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Histoire du LSD. De l’ergot de seigle à l’utilisation thérapeutique

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01163248

https://hal-univ-rennes1.archives-ouvertes.fr/hal-01163248

Submitted on 15 Sep 2015

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Histoire du LSD. De l’ergot de seigle à l’utilisation thérapeutique

Thomas Gicquel, Sylvie Lepage, Isabelle Morel

To cite this version:

Thomas Gicquel, Sylvie Lepage, Isabelle Morel. Histoire du LSD. De l’ergot de seigle à l’utilisation thérapeutique. La Presse Médicale, Elsevier Masson, 2015, 44 (7-8), pp.832-836.

�10.1016/j.lpm.2015.04.033�. �hal-01163248�

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Histoire du LSD

De l’ergot de seigle à l’utilisation thérapeutique

LSD History

From ergot to therapeutic applications

Thomas Gicquel1,2,3, Sylvie Lepage1, Isabelle Morel1,2,3

1. CHU Rennes, Laboratoire de toxicologie biologique et médico-légale, F-35033 Rennes, France.

2. Univ Rennes 1, Faculté de pharmacie, F-35043 Rennes, France

3. INSERM, UMR991 « Foie, Métabolismes et Cancer » F-35043 Rennes, France

Correspondance :

Thomas Gicquel, Laboratoire de toxicologie biologique et médico-légale, CHU Pontchaillou, F-35033 Rennes, France. thomas.gicquel@chu-rennes.fr

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Le LSD, de l’allemand Lysergsäurediethylamid, est une substance hallucinogène utilisée à but récréatif. Egalement connue sous le nom d’ « acide », cette molécule à propriétés psychotropes est classée en France comme un stupéfiant illicite selon l’arrêté du 22 février 1990 [1]. Très consommé dans les années 1960-1970, le LSD est intimement lié à la culture hippie, même si aujourd’hui, sa consommation se fait surtout dans les rave-parties.

Usage récréatif du LSD

Le LSD est connu sous différents noms : LSD 25, acide, ace, buvard, blotter, timbre, carton, peutri, peupeu, toncar, cube ou encore trip. Cette drogue est consommée principalement par voie orale sous forme de buvards, ressemblant à des timbres illustrés. Elle peut également être trouvée sous d’autres formes : liquide (gouttes), capsules, comprimés (pills), de petits carrés de plastique ou de blocs de gélatine gastrosolubles (gelatine, gelat’, windowpane) ou de micropointes.

Les modes de consommation varient : avalé seul, enveloppé dans du papier à cigarettes, mélangé avec une boisson, imprégné sur un bonbon, un biscuit ou un morceau de sucre. Le buvard peut également être laissé sur ou sous la langue, ou entre la joue et la gencive.

D’autres voies d’administrations plus marginales sont connues : sous forme injectée, fumée ou instillée dans l’œil sous forme liquide [2]. Les illustrations retrouvées à la surface des buvards sont souvent colorées et représentent des formes géométriques, des personnages de bandes dessinées, de cartoons, des divinités hindoues ou même des personnalités.

Les effets du LSD sur une personne ne sont pas prédictibles, ils dépendent de la dose ingérée, de la fréquence d’usage, de la personnalité du consommateur, de son humeur, ses attentes et son environnement. Les premiers effets apparaissent rapidement et à très petite dose, les effets psychiques sont ressentis dès l’absorption de 25 microgrammes. La sensation que procure le LSD, qualifiée de « trip » dure entre 5 et 8 heures. Ce voyage débute par l’apparition de troubles psychiques à dominante hallucinatoire : visions colorées, distorsion d’objets réels, hallucinations géométriques. Les sons sont amplifiés ou assourdis, c’est l’ébauche de troubles de la dépersonnalisation [3]. Lorsqu’elle est bien vécue, l’expérience est décrite comme très agréable : « l'impression de renaître et de tout redécouvrir, tout ce qui t'entoure est nouveau, les choses les plus banales deviennent uniques, extraordinaires » [4]. Cependant, lorsque

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l’effet s’estompe, la « descente » peut-être très déplaisante entrainant un état confusionnel, des angoisses, des crises de panique, de paranoïa ou des bouffées délirantes. Le sujet doit alors reprendre contact avec le monde extérieur et sa personnalité habituelle. En effet, les acides peuvent entrainer des états confusionnels et des accidents psychiatriques graves et durables. De plus, chez certaines personnes, les sensations ressenties peuvent être mal vécues, on parle de « bad trip ». Le consommateur ressent de la terreur, des hallucinations effrayantes ou des troubles anxieux pouvant aller jusqu'à l'attaque de panique avec risque de passage à l'acte [5].

