DOSSIER Treat to target
12 | La Lettre du Rhumatologue • N° 425 - octobre 2016
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En exergue Mots-clés
“Treat to target”
dans la spondyloarthrite
Treat to target in spondyloarthrosis
Daniel Wendling*
* Service de rhumatologie, CHRU, et université de Bourgogne Franche- Comté, Besançon.
» Le concept de “treat to target” est préconisé dans la spondyloarthrite ; la cible est la rémis- sion, avec la possibilité d’un schéma stratégique, mais son efficience n’est pas démontrée à ce jour.
Niveau d’activité inflammatoire de la maladie
Le niveau d’activité inflammatoire de la maladie est certainement l’élément le plus pertinent dans une maladie chronique. Différents outils cliniques sont disponibles : le BASDAI (Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index) a été le premier utilisé, avec des propriétés métrologiques correctes, mais également avec des limites (il est entièrement renseigné par le patient et ne comprend pas d’élément objectif).
La protéine C réactive (CRP) est le marqueur bio- logique proposé pour l’évaluation et le suivi de la maladie. Cependant, contrairement à d’autres situa- tions (polyarthrite rhumatoïde, notamment), la CRP est moins élevée et moins souvent positive (près de 50 % des SpA axiales peuvent avoir une activité clinique selon le BASDAI avec une CRP normale).
L’ASDAS (ASAS-endorsed Disease Activity Score)- CRP associe des éléments cliniques axiaux et péri- phériques et un élément biologique (CRP), avec des seuils permettant de classer les niveaux d’activité et l’ampleur de la réponse/amélioration.
Retentissement fonctionnel
Le retentissement fonctionnel peut représenter une autre cible, avec utilisation du BASFI (Bath Ankylo- sing Spondylitis Functional Index).
Évolution structurale
L’évolution structurale pourrait également servir de cible, mais, évaluée avec les outils actuels (mSASSS [modified Stoke Ankylosing Spondylitis Spinal Score]), elle se révèle lente et peu fréquente, et l’efficacité structurale des différents traitements (anti-inflam- matoires non stéroïdiens [AINS], anti-TNF) n’est pas formellement démontrée. Cette évolution est sous la dépendance de différents facteurs (présence Spondyloarthrite
Traitement ciblé Rémission
Underline
»Treat to target is proposed for spondyloarthritis; the target is remission, with a strategic scheme, but the efficacy of this strategy remains to be demonstrated.
Keywords
Spondyloarthrosis Targeted therapy Remission
L
a spondyloarthrite (SpA) est une maladie inflammatoire décrivant un polymorphisme, avec différents phénotypes (1) répartis en formes axiales et périphériques (arthrites et enthésites).Dans cette pathologie, le concept de “Treat to Target”
(T2T) est recommandé (2), mais, pour l’heure, il n’a pas reçu de confirmation par des évaluations pros- pectives.
Si, dans les formes périphériques, les données de la polyarthrite rhumatoïde ou du rhumatisme psoriasique peuvent être extrapolées, pour les formes axiales prédominantes, la situation est plus inédite.
Les recommandations concernant le T2T dans la SpA préconisent (2) : la cible majeure du traitement devrait être la rémission clinique/ maladie inactive de l’atteinte musculosquelettique (arthrite, dactylite, enthésite, atteinte axiale), prenant en compte les manifestations extra-articulaires. Cet état devrait être atteint en 3 à 6 mois puis maintenu tout au long de l’évolution de la maladie.
Quelle cible
pour la stratégie thérapeutique dans la SpA axiale ?
Différents éléments d’évolution (disposant d’outils d’évaluation) peuvent servir de cible pour une stra- tégie thérapeutique.
DOSSIER
Treat to target
La Lettre du Rhumatologue • N° 425 - octobre 2016 | 13
SpA axiale
* Anti-TNF ou sécukinumab.
Oui Non
Non
Non Oui
Oui Évaluation, objectifs : – classification/diagnostic – comorbidités – sévérité/pronostic
– Maintien du traitement – Surveillance – Adaptation des doses
Changement d’AINS (n ≥ 2) 1 mois
Ajout d’une biothérapie*
3 mois
Rotation de biothérapie*
AINS Cible atteinte
Cible atteinte
Cible atteinte
Figure. Proposition de stratégie thérapeutique en “treat to target” pour la spondylo- arthrite axiale.
initiale de syndesmophytes, tabagisme, CRP), mais également de l’activité inflammatoire globale de la maladie.
Éléments de morbidité
Les éléments de morbidité peuvent représenter des objectifs thérapeutiques dans certaines situations : réduction de la fréquence des uvéites, réduction du nombre de prothèses totales de hanche pour coxite, pour ne citer que 2 exemples. On voit bien, pour ce dernier cas, les limites, du fait de la rareté de l’évé- nement chez les patients vus actuellement et de la nécessité d’un suivi prolongé, rendant difficile l’éva- luation d’une adaptation ponctuelle d’un traitement.
Mortalité
La mortalité pourrait représenter le point d’évalua- tion ultime, dans la mesure où la SpA axiale est associée à une surmortalité, essentiellement d’ori- gine cardiovasculaire. Cette surmortalité est liée à l’activité inflammatoire de la maladie, à la CRP et au délai de prise en charge, suggérant la possibilité d’une fenêtre d’opportunité dans la SpA.
