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Le gardiennage des ovins : des savoir-faire adaptés au comportement des animaux et à l’entretien de l’espace

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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APT

MANOSQUE CAVAILLON

PERTUIS

Fig. 1 : Apt, ancienne cathédrale, baie 0, Arbre de Jessé dédié à sainte Anne, vu d’ensemble, 1501, Clément de Lamotte.

© P. Glotain.

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Courrier scientifique du Parc naturel régional du Luberon, n° 8-2007, p. 14-26.

Résumé :

Parmi les quelques rares vestiges de vitraux antérieurs à la Révolution conservés en Provence, deux vitraux encore visibles dans l’ancienne cathédrale d’Apt sont remarquables à plusieurs titres.

Le premier, un Arbre de Jessé dédié à sainte Anne, situé dans la baie axiale de l’édifice a pu être authentifié en le rapprochant d’un texte d’archives. On connaît ainsi sa datation exacte, 1501, et le nom du verrier, Clément de Lamotte. Sa mise en œuvre est un reflet du travail de verrier au début du xviesiècle. Son iconographie exceptionnelle illustre les idées religieuses nouvelles acquises par le clergé aptésien à ce moment-là. Par la sui- te la dévotion intense que lui a portée la population locale a permis sa préservation jusqu'à aujourd’hui.

Le second vitrail, petit fragment représentant les armoiries de la famille de Simiane, situé dans l’oculus de la baie latérale nord de la façade occidentale présente une mise en œuvre exceptionnelle. La technique du chef-d'œuvre réalisée ici à la perfection en fait une pièce unique dans le vitrail français de la fin du Moyen Âge.

Mots-clés :vitrail, Apt, cathédrale, Moyen Âge, Provence, verrier, iconographie, dévotion.

Abstract :

The medieval stained glass of the former cathedral of St Anne in Apt : forme and text sources analysis Among the few rare stained glasses conserved in Provence and anterior to the Revolution, the two stained glasss which can be seen in the former cathedral of Apt are remarkable, from many aspects.

The first, a Tree of Jesse dedicated to saint Anne, located in the building’s axial window, could be authentificated by comparing it with archival text. So its exact datation, 1501, is known, as well as the craftsman, Clement de Lamotte. Its implementation reflects the stained glass’s work of the earlier XVIth century. The iconography is excep- tional, illustrating the news religious ideas approved by the aptesian clergy of that time. Then the very important devo- tion which the local population had had for it has permitted its preservation until now.

The second stained glass, a little fragment representing the Simiane’s family coat of arms, situated at the top of the occidental facade’s north lateral window, exhibits a exceptional technique. The particular technique of «chef- d’œuvre» (insertion), which has been performed here, quite perfect, makes it an unique piece among the French stai- ned glass of the end of the Middle Âge.

Keywords :stained glass, Apt, cathedral, Middle Âge, Provence, glass painter, iconography, devotion.

LES VITRAUX ARCHÉOLOGIQUES DE L’ANCIENNE CATHÉDRALE D’APT : ÉTUDE FORMELLE ET TEXTUELLE

Joëlle GUIDINI-RAYBAUD*

* Chercheur associé au Laboratoire d’archéologie médiévale méditerranéenne, Maison méditerranéenne des sciences de l’homme, 5 rue du Château de l’Horloge, 13094 Aix-en-Provence Cedex 2.

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L’ancienne cathédrale d’Apt (Vaucluse) est l’un des rares édifices religieux de Provence à conserver in situ des vitraux dits archéologiques, c’est-à-dire antérieurs à la Révolution. En effet, on n’en compte qu’une qua- rantaine, le plus souvent à l’état de fragments. On peut encore admirer un très bel « Arbre de Jessé dédié à sainte Anne », daté de 1501, qui orne la baie d’axe de l’église, ainsi qu’un petit fragment de vitrail représen- tant les armoiries de la famille de Simiane, datable du

XVIesiècle, qui garnit l’oculus de la baie latérale nord de la façade occidentale. L’étude formelle de ces deux ouvrages, associée à l’analyse de sources d’archives, ren- seigne sur l’art du vitrail dans la région provençale à la fin du Moyen Âge1.

L’Arbre de Jessé dédié à sainte Anne Placé à environ 5 mètres au-dessus du sol dans la baie axiale de l’ancienne cathédrale d’Apt (baie 0) 2, de taille monumentale (2 m x 2 m), le vitrail de l’Arbre de Jessé dédié à sainte Anne se compose de 9 panneaux presque carrés, cintrés pour les trois supérieurs, sépa- rés par trois barlotières horizontales et deux verticales (Fig. 1). Dans le registre inférieur au centre, Jessé, cou- ché, présente sainte Anne, debout au-dessus de lui, entourée des rayons divins, et tenant la Vierge qui elle- même tient l’Enfant Jésus dans ses bras. De part et d’autre, les descendants de Jessé, placés dans une fleur ou une coupelle, contemplent Anne. Le panneau infé- rieur gauche est occupé par l’image du donateur age- nouillé les mains en prière, accompagné d’un pape (sans doute Sixte IV) et d’un petit garçon ; ses armoi- ries sont visibles dans le panneau central, sous Jessé, à côté d’une inscription qui indique que l’ouvrage a été restauré en 1604. La multiplicité des couleurs accroche le regard : aux plaques de rouge des vêtements d’Anne et de Jessé qui permettent de mieux les distinguer, de

les privilégier, répond une infinie variété de couleurs allant du vert, au jaune, au bleu, en passant par le gre- nat et le brun, avec des teintes pourpres, violettes pour le fond, travaillé en damas de fleurs et entrelacs.

