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DÉVELOPPEMENT DURABLE, GOUVERNANCE ET TRANSACTIONS TERRITORIALES

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Academic year: 2021

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DÉVELOPPEMENT DURABLE, GOUVERNANCE ET TRANSACTIONS TERRITORIALES

Michel Casteigts

To cite this version:

Michel Casteigts. DÉVELOPPEMENT DURABLE, GOUVERNANCE ET TRANSACTIONS TER- RITORIALES. GOUVERNANCES ET TRANSACTIONS SOCIALES, AISLF et CRESS (Université Marc Bloch de Strasbourg), Dec 2003, Strasbourg, France. �halshs-01592249�

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Colloque CRESS & AISLF

GOUVERNANCES ET TRANSACTIONS SOCIALES Université Marc Bloch - Strasbourg - 5 et 6 décembre 2003

Développement durable, gouvernance et transactions territoriales

Michel Casteigts

Inspecteur général de l’administration

Professeur associé à l’Université de Pau et des pays de l’Adour

CREG – IAE tél.+33 (0)6 87 24 19 56 courriel : michel.casteigts@univ-pau.fr

Résumé :

La démarche théorique présentée ici relève d’une modélisation économique des échanges linguistiques et, de façon plus large, des pratiques sociales. Elle s’inscrit naturellement dans les perspectives ouvertes par Pierre Bourdieu lorsqu’il centre son analyse des rapports de domination sur les inégalités dans la répartition et l’échange des différentes variétés de capital et voit dans le monde social une économie généralisée. Pour être tout à fait juste, il s’agit moins d’étendre aux pratiques sociales des modèles économiques que de prendre acte que les transactions économiques ne sont qu’un cas particulier des échanges sociaux.

Les analyses présentées ici font appel à la théorie des coûts de transaction et à la théorie des conventions, qui toutes deux sont d’origine microéconomique et relèvent du courant néo- institutionnaliste, dont l’apport fondamental est de réintroduire la réalité des mécanismes organisationnels et des pratiques sociales dans une théorie économique en voie de désincarnation accélérée.

La gouvernance de l'action publique reste directement en prise avec le champ économique: en matière de biens collectifs, l’optimum économique est indissociable de l’optimum décisionnel, car les conditions d’allocation des ressources et d’imputation des charges relèvent de processus de décision de caractère politique lato sensu. S'agissant de biens publics, des procédures de décision collective stables et élargies permettent à la fois de réduire les coûts de transaction (entendus dans un sens plus large que celui de la théorie initiale, puis qu’étendus aux transactions non marchandes), grâce notamment aux relations de confiance nouées entre les différents partenaires, et les coûts de contrainte, en usant de procédures transactionnelles en lieu et place de décisions hiérarchiques.

Ce cadre décisionnel répond exactement aux exigences de mise en œuvre d’une stratégie

territoriale de développement durable, qui nécessite la mise en cohérence de règles régissant

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de nombreux champs spécifiques et la coordination de décisions multiples concernant aussi bien des activités marchandes que des actions publiques. Un traitement en série de l’ensemble de ces procédures conduirait à des délais de décisions aberrants et à de graves risques de conflits. Pour maintenir l’efficacité de la décision collective dans un contexte qui la requiert particulièrement, il est nécessaire d’user de procédures nouvelles, interactives, rapides, permettant une fertilisation croisée instantanée des logiques techniques, juridiques, administratives et financières de l’ensemble de partenaires. En d’autres termes, cela implique la généralisation d’un dispositif transactionnel englobant transactions marchandes et transactions non marchandes, couvrant l’ensemble des pratiques impliquées dans la production collective de la prospérité économique, de la cohésion sociale et de la préservation de l’environnement.

Mots-clés :

Biens collectifs ; Conventions territoriales ; Coûts de transaction ; Développement durable ;

Gouvernance ; Transactions sociales.

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Remarque préliminaire

Le texte suivant a été composé pour susciter un débat. A ce titre, présenté sous forme de quatre hypothèses soumises à la discussion, il est appelé à être plus ou moins profondément remanié à la lumière du travail commun. Texte « composé », car constitué d’extraits de papiers antérieurement publiés qui n’étaient pas centrés sur le paradigme transactionnel, mais qui utilisaient la notion de transaction à titre heuristique ou herméneutique.

