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Déchéance du terme du crédit pour déclaration inexacte : de la clause abusive à ses incidences sur le cautionnement

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Academic year: 2021

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Déchéance du terme du crédit pour déclaration

inexacte : de la clause abusive à ses incidences sur le

cautionnement

Manuella Bourassin, Myriam Roussille

To cite this version:

Manuella Bourassin, Myriam Roussille. Déchéance du terme du crédit pour déclaration inexacte : de la clause abusive à ses incidences sur le cautionnement. Gazette du Palais, Lextenso, 2019, 139 (07), p. 47. �hal-02466075�

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Manuella Bourassin, professeure agrégée à l'université Paris Nanterre, codirectrice du master Droit notarial, CEDCACE (EA 3457), Myriam Roussille, agrégée des facultés de droit, professeure à l'université du Mans, directrice de l'IEJ du Mans, IRJS Sorbonne-Affaires et Sorbonne-Finance

Déchéance du terme du crédit pour déclaration inexacte : de la

clause abusive à ses incidences sur le cautionnement

Dans un arrêt destiné à la publication au Bulletin, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la clause du contrat de crédit immobilier qui autorise la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas de déclaration inexacte de l’emprunteur, clause très fréquente en pratique, peut constituer une clause abusive. Elle censure une décision d’appel pour ne pas avoir relevé d’office le caractère abusif de la clause. L’affaire illustre, pour la première fois, les conséquences importantes d’une telle clause abusive sur le terrain du cautionnement : tenir en échec le recours subrogatoire de la caution solvens contre le débiteur principal.

Cass. 1re civ., 10 oct. 2018, no 17-20441, ECLI:FR:CCASS:2018:C100951, Mme X c/ Compagnie européenne de garanties et de caution, PB (cassation CA Papeete, 2 mars 2017), Mme Batut, prés. ; SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Yves et Blaise Capron, av.

Les clauses de déchéance du terme, qui sont très fréquemment insérées dans les contrats de crédit, comptent parmi les plus dangereuses pour les droits des emprunteurs. Elles sont susceptibles de mettre ces derniers en situation d’avoir à rembourser immédiatement les fonds prêtés et de devoir renoncer au projet financé. C’est pourquoi elles ont toujours fait l’objet d’une attention particulière, notamment sur le terrain des clauses abusives dès lors qu’elles concernent des crédits aux consommateurs.

Lorsque le remboursement du crédit est garanti par un cautionnement, ces clauses de déchéance du terme sont susceptibles d’être opposées à la caution et leur caractère abusif peut alors tenir en échec son recours subrogatoire contre l’emprunteur.

C’est ce que vient de reconnaître la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 octobre 2018, dont la publication souligne l'importance1.

En l’espèce, une caution professionnelle s’était engagée en 2011 à couvrir un prêt destiné à la construction d’une maison à usage de résidence principale. Le crédit immobilier prévoyait un déblocage des fonds échelonné sur présentation des factures de l’entrepreneur de travaux validées par l’emprunteur. Selon l’article 9 des conditions générales du contrat, « toutes les sommes dues en principal, intérêts et accessoires par l’emprunteur seront exigibles, si bon semble au prêteur, quinze jours après notification faite à l’emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception, et ce sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure ni d’aucune formalité judiciaire, dans l’un des cas suivants : a) en cas de déclaration inexacte de la part de l’emprunteur ou de la caution […] ». La banque,

considérant que son client lui avait transmis de fausses factures et avait ainsi procédé à une déclaration inexacte, s’est fondée sur cette clause pour lui notifier l’exigibilité anticipée de toutes les sommes dues au titre du prêt. L’emprunteur n’ayant pas les moyens de

rembourser la banque en une seule fois, l’organisme de cautionnement a payé à sa place, visiblement sans soulever de contestation2. La caution, subrogée dans les droits de la banque, a alors assigné l’emprunteur en paiement et obtenu gain de cause.

Saisie d’un pourvoi de l’emprunteur, la Cour de cassation casse l’arrêt pour violation de l’article L. 132-1 (devenu C. consom., art. L. 212-1) du Code de la consommation, le siège du régime des clauses abusives avant la refonte du Code en 20163. Elle retient en effet que le juge devait rechercher d’office « le caractère abusif de la clause autorisant la banque à

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exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas de déclaration inexacte de la part de l’emprunteur ».