Historique du LSD

Dans son livre autobiographique « LSD: My Problem Child : reflections on sacred drugs, mysticism, and science » Albert Hofmann raconte comment il a synthétisé ce puissant hallucinogène : « En 1938, j’ai produit un dérivé de la série de l’acide lysergique, le LSD- 25… pour l’usage du laboratoire » [6]. La 25ème substance synthétisée par Hofmann à partir de l’ergot de seigle sera « l’enfant à problème ».

L’ergot de seigle

L'ergot de seigle est un champignon qui parasite le seigle, mais aussi le froment et l'orge. Il s’agit de la forme résistante du champignon Claviceps purpurea pendant son cycle de reproduction. L'ergot se présente sous la forme d'une excroissance noire de quelques centimètres, le sclérote, qui se fixe au niveau des caryopses des céréales [7].

La toxicité provient des mycotoxines, comme l’ergotoxine, que le champignon produit et qui peuvent être responsable d’intoxications en masse. Ainsi, la « maladie de l’ergot de seigle », est connue depuis le Moyen Age pour avoir fait plusieurs dizaines de milliers de victimes. Les composés ergotés alcaloïdes se concentrent dans les graines de seigle, qui servent à produire de la farine. Le pain noir, confectionné à base de farine de seigle a été à l’origine de nombreuses intoxications lorsque le seigle était ergoté.

Ainsi, la consommation de ces composés est à l'origine de l’ergotisme également appelé « Feu de Saint-Antoine », « Feu Sacré » ou « Mal des Ardents ». Comme le LSD, les dérivés de

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l’ergot de seigle peuvent entrainer une ivresse et des hallucinations, mais ils provoquent également des douleurs abdominales et brûlures internes jusqu'à entrainer la mort.

L’ergotisme provoque également une gangrène des membres entrainant des infirmités graves et incurables. Les victimes, qui survivaient malgré l’intoxication, étaient parfois brûlées vives en place publique suspectées d’être possédées par le démon.

Le Mal des Ardents sévit dans de nombreuses régions de France, mais également dans toute l’Europe jusqu’en Russie sans connaitre la raison de ces épidémies. Pour guérir de ce fléau, les malades priaient Saint-Antoine, le saint patron des ergotiques et réalisaient des pèlerinages qui étaient efficaces puisqu’ils les éloignaient de la source de pain ergoté. Ce n’est qu’au XVIIème siècle que l’on identifie la cause de cette maladie qui frappait lors de la nouvelle récolte. L’ergot de seigle fut identifié comme le responsable de cette étrange pathologie provoquée par la consommation de pain [8].

Les progrès de l’agriculture ont permis de réduire la fréquence de cas d’ergotisme, mais cette pathologie a été observée jusqu’au milieu du XXème siècle. En effet, pendant l’été 1951, la commune française de Pont-Saint-Esprit dans le Gard a été frappée par une série d’intoxications alimentaires qui ont fait sept morts, cinquante internés dans les hôpitaux psychiatriques et plusieurs centaines de malades. L’enquête de l’époque ne permit pas d’en trouver l’origine. Selon l’historien Steven Kaplan : « Faute de nom du mal, on veut connaitre celui de l’homme responsable […] On accuse le boulanger, son mitron, puis l’eau des fontaines, puis les modernes machines à battre, les puissances étrangères, la guerre bactériologique, le diable, la SNCF, le pape, Staline, l’Eglise, les nationalisations » [8].

Cliniquement, les symptômes des habitants de Pont-Saint-Esprit (hallucinations, crises de vasoconstriction) font penser à une crise d’ergotisme. Ainsi, le pain provenant de la boulangerie de cette commune de cinq mille habitants a été suspecté d’être contaminé par le champignon Claviceps pupurea et d’être à l’origine de ces troubles. Cependant cette affaire du « Pain maudit » reste encore aujourd’hui une énigme et de nombreuses hypothèses farfelues existent [9].

La première utilisation de l’ergot de seigle à des fins médicales, pour déclencher l’accouchement a été trouvée dans les notes d’Adam Lonitzer, un médecin allemand en 1582.

Bien que l'ergot de seigle ait été longtemps utilisé par les sages-femmes, son utilisation comme ocytocique a été abandonné car l’incertitude de la dose absorbée pouvait conduire à des spasmes et être dangereux pour l’enfant [10].

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Découverte du LSD

En 1918, au sein du laboratoire Sandoz, à Bale, le professeur Arthur Stoll identifie l'ergotamine, le premier des douze alcaloïdes toxiques contenus dans le champignon Claviceps purpurea. Le laboratoire de chimie s’intéresse particulièrement aux composés provenant de l’ergot de seigle. Sous la direction d’Arthur Stoll, Albert Hofmann, un chimiste suisse fut chargé de travailler sur ces alcaloïdes dans le but de trouver une molécule permettant de réguler la pression sanguine. Les deux chimistes synthétisèrent de nombreuses molécules dans les années 1930 en partant de la structure chimique de l’ergotamine et de son noyau, l’acide lysergique. En 1938, ils synthétisèrent le vingt-cinquième dérivé de l’ergotamine, un diethylether de l’acide lysergique, le LSD-25. Sans le savoir, Albert Hofmann synthétisa l’une des drogues hallucinogènes les plus puissantes actuellement connues. Lors des tests pharmacologiques sur la pression sanguine, le LSD-25 présentait une activité inférieure à celle de l’ergométrine et entrainait une agitation après administration aux animaux. Dans ce contexte, cette molécule ne semblait pas intéressante, il arrêta donc ses expérimentations. Cependant, en 1943, Hofmann et Stoll reprirent leurs recherches sur le LSD-25 après précipitation de la molécule de LSD sous forme de tartrate…

Expérimentations

En purifiant le composé au laboratoire, Hofmann vit apparaitre des formes colorées et se sentit pris de délires incontrôlables. Il rechercha si l’une des substances qu’il avait manipulées pouvait être responsable de cet état et incrimina le LSD. Cette expérience hallucinogène incroyable le poussa à la renouveler afin de vérifier les effets sur sa personne.

Ainsi, le 19 avril 1943, Albert Hofmann décida volontairement d’expérimenter le LSD en prenant une dose de 250 µg par voir orale, une dose qu’il pensait très faible. Le chimiste consigna par écrit l’ensemble des réactions ressenties après avoir ingéré la substance.

Dans son livre « Voyage acide » (1970) il raconte son expérience : « 16h20 : Absorption de la substance. 17h, Début d’étourdissement, angoisse, troubles de la vue, paralysies, rires.

Retour en vélo à la maison » [4]. Lors de ce retour à domicile, il fut prit d’hallucinations et vit le monde de façon psychédélique. Ce tour de vélo restera mythique, puisqu’il s’agit de la

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première expérimentation volontaire du LSD qui entraina un « trip » à son inventeur. Certains buvards de LSD représentent d’ailleurs Hofmann sur son vélo (Figure 1).

Une fois rentré chez lui, le chimiste suisse raconte : « Je commençais alors progressivement à apprécier ce jeu insolite de formes et de couleurs qui continuait derrière mes yeux fermés.