Il faut aussi préciser que, si l’usage du terme « transaction » est ici systématiquement fondé sur son acception économique, son déplacement dans le champ des pratiques sociales ou des processus politiques ne relève pas d’un procédé métaphorique, mais d’un postulat épistémologique qui fait l’objet de la première hypothèse.

Hypothèse 1

Sur la légitimité d’une modélisation économique des pratiques sociales

La démarche théorique présentée ici relève d’une modélisation économique des échanges linguistiques et, de façon plus large, des pratiques sociales. Elle s’inscrit naturellement dans les perspectives ouvertes par Pierre Bourdieu lorsqu’il centre son analyse des rapports de domination sur les inégalités dans la répartition et l’échange des différentes variétés de capital et voit dans le monde social une économie généralisée. Pour être tout à fait juste, il s’agit moins d’étendre aux pratiques sociales des modèles économiques que de prendre acte que les transactions économiques ne sont qu’un cas particulier des échanges sociaux. Le recours à des instruments d’analyse issus du champ économique ne constitue pas une annexion du social par l’économique mais renvoie à la réalité fondamentalement sociale de toute activité économique : « De même qu’on peut utiliser l’économie des échanges symboliques comme un analyseur de l’économie de l’échange économique, de même on peut, à l’inverse, demander à l’économie de l’échange économique de servir d’analyseur de l’économie des échanges symboliques. Ainsi le prix, qui caractérise en propre l’économie des échanges économiques par opposition à l’économie des biens symboliques, fonctionne comme une expression symbolique du consensus sur le taux d’échange qui est impliqué dans tout échange économique. Ce consensus sur le taux d’échange est aussi présent dans une économie des échanges symboliques, mais les termes et les conditions en sont laissés à l’état implicite » (Bourdieu, 1994).

Dans « Ce que parler veut dire – L’économie des échanges linguistiques » (1982), Pierre Bourdieu a remarquablement illustré la fécondité d’une rigoureuse mobilisation dans le champ linguistique des concepts et problématiques développés dans le champ économique.

C’est sur cette voie que je propose d’aller plus avant, en faisant appel à la théorie des coûts de

transaction et la théorie des conventions, qui toutes deux sont d’origine microéconomique et

relèvent du courant néo-institutionnaliste, dont l’apport fondamental est de réintroduire la

réalité des mécanismes organisationnels et des pratiques sociales dans une théorie

économique en voie de désincarnation accélérée.

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La théorie économique des coûts de transaction a été introduite par R. Coase

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(1937), reprise et développée par O.E.Williamson (1975, 1979). Elle rend compte des conditions dans lesquelles les entreprises arbitrent, pour se procurer les biens et services dont elles ont besoin, entre externalisation dans le cadre d’un recours au marché et intégration verticale dans une logique hiérarchique. Le recours au marché, en situation concurrentielle, garantit en principe des prix plus avantageux que des processus de production internes. Pourtant l’expérience prouve que l’organisation intégrée est souvent plus efficace que le marché, car ce dernier implique des coûts de transaction (recherche des informations sur les produits et mise en concurrence des fournisseurs, négociation et aléas des contrats, contrôles de qualité, vérifications diverses, traitement comptable, frais financiers etc.). C’est l’efficacité de ses procédures internes qui assure la compétitivité de la firme intégrée par rapport au marché. Le recours au marché sera lui-même d’autant plus attractif que les modalités de gestion des échanges permettront de réduire les coûts de transaction.

Ce schéma est facilement généralisable à tout arbitrage entre des échanges régis par un dispositif de régulation interne dont on maîtrise précisément la définition (par exemple un champ linguistique déterminé par des usages et des codes connus et renvoyant à des pratiques sociales familières) et des transactions externes, déterminées par des règles dont on ne connaît qu’une partie et qui semblent soumises à des aléas imprévisibles (ce qui est le cas, par exemple, d’un colloque international, espace linguistique improbable et mal maîtrisé, où plusieurs codes peuvent ou doivent être utilisés concurremment).

