurs.
1 / Démarche
l.i 1 Typologie des laits livrés
La
typologie
des laits a été réalisée àpartir
des données mensuelles collectées durant l’an- née 1991 dans les 129
exploitations
adhérentesaux deux
coopératives fromagères
étudiées.Cette
typologie
a été élaborée àpartir
d’uneanalyse
factorielle descorrespondances
(AFC)sur les critères
suivants, découpés
en classes(tableau 1) :
- la structure de livraison du lait. Ce critère associe deux facteurs
ayant
une inci- denceéconomique
pour lescoopératives :
lespériodes
de livraison à lacoopérative
durantl’année et le
pourcentage
de lait livré l’été. La structure de livraison a été obtenue en croi- sant deux critères : le nombre de mois de livraison au cours de l’année et le nombre de mois de livraison durant lapériode
dejuin
àseptembre.
Les livreurspermanents
ont étédépartagés
selon laproportion
de lait livrésur la
période
allant dejuin
à octobre(pério-
de
d’alpage).
- le volume annuel de lait
livré,
indica-teur du
poids économique
duproducteur
ausein de la
coopérative.
- les moyennes
pondérées
annuelles du tauxprotéique
et du tauxbutyreux.
Lesseuils des classes du volume annuel de lait livré et des moyennes annuelles
pondérées
des taux ont été établis dans
l’objectif d’équi-
librer les effectifs des classes.
- le taux de
leucocytes
et le taux degermes totaux. Les données mensuelles ont été codées selon les classes retenues dans la
grille
depaiement
du lait. Dans un secondtemps, chaque
livreur a étéclassé,
pour le cri- tèreconsidéré,
selon lafréquence
observéedes différents codes au cours de l’année. La classe 1
correspond
à la norme dequalité
recherchée en France et dans la C.E.E. Les autres classes ont été définies
après
observa-tion de l’ensemble du fichier afin de
respecter
un
compromis
entre unéquilibre
des effectifs par classe et une délimitation despaliers
montrant bien une intensification des pro- blèmes
d’hygiène.
Une classification
hiérarchique
par ascen-dance,
réalisée sur les coordonnées des indivi- dus des 5premiers
axes del’AFC,
apermis
de donner unepremière typologie
des laitslivrés.
L’interprétation
des différentstypes
nous a amenés à vérifier
l’appartenance
dechaque
individu autype
de lait considéré.Ainsi des individus ont été reclassés manuel- lement à
chaque
fois que leurs caractéris-tiques s’apparentaient davantage
à un autretype,
ou que leur reclassementpermettait
demieux
préciser
lescaractéristiques
destypes.
1.
2 / Les pratiques associées
auxtypes de laits livrés
La
typologie
des laits livrés apermis
decaractériser 7
types
delaits, qui
ont servi deréférences pour choisir un échantillon de pro- ducteurs dont les livraisons étaient
représen-
tatives de la diversité des laits livrés dans les deuxcoopératives.
Lerapport
entre les effec- tifs descoopératives
aété,
deplus, respecté.
Parmi les 129
producteurs,
34 ont étéenquê-
tés. Les informations recueillies ont
porté
sur la structure del’exploitation (foncier,
bâti-ments,
matériels derécolte,
maind’oeuvre, troupeau, type
deproduits commercialisés...), ),
sur les
pratiques
relatives aux ressources four-ragères (fertilisation, production
defourrages,
achat defourrages),
et sur lespratiques
d’éle-vage
réparties
enquatre catégories (Landais
1987) : lespratiques d’agrégation
déterminant lacomposition
des groupes d’animaux(pra- tiques
de mise enpension
et/ouprise
en pen- sion durant l’été et/oul’hiver) ;
lespratiques
de renouvellement
(élevage
desgénisses,
achats de
génisses prêtes,
degénisses
de8
jours,
de vacheslaitières) ;
lespratiques
deconduite
(alimentation
estivale ethivernale, reproduction, santé) ;
lespratiques d’exploita-
tion
(réforme, traite,
vente dereproducteurs,
fabrication fermière).