Des formes fantasmagoriques et bariolées déferlaient sur moi en se transformant à la manière d’un kaléidoscope, s’ouvrant et se refermant en cercles et en spirales, jaillissant en fontaines de couleur. » Les propriétés hallucinogènes de la molécule furent mises en évidence, mais les effets indésirables de la molécule se firent également ressentir : «Un démon avait pénétré en moi, il avait pris possession de mon corps, de mes sens et de mon âme. Je sautai, je criai pour m'en débarrasser, mais finalement, je retombai épuisé sur le canapé. La substance que j'avais voulue expérimenter avait eu raison de moi. [...] Par moments j'avais l'impression d'être en dehors de mon corps ; et dans ces moments-là, comme observateur extérieur, je prenais conscience de tout le tragique de ma situation. [...] Lentement, enfin je revenais d'un monde étrange, inquiétant, dans la réalité quotidienne familière » [4].

Albert Hofmann était persuadé que ce produit allait ouvrir un champ d’expérimentation psychique et thérapeutique extraordinaire, il en fait ainsi part à son laboratoire. Le professeur Rothlin, directeur du département de pharmacologie des laboratoires Sandoz, dut répéter lui- même l’expérience avec ses collaborateurs pour être convaincu du rapport d’Hofmann. Stoll et Hofmann déposèrent le brevet de l’isomère dextrogyre du LSD, le d-lysergic acid diethylamide en 1943 en Suisse et en 1948 aux USA. Le LSD venait d'entrer dans l'histoire. Il fut expérimenté chez l'animal par les laboratoires Sandoz, et de nombreux dérivés furent synthétisés, dont aucun n'avait de propriétés aussi nettes sur le psychisme.

Le psychiatre Werner Stoll fut le premier à avoir testé le LSD sur des patients. Le premier rapport sur les effets du LSD est publié en 1947 dans le Schweizer Archiv für Neurologie und Psychiatrie sous le titre « Diethylamide de l'acide lysergique, un phantasticum du groupe de l'ergot » [11]. D’autres médecins s’intéressèrent également au LSD en Europe et aux Etats- Unis. Ainsi, Sandoz débuta la production de LSD sous le nom de spécialité de Delysid® à disposition des chercheurs. En 1951, le docteur Savage émit l’hypothèse de traiter la dépression grâce au LSD. Un peu plus tard, la première « LSD Clinic » ouvrit en Angleterre où Ronald Sandison y expérimenta la « thérapie psycholithique » avec de faibles doses de Delysid®. Aux États-Unis, Humphry Osmond inventa la « thérapie psychédélique » en proposant une prise plus forte de LSD, susceptible selon lui de déclencher chez certains

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angoissés une expérience proche de l’illumination religieuse ou mystique, pour ensuite l’aider à reconstruire sa personnalité. Harold Abramson se servit du LSD pour mener des cures de désintoxication de l’alcool alors que Jan Bastiaan pensait aider les survivants de camps de concentration à surmonter leur traumatisme. À Prague, le psychiatre Stanislas Grof, inventeur de la « psychologie transpersonnelle », mèna ses « LSD therapies » qu’il expérimentera auprès de plus de 3500 personnes, avec plus ou moins de succès. Ces psychiatres furent approvisionnés par Sandoz qui cherchait alors un débouché commercial et une utilisation médicale de ce produit. Pour cela, le laboratoire distribua des milliers de doses de LSD entre 1950 et 1960.

À Paris, le Professeur Deniker, de l’hôpital Sainte-Anne, expérimenta le LSD avec ses jeunes confrères et étudiants. Quelques-uns auront du mal à s’en remettre, l’un d’entre eux se suicidera. L’usage thérapeutique du produit devint controversé, les effets étant trop imprévisibles.

LSD et politique

La découverte de l’extraordinaire puissance du LSD sur le psychisme laissait entrevoir en cette molécule un intérêt scientifique énorme, mais également une potentielle terrible arme chimique. Ainsi, Hofmann et Stoll ont attendu la fin de la seconde guerre mondiale pour publier leur découverte de peur qu’elle ne tombe entre les mains des Nazis. Les deux chercheurs craignaient que les allemands n’en fassent un usage militaire.