Si des transactions demeurent possibles dans cet univers incertain, c’est que les pratiques économiques, et plus largement l’ensemble des pratiques sociales, disposent de « réducteurs d’aléas » dont rend compte la théorie des conventions. Sans rentrer dans le détail d’un modèle foisonnant et encore instable, on peut résumer ainsi le paradigme conventionnel : tout acteur économique vit dans l’incertitude ; cette incertitude n’est acceptable et compatible avec une activité collective cohérente que parce qu’il existe un certain nombre de dispositions cognitives partagées et généralement implicites qui conditionnent les visions du monde et les comportements de chacun, désignées par le terme de conventions (Gomez et Marion, 1997).

La thématique émergente mais omniprésente du développement durable et celle, corollaire, de la gouvernance illustrent la pertinence de cette approche.

Rappel

Le paradigme du développement durable

En 1972, le Club de Rome mettait en évidence les limites de la croissance, sur la base de travaux du MIT (Meadows D. et al., 1972) : pression démographique, pénuries alimentaires, épuisement des ressources naturelles et multiplication des pollutions conduisaient inexorablement à une croissance zéro. Ces analyses suscitèrent des controverses houleuses, malgré la tentative de compromis idéologique esquissée la même année par la conférence de Stockholm autour de la notion d' éco-développement. Dans le droit fil de ce concept, le terme de développement durable, apparu en 1980, est repris en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, présidée par Mme Brundtland, Premier ministre de Norvège. Il est alors défini comme «un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre ceux des générations futures ».

1 Prix Nobel de sciences économiques en 1991

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En 1992, la conférence de Rio précise qu’il s’agit d’un modèle de développement conciliant croissance économique, cohésion sociale et préservation de l’environnement . En 1997, le traité d’Amsterdam l’introduit dans les règles d’action de l’Union Européenne. En moins de vingt ans, le développement durable s’est imposé comme norme d’action publique et modèle de développement : efficacité exceptionnelle d’un paradigme fondé sur l’articulation de logiques contradictoires, qui vient à point nommé prendre le relais des systèmes idéologiques hérités du XIXème siècle, fondés sur la confrontation et les antagonismes et manifestement à bout de souffle. Or l’articulation de logiques contradictoires est le terrain d’élection des processus transactionnels.

Hypothèse 2

Coûts de transaction et gouvernance : de l’approche économique à l’approche sociétale Utilisé à partir du XIIIème siècle pour désigner les bailliages, le terme de " gouvernance " a été utilisé à la renaissance comme synonyme de gouvernement avant de disparaître pour quelques siècles. En reprenant et développant la théorie des coûts de transaction introduite par R. Coase, O.E.Williamson définit la gouvernance comme les mécanismes de coordination réglant les relations entre la firme et ses partenaires stables, notamment dans le cadre de relations contractuelles qui permettent de réduire les coûts de transaction sans supporter les effets de contrainte d’une organisation hiérarchique (Williamson, 1975 et 1979).

Vers la fin des années 1980, le terme de gouvernance apparaît dans le champ politique. Les institutions financières internationales l’utilisent de façon normative, dans l’expression « good governance », pour caractériser les règles d’administration publique préconisées aux pays emprunteurs. Au même moment le concept de « urban governance » est introduit par des politologues anglais, par opposition à « local government », pour caractériser les évolutions du système de pouvoir local consécutives aux réformes imposées à partir de 1979 par Margaret Thatcher. Cette notion de gouvernance urbaine est aujourd’hui très largement utilisée pour l’analyse des nouvelles modalités d’exercice des pouvoirs locaux.

Mis à part l’usage normatif du terme dans l’expression « bonne gouvernance », la notion de gouvernance désigne donc des modes de coordination partenariaux, intermédiaires entre hiérarchie et marché dans le champ économique, entre gouvernement institutionnel et société civile dans le champ politique. Cela conduit à reconnaître la pertinence de la migration du terme du domaine de l’entreprise à celui de l’action publique, où il passe, sans changer de nature, de la sphère des activités marchandes à celle des biens collectifs et des externalités.

Dans les deux cas il s’agit de gérer des systèmes complexes en mettant en cohérence les stratégies de partenaires multiples relevant de rationalités différentes.