Une AFC a été réalisée sur l’ensemble des
pratiques,
afin de mettre en évidence des associations. Seules les modalités dont la contribution était au moinségale
à1,5
fois lamoyenne des contributions pour chacun des
axes ont été
prises
encompte
dansl’interpré-
tation des axes. Pour identifier les
pratiques
associées aux
types
delait,
la variable «type
de lait » a été introduite comme variable sup-plémentaire
de l’AFC.1.
3 / Relations entre types de
laits et systèmes d’exploitation
L’AFC a mis en évidence des liaisons entre
pratiques.
Dans les 34exploitations enquêtées, l’analyse
despratiques
liées entre elles et deleur cohérence avec d’autres facteurs de l’ex-
ploitation (structures,
atouts et contraintesgéographiques, techniques
etéconomiques)
apermis
dedégager plusieurs systèmes d’exploi-
tation.
L’interprétation
des relations entretypes
de laits etsystèmes d’exploitation
a étéfaite en croisant les deux
typologies.
2 / Résultats
!
2.i / Les types de lait et les pratiques associées (tableau 2)
Les 129 laits livrés se
répartissent
dans7
types
définis par des associations de critères dequalité (tableau
3).Les laits des
types
1 et 2 sont livrés dedécembre à
juin,
enquantité
faible mais rela-tivement constante. Le
type
1 est caractérisé par de très faibles TP et TB annuels et uneévolution des TP et TB moyens mensuels
comparable
à celle d’une lactation dont lepic
aurait lieu en
janvier-février.
Letype
2pré-
sente des minima
plus
élevés d’ung/kg
pourle TP et de 3
g/kg
pour le TB et une variabili- téimportante
des TP et TB moyens annuels entre livreurs. Ces deuxtypes
se différen-cient par leur teneur en
leucocytes (faible
pour le
type 1,
élevée pour letype 2) (figu-
re
1).
La teneur en germes totaux est satisfai-La
période
devêlage
et lesapports énergétiques expliquent
l’évolution
différenciée
de lacomposition chimique
du lait.sante pour 77 % des laits du
type
2. Al’oppo- sé,
elle est très élevée pour les autres laits(type
1 et variante2).
L’arrêt de livraison de lait l’été est liée soit à la fabrication fermière du beaufort en
alpa-
ge
(2 exploitants
sur 10enquêtés),
soit à lamise en
pension
dutroupeau
laitier dejuin
à la finseptembre (8
autresexploitants).
Lesévolutions des TP et TB moyens mensuels sont la
conséquence
des effets cumulés d’unregroupement
fort desvêlages
sur les mois denovembre à
janvier
et d’une alimentation hivernale mal maîtrisée(apport
limité defourrage
de l’ordre de 10 à 12kg/VL/j
etquantité
faible de concentré de 2 à 4kg/VL/j).
Une
proportion
deregain plus importante
etl’apport
d’un alimenténergétique
associé auconcentré de
production (VL18)
limitent la baisse des taux du lait detype
2 durant lapériode
hivernale. Lenettoyage
succinct etirrégulier
de la mamelle est unrisque
decontamination du lait et l’utilisation d’un
plancher
comme litière semblepropice
audéveloppement
de certains germes de l’envi- ronnement(7 exploitations
livrant un lait detype 2). L’emploi
d’untapis
en caoutchouccomme litière limite cette contamination
(2 exploitations
dutype 1).
La traite manuel- le est associée à une faible teneur en germes totaux(4 exploitations).
Lelavage
de lamachine à traire sans utilisation d’acide est associée en revanche à une forte teneur en
germes totaux
(3 exploitations
sur4).
Les laits des
types
3 et 4 sont livrés toute l’année avec un maximum en mai et un mini-mum en
septembre.
Les TP et TB moyens mensuels sont lesplus
élevés enseptembre (fin
delactation).
Ils chutent de 5g/kg
pour atteindrerespectivement
28g/kg
et 35g/kg
en
décembre-janvier (figure 1).