Malheureusement ce bel ouvrage n’est pas présen- té dans son entier. La rangée inférieure de panneaux ne se raccorde pas avec celle du dessus. À gauche, la lyre de David est coupée. Jessé au centre est trop près de Sainte Anne et un ancêtre devrait logiquement les sépa- rer. Le Prophète en bas à droite est en réalité compo- sé de deux fragments de personnages différents : la position du corps ne correspond pas à celle de la tête, de même que les couleurs du vêtement sont différentes entre le haut et le bas. Il manque donc ainsi au moins une rangée de panneaux, sinon deux3. Malgré tout, les qualités esthétiques et stylistiques de cet ouvrage demeurent. Sa valeur est grande aussi pour d’autres raisons : il propose une iconographie exceptionnelle, sans doute unique en France ; il est un des rares vitraux anciens en Provence à avoir pu être authentifié (ce qui permet une datation exacte, 1501) ; sa mise en œuvre éclaire sur le travail des verriers à la fin du Moyen Âge ; enfin, sa préservation révèle la dévotion que les Aptésiens lui ont toujours portée.

Une iconographie exceptionnelle

L’iconographie de l’Arbre de Jessé en vitrail est très ancienne : elle apparaît au XIIesiècle pour présenter les ancêtres du Christ, et relier ainsi l’Ancien et le Nouveau Testament4. Le Christ trône alors en bout de tige. À la fin du XVe siècle, l’image, qui avait été quelque peu abandonnée, va réapparaître en force mais avec un sens un peu renouvelé, qui illustre l’idée de l’Immaculée Conception, approuvée par le pape Sixte IV en 1476. Ce n’est alors plus le Christ qui est en bout de tige mais Marie. L’image se diffuse abondam-

1. Sur l’art du vitrail et son métier en Provence au Moyen Âge, voir Guidini-Raybaud, 2003.

2. Le système de numérotation des baies est celui mis au point et utilisé par les chercheurs sur le vitrail français antérieur à la Révolution, sous l’égi- de du Corpus-Vitrearum.Toutes les baies sont numérotées y compris celles qui sont bouchées. Les baies du premier niveau sont numérotées de 1 à 99. Le numéro 0 désigne la fenêtre axiale orientale. Les numéros pairs correspondent au côté sud, les numéros impairs au côté nord. Les baies du second niveau sont numérotées de 100 à 999, etc. Les panneaux de chaque vitrail sont numérotés de gauche à droite en partant du bas.

3. Rien, à ce jour, ne permet de savoir ce qui a provoqué la destruction d’une partie du vitrail, ni à quel(s) moment(s) cela s’est produit.

4. Le thème de l’Arbre de Jessé est présent dans la Bible : l’arbre qui part de Jessé est vu en songe par isaïe. Le premier Arbre de Jessé en vitrail a été

« inventé » très tôt, en 1144, par l’abbé Suger, pour son abbaye de Saint-denis.

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ment, comme le prouvent les nombreux exemples de verrières et de retables peints disséminés dans toute la France. Cependant ici, à Apt, ce n’est ni le Christ, ni la Vierge qui trône au bout de la tige de l’Arbre, mais Anne, la mère de Marie. Elle est physiquement mise en évidence, en position glorieuse, debout, beaucoup plus grande que les autres personnages, et porte Marie, représentée comme une très petite fille. Un Arbre de Jessé en l’honneur d’Anne est exceptionnel ; c’est le seul connu en France pour le moment, quel que soit le support5. Par ailleurs, Anne est encadrée des flammes divines, symbole premier de l’Immaculée Conception.

Elle est ainsi présentée aussi pure que la Vierge. Cette théorie qui veut que Anne soit aussi pure que sa fille vient de l’humaniste allemand Tritenheim, exprimée dans son traité De laudibus sanctissimae matris Annae, paru à Mayence, en 1494. Il semble aussi que quelques symboles supplémentaires viennent renforcer ce thème de la Pureté. Le personnage en haut à droite tend vers Anne un objet ressemblant à un miroir, celui en bas, du côté droit également, tient un petit objet rond entre ses doigts, peut-être une étoile. Le vitrail, en partie mutilé, ne permet pas d’autres identifications.

Néanmoins, on peut suggérer que ces objets font par- tie des emblèmes de pureté de Marie, les Litanies.

Cette iconographie des Litanies à sainte Anne n’est pas unique car elle existe dans une gravure datée de 15106;

mais celle du vitrail serait alors la plus précoce.

Cette triple iconographie du vitrail aptésien, très complexe et novatrice, peut être mise en relation avec l’édifice qui l’abrite, particulièrement dévoué à sainte Anne : la cathédrale conserve ses reliques7, lui consacre un jour de fête dès le XIIesiècle (fête qui ne devient officielle dans l’Église qu’en 1584, par une bulle du pape Grégoire XIII), elle est aussi habituellement nommée cathédrale Sainte-Anne alors que sa titulatu- re est l’Assomption. Lorsque le mouvement en faveur de la dévotion à sainte Anne s’installe partout à la fin du XVesiècle8, il est normal pour les Aptésiens de vou- loir honorer encore davantage leur sainte. Du simple autel qui lui était dédié auparavant, ils décident la construction d’une chapelle qui lui sera propre9, et fondent une confrérie à son nom. En acceptant, ou en demandant10, un vitrail en l’honneur d’Anne, qui pré- sente une iconographie si originale, il semble que le clergé local ait approuvé l’idée la plus neuve sur la mère de la Vierge : sa Pureté. La présence du pape, très pro- bablement Sixte IV, avec le donateur en bas du vitrail (Fig. 2), est alors une façon de valider cette nouvelle idée, et il pourrait ainsi être présenté là comme un intercesseur.

5. Un thème un peu similaire se retrouve dans le vitrail de l’église Sainte-Jeanne-d’Arc de Rouen (provenant de l’ancienne église Saint-vincent), daté du début du xviesiècle : Anne est figurée dans un médaillon en bas du vitrail, remplaçant Jessé endormi. elle présente ses trois filles et sept petits- enfants, chacun isolé dans un médaillon, au bout des branches de l’arbre.

6. Édition de 1510 des Heures à l’usage du diocèse d’Angers, publiée à Paris par Simon de vostre. La gravure montre sainte Anne, debout, et, en son centre, la vierge portant l’enfant, entourée des flammes de l’immaculée Conception. Autour de sainte Anne, se groupent les emblèmes bibliques, les Litanies, qui d’ordinaire entourent sa fille. Émile Mâle (1969) souligne que cette image présente un aspect de sainte Anne « entièrement nouveau ».

7. Les reliques sont aujourd’hui dispersées. Au moment de l’exécution du vitrail, elles étaient enveloppées dans « le voile de sainte Anne », étendard ramené après la première croisade (Barruol, 1964).

8. La dévotion à sainte Anne à la fin du xvesiècle est liée au mouvement en faveur de l’immaculée Conception. de nombreuses images de la sainte sont alors demandées. dans le vitrail en Provence, ce sont celles de la sainte : à côté de saint Stéphane, en 1504, pour une des baies de la chapelle d’Étienne de vesc dans l’église de Caromb ; au centre de la partie inférieure du vitrail de la baie nord de la façade occidentale de la cathédrale de Carpentras, réalisé par Armand Lion, en 1515 ; au côté de la vierge dans un vitrail de l’église Notre-dame-des-Anges de l’isle-sur-Sorgue en 1521.

dans tous les cas, Anne occupe toujours un emplacement privilégié, ce qui tend à prouver que son culte, une fois établi, a sans doute été à l’hon- neur, l’image étant choisie autant par le clergé que par un commanditaire privé (Guidini-Raybaud, 2003).

9. La chapelle se trouvait au nord-est de l’édifice. elle a été fondée en 1482 à la suite d’une épidémie de peste. Sa construction est lente et ne se ter- mine qu’en 1501. Au xviiiesiècle, elle est en partie détruite pour servir de couloir à la sacristie située plus à l’est. Une autre chapelle Sainte-Anne a été fondée en 1660, par la reine Anne d’Autriche, et consacrée en 1664. Située au nord-ouest de l’édifice, elle est encore visible actuellement.

10. Même si le commanditaire est Jean de la Salle dans le contrat, il est très probable que le clergé était en fait le vrai demandeur et qu’il a imposé le sujet. Jean de la Salle n’est alors plus qu’un simple « payeur », ce qui est le plus souvent le cas (Guidini-Raybaud, 2003).

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Authentification

Les vitraux du Moyen Âge sont très rarement signés (Perrot, 1974), et il est toujours difficile de connaître le nom de celui qui les a exécutés. Le recours aux sources écrites, essentiellement les contrats, ou prix- faits, permet quelquefois d’y suppléer, en rapprochant contrats et ouvrages encore existants, en fonction d’une date, d’un lieu, d’un thème iconographique, etc. Par ce biais, trois vitraux ou fragments de vitraux ont pu être authentifiés dans la région, dont celui de l’Arbre de Jessé de l’ancienne cathédrale d’Apt11.

Marie-Claude Léonelli (1991) a rapproché ce vitrail d’un prix-fait relevé à la fin du XIXesiècle par l’abbé Requin, et résumé ensuite par Léon-Honoré Labande (1932). Ainsi, on sait que l’ouvrage a été demandé le 21 juin 1501 au verrier avignonnais Clément de Lamotte, par Jean de la Salle, changeur et citoyen avignonnais, pour orner la chapelle Sainte- Anne nouvellement construite dans la cathédrale12.

Si l’emplacement actuel de l’œuvre diffère c’est par- ce qu’elle a été déplacée au XVIIIesiècle dans le nou- veau chœur alors que l’on détruisait la petite chapelle Sainte-Anne pour agrandir la sacristie : les descriptions et commentaires de l’érudit aptésien Rémerville l’at- testent en 1692, suivis de ceux de l’abbé Roze en 182413.

Le vitrail de l’Arbre de Jessé est, pour le moment, la seule trace concrète de l’activité de Clément de Lamotte. Deux autres textes d’archives le font aussi

connaître : l’un, de 1503, où il s’engage à peindre un retable pour Auzias de Thézan, seigneur de Vénasque et Méthamis ; l’autre, de 1504, où il promet de poly- chromer une Crucifixion et ses personnages annexes, sculptés par un sculpteur florentin, Pierre Torissanni, pour l’avignonnais François Baroncelli (Guidini-

11. Le premier fragment à avoir été authentifié est celui des armoiries de la famille de Luxembourg (Avignon, musée de l’Oeuvre du Palais des Papes), réalisé en 1448 par le peintre et verrier avignonnais Guillaume dombet, pour la chapelle de Saint-Pierre-de-Luxembourg au couvent des Célestins d’Avignon (Foy, 1988 ; Guidini-Raybaud, 2003). Quatre fragments représentant des Prophètes, placés dans l’oculus de quatre fenêtres hautes de la nef de l’ancienne cathédrale de Carpentras, proviennent d’un vitrail réalisé en 1515 par le peintre et verrier Armand Lion pour la fenêtre latérale sud de la façade occidentale de l’édifice (Guidini-Raybaud, 2002).

12. Tous les historiens précédents pensaient, en se fondant sur des traditions locales, que ce vitrail avait été offert par le pape Urbain v, et le disaient donc du xivesiècle (Terris, 1876 ; Théolas, 1924 ; doré 1932 ; Barruol, 1964). Pourtant l’abbé Roze (1842) avait noté que, d’après Émile Mâle, l’ico- nographie dédiée à sainte Anne n’apparaissait qu’à la fin du xvesiècle, et l’historien du vitrail Jean Lafond (1954) assure que ce vitrail est attribué à tort au xivesiècle.

13. Rémerville écrit que « est reparée la grande vitre toute peinte qui est dans la cathédrale au dessus de la petite chapelle de Sainte Anne qu’avoit autre- fois donnée Rostant Bot quon y voit peint dun coté avec sa fille Thibaude ses petit fils Bertrand et Rostant de Grimoald et le pape Urbain cinquiesme » (Bibliothèque municipale Apt, ms 1, p. 868). La description qu’il donne du vitrail, même s’il commet plusieurs erreurs dans l’identification des per- sonnages, correspond bien à la partie basse du vitrail de l’Arbre de Jessé, maintenant amputée. Puis, l’abbé Roze précise au début du xxesiècle à propos de cette « grande vitre » que « elle était autrefois à côté de la petite chapelle de Sainte Anne, mais à présent on l’a transportée dans le nou- veau chœur »(Bibliothèque municipale de Carpentras, ms 1670, p. 10).

Fig. 2 : Apt, ancienne cathédrale, baie 0, Arbre de Jessé dédié à sainte Anne, détail : le donateur son fils et un pape (panneau 1), 1501, Clément de Lamotte.

© Monuments Historiques, E. Rof.

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Raybaud, 2003). Trois documents, compris sur seule- ment trois années, sont bien sûr insuffisants pour apprécier une carrière. De même l’absence de textes concernant sa vie privée (testament, mariage, location de boutique, etc.) empêche de mieux connaître l’hom- me. On peut seulement dire qu’il est originaire du dio- cèse d’Orléans, sans doute de la ville de Lamotte (Beuvron) au sud d’Orléans, comme son patronyme le sous-entend. D’après ces trois sources, on sait aussi qu’il pratique autant l’art de la peinture que celui de la verrerie. Il est d’ailleurs nommé « veyrerius et pic- tor » dans le prix-fait du vitrail14. C’est donc surtout l’analyse formelle de l’œuvre qui permet d’évoquer le mieux la personnalité de Clément de Lamotte.

Mise en œuvre

Le vitrail de l’Arbre de Jessé dédié à sainte Anne présente une mise en œuvre parfaite, preuve du savoir- faire de Clément de Lamotte ; elle donne aussi une idée de sa « manière » et de son style. Au-delà, cette étude, augmentée d’informations apportées par le prix- fait, permet de définir les caractéristiques, originales autant que conventionnelles, des ouvrages vitrés pro- vençaux à la fin du Moyen Âge, de même que les contraintes ou les libertés de son exécutant.

La composition, assez ramassée, est dominée par sainte Anne, qui occupe à elle seule deux panneaux, alors que ses ancêtres, et même Jessé, n’en occupent qu’un seul chacun, réunis par les phylactères qui s’en- roulent autour d’eux. Ce schéma d’organisation d’un Arbre de Jessé est classique et il se retrouve dans de nombreuses verrières en France. Clément de Lamotte ne fait donc pas là preuve d’originalité. Cependant, il est précisé qu’il fournit un « patronus » au comman- ditaire avant l’exécution de l’œuvre. La présentation d’un modèle, ou « patron au petit pied », ou encore

« croquis à petite échelle » c’est-à-dire de taille rédui- te, lors de la rédaction de l’acte, et qui a alors valeur juridique, n’est pas habituel en Provence : on ne le relè- ve que dans quelques cas rares (Guidini-Raybaud, 2003). Ici, la présentation d’un modèle a pu être

demandée à Clément de Lamotte pour rendre comp- te de l’iconographie originale à représenter qui n’est pas clairement explicite dans le texte. L’acte mention- ne en effet seulement que l’artisan doit réaliser un Arbre de Jessé, sans préciser qu’il sera en l’honneur de sainte Anne, ni, surtout, que la sainte sera montrée liée au Mystère de l’Incarnation.

Par les verres employés pour la fabrication du vitrail, on remarque immédiatement que Clément de Lamotte a choisi une gamme colorée riche et diversi- fiée : rouge, vert, jaune, grenat, brun, violet clair et foncé, deux teintes de bleu aussi. La profusion de cou- leurs est spécifique des vitraux à partir de la fin

XVesiècle. Au bleu et au rouge récurrents des décennies précédentes (comme on peut encore le voir dans le vitrail du transept nord de la cathédrale d’Aix, daté du début du XVesiècle, ou dans les deux vitraux de l’ab- side de l’ancienne cathédrale de Carpentras, du milieu du XVesiècle) succèdent des vitraux très colorés, pour une composition plus vive, et donc plus fastueuse.