On voit donc que l’activité de la maladie représente un dénominateur commun aux différentes cibles évoquées. Quel est alors le niveau à atteindre ? Clai- rement, c’est la rémission, ou, à défaut, le faible niveau d’activité de la maladie. C’est ce qui est pré- conisé par les recommandations (2, 3).
Quelle définition de la rémission ?
Il n’y a actuellement pas de définition “officielle”
de la rémission (4), et, là aussi, il faut envisager les différents domaines des SpA (rhumatologiques et extra-articulaires). Différentes approches sont pos- sibles. Le concept de rémission peut se décliner pour les différentes dimensions de la maladie : clinique, inflammation biologique, inflammation en IRM, fonction, prévention des dommages structuraux, manifestations extra-articulaires ou associées.
ASAS
En 2001, le groupe ASAS (Assessment of Spondylo- Arthritis international Society) a proposé des outils
d’évaluation de la réponse thérapeutique permettant de quantifier la réponse à court terme à un traite- ment (calculée à partir de données issues d’études contrôlées d’AINS dans la SpA ankylosante). Dans ce travail, il a également été proposé une définition de la rémission partielle. Cette dernière est définie par une valeur ≤ 2 sur une échelle visuelle analogique (0-10) pour chacun des 4 domaines suivants :
➤ évaluation globale de l’activité par le patient ;
➤ douleur rachidienne ;
➤ fonction (BASFI) ;
➤ inflammation (moyenne des questions 5 et 6 du BASDAI).
Cette définition inclut un paramètre de fonction ; une fonction normale est plus difficile à retrouver dans les formes avancées de la maladie. Cela peut plaider en faveur d’un traitement précoce.
ASDAS
Le groupe ASAS a plus récemment élaboré un score composite d’activité de la SpA. Celui-ci intègre, avec des pondérations, différents items cliniques et d’éva- luation, ainsi que la CRP, dans une formule :
→ ASDASCRP = 0,121 × douleur axiale (Q2) + 0,073 × atteinte périphérique (Q3) + 0,058 × durée raideur matinale (Q6) + 0,110 × évaluation globale du patient + 0,579 × ln (CRP + 1).
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Références bibliographiques
“Treat to target” dans la spondyloarthrite
Des seuils d’activité ainsi que des niveaux de réponse thérapeutique ont été calculés à partir de données d’études randomisées. Une maladie inactive est ainsi définie par un score ASDAS-CRP inférieur à 1,3.
La rémission clinique est définie par l’absence de preuve clinique et biologique d’une activité inflam- matoire significative de la maladie (2) ; le niveau ASDAS-CRP de maladie inactive semble donc être un outil correct.
Stratégie thérapeutique
En utilisant comme cible la rémission ou le faible niveau d’activité, on peut proposer une stratégie par étapes jusqu’à l’obtention de l’objectif (figure, p. 13). Cela suppose une certaine hiérarchie (par exemple, les biomédicaments après les AINS)
et un suivi rapproché et adapté (l’évaluation globale de la réponse aux anti-TNF dans la SpA ne se fait pas avant 12 semaines).
Il faut ensuite envisager les modalités d’adaptation du traitement pour le maintien de l’état de rémission ou de faible activité.
Cela suppose aussi une définition simple et opéra- tionnelle de la poussée, dont la présence déclenche une adaptation (intensification) thérapeutique (5).
Si un tel schéma semble logique, il faut cependant souligner que, à l’heure actuelle, nous ne disposons pas de résultats démontrant formellement qu’une telle stratégie de T2T, avec adaptation potentielle à court terme, permet, à long terme, d’observer une réduction des conséquences de la maladie (retentis- sement fonctionnel, évolution structurale, morta- lité, maintien en activité professionnelle). De telles études restent à réaliser (6-8). ■ L’auteur déclare avoir
les liens d’intérêts suivants : – intérêts financiers : aucun ; – liens durables ou permanents : aucun ; – interventions ponctuelles :
AbbVie, BMS, MSD, Pfizer, Roche Chugai, Amgen, Nordic Pharma, UCB, Sobi Sanofi Aventis, Novartis, Janssen ; – intérêts indirects : AbbVie, Pfizer, Roche Chugai, MSD, UCB.
1. Wendling D, Claudepierre P, Prati C, Dougados M. Spondyloarthritis: A concept or a disease? Joint Bone Spine 2015;82(6):387-9.
2. Smolen JS, Braun J, Dougados M et al. Treating spondyloarthritis, including ankylosing spondylitis and psoriatic arthritis, to target: recommendations of an international task force. Ann Rheum Dis 2014;73(1):6-16.
3. Wendling D, Lukas C, Paccou J et al. Recommendations of the French Society for Rheu- matology (SFR) on the everyday management of patients with spondyloarthritis. Joint Bone Spine 2014;81(1):6-14.
4. Wendling D, Prati C. Remission in axial spondyloarthritis: The ultimate treatment goal?
Joint Bone Spine 2016;83(2):117-9.
5. Wendling D, Prati C. Flare in axial spondyloarthritis. The dark side of the outcome. Ann Rheum Dis 2016;75(6):950-1.
6. Miedany YE. Treat to target in spondyloarthritis: the time has come. Curr Rheumatol Rev 2015;10(2):87-93.
7. Wendling D, Prati C. Comment on “Treat-to-target in spondyloarthritis: implications for clinical trial designs”. Drugs 2014;74(14):1715-6.
8. Wendling D. Treating to target in axial spondyloarthritis: defining the target and the arrow. Expert Rev Clin Immunol 2015;11(6):691-3.
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