Les tauxremontent
rapidement
dès le mois suivant pour letype 3,
en avril-mai pour letype
4. Lateneur en germes totaux est élevée l’été dans les laits du
type
4 et dans 67 % des laits dutype 3,
le tiers restant(variante 3) présen-
tant une teneur satisfaisante toute l’année.
Ces deux
types
se différencient par leur teneur enleucocytes (faible
pour letype 4,
très élevée l’été pour letype
3(figure 1).
Les 8 livreurs
enquêtés
maintiennent uneffectif stable du
troupeau
laitier toute l’an- née. Lesvêlages
sontrépartis principalement
d’octobre à mars. La ration hivernale est com-
posée
defoin,
deregain
ou de « recosson »(foin après pâture)
et d’un concentré distribué selon le niveau deproduction
laitière. Lesquantités
defourrages
sont limités(10
à12
kg/j),
maisparfois compensées
par unapport
de betterave àpartir
dejanvier- février,
à unepériode
où laplupart
desvaches ont vêlé. Dans le lait de
type 3, l’aug-
mentation du taux de
leucocytes
l’été estassociée à des
changements
depratiques
detraite. D’une
part
les mamelles ne sontplus nettoyées l’été,
alorsqu’elles
étaient lavées etessuyées
l’hiver. D’autrepart
l’horaire de traite est variable à cettepériode.
Leslivreurs de lait du
type
4respectent
unebonne
hygiène
de la mamelle(nettoyage
avecde l’eau
javellisée
à l’aide deplusieurs
chif-fons voire de lavettes
individuelles, séchage
et
trempage
destrayons).
La teneur satisfai-sante du lait en germes totaux
(variante 3)
s’observe dans troisexploitations
où est effec-tué un bon
nettoyage
de la machine à traire(utilisation
d’acide 2fois/semaine, brossage
du matériel de
traite).
Les laits des
types
5 et 6 sont caractéri-sés par un volume annuel
élevé,
une bonne stabilité du TP moyen mensuel l’hiver et uneteneur élevée en
leucocytes
durant les moisd’août à novembre. Si le lait de
type
6 est livréplus particulièrement
en hiver et auprintemps
etprésente
une bonnequalité
bac-tériologique,
celui dutype
5enregistre
levolume livré maximal en
juillet
et sa teneuren germes totaux
augmente
enpériode
esti-vale
(juin
àaoût) (figure 1).
Les 10 livreurs
enquêtés regroupent
lesvêlages
sur deuxpériodes,
l’hiver et leprin- temps.
Troisprennent
des vaches enpension
l’été pour
augmenter
l’effectif de leur trou- peau durant lapériode d’alpage.
Ces pra-tiques permettent
uneaugmentation
du volu-me de lait livré
jusqu’en juillet.
La stabilité du TP mensuel toute l’année est liée à larépartition
desvêlages
et auxpratiques
d’ali-mentation hivernale :
proportion importante
deregain, apport
d’uncomplément énergé- tique (betterave
oucéréales)
et distribution de concentrés selon le niveau deproduction.
La recherche d’un
fourrage
dequalité
incitetrois éleveurs à acheter des
regains
en prove-nance de Crau.
L’hygiène
de la mamelle reste sommaire :simple
essuyage oulavage
à l’eauet essuyage. L’utilisation de l’acide une à deux fois/semaine est
systématique
dans lecycle
delavage
de la machine à traire chez les livreurs dutype 6,
alorsqu’elle
ne concerneque deux
producteurs
dutype
5. Chez leslivreurs du
type 5,
lesproblèmes d’hygiène
sont accrus l’été en raison de la difficulté ren-
contrée pour refroidir le lait en
alpage
oud’intervalles de
temps parfois importants
entre la fin de traite et le ramassage du lait
(30
à 45minutes).
Le lait du
type
7 est définiprincipale-
ment par les critères sanitaires : le taux cel- lulaire et la concentration de germes totaux sont élevés toute l’année et
particulièrement
l’été
(figure 1).