L’Arbre de Jessé d’Apt en est un parfait exemple. Il en existe d’autres en Provence : les fragments de vitraux représentant des Prophètes situés dans la partie haute des baies de la nef de l’ancienne cathédrale de Carpentras, datés de 1515, réalisé par le verrier Armand Lion (Guidini-Raybaud, 2002), où encore les fragments formant des motifs ornementaux dans les fenêtres de la nef latérale sud de la basilique Saint- Maximin (Var), datés vers 1525 (Guidini-Raybaud, 2003).

C’est une conjoncture économique favorable qui a permis cette évolution. Ainsi, à partir de la deuxiè- me moitié du XVesiècle, la demande de vitraux est tel- le que les verreries spécialisées dans la fabrication du

« gros verre », ou « verre plat », non seulement pro- duisent en plus grande quantité avec des coûts assez bas, mais perfectionnent leur technique, ce qui leur permet de proposer une gamme de couleur très impor- tante. Parmi ces verreries, celles de Lorraine sont les plus réputées : elles fabriquent un verre fin très lumi- neux, sous forme de plaques rectangulaires de grande taille, garantissant donc un minimum de déchet (Rose-

14. La double pratique « peinture et verrerie » n’est pas exceptionnelle en Provence à la fin du Moyen Âge puisqu’en l’absence de statuts de métier, ou de corporation, les pratiques artisanales sont libres (Guidini-Raybaud, 2003).

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Villequey, 1971). D’après les actes d’achat de verre retrouvés dans les archives provençales et l’étude des verres de l’Arbre de Jessé, il est à peu près certain que Clément de Lamotte s’est fourni auprès d’une verrerie lorraine, mais sans que l’on puisse définir laquelle.

Grâce aux qualités de ces verres, Clément de Lamotte, comme tant d’autres professionnels, n’a pas hésité à montrer son savoir-faire en privilégiant les découpes virtuoses : courbes et contre-courbes des rayons divins au bout très effilés, pièces aux contours complexes, comme par exemple celle qui forme le voi- le de sainte Anne ou certaines autres qui forment les vêtements des Ancêtres. En revanche, il n’a pas trou- vé utile de monter des pièces en chef-d'œuvre. Cette technique qui consiste à insérer une petite pièce de verre dans une plus grande en la maintenant avec un plomb particulier est très fréquente au tournant du XVe et du XVIesiècle. Elle est utilisée le plus souvent pour insérer des étoiles dans le ciel. On peut ainsi en admirer dans un petit vitrail de l’église Saint-Vincent des Baux (Bouches-du-Rhône), daté de la première moitié du XVIesiècle, ou encore dans le vitrail d’axe de l’église du Lavandou (Var), représentant une Pietà, daté du début du XVIesiècle. Mais il est vrai que le thè- me de l’Arbre de Jessé ne nécessite pas ce type de décor.

Clément de Lamotte n’a pas trouvé non plus utile d’agrémenter sa composition avec des verres gravés.

Cette technique qui consiste à ôter la couche de verre coloré d’un verre plaqué pour faire ressortir la couche blanche au-dessous15, permet, en évitant une mise en plomb, des embellissements supplémentaires, de petites tailles et de formes complexes. Elle est ainsi très utilisée par exemple pour former les crevures de manches ou le damas d’un vêtement. On ne trouve rien de tel dans l’Arbre de Jessé d’Apt16.

À une composition maniérée, recherchée, Clément de Lamotte en a préféré une plus simple mais plus réa- liste. Le caractère d’individualité est présent partout.

Chaque personnage est différencié : par son physique (aspect asiatique de l’un, noblesse de l’autre) ; par le détail de ses vêtements et parure (cotte hardie pour Anne, grand manteau, cuirasse, turban, couronne, bonnet, perle d’oreille pour les autres) ; par d’autres détails plus amusants, tels les verrues sur la joue d’un des Prophètes du côté gauche (Fig. 3). Chaque fleur reçoit un traitement particulier : pétales largement ouverts et ondulés, corolle plus petite, ou bien coupe stylisée, à motifs de perlé ou autre. L’examen de détail des visages, tous expressifs, dont l’un vu en raccourci, montre une parfaite maîtrise du dessin ; le regard d’Anne, paupières baissées sur la Vierge et l’Enfant, émeut par sa douceur. Enfin, en insistant sur la vigueur des personnages, bien campés dans leur position, Clément de Lamotte donne un aspect aussi puissant que naturel à son œuvre. C’est là un de ses talents. Ce n’est pas le seul. La qualité de l’application de la gri- saille, du lavis au trait pur, pour le rendu du dessin17, est visible partout. Les armures de fantaisie de certains ancêtres par exemple, réalisés à partir d’un lavis de gri- saille rehaussé de traits d’arabesques, sont très convain- cantes (Fig. 4). Les ombres portées sont douces, har- monieuses. L’utilisation du petit gris, un pinceau très fin, pour les barbes, ainsi que la technique de l’enlevé à l’aiguille18, permettent à Clément de Lamotte un rendu subtil très réaliste des visages. On note aussi une bonne variété de la gamme colorée de la grisaille, qui passe du marron clair pour les armures au gris pour les barbes et au noir plus profond pour les traits des visages.