La décision du 10 octobre 2018 mérite l’attention non seulement de ceux qui s’intéressent au régime procédural et substantiel des clauses abusives sur le terrain du droit de la

consommation4 (I), mais aussi des adeptes du cautionnement, car elle dévoile les effets d’une clause de déchéance du terme stipulée dans le contrat principal sur le paiement de la caution, et l’incidence du caractère abusif de ladite clause sur le recours en remboursement dirigé contre le débiteur (II).

I – Du caractère abusif de la clause de

déchéance du terme pour déclaration inexacte

Les clauses de déchéance du terme sont en pratique presque systématiques dans les contrats de crédit. Si elles répondent à la nécessité, pour les établissements bancaires, de pouvoir gérer le risque de crédit, de telles stipulations mettent dans le même temps

l’emprunteur dans une certaine précarité puisqu’elles peuvent, si leurs conditions de mise en œuvre sont remplies, lui imposer d’avoir à rembourser immédiatement les fonds prêtés. Ceci explique la défiance dont elles sont l’objet.

Ainsi, dès 2004, dans sa recommandation relative au prêt immobilier, la Commission des clauses abusives estimait que les clauses prévoyant une exigibilité par anticipation de plein droit étaient de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur5. Les magistrats sont régulièrement amenés à examiner ces clauses sous l’angle de la législation consumériste, soit parce que l’emprunteur le leur demande6, soit d’office7, puisque la CJUE impose au juge national d’examiner de lui-même les clauses des contrats de consommation8, là où le législateur français n’en faisait qu’une faculté9.

Ces derniers mois, la première chambre civile a été amenée à se prononcer à deux reprises sur des clauses de déchéance du terme présentes dans des contrats de crédit immobilier. Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 10 octobre 2018, le contrat prévoyait, comme il est usuel, que les fonds seraient débloqués en plusieurs fois sur présentation de factures

validées par l’emprunteur et indiquant la ou les prestations faites, au fur et à mesure de l’état d’avancement des travaux. Il indiquait par ailleurs que l’insincérité des factures présentées par l’emprunteur, de nature à constituer une déclaration inexacte, justifierait l’exigibilité anticipée des sommes prêtées. La haute cour censure les juges d’appel de ne pas avoir relevé d’office le caractère abusif de la clause et rappelle, ce faisant, les critères qui peuvent conduire à réputer non écrites les clauses de déchéance du terme.

Telle qu’elle était formulée, la clause de déchéance du terme faisait naître, en l’espèce, un déséquilibre significatif à plusieurs égards.

D’abord, et c’est le premier motif retenu par la Cour, parce qu’elle était « de nature à laisser croire que l’établissement de crédit dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l’importance de l’inexactitude de cette déclaration ». Lorsqu’elle est rédigée en termes généraux, une clause de déchéance du terme se différencie du mécanisme de la condition résolutoire (qui doit viser des évènements extérieurs à la volonté des parties) ; elle expose ainsi le consommateur à une décision unilatérale du prêteur qui peut aggraver de manière soudaine des conditions de remboursement et modifier complètement l’économie du contrat de prêt10.

Ensuite, second motif retenu par la Cour, la rédaction de la clause laissait croire « que l’emprunteur ne pouvait recourir au juge pour contester le bien-fondé de la déchéance du terme » et qu’il serait donc privé de toute possibilité de remettre en cause la décision de la banque. Or une telle ambivalence n’est pas acceptable. Ainsi que le recommandait la

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Commission des clauses abusives en 200411, ces clauses fallacieuses doivent être neutralisées. Que le consommateur puisse avoir conscience de la liberté de contester la décision de la banque en justice est en effet essentiel, puisque le juge est alors en mesure d’apprécier la gravité de la fausse déclaration préalable à l’octroi du crédit ou, comme en l’espèce, à la remise de fonds. Il peut alors, le cas échéant, refuser la déchéance du terme et ainsi condamner la banque à exécuter son engagement. Or, au fond, c’est bien la gravité du reproche qui peut être fait au consommateur qui importe, ainsi que l’a d’ailleurs retenu la CJUE en 201712.

Cet élément s’avère primordial, bien que la Cour de cassation ne l’ait pas mis en avant dans la décision. Les clauses de déchéance du terme autorisent le plus souvent la banque à résilier le contrat pour un motif autre que la défaillance13. Dès lors, les griefs invoqués peuvent être divers et variés, du défaut de souscription d’une assurance obligatoire au défaut de conformité d’un document, en passant, comme en l’espèce, par une déclaration inexacte. Des griefs qui ne relèvent pas toujours de la simple gestion du risque de crédit, en ce qu’ils ne mettent pas nécessairement en cause la capacité de l’emprunteur à honorer son obligation de remboursement.

Alors même que la clause de déchéance du terme n'est visée par aucun des textes

réglementaires présumant abusives certaines stipulations14, la première chambre civile se livre, depuis quelques années, à une véritable guerre contre ces stipulations. En matière de crédit à la consommation, elle a ainsi jugé dans un arrêt du 30 avril 2014 qu’une clause de déchéance permettant au prêteur d’exiger le remboursement anticipé du crédit sans

défaillance de l’emprunteur ne satisfait pas aux exigences légales de conformité au modèle-type de contrat (à l’époque visé par l’article L. 311-13 du Code de la consommation)15. Si la clause, dans l’espèce de 2014, autorisait la résiliation anticipée du crédit en cas

d’inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l’emprunteur, la Cour a par la suite généralisé la solution à toute clause prévoyant la résiliation anticipée de l’offre de crédit pour des motifs étrangers au contrat de crédit16.

Ces solutions rendues en matière de crédit à la consommation17 peuvent inspirer le raisonnement en matière de crédit immobilier, bien que l’importance des sommes prêtées pour financer des achats immobiliers rende sans doute plus sensibles les déclarations de l’emprunteur et les autres éléments susceptibles d’affecter l’appréciation de sa solvabilité. C’est pourquoi, si une clause prévoit le prononcé de la déchéance du terme seulement en cas de déclaration inexacte des emprunteurs sur des éléments essentiels ayant déterminé l’accord de la banque ou pouvant compromettre le remboursement du prêt, sans exclure néanmoins le recours au juge, la Cour de cassation a admis, dans une décision du 28 novembre 2018, qu’elle n’est pas sujette à critique18. La clause vise alors à prévenir un défaut d’exécution d’engagements essentiels par des emprunteurs qui ont manqué à l’obligation de loyauté lors de la formation du contrat, ce qui justifie la possibilité de résiliation.

Au fond, comme l'a souligné notre collègue Marc Mignot19, ces clauses érigent la

déchéance du terme en sanction, lorsqu’elles visent d’autres cas que le défaut de paiement des échéances. Or, même dans un cadre contractuel, la sanction ne peut être justifiée que si l’emprunteur a commis une faute (ce qui ne prête pas à discussion s’agissant d’une

déclaration inexacte qui viole le devoir de loyauté de l’emprunteur), mais surtout si elle est proportionnée à la gravité de cette faute (ce dont on peut parfois douter, s’agissant d’une simple déclaration).

C’est pourquoi les clauses de déchéance du terme pour déclaration inexacte sont, comme en l’espèce, susceptibles d’être déclarées abusives, ce qu’il appartient au juge d’apprécier de manière systématique, pour pouvoir le relever d’office. Ce type de clause étant répandu dans les contrats-types de la pratique bancaire (on pense au LMA, ISDA, FBF…), il n’est pas exclu qu’elles soient un jour plus fragilisées encore par l’examen du déséquilibre qu’elles font naître, puisque l’article 1171 du Code civil permet désormais aux professionnels de se saisir

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de cet argument pour contester des stipulations contractuelles, sous réserve d’établir leur caractère non négociable et leur inscription dans un contrat d’adhésion.

L’intérêt de l’arrêt n’est pas limité à l’appréciation du caractère abusif de la clause. Il se déploie aussi sur le terrain du cautionnement, car il peut conduire à priver la caution solvens de son recours subrogatoire contre l'emprunteur.

II – Opposabilité de la clause abusive à la

caution au stade de son recours subