Progrèsenurologie(2014)24,925—928
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Prise en charge du prolapsus génito-urinaire
Management of genito-urinary prolapse L. Le Normand
Serviced’urologie,CHUdeNantes,44093Nantescedex01,France DisponiblesurInternetle6septembre2014
Résumé Leprolapsusgénito-urinaireestuneaffectionfréquentequin’estpastoujourssymp- tomatique.Seulslesprolapsusgênantsdoiventêtretraités.Letraitementestessentiellement chirurgical. Deuxvoiesd’abord peuvent êtreutilisées:la voieabdominale,le plussouvent cœlioscopiqueoulavoievaginale.Uneanalyserigoureusedudéfautanatomiqueetfonctionnel estnécessairepourindiquerletraitementleplusadapté.
©2014ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.
Summary Genito-urinaryprolapseisacommoncondition thatisnotalwayssymptomatic.
Onlybothersomeprolapseshouldbetreated.Thetreatmentisessentiallysurgical.Twosurgical approachescan be used:abdominal, usually laparoscopic orvaginal. A rigorous analysis of anatomicalandfunctionaldefectisnecessarytoindicatethemostappropriatetreatment.
©2014ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
Le prolapsusgénito-urinaire estune affectionfréquentedont laprévalence est très difficileàétablircorrectementcarelledépenddudegréduprolapsus,delagêneoccasion- née,dutypedeclassification,etc.Enmoyenne,18femmessur10000sontopéréesd’un prolapsusgénito-urinaire[1].Lacauseduprolapsusgénito-urinaireestplurifactorielle: grossesses,accouchements,facteursgénétiques,hyperpressionabdominale,antécédents dechirurgiepelvienne...
Adressee-mail:llenormand@chu-nantes.fr http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2014.07.011
1166-7087/©2014ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.
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Figure1. Lesdifférentstypesdeprolapsus.1:colpocèleanté- rieure:cystocèle;2:prolapsusutérin;3:colpocèlepostérieure: élytrocèle;lepéritoine(envert)vientfairehernieentrelaparoi postérieure du vagin et le rectum et peut contenir des anses intestinalesdel’épiploon,unovaire...;4:colpocèlepostérieure: rectocèle.
Description et définitions
Leprolapsusgénito-urinaireestuneherniedelaparoivagi- nale(colpocèle) dans lequel unou plusieurs éléments du contenuabdominalpeuts’introduire(Fig.1).Ondécritclas- siquementtroiscompartiments:
• colpocèleantérieurequicontientlavessie:onparlealors decystocèle;
• colpocèledel’étagemoyenquicorrespondàl’utérus(on parle alorsd’hystérocèle ou d’hystéroptose)oule fond vaginal(prolapsusdufondvaginal)silapatienteaeuune ablationdel’utérus;
• colpocèlepostérieurequipeutcontenirlerectum(recto- cèle)oulecul-de-sacpéritonéal(cul-de-sacdeDouglas) quivient s’insérerentrele vaginetle rectumavecson contenuabdominal:ansesintestinales,épiploon,etc.On parlealorsd’élytrocèle.Ilfautdifférencierlarectocèle (quiestunecolpocèlepostérieure)d’unprolapsusrectal quiestuneextériorisationdurectumautraversdel’anus.
Les colpocèles sont souvent associées et entrent en
«compétition»lesunesparrapportauxautres.
Quels sont les troubles liés au prolapsus
Beaucoup de prolapsus génito-urinaires n’occasionnent aucunegêne.C’estlorsd’unexamengynécologiquequele médecinvaconstaterl’anomalie.Iln’yaalorsaucunrisque àconserverunprolapsusnongênant.
Leplussouvent,lagêneestcaractériséeparunesensa- tiondeboule intra-vaginale,ouparlaconstatation d’une boulequis’extérioriseàlavulvelorsdelapousséeabdomi- nale.
Parfois, c’est une pesanteur dans le bas ventre qui s’accentue en fin de journée et qui diminue au repos quipeut être révélateur. Des troubles de la vidange sont
souvent associés: soit rectal avec une dyschésie ano- rectale qui est une difficulté à évacuer le contenu du rectum et qui peut parfois imposer un appui sur la paroi postérieure du vagin pour faciliter l’évacuationrectale; soitvésicalavecunedysurie quiestunjeturinairefaible avecnécessité depousseretl’impression demalvider sa vessie.
Certainssignessontrarementliésàunprolapsusgénito- urinaire commedes douleurs pelviennes importantes, des douleurslorsdesrapports(dyspareunie).
L’incontinenceurinairepeut être associéeàunprolap- sus,maisilseproduitaussisouventl’inverse,l’incontinence disparaissant avecl’extériorisation duprolapsusen raison del’effetpelote,c’est-à-direunecompressiondel’urèthre par la «boule», venant ainsi masquer l’incontinence (qui peut alors réapparaître si on traite le prolapsus). Tous lestypesd’incontinenceurinaire peuventêtreassociésau prolapsus: incontinence à l’effort par déficit des moyen de retenue(hypermobilité de l’urèthreet/ou insuffisance sphinctérienne)ouhyperactivitévésicaleavecdesfuitespar urgenturie(envied’urinersoudaineetirrépressible)ouune associationdesdeux.
Comment examiner un prolapsus
Ilestpréférabled’examinerlesfemmesavecunevessiecor- rectementrempliepourdépisteruneincontinenceurinaire àl’effortassociée,voireuneincontinencemasquéeparle prolapsus. L’examen se fait enposition gynécologique en demandantàlapatientedepousserverslepérinée,afinde constaterleprolapsusetsonimportance.Ensuite,unevalve vaginaleouunhémi-spéculumrefoulelaparoivaginalepos- térieureetlefondvaginalpourétudierl’étageantérieuret ainsidiagnostiquer unecystocèle etquantifierson impor- tance.Lavalverefouleensuitelaparoivaginaleantérieure etlefondvaginalpourévaluerlacolpocèlepostérieure.Un toucherbidigital(intra-rectaletintra-vaginal)permetpar- foisdedifférencieruneélytrocèled’unerectocèle(lesdeux pouvants’associer), enpercevant l’élytrocèles’interposer entrelesdeuxdoigtslorsdelapousséeabdominale.Ensuite, lespéculumcompletpermetd’identifierlecolutérinoule fond vaginal etapprécier sadescente lors d’un effort de poussée.Onpeutaussitirerdoucementsurlecolutérinavec unepincedePozzipourenapprécierlamobilité.Onpeut ainsidécrirele prolapsusenstadesetdeux classifications sontlepluscourammentutilisées(Fig.2):
• celledeBadenetWalker:
◦ stade1:intra-vaginal,
◦ stade2:affleurantlavulve,
◦ stade3:dépassantl’orificevulvaire,
◦ stade4:prolapsustotalementextériorisé;
• laclassificationPOPQquiémanedel’InternationalConti- nence Society qui définit des points intra-vaginaux au niveau des parois antérieure, moyenne et postérieure pourdécrireleprolapsus.Àpartirdecesrelevés,lepro- lapsusestégalementclassifiéenstadesassezvoisinsde laclassificationprécédente.
L’examens’attacheégalementàapprécierlatonicitédes musclespérinéauxetleurcommande.
Priseenchargeduprolapsusgénito-urinaire 927
Figure2. TroisstadesdeprolapsusselonlaclassificationdeBadenetWalker.A.Stade1.B.Stade2.C.Stade3.
Quels examens complémentaires peuvent être utiles
Si le prolapsus génito-urinaire n’est pas symptoma- tique, il n’est pas nécessaire de faire des investigations complémentaires.Silagêneoccasionnéejustifiedelecor- riger, lesexamens complémentaires doiventrépondreaux questionssuivantessil’examencliniquen’estpassuffisant:
• la correction du prolapsus risque t-elle d’aggraver une incontinence urinaire? Faut-il traiter le prolapsus et l’incontinence urinairedansle mêmetempsquele pro- lapsus.Unbilanurodynamique peut êtredemandépour préciserledysfonctionnementurinaireetainsiaideràla décisionthérapeutique;
• quelssontlesorganes impliquésdansleprolapsus?Une colpo-cysto-défécographie soit standard avec opacifica- tion vésicale,rectaleentérale etvaginale,soitpar IRM permetdevisualiserl’ensembledesorganesprolabéset ladynamiquepelviennelorsdelapousséeabdominaleet lorsdel’évacuationrectale;
• le traitement du prolapsus peut-il aggraver ou au contraire corriger un trouble de l’évacuation rectale? (dyschésieano-rectale,incontinencefécale).Unemano- métrieano-rectalepeutalorsêtreutilepourapprécierle fonctionnementrectaletsphinctérienanal;
• une hyperactivité vésicale (association d’urgenturie et demictionfréquentesvoired’incontinenceurinaire)n’a t-ellepasuneautrecausequeleprolapsus?Unexamen cytobactériologiquedesurinesàlarecherched’uneinfec- tionouunecystoscopieàlarecherched’unepathologie vésicaleestalorsutilepourrépondreàcettequestion;
• avantdecorrigerleprolapsus,est-onsûrqu’iln’existepas depathologieutérineassociée?Unfrottiscervico-vaginal etuneéchographiepelviennepermettrontalorsdes’en assurer.
Les traitements du prolapsus génito-urinaire
Il n’est indiqué qu’en cas de gêne fonctionnelle liée au prolapsus.
Le traitement non chirurgical
Il n’existe pas de traitement médical du prolapsus. On peut prescrire une hormonothérapie locale pour amélio- rer la throphicité des tissus vaginaux pour en diminuer l’irritationoupourprépareràlachirurgie.Lorsquelagêne estpeuimportante,larééducationpérinéo-sphinctérienne peutêtred’unapportnonnégligeable.Lapréventiond’une aggravationduprolapsuspasseparlalimitationdesefforts depousséeabdominale(portdechargeslourdes,touxchro- nique,constipations,sportsàrisques),letraitementd’une obésité.
La miseen placed’un pessaire peut être unesolution encasdecontre-indicationoudurefusd’uneintervention.
Ilpeutégalementêtreutilisétemporairementpourmimer l’effet d’une intervention chirurgicale et ainsi prédire le résultatfonctionnelnégatifoupositif.Ilenexisteplusieurs typesetformes(anneau,cubique...).Ilconvientdelenet- toyer régulièrement, mais pour cela doit être enlevé et remis.Soitlapatienteaétééduquéeàcegesteetyarrive, soitellepeutavoirrecoursàunmédecinouuneinfirmière forméeàcegeste.Lafréquencedecenettoyagevarieselon latolérance, le type depessaire et l’intensitédes secré- tions,d’une à plusieurs semaines.Ilse nettoieàl’eau et au savon et nécessite un gel lubrifiant pour faciliter son introduction.
Le traitement chirurgical
Ilpeutêtreréaliséparvoievaginaleouparvoieabdominale.
Sonobjectifestderepositionnerlesorganespelvienspour restaurernonseulementuneanatomienormalemaissurtout unefonctionnormaledesorganespelviensetunconfort.
Lachirurgieparvoievaginale
Lachirurgieautologueutiliselestissusdelapatientepour corrigerledéfautanatomique:
• àl’étageantérieur,lestissussontrenforcépardessutures enpaletot,pardesboursesouenutilisantdesligaments.
Des tissus de mauvaise qualité exposent au risque de récidive. La colpectomie (résection partielle du vagin) nesuffitpas(etest mêmeleplus souventinutile)pour
928 L.LeNormand corrigerledéfautanatomiqueetpeutêtresourcededys-
pareunie(rapportssexuelsdouloureux);
• les prolapsus de l’étage moyen peuvent être corrigés pardessuspensionsauligamentsacro-épineux(interven- tiondeRichter).Iln’estpasobligatoired’effectuerune hystérectomiepourcorrigerunehystéroptose(interven- tion de Richardson). L’indication est fonction de l’état de l’utérus,de l’âge dela patiente etde latechnique chirurgicaleutilisée;
• lesprolapsusdel’étagepostérieurcombinentlesinter- ventions précédentes avec une plicature du fascia pré-rectal avec éventuellement un rapprochement des musclesreleveursdel’anuspoursapartiebasse.
La chirurgie prothétique par voie vaginale a fait l’objetdenombreuses publicationsmaisaussidecritiques voire d’alertes [2] compte tenu d’un certain nombre de complicationsliéesàces prothèses.L’utilisationdematé- riau prothétique pour renforcer des tissus fragiles est logiqueetapourbutdediminuerlerisquederécidive.Ces prothèses sont d’ailleursassez voisines dece qui est uti- lisépourlescuresdehernies.Celaabienétémontréence quiconcernele résultatanatomique, maisl’estbeaucoup moinsencequiconcernelerésultatfonctionnel.Lerisque spécifiqueliéà l’utilisation deces prothèsesest l’érosion vaginale(de6à15%environ),derétractiondelaprothèse avecd’éventuellesséquellesdouloureuses.Ilestd’ailleurs nonrecommandé de les utiliser demanière systématique enpremièreintention[3]. Ils’agit detreillisparfois fixés pardesbraspassantdanslestrousobturésoufixésauliga- ment sacro-épineux. Des études sont encore nécessaires pouraméliorerlatoléranceetaffinerlesindicationsdeleur utilisation.
Lachirurgieparvoieabdominale
Ils’agit essentiellement de la promonto-fixation (Fig.3).
L’interventionconsisteà interposeruntreillis synthétique entrelevaginetlavessiepourcorrigerlacystocèleet/ou entrele rectumetle vaginpourcorriger la rectocèle.Ce treillisestfixéauligamentvertébralantérieursituédevant lepromontoire.Ainsi,cetreillisagitcommeunrefortliga- mentairevenants’opposerauprolapsus.
Classiquementeffectuéparlaparotomie,lacœlioscopie (robotiséeounon)estdevenuelatechniquedechoixpour effectuercetteintervention.
Lesgestesassociés
L’hystérectomie n’est pas systématique et n’est réalisée qu’encasdepathologieutérineassociée.
Une incontinence urinaire à l’effort peut être traitée dans le mêmetemps parmise enplaced’une bandelette sous-uréthrale(TVT, TOT).Parfois,ilest préférablede ne traiterl’incontinencequesiellepersisteaprèscorrectiondu prolapsusaprèsréévaluationcomplètesurleplanurinaire, maisenprévenantlapatientedurisquedepersistance ou d’aggravationdesfuites.
Soins postopératoires
Lachirurgieduprolapsusestdevenueunechirurgiemoins invasive qu’auparavant et permet un lever précoce et
Figure3. Promonto-fixation.Untreillissynthétique(schématisé enmauve)estfixéentrelevaginetlavessiepourcorrigerlacys- tocèleet/ouentrelerectumetlevaginpourcorrigerlarectocèle puisfixéausacrum.
unehospitalisation d’assezcourtedurée.Ilest nécessaire d’éviter les efforts de poussée abdominale dans les trois mois qui suivent l’intervention pour limiter le risque de récidive.
Déclaration d’intérêts
L’auteur déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relationaveccetarticle.
Références
[1]Lousquy R, Costa P, Delmas V, Haab F. État des lieux de l’épidémiologie des prolapsus génitaux. Prog Urol 2009;19:907—15.
[2]Food and Drug Administration, FDA. Surgical placement of mesh to repair pelvic organ prolapse poses risks. FDA SafetyCommunication:updateonseriouscomplicationsasso- ciated with transvaginal placement of surgical mesh for pelvic organ prolapse; 2011. www.fda.gov/MedicalDevices/
Safety/AlertsandNotices/ucm262435.htm
[3]DeffieuxX,SentilhesL,SavaryD,etal.Indicationsdelacuredu prolapsusgénital parvoie vaginaleavecprothèse: consensus d’experts du Collège national des gynécologues et obstétri- ciensfranc¸ais(CNGOF). JGynecolObstetBiol Reprod (Paris) 2013;42:628—38.