15. Le verre plaqué est constitué de deux couches superposées de verre, l’une de couleur, l’autre blanc. Cette technique est utilisée dès l’origine pour fabriquer les verres rouges qui, compte tenu des oxydes utilisés pour obtenir le rouge, seraient trop opaques sans le support transparent. La tech- nique est appliquée ensuite à la fin du Moyen Âge aux autres verres colorés (surtout le bleu) pour permettre la gravure.

16. Le quadrillage rouge et blanc d’une partie du blason n’est pas réalisé à l’aide de la gravure d’un verre rouge plaqué mais avec une peinture à l’émail, signe d’une restauration du xviiesiècle, ou plus tardive.

17. La grisaille est un pigment obtenu à partir d’oxydes métalliques (fer, cuivre) mélangés à de la poudre de verre et à un liant. C’est une peinture vitri- fiable qui nécessite donc une recuisson du verre, à 600 degrés environ. Selon la nature des oxydes, la couleur obtenue sera plus ou moins grise, plus ou moins rousse.

18. Une fois la grisaille appliquée et avant sa cuisson, le verrier peut procéder à des « enlevés » pour éclairer sa composition. Pour cela il utilise très simplement un chiffon, le manche de son pinceau, ou une aiguille pour des éclairages plus raffinés.

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Le jaune d’argent, technique qui permet de teindre en jaune un verre blanc sans mise en plomb19, est assez discret dans le vitrail : Clément de Lamotte ne l’utili- se que pour les cheveux de la Vierge et de l’Enfant, pour l’auréole de ce dernier, ainsi que quelques par- ties de couronnes et corolles de fleurs. En fait, il a lar- gement préféré le verre jaune teint dans la masse, qu’il utilise pour les rayons entourant la sainte, son auréo- le et celle de la Vierge, et des détails d’ornement.

Pour ce qui est du montage des panneaux et de la mise en plomb, Clément de Lamotte a très certaine- ment appliqué les techniques habituelles de sertissa- ge, même si la résille de plomb actuelle n’est pas celle d’origine20. Il a ensuite dû poser lui-même le vitrail dans l’édifice, comme l’indique le contrat, et comme il est habituel de le faire. Ce n’est qu’à ce moment-là que son travail de mise en œuvre est achevé.

19. Le jaune d’argent est un sel d’argent que l’on passe sur la face externe du verre et qui agit par cémentation : à la cuisson, il s’incruste dans le verre et vire au jaune, d’où son nom. il permet de colorer en jaune un verre blanc (en vert un verre bleu) et évite ainsi une mise en plomb supplémen- taire. il est reconnaissable aisément par rapport à un verre jaune teint dans la masse, par sa transparence et sa teinte le plus souvent acidulée.

20. Le plomb est un matériau assez mou, aussi les baguettes qui constituent la résille s’abîment et sont remplacées régulièrement, environ tous les siècles.

Fig. 3 : Apt, ancienne cathédrale, baie 0, Arbre de Jessé dédié à sainte Anne, détail d’un Prophète (panneau 7), 1501, Clément de Lamotte.

© Monuments Historiques, E. Rof.

Fig. 4 : Apt, ancienne cathédrale, baie 0, Arbre de Jessé dédié à sainte Anne, détail d’un Prophète (panneau 9), 1501, Clément de Lamotte.

© Monuments Historiques, E. Rof.

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Histoire d’une dévotion

Le vitrail de l’Arbre de Jessé dédié à sainte Anne a été commandé le 21 juin 1501, peu après l’achève- ment de la chapelle Sainte-Anne qu’il doit orner, pour être fini et posé à la fin du mois d’août (per totum men- sem augusti). Le délai de deux mois imparti pour son exécution semble assez court. D’après les textes, la réa- lisation d’un vitrail monumental demande le plus sou- vent un temps plus long. Mais, comme le suggère Marie-Claude Léonelli (1991), le vitrail devait sans doute être fini pour célébrer la fête de la Nativité de la Vierge, le 8 septembre. Ainsi, même sa date d’exécu- tion renvoie au thème sous-jacent de la Pureté d’Anne et confirme la dévotion particulière et intense des Aptésiens pour leur sainte.

La piété envers Sainte Anne se maintient au fil des siècles. Pour cette raison le vitrail a été réparé plusieurs fois. L’une de ces réparations est particulièrement ostentatoire : celle de 1604, décidée par la confrérie qui lui est dévouée. Elle est indiquée par la grande ins- cription dédicatoire centrale apposée sous Jessé, « Ceste vitre a este réparée des aumosne des confreres de Madame S. Anne 1604 », incluant aussi les armoiries de la famil- le de la Salle21. Ensuite, alors que l’art du vitrail n’est plus en faveur en Provence depuis longtemps, les Aptésiens ont quand même souhaité conserver leur objet de dévotion : lorsque l’abside de la cathédrale est agrandie au début du XVIIIesiècle, la baie axiale est réa- lisée en fonction des dimensions de ce qui reste du vitrail de l’Arbre de Jessé, qui est alors déplacé de son lieu d’origine pour être remonté à la place d’honneur de la cathédrale, où on peut l’admirer encore aujour- d’hui.

Les armoiries de la famille de Simiane Situé dans l’oculus de la baie nord de la façade occi- dentale, le fragment de vitrail des armoiries de la famil- le de Simiane, « d’or semé de tours et de fleurs de lys d’azur » (Fig. 5), a été découvert au milieu du

XIXesiècle lors du débouchage de la baie. Il fait alors

l’objet d’une petite restauration par le maître verrier avignonnais Frédéric Martin (Jean, 1855). La partie centrale étant en parfait état, ce dernier se contente de la nettoyer et ne remplace que les bordures. Les cou- leurs décidées pour les deux premières, blanches et bleues, sont vraisemblablement celles qui avaient été choisies à l’origine22. En revanche le tour externe, com- posé d’une frise de fleurs quadrilobées, est une création de Frédéric Martin, caractéristique du XIXesiècle.

Historique

L’historique de ce petit fragment reste pour le moment inconnu. Aucun vitrail n’ornait les deux lan- cettes de la baie lorsqu’elle a été débouchée ; aucune source d’archives n’a non plus été mise au jour qui aurait aidé à son authentification. La qualité du verre utilisé, ainsi que sa mise en œuvre permettent seule- ment de le dater, de façon assez large, du courant du

XVIesiècle.

La famille de Simiane est l’une des plus anciennes de Provence. Elle descend des anciens seigneurs de Caseneuve, connus à la fin du Xesiècle, et jouit de droits régaliens sur la ville d’Apt dès le XIesiècle. Trois au moins de ses membres ont fait partie du clergé apté- sien : Guiran de Simiane est archidiacre de l’église en 1448 ; Jean-Baptiste de Simiane devient évêque d’Apt en 1560 ; il est remplacé par son frère François en 1572 quand il abandonne la religion catholique (Histoire de la noblesse ..., 175023). Il est alors bien difficile de déterminer à quel membre de la famille correspond le fragment, ce qui en aurait permis une datation plus précise. S’agit-il du commanditaire de l’œuvre, com- me c’est le plus souvent le cas ? Ou bien les armoiries ont-elles été posées à titre honorifique ? Son emplace- ment au haut de la baie peut y faire penser. En effet, les armoiries des donateurs sont en général placées dans la partie basse d’un vitrail, sous l’iconographie repré- sentée. De très nombreux exemples provençaux et extra-provençaux l’attestent. Mais une source d’ar- chives indique qu’une fois, un vitrail a pu présenter aussi des armoiries en position sommitale : celui

21. Un membre de la famille de la Salle, Jean, est alors chanoine et bayle de la confrérie.

22. Les trois articles de Jean (1855) dans le Mercure Aptésien ne comportent aucune description.

23. T3, p. 284 ; T4, pp.12, 41, 93, 107, 121, 502.

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demandé en 1432 au verrier avignonnais Guillaume Dombet, par Jean de Saint-Michel, viguier d’Arles, pour le chœur de l’église Sainte-Marthe de Tarascon.

L’œuvre est divisée en deux registres superposés : le registre supérieur présente le Christ en Majesté et saint Christophe avec, au-dessous, les armoiries du com- manditaire et celles de son frère ; le registre inférieur présente saint Jean-Baptiste et sainte Catherine avec, au dessous, les portraits du commanditaire et de son frère ; au sommet du vitrail, dans l’oculus, Guillaume Dombet place les armoiries du roi René, soutenues par deux anges. Il est certain ici que les armoiries du roi ont été placées à titre honorifique, puisqu’il n’est pas le commanditaire de l’ouvrage dont les armes et le por- trait sont placés sous les personnages. L’emplacement choisi, le sommet du vitrail, pourrait donc être signi- ficatif ; dans ce cas les armoiries de la famille de Simiane auraient été placées selon le même principe.

Mise en œuvre

C’est par sa mise en œuvre éblouissante et unique, que le fragment d’armoiries des Simiane peut être considéré comme un témoignage majeur de l’art du vitrail à la fin du Moyen Âge.

Les meubles, tours et lys alternés, qui constituent les armoiries ont été réalisés selon la technique du chef- d'œuvre. Cette technique, connue depuis le XIVesiècle, n’est en fait appliquée de façon plus habituelle qu’à la fin du XVesiècle. Elle consiste, comme on l’a dit plus haut, en l’insertion d’une petite pièce de verre dans une pièce plus grande, maintenue par un plomb par- ticulier, indépendant de la résille de plomb du vitrail.

Ce qui est exceptionnel dans le cas présent est le nombre de pièces montées en chef-d'œuvre, neuf dans un espace très restreint, sans que le verrier ait cassé le

verre qui les soutient24. Exceptionnelle aussi est la découpe virtuose des pièces de verre représentant les tours, autant que celle du verre jaune qui va les conte- nir, difficile à réaliser sans un très grand risque de cas- se. Il s’agit donc là d’une prouesse technique, que l’on retrouve plus habituellement chez les vitriers du

XVIIesiècle, sans pour autant qu’ils atteignent cette per- fection. Ce fragment est donc un unicum25.

Le verre jaune utilisé pour le fond des armoiries, assez mince, très lumineux, correspond vraisembla- blement à un verre fabriqué dans une verrerie lorrai- ne dans la première moitié du XVIesiècle, de même que celui, rouge, qui lui sert de fond. La technique de pose de la grisaille pour représenter les façades de châ- teau ainsi que les fleurs de lys est aussi datable de cet- te même période. Le vitrail aurait-il été réalisé à ce moment-là ou bien plus tard, comme l’indiquerait la technique virtuose de réalisation, avec un verre de réemploi ? Même si la première hypothèse semble la plus plausible, en l’absence d’autres sources précises, les deux sont envisageables.

L’histoire de ces deux vitraux se poursuit. L’Arbre de Jessé dédié à sainte Anne a été restauré au milieu du

XIXe siècle, sans doute par le verrier avignonnais Frédéric Martin, puis en 1894 par le verrier aixois M. André. Ce dernier précise alors que la grisaille est mal cuite à certains endroits et que les panneaux sont montés en tous sens. Il les remet en ordre et les dépous- sière. Une étude stylistique l’amène à penser que l’ou- vrage date de la fin du XIVe siècle, ce qui est une erreur26. Le vitrail est classé à titre d’Objet mobilier en 1912. Il est à nouveau restauré en 1937 par M. Buysthal, verrier de Carros (Alpes-Maritimes). Ce dernier change les 60 pièces de verre placées lors de l’intervention du XIXesiècle, qui n’ont aucune qualité27,

24. Le verre jaune n’est cassé qu’à un seul endroit : dans la partie haute à droite, ce qui ne nuit en rien à la bonne tenue de l’œuvre.

25. Quelques vitraux contenant plusieurs pièces de verre incrustées en chef-d'œuvre sont encore visibles actuellement: par exemple celui de l’Ascension dans l’église Saint-Georges de Chavanges (Aube), celui du Calvaire dans l’église Saint-Seine de Saint-Seine (Côte-d’Or), tous les deux du début du

xviesiècle. Le travail est cependant moins remarquable que dans le fragment des armoiries de la famille de Simiane. dans les deux cas il s’agit de représenter des étoiles dans le ciel et il n’y a pas de découpe virtuose des pièces. Par ailleurs le montage n’est pas toujours réussi et l’on note plu- sieurs plombs de casse.

26. il note l’importance du dais des personnages (sic), le tracé de l’armature très simple, les médaillons supprimés, une scène harmonisée formant un tableau d’ensemble, des feuilles de verre plus grandes, des vergettes de plomb (baguettes horizontales qui rigidifient le vitrail) souples et espacées, une coloration intense, et déduit une datation xivesiècle. Aucun de ses arguments n’est recevable.

27. il remplace ces verres ordinaires par des verres au creuset (verres fabriqués selon des techniques médiévales).

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mais conserve toutes les restaurations antérieures, notamment celle de 1604. Il effectue une remise en plomb et s’engage à ne faire aucune copie et à ne gar- der aucune chute des verres d’origine. Comme toutes les verrières anciennes de France, chaque panneau est ensuite photographié avant et après sa remise en état (Guidini-Raybaud, 1994).

Le fragment des armoiries de la famille de Simiane a, quant à lui, été « restauré », très récemment au début de l’année 2004 par Jean-Antoine Ducatez, maître ver- rier à Salernes (Var). La qualité exceptionnelle de conservation du fragment fait que seul un nettoyage des verres lui a paru nécessaire, sans dépose du frag- ment, ce qui l’aurait fragilisé.

Pour le premier vitrail, on souhaiterait une nou- velle restauration, avec dépose des verres, ce qui per- mettrait assurément de nouvelles découvertes. Pour le second, l’intérêt qu’y ont porté les responsables du chantier de restauration fait espérer qu’il sera classé prochainement, pour sa protection.

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RÉFÉRENCES

Sources manuscrites

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ANNEXE

PIECE JUSTIFICATIVE 1501, le 21 juin,

Prix-fait d’un vitrail avec un Arbre de Jessé pour la chapelle Sainte-Anne de la cathédrale d’Apt, établi entre Jean de la Salle, négociant d’Avignon, et Clément de Lamotte, peintre et verrier d’Avignon.

« Clemens de la Mote veyrerius et pictor habitator Avinionis, etc, promisit et convenit honorabili viro Johanne de la Salle campsori cive et habitatori Avinionensis presenti, etc, videlicet facere et construere suis propriis sumptibus et expensis unam vitrinam longitudinis et latitudinis tantum quantum erit opus, cum depictura Arboris Jesse bene et decenter et de coloribus finis et alias modo et forma unius patroni per eumdem Clementem dicto Johanni de la Salle facti traditi et expediti, dictamque vitrinam reponere in capella beate Anne civitatis Aptensis.

Et hoc pro precio grossorum septem monete currente in Avinione pro quolibet palmo quadrato. In cuius precii deductionem dictus Clemens recognovit et confessus fuit habuisse et recepissé, etc, a dicto Johanne de la Salle pre- sente et ut supra stipulante, summam sex scutorum auri in auro cum signo solis boni auri et legitimi ponderis prout vera illos recepit in tantum scutis auri in auro similibus reale et continua numerare internementer, de qui- bus exceptum, etc, quictavit, etc, dedit plus valens, etc.

Promisitque ipse Clemens eidem de la Salle presenti et ut supra stipulanti, videlicet dictam vitrinam reponere in loco predicto suis ipsius Clementis propriis sumptibus et expensis, hinc ad et per totum mensem augusti proxime venturum.

Et viceversa dictus Johannes de la Salle, etc, promisit et convenit a dicto Clementi presenti et stipulanti per se et suis predictis, etc, videlicet restam precii predicti dare et solvere eidem Clemente vel suis predicte incontinenti dic- ta vitrina ut promictitur in suo loco reposita.

....

Actum Avinione, in bancho cambii dicti Johannis de la Salle, presentibus Claudio Deschamps lapicida et Johanne Bertet sabaterio habitatores Avinionensis. »

ADV : 3 E 8/ 879, non f°.

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