Mais le TP moyenannuel,
levolume annuel et le
pourcentage
de lait d’étéprésentent
une variabilitéintra-type impor-
tante.
Chez les six livreurs
enquêtés,
on observeplusieurs pratiques pouvant
induire des pro- blèmesd’hygiène (pas
denettoyage
de la mamelle ou succinct pourcinq
d’entre eux, pasd’emploi
d’acide ouuniquement
l’hiverdans le
lavage
de la machine à traire pour troisproducteurs),
mais aussipouvant
déve-lopper
une sensibilisation de la mamelle à la contamination microbienne(trois pratiquent
la mise en
pension
l’hiver des vachestaries,
trois ont des
vêlages
enalpage
et pourquatre
les horaires de traite sontvariables).
2.
2 / Relations entre les types de
lait et les systèmes d’exploitation
L’AFC sur les
pratiques d’élevage
a faitapparaître
des cohérences entre certaines pra-tiques.
Les associations despratiques d’agré- gation,
derépartition
desvêlages
et d’achatsde
fourrage
ont constitué la trame d’identifica-tion des
systèmes d’exploitation.
Maisl’analy-
se des autres
pratiques (alimentation,
fertili-sation, renouvellement...)
et la connaissance de certains facteursd’exploitation (présence d’alpage, importance
dutroupeau laitier,
fabri-cation fermière...) ont été nécessaires pour
comprendre
leurs fonctionnements. Les 34 pro- ducteursenquêtés
ont été classés danscinq
systèmes d’exploitation (tableau
4).Les associations de
caractéristiques
des laits
produits
sont étroitement liées aux
systèmes d’exploitation.
Onze
pratiquent
la mise enpension
l’été dutroupeau laitier, produisent
leurfourrage
durant la
période
estivale etregroupent
lesvêlages
à l’automne et en début d’hiver pour valoriser au maximum le lait durant lapério-
de où les vaches sont sur
l’exploitation.
Ondistingue
toutefois deuxsystèmes d’exploita-
tion : le traditionnel
(Sla)
et l’intensif(Slb).
Ces deux
systèmes
se différencient par l’im-portance
des moyens deproduction (quotas,
surfaces
exploitées,
effectif dutroupeau...)
etdes intrants utilisés
(engrais,
concentrés...).Onze autres
exploitants gardent
leur trou-peau laitier toute l’année sur
l’exploitation, permettant
ainsi d’avoir desvêlages plus pré-
coces à l’automne dès le mois d’octobre et de les étaler
jusqu’en
mars. Ils restent toutefoisdans une
logique
deproduction
de lait d’hiverpour
produire
leur foin durant l’été(système d’exploitation S2).
Neuf
exploitants
sont dans unelogique
deproduction
laitière orientée l’été. Ilsrépartis-
sent les
vêlages
d’octobre àjuin
et augmen- tent l’effectif de leurtroupeau
laitier enpériode
estivale enprenant
des vaches enpension
et/ou en réintroduisant auprintemps
leurs vaches mises enpension
durant l’hiver.Comme il est difficile de concilier l’autonomie
fourragère
et laproduction
laitière enalpage,
ces
exploitants
achètent 20 à 50 % de leurfourrage (système d’exploitation S3).
Deuxexploitants fabriquent
du Beaufort l’été et nelivrent donc le lait à la
coopérative
que durant lapériode
allant d’octobre àmi-juin.
Enfin trois gros
alpagistes
achètent de 60 à 80 % de leurfourrage
pour l’alimentation hivernale dutroupeau (60
vachesenviron).
Les
exploitants
mettent toutefois de 20 à 30 % des vaches enpension l’hiver,
depréfé-
rence les taries
qui
vêleront auprintemps.
Les
vêlages
ont lieu toute l’année sauf enaoût et en
septembre (système d’exploitation S4).
La mise en relation des
systèmes d’exploi-
tation et des
types
de laits fontapparaître
des liaisons fortes entre eux(figure 2).
Eneffet,
destypes
de laits sont associés à despratiques
dont les liens sontimputables
ausystème d’exploitation
etqui
conduisent à des associations decaractéristiques
de lait. Parexemple,
lestypes
de lait 1 et 2 résultentprincipalement
de deuxpratiques liées,
lamise à l’estive des laitières et le fort regrou-
pement
desvêlages
àl’automne,
etqui
sontassociées à des
pratiques
d’alimentation hivernale mal maîtrisée. L’ensemble de cespratiques
sont mises en oeuvre dans lesystè-
me
d’exploitation
Sla. De même lespratiques
associées aux
types
de lait 3 et 4 concourent à lalogique
dusystème d’exploitation
S2.Les relations entre
pratiques
et caractéris-tiques
de laitapparaissent,
deplus,
com-plexes
en raison des associationsmultiples
existant entre elles. La
prise
à l’estive de vacheslaitières,
parexemple,
contribue àexpliquer
enpartie
lescaractéristiques
sui-vantes : livraison
permanente
avec un fortpourcentage
de laitd’été,
volumeimportant
de lait
livré,
TB annuel élevé et taux de leuco-cytes
élevé l’été. L’ensemble de ces caractéris-tiques
contribuent à définir letype
de lait 5.Il
peut également
exister une diversité depratiques permettant
de satisfaire une mêmelogique
deproduction.
Lesystème d’exploita-
tion S3
développe
unelogique
deproduction
laitière orientée l’été.
L’augmentation
dupourcentage
de lait d’étépeut
être attribuée à despratiques
diverses etparfois
associées :pratiques d’agrégation
et/ou derépartition
devêlages
et/ou d’alimentation. Or cespratiques
entraînent des
conséquences
variées sur d’autrescaractéristiques
de lait(composition chimique, qualité sanitaire), qui
entrent dansla définition du
type
de lait. Parexemple,
lespratiques
de mise enpension
l’hiver et/ou deprise
enpension l’été,
associées aupourcenta-
ge de lait
d’été,
sontrepérées
comme facteurde
risque
de mammites. Aussi troisexploita-
tions
qui
ont la mêmelogique
deproduction
laitière
(système d’exploitation S3) peuvent
livrer untype
de lait différent(5,
6 ou7).
Inversement,
untype
de lait estparfois
associé à
plusieurs logiques
de fonctionne- mentd’exploitation.
Cecis’explique
par le fait que les critères caractérisant letype
de laitsont liés à la
capacité
duproducteur
à maîtri-ser les facteurs relatifs à la conduite du trou- peau : facteurs alimentaires maîtrisés
(types
de lait 5 et
6),
facteursd’hygiène
non maîtri-sés
(type 7).
Ce résultat confirme que les contraintes dusystème d’exploitation (absen-
ce
d’alpage,
parexemple)
ne sont pas les pre- miers facteurs limitants de certaines caracté-ristiques
dulait,
telle que sacomposition chimique, qui
incombent bienplus
à la capa- cité duproducteur
à maîtriser des facteurs dusystème
deproduction.
Ceci adéjà
été montrépour la
production
laitière(Dobremez
et al1989 et
1990,
Coulon et al1990).
3 / Discussion
- - !!!
Cette étude
confirme,
pour lacomposition chimique
dulait,
les connaissancesexpéri-
mentales et les observations faites dans d’autres situations : la
période
devêlage (Coulon
et al1988, Agabriel
et al1990)
et leniveau des
apports énergétiques
de la ration(Hoden
et al1985,
Sutton1989,
Coulon etRémond
1991) expliquent
les évolutions de lacomposition chimique
du lait très différentes entre lestypes
de lait. Les laits à faible TPannuel
(1
et4) s’expliquent
par lespratiques
alimentaires hivernales conduisant à desapports énergétiques insuffisants,
surtout enpériode
de début de lactation. Chez lesexploi-
tants livrant du lait à fort TP annuel et où l’évolution du TP au cours de l’année est la
plus régulière (5
et6),
les facteurs alimen- taires semblent maîtrisés.L’importance
desvariations du TB sous l’effet des facteurs ali- mentaires et saisonniers
(Agabriel
et al1990, Agabriel
et al1993)
amène une variabilitéintra-type
du TB annuelplus importante
que pour le TP Les valeurs des TP et TB annuelss’avèrent,
deplus,
peu liés. Les laits à faible TP annuel ont des TB annuels très variables : élevé pour letype 4,
faible pour letype
1. Ces laits sontproduits
dans desexploitations
oùles
vêlages
sontregroupés
à l’automne et en débutd’hiver ;
contrairement auxexploita-
tions livrant du lait de
type 1,
celles livrant le lait detype
4 maintiennent untroupeau
de vaches laitières de fin delactation,
d’où uneaugmentation importante
du TB(Rémond 1987,
Schultz et al1990).
Les laits à fort TBannuel
(types
4 et7) présentent
des augmen- tationsimportantes
du TB mensuel enjuin
etjuillet.
Cecis’explique
enpartie
parl’impor-
tance des
vêlages (10
à 20 % desvaches)
àcette
période
chez lesexploitants
livrant lelait du
type
7. Toutefois les effetsconjugués
de la
qualité
de l’herbe et du stade de lacta- tionpeuvent expliquer
cetteaugmentation importante
du tauxbutyreux (Coulon
etal, 1991).
L’étude fait
également apparaître
une variabilitéinter-type
de laqualité hygiénique
du lait
(cellules
et germestotaux).
Les laits detype 2,
variante 3 et 6présentent
des taux cellulaires élevés et peu de germes totaux.Bakken
(1981)
aégalement
constaté des tauxcellulaires élevés dans le lait en l’absence
apparente
de contaminations bactériennes.Tous ces
types
de laits sont associés à despratiques
denettoyage
succinct etirrégulier
de la mamelle favorisant la contamination des
trayons
lors de la traite(Galton
et al1986, 1988). L’augmentation importante
deleucocytes
enété,
mise en évidence dans d’autres études(Simensen 1974,
Dohoo et al1984, Goldberg
et al1992),
est liée enpartie
au stress
provoqué
par les variations d’ho- raires de traite durant lapériode
de fenaison.La mise en
pension
l’hiver des vachestaries,
réintroduites dans le
troupeau
au moment duvêlage,
estégalement
un facteur derisque
demammites,
en raison de l’effet propre duvêlage (Brochart
et al1984,
Barnouin et al1986)
et duchangement
brutal d’environne- ment microbien(Faye
et al1994).
La faibleteneur en germes totaux dans ces laits s’ex-
plique principalement
parl’hygiène
du maté-riel de traite : la
pratique
de la traite manuel- le oul’emploi périodique
de l’acide détruisant la flore thermorésistante(Alais 1984)
dimi-nue la contamination du lait par la machine à traire
(Fell
et al1964,
McDonald1969,
Galtonet al
1982, O’Mahony
et al1991).
Sur les 10producteurs enquêtés
n’utilisant pas d’acide dans lecycle
delavage
de leur machine àtraire,
8 livrent un laitchargé
en germes totaux. Certainsexploitants
livrant du laitl’été sont de
plus
confrontés auproblème
durefroidissement du lait durant
l’inalpage.
Laprésence,
enquantité parfois importante,
degermes totaux dans les laits ne suffit pas à
expliquer
les infections mammaires respon- sables des taux élevés deleucocytes (Bramley
et al
1984).
Cestypes
de laits sont associés à des facteurs derisques
de mammites : net-toyage
succinct de la mamelle pour 71 % d’entre eux, variabilité despratiques
de trai-te
(horaire, nettoyage
de la mamelle et du matériel detraite...)
pour les livreurs dutype 7, changements
brutaux d’environnement microbien(mise
à l’hiverne pour letype 7, prise
à l’estive pour letype 5), vêlages
enété
(type 7)
conduisant à desaugmentations
de mammites
post-partum (Faye
et al1986,
Collier et al1992).
Certainespratiques
limi-tent la contamination microbienne des
trayons.
Les trois livreurs du
type
4(caractérisé
parune teneur faible en
leucocytes
et par lapré-
sence de
germes)
utilisent de l’eaujavellisée
pour
nettoyer
les mamelles etemploient plu-
sieurs chiffons voire
parfois
de lavettes indi- viduellespermettant
degarantir
une meilleu-re
propreté
destrayons
et de réduire ainsi lapopulation
bactérienne(Sheldrake
et al1980,
Barnouin et al
1986, Pankey 1989).
Dans lesdeux
exploitations
livrant le lait detype
1(présentant
les mêmescaractéristiques
que letype 4),
l’aire decouchage
en caoutchoucdes laitières
préserve
lestrayons
d’éventuels traumatismes(Brochart
et al1982,
cité parFaye 1986)
et semble moins favorable audéveloppement
de germes de l’environnement que les litières à base de sciure de bois(Keller
etJonggaard
1985 cité parFaye 1986,
Schukken et al1991)
ou les litièrespaillées (Rendos
et al1975).
Ces résultats montrent une
hétérogénéité importante
et une maîtrise souventpartielle
des
pratiques d’hygiène
dans lesexploita-
tions. Le
respect
del’hygiène
du matériel de traite n’est pas associésystématiquement
àune bonne
propreté
de la mamelle.L’hétérogénéité
dans la maîtrise del’hygiè-
ne s’observe
également
au niveau dusystème d’élevage.
Latypologie
des laits livrés montre des associations variées de leurs caractéris-tiques, parfois
peucourantes,
sous-tendantune diversité des
pratiques
associées et de lamaîtrise des
producteurs.
Les TP et TB deslaits s’avèrent peu liés à la teneur en germes totaux et en
leucocytes :
ilexiste,
eneffet,
une
grande
diversité d’associations de ces cri-La maîtrise des
pratiques d’hygiène
estsouvent partielle
dans les
exploitations.
Les
producteurs
maîtrisent rarement
l’ensemble
dusystème délevage.
tères selon les
types
de laits. Lacomparaison
des
pratiques
associées aux différentstypes
de laits montre que lesproducteurs
maîtri-sent rarement l’ensemble des facteurs du sys- tème
d’élevage. L’application
desrègles
pro-phylactiques
concernant les mammitescliniques (lavage
de la mamelle avec des lavettesindividuelles,
entretien de la machi-ne à
traire, litière...)
n’est pas associée à des facteurs alimentaires maîtrisés dans lesexploitations
livrant le lait detype
4. Inverse-ment,
lesproducteurs
livrant le lait detype
6maîtrisent mieux l’alimentation hivernale que les
pratiques permettant
de minimiser lesrisques
d’infections mammaires. Dans lesexploitations
où les facteurs alimentaires semblentmaîtrisés,
il existeégalement
unegrande
variabilité dans l’efficacité des pra-tiques d’hygiène,
conduisant à des différences de teneur en germes totaux entre lestypes
5et 6. Ces résultats tendent à montrer un
déséquilibre
entre lacapacité
desproduc-
teurs à maîtriser l’évolution
technique
deleur
exploitation
et leurcapacité
à mettre enoeuvre des
pratiques
sanitaires.La mise en relation des
types
de lait avec lessystèmes d’exploitation
confirmel’impor-
tance des liaisons entre des «
profils
deperfor-
mances » et des
systèmes d’exploitation (Faye
et al
1991,
Moulin1993),
mais en montreéga-
lement la
complexité.
La diversité des laits livrés traduit celle desobjectifs
deproduction
et des
pratiques
ainsi quel’hétérogénéité
exis-tant au niveau de la maîtrise des
producteurs.
Se pose donc la
question
de laprise
encompte
de cettecomplexité
dans le conseil en matière dequalité
du lait. Le raisonnementqui
consiste à
apporter
une solution normative àun
problème
dequalité
du lait(résolution
duproblème grâce
à la connaissance de ses fac- teurs devariation)
fait abstraction de la diver- sité dessystèmes d’exploitation
et des pra-tiques
mises en oeuvre par lesproducteurs
pour satisfaire leur
logique
deproduction
lai-tière. Ceci contribue au
développement
d’unmodèle de
production.
Le raisonnement desproblèmes
dequalité
dans lalogique globale
de
l’exploitation permet,
enrevanche,
de pro- poser des actions dequalité adaptées
à ladiversité des
exploitations
laitières et donc lapréserve.
Connaître lespratiques imputables
au
système d’exploitation parmi
cellesqui
sont associées aux
types
de laitpermet
d’anti-ciper
les effets des actions dequalité
sur lessystèmes d’exploitation.
La connaissance du
système d’exploitation
à travers l’ensemble des
pratiques permet également
d’associer auxcaractéristiques
deslaits livrés des critères reflétant le caractère
« d’authenticité » du Beaufort
(lien
auterroir,
cohérence desfonctionnements, occupation
del’espace rural...). Par exemple, l’occupation
del’espace
s’avère différente entresystèmes d’exploitation,
dans la mesure où lalogique
de
production
influe sur le nombre depôles
fonciers
exploités,
l’altitude des espaces utili- sés etplus globalement
le fonctionnementfourrager (Dubeuf
et al1995, Fleury
et al1995).
Conclusion
Cette étude s’inscrit dans une
probléma- tique
de recherche-actionqui
renvoie nonseulement à la connaissance de
performances
et de leur élaboration mais aussi à
l’organisa-
tion de filière et des conventions de
qualité (Eymard-Duvernay 1989)
entre lescoopéra-
tives et leurs
producteurs.
Eneffet,
l’identifi- cation des attentes descoopératives
en matiè-re de
qualité
du lait etl’analyse
desconséquences
de leursrègles
d’actions dequalité
sur les relations avec leursproduc-
teurs sont des éléments fondamentaux à inté- grer dans une démarche de conseil de
qualité.
Les résultats de cette
étude,
enrichis parceux sur les laits livrés dans trois autres
coopératives,
sont actuellement utilisés pour élaborer un mode de raisonnement d’une démarche dequalité adaptée
à la diversité des situations à l’échelle d’unecoopérative.
Celle-ci identifie un groupe de livreurs par le
type
de lait livré et sonsystème d’exploita-
tion.
Chaque
groupe de livreurs estrepéré
par
rapport
à desproblèmes
dequalité
du laitque la
coopérative exprime.
Unproblème
dequalité
estanalysé
en termesd’objectifs prio-
ritaires à
résoudre,
de faisabilité et de niveaud’intervention, qui
se pose en termes d’inter- venants(coopérative, UPB, organisme
dedéveloppement...)
et d’interventions(conseil personnalisé,
actioncollective, incitations...).
Remerciements
L’auteur remercie le Directeur de l’Union des Produc- teurs de Beaufort et les Présidents et Directeurs des
coopératives fromagères qui ont permis la réalisation de
ce travail, ainsi qu’Agnès Hauwuy pour sa collaboration.
Merci enfin à Jean-Baptiste Coulon et Etienne Landais pour leurs conseils constructifs.
Ce travail a été réalisé dans le cadre du programme de
Recherche-Développement
desAlpes
du Nord(SUACI,
11 ruemétropole,
73000
Chambéry)
Références bibliographiques
Agabriel C.,
Coulon J.B., Marty G., Cheneau N.,1990. Facteurs de variation du taux
protéique
dulait de vache. Etude dans les
exploitations
duPuy
de Dôme. INRA Prod.
Anim.,
3, 137-150.Agabriel
C., Coulon J.B.,Marty
G., Bonaïti B., 1993.Facteurs de variation de la
composition chimique
dulait dans les
exploitations
à haut niveau deproduc-
tion. INRA Prod.