Selon les termes de l’introduction au dossier documentaire consacré à la gouvernance par le

Centre de documentation de l’urbanisme (CDU, 2000), l’ émergence de la notion de

gouvernance à côté de celle de gouvernement «met l'accent sur plusieurs types de

transformation des modalités de l'action publique : elle repose sur une dénonciation du

modèle de politique traditionnel qui confie aux seules autorités politiques la responsabilité de

la gestion des affaires publiques… ; elle met l'accent sur la multiplicité et la diversité des

acteurs qui interviennent ou peuvent intervenir dans la gestion des affaires publiques… ; ce

faisant, la gouvernance attire l'attention sur le déplacement des responsabilités qui s'opère

entre l'Etat, la société civile et les forces du marché lorsque de nouveaux acteurs sont associés

au processus de décision et sur le déplacement des frontières entre le secteur privé et le

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secteur public… ; la notion de gouvernance met également l'accent sur l'interdépendance des pouvoirs associés à l'action collective : la gestion des affaires publiques repose sur un processus d'interaction/négociation entre intervenants hétérogènes… »

Mais la gouvernance publique reste directement en prise avec le champ économique: en matière de biens collectifs, l’optimum économique est indissociable de l’optimum décisionnel, car les conditions d’allocation des ressources et d’imputation des charges relèvent de processus de décision de caractère politique lato sensu. « L’essentiel est ceci : l’individu, à condition qu’il puisse jouer un rôle dans la décision collective, peut contribuer à donner à l’activité de l’économie publique l’orientation qu’il souhaite. En concourant, en proportion des pouvoirs dont il dispose, à la décision collective qui porte sur le coût et la quantité des biens publics, l’individu se trouve dans une situation plus ou moins proche de celle du marché de concurrence où, dans des limites de ses ressources et avec des prix fixés en dehors de lui, il conserve le droit de déterminer librement la quantité des différents biens privés qu’il consommera. » (Wolfelsperger, 1969).

En matière de biens publics, des procédures de décision collective stables et élargies permettent à la fois de réduire les coûts de transaction (entendus dans un sens plus large que celui de la théorie initiale, puis qu’étendus aux transactions non marchandes), grâce notamment aux relations de confiance nouées entre les différents partenaires, et les coûts de contrainte, en usant de procédures transactionnelles en lieu et place de décisions hiérarchiques. Par rapport aux concertations traditionnelles, ces dispositifs marquent un changement fondamental dans la nature des relations entre les collectivités et leurs partenaires, qui deviennent « coproducteurs » des biens publics dans la formalisation transactionnelle d’un compromis décisionnel .

Hypothèse 3

La régulation du développement durable : des enjeux transactionnels

Ce cadre décisionnel répond exactement aux exigences de mise en œuvre d’une stratégie territoriale de développement durable, qui nécessite la mise en cohérence de règles régissant de nombreux champs spécifiques et la coordination de décisions multiples concernant aussi bien des activités marchandes que des actions publiques. Un traitement en série de l’ensemble de ces procédures conduirait à des délais de décisions aberrants et à de graves risques de conflits. Pour maintenir l’efficacité de la décision collective dans un contexte qui la requiert particulièrement, il est nécessaire d’user de procédures nouvelles, interactives, rapides, permettant une fertilisation croisée instantanée des logiques techniques, juridiques, administratives et financières de l’ensemble de partenaires. En d’autres termes, cela implique la généralisation d’un dispositif transactionnel englobant transactions marchandes et transactions non marchandes, couvrant l’ensemble des pratiques impliquées dans la production collective de la prospérité économique, de la cohésion sociale et de la préservation de l’environnement.

A l’intérieur même du champ économique, la généralisation du paradigme transactionnel

prend une signification majeure. Comme il a été dit plus haut, la notion de développement

durable a une double dimension : diachronique, puisqu’elle implique un arbitrage

intergénérationnel dans l’allocation de ressources rares ; synchronique, puisqu’elle suppose

des interactions systémiques entre différents domaines d’action. De ces deux points de vue,

les principes du développement durable sont incompatibles avec l’idée que les transactions

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marchandes pourraient assurer mieux que l’intervention publique la production ou la préservation des biens collectifs.

Les thuriféraires de l’écologie libérale considèrent que, le marché étant en toute circonstance plus efficace que l’intervention publique, l’action de l’Etat doit se limiter à « concevoir des solutions institutionnelles qui rétablissent dans le domaine des biens dits "non marchands"

des procédures d'échange et d'allocation par des systèmes de prix » (Lepage, 1990). Les exigences du développement durable dissipent cette illusion qu’il serait possible de réguler les biens collectifs, notamment environnementaux, par l’attribution de droits de propriété négociables. En mettant l’accent sur les besoins des générations futures, le développement durable engage directement la responsabilité de la puissance publique, car les générations futures sont bien incapables de faire valoir aujourd’hui quelque droit de propriété que ce soit sur quelque marché que ce soit.

Par ailleurs, le maintien de l’équilibre fondamental entre croissance économique, cohésion sociale et valorisation de l’environnement implique des interactions permanentes et croisées entre échanges marchands et services non-marchands. Cette hybridation de logiques jusque là contradictoires, à mille lieues du manichéisme néo-libéral, est directement corrélée au phénomène, empiriquement observé, de déplacement des frontières entre biens collectifs et biens marchands. Ces interrelations systémiques nécessitent que quelque chose fasse système, c’est à dire donne au dispositif d’interaction un minimum de stabilité et de cohérence, que ni la structuration traditionnelle des activités économiques, ni l’organisation des groupes sociaux, ni l’architecture institutionnelle ne peuvent séparément garantir. C’est précisément le cadre territorial, à ses différentes échelles, qui permet que se mettent en place de façon stable les mécanismes de régulation croisée inhérents à la logique du développement durable. Cela n’a évidemment de sens que si on admet l’interdépendance de transactions marchandes et des transactions non marchandes et si on en définit les conditions pérennes.

Hypothèse 4

Les conditions cognitives des transactions territoriales et la théorie des conventions La notion de conventions territoriales (au sens de la théorie des conventions) rend compte des conditions de la réarticulation des représentations et de la recombinaison des pratiques liées à l’apparition concomitante du territoire comme espace de régulation transactionnelle et du développement durable comme référence commune.

En effet, les dynamiques de territorialisation supposent que les forces vives du territoire aient la conviction partagée qu’elles ont un intérêt commun à fonder sur la confiance un partenariat stable débouchant sur des transactions équitables. Les collectivités publiques, qui remplissent habituellement leurs missions sur le mode de la régulation unilatérale, doivent adopter le registre de la coordination et de l’ajustement mutuel. Parallèlement, entreprises et associations doivent prendre leurs distance à l’égard de postures traditionnellement conflictuelles à l’égard des pouvoirs publics (sur un mode plutôt défensif pour les premières et offensif pour les secondes). Il en va de même des forces qui habituellement s’affrontent à l’intérieur de ce que l’on a coutume d’appeler, de façon sommaire et abusivement simplificatrice, la société civile

2

. Cela n’est possible parce que de nouvelles règles, souvent implicites, s’imposent à chacun. La

2 Cette expression, dont la critique mériterait à elle seule de longs développements, met implicitement l’accent sur l’opposition latente entre système institutionnel et forces sociales et gomme artificiellement tout ce que ces dernières recèlent de conflictualité interne.

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théorie des conventions identifie les mécanismes cognitifs par lesquels évoluent les représentations collectives, s’instaurent corrélativement de nouvelles règles du jeu et se recomposent des dispositifs d’action dont les transactions territoriales seront la traduction naturelle, notamment à travers les figures du projet et du contrat.

O. Favereau (1999) définit les conventions comme un ensemble de règles de formulation vague, d’origine obscure, de caractère arbitraire et dépourvues de sanctions juridiques, ce qui les distingue des contrats. Dans le champ microéconomique, elles rendent compte de l’efficacité de la coordination par le marché, malgré l’incomplétude des informations dont disposent les acteurs économiques sur les transactions dans lesquelles ils s’engagent : les échanges sont régis par des règles non écrites qui garantissent la conformité aux usages des comportements de chacun, en complément des mécanismes de coordination marchande.

Au delà de la microéconomie, le paradigme conventionnel a prouvé sa pertinence dans des domaines de plus en plus larges de la vie sociale, quand il s’agit de rendre compte d’ un

« ensemble d’anticipations et de comportements se renforçant mutuellement, émergeant d’une série d’interactions décentralisées » (Boyer, 2002). La théorie des conventions précise notamment les conditions de mise en oeuvre d’une action collective en mettant en lumière, parmi d’autres règles, la nécessité de structurer la démarche autour d’un point focal. Cette focalisation permet d’organiser de façon cohérente un dispositif opérationnel, en offrant aux partenaires un repère commun, par rapport auquel se reconfigurent représentations et stratégies (Orléan, 1994). L’efficacité de ce point focal implique qu’il puisse être pris en considération à la fois par les procédures de coordination et par les mécanismes de régulation du champ concerné.

En matière de dynamique territoriale, « projet et contrat de territoire » occupent cette position focale. A travers et pendant son élaboration, les règles communes s’élaborent, le dispositif collectif se construit et les transactions se nouent. Dans le projet sont à l’oeuvre les processus cognitifs de mutualisation des savoirs, des retours d’expériences, de partage des diagnostics, de métissage des cultures et des représentations du monde. L’adoption d’un projet commun consacre l’acceptation par tous de conventions territoriales communes aux entreprises et aux collectivités, aux associations et aux simples citoyens, qui transcendent les différences de statut, de fonction ou de culture dans des compromis permanents sur des projets et des engagements collectifs.

L’application de la théorie des conventions aux problématiques territoriales ne peut prétendre ni à l’exhaustivité empirique ni à la maturité théorique. Sous ces réserves, on peut considérer que les conventions constitutives de la territorialité sont au moins au nombre de quatre : - une convention de proximité porte en elle la conscience d’appartenir à un même espace et

conduit à considérer que « ce qui est proche pour moi (ici, maintenant) est plus important que ce qui est lointain (ailleurs, autrefois, plus tard) » (Moles,1992) ;

- une convention de solidarité, liée au sentiment de relever d’une communauté de destin, contribue à effacer les tensions antagonistes et à privilégier les comportements coopératifs par rapport aux attitudes de concurrence ;

- une convention de qualité fait bénéficier les acteurs du territoire d’un préjugé favorable quant à la qualité de leurs apports relationnels et opérationnels, ce qui permet d’instaurer un climat de confiance ;

- une convention de durabilité consacre l’accord des partenaires autour d’un modèle

commun de développement durable du territoire.

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C’est à ces conditions qu’une démarche collective est possible et que les contraintes liées aux engagements transactionnels sont acceptables. La théorie de conventions vient, en quelque sorte, fournir le chaînon manquant entre un Bourdieu dont l’habitus serait libéré d’un déterminisme strictement social

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et un Castoriadis (1975) dont l’institution imaginaire de la société réinvestirait pleinement le champ des pratiques.

Conclusion

Idéologie et pratiques sociales

L’idéologie a mauvaise presse. Les secousses de mai 68, le séisme plus récent de l’effondrement du bloc de l’Est et la désaffection endémique de l’opinion à l’égard des religions révélées ont consacré en occident

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la faillite des systèmes traditionnels de prêt à penser. Dans ce désastre collectif, seule triomphe l’idéologie libérale, précisément parce qu’elle ne se présente pas comme une idéologie mais comme une pragmatique. Pourtant, rien n’est inéluctable. L’exemple du développement durable en est une parfaite illustration : conçu initialement comme support d’un armistice idéologique entre écologistes tenants de la

« croissance zéro » et partisans de la croissance, le développement durable s’est progressivement imposé comme référence partagée au point de devenir une ligne majeure de résistance à un modèle exclusivement marchand de développement. La théorie des conventions rend compte des conditions d’efficacité pratique des dispositifs idéologiques en montrant comment les représentations collectives, idéologiquement déterminées, se traduisent en transactions et donc en actes. Il y a là matière à bien des réflexions.

Références citées :

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LEPAGE H., 1990, « Pour une approche libérale de l’environnement », in La nouvelle économie industrielle, Paris, Hachette Pluriel

3 Pierre Bourdieu n’a jamais utilisé le concept d’habitus territorial, sauf erreur de ma part ; il serait passionnant de savoir pourquoi, alors que le béarnais qu’il n’a jamais cessé d’être se mouvait dans un espace social rigoureusement territorialisé.

4 Au delà de la sphère d’influence occidentale, le monde islamique prouve que l’idéologie a encore de beaux jours devant elle.

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Références

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