La CIA (Central Intelligence Agency), service de renseignements des Etats-Unis, s’intéressa également de très près à la molécule. Les membres de cette organisation espéraient faire du LSD un sérum de vérité conduisant à un état psychologique fragile, utile pendant les interrogatoires. Le docteur Sidney Gottlieb, un psychiatre militaire était chargé des recherches à la CIA sur les possibilités de contrôle mental, notamment pendant la guerre froide. Il se lança alors dans des expériences hasardeuses en faisant prendre du LSD à des patients, à leur insu. Certains se suicidèrent, d’autres finirent leurs jours en hôpital psychiatrique [12]. Le journaliste américain Hank Albarelli affirme même que l’affaire de Pont-Saint-Esprit était une opération de la CIA dans le cadre du projet de recherche MKULTRA [9]. Selon lui, la CIA aurait volontairement réalisée une pulvérisation aérienne à base de LSD. La CIA est également accusée d’avoir contribuée à la distribution de LSD aux hippies afin de détruire le mouvement de contestation contre la guerre du Vietnam.

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Interdiction du LSD

Dès 1962, une restriction de sa distribution fut mise en place, une autorisation spéciale de la Food & Drug Administration (FDA) devint nécessaire pour s’en procurer aux Etats-Unis.

Face aux nombreuses dérives, les laboratoires Sandoz arrêtèrent la commercialisation du Delysid® en 1965. L'essor des communautés hippies inquiétait les autorités ainsi l’état de Californie, dont le gouverneur était le républicain Ronald Reagan, interdit l'usage du LSD le 6 octobre 1966, cette décision est rapidement suivie par les autres états aux USA. Une production clandestine de LSD commence à faire son apparition, alors que la vente et la fabrication de LSD deviennent un crime aux Etats-Unis en 1966. L'image populaire du LSD changeât et devint celle d'un produit dangereux. La FDA décrèta que le LSD n’avait pas d’utilité thérapeutique et possèdait un fort potentiel d’abus. Ainsi, cet hallucinogène fut inscrit sur la liste des substances psychotropes d’après la convention internationale de l’ONU en 1971.

Usage actuel du LSD

Très consommé et banalisé par les hippies dans les années 1960 à 1970, l’utilisation récréative du LSD devient moins populaire jusqu’aux années 1990 où les effets psychédéliques étaient recherchés par la génération techno. Généralement moins dosés que dans les années 1960, les buvards sont couramment gobés dans les raves parties et teknivals.

Le LSD est aujourd’hui le deuxième hallucinogène le plus consommé après les champignons hallucinogènes mais la fréquence de l'expérimentation de LSD en population générale est relativement faible (1,8% des personnes françaises âgées de 18 à 64 ans déclarent en avoir consommé au cours de leur vie) [13]. Les hallucinogènes sont principalement consommés à titre d’expérimentations récréatives chez les jeunes. Les utilisateurs courants sont surtout des adeptes de musique techno, prônant un mode de vie alternatif et marginal, même s’ils semblent mieux insérés professionnellement que les consommateurs de drogues, dites dures, comme l’héroïne. Cependant, le LSD est rarement consommé seul, il est souvent associé à de l’alcool ou à d’autres drogues. L’acide possède une bonne image dans le milieu underground, du fait de son aspect mythique, de son faible coût ainsi que l’absence de tests salivaires de

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dépistage. De plus, le LSD est non seulement un psychotrope très puissant, mais également peu onéreux ; en effet un buvard imprégné de LSD ne coute qu’une dizaine d’euros [14].

La synthèse du LSD ne demande pas de grandes compétences en chimie, d’autant plus que les produits, les techniques et les conseils sont facilement accessibles sur internet. Ceci peut inciter des personnes mal intentionnées à se lancer dans un véritable trafic de stupéfiants en ne disposant que d’un petit laboratoire à domicile. Ainsi, un étudiant breton de 21 ans qui s’était lancé dans un commerce d’hallucinogènes a été retrouvé hagard, errant dans les rues de Brest après avoir expérimenté « son » LSD comme l’avait fait Hofmann 70 ans plus tôt [15].

Cependant, encore aujourd’hui certains chercheurs continuent à croire au potentiel thérapeutique de cette drogue pour traiter des pathologies telles que l’autisme, la douleur, les troubles psychiatriques ou les addictions [16-19].

Conclusion

En droit français, le LSD est classé comme un stupéfiant illicite ainsi son acquisition, sa possession, sa production, son transport, sa cession ou sa vente sont prohibés par le code de santé publique et le code pénal [1]. Cependant ce puissant psychotrope suscite toujours l’intérêt des chercheurs.

Peu avant sa mort, Albert Hofmann reconnaissait que sa découverte avait causé beaucoup de dommages en raison d’une utilisation détournée de sa découverte. Toutefois, il déclarait que grâce à ses travaux, des malades en fin de vie avaient vu leurs souffrances apaisées avec le LSD. Décédé à l’âge de 102 ans, Albert Hofmann conservera sa passion pour le LSD jusqu’à sa mort et fera son dernier trip à l’âge de 98 ans (Figure 2).

Déclaration de conflits d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Références :

1. Arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants (Code de la Santé Publique)

2. Nelson CC, Foltz RL. Chromatographic and mass spectrometric methods for determination of lysergic acid diethylamide (LSD) and metabolites in body fluids. J Chromatogr 1992;580:97-109.

3. Vincent F. Hallucinogènes. In: Kintz P. Toxicologie et pharmacologie médico-légales, Nancy : Elsevier ; 1998. p. 555-93.

4. Hofmann A. Voyage acide, naissance du LSD. Paris : Esprit Frappeur ; l970.

5. Smith DE, Seymour RB. Dream becomes nightmare: adverse reactions to LSD. J Psychoactive drugs 1985;17:297-303.

6. Hofmann A. LSD: My Problem Child : reflections on sacred drugs, mysticism, and science.

1st edition, Hardcover; McGraw-Hill Companies; 1980.

7. Keller U, Biosynthesis of Ergot Alkaloids. In: Ergot, The Genus Claviceps ; Kren V, Cvak L, Edition Harwood Academic Publ, 1999. pp. 95-164.

8. Kaplan SL. Le Pain Maudit: Retour sur la France des Années Oubliées, 1945–1958. Paris : Fayard ; 2008.

9. Albarelli H. A Terrible Mistake: The Murder of Frank Olson and the CIA's Secret Cold War Experiments ; TrineDay ; 2009.

10. Minghetti A, Crespi-Perellino A. The History of Ergot. In: Ergot, The Genus Claviceps ; Kren V, Cvak L, Edition Harwood Academic Publ, 1999. pp. 95-164.

11. Ghysel MH, Trotin F. Les substances hallucinogènes provenant de l'ergot de seigle et des volubilis. Ann Toxicol Anal. 2004;16:65-75.

12. Gordon T. Les armes secrètes de la C.I.A : Tortures, manipulations et armes chimiques.

Nouveau monde. Point ; 2007.

13. Beck F, Guignard R, Léon C, Richard JB. Atlas des usages de substances psychoactives 2010. Analyses régionales du Baromètre santé de l'Inpes. Saint-Denis : INPES. Etudes santé territoires ; 2013.

14. Cadet-Taïrou A, Gandilhon M, Martinez M, Néfau T. Substances illicites ou détournées : les tendances récentes (2013-2014). Tendances n° 96, OFDT ; 2014.

15. Guérin Y. Fabrication de LSD : le « chimiste » écroué. Ouest-France, Brest, 09 Avril 2013.

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16. Dyck E. Flashback: psychiatric experimentation with LSD in historical perspective. Can J Psychiatry 2005;50:381-8.

17. Sigafoos J, Green VA, Edrisinha C, Lancioni GE. Flashback to the 1960s: LSD in the treatment of autism. Dev Neurorehabil 2007;10:75-81.

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19. Liester MB. A Review of Lysergic Acid Diethylamide (LSD) in the Treatment of Addictions: Historical Perspectives and Future Prospects. Curr Drug Abuse Rev 2015; 7:146- 56.

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Figures :

Figure 1. Buvard de LSD à l’effigie d’Albert Hofmann (crédit thierry erhmann)

Figure 2. Albert Hofmann (1906-2008) (crédit strikerr)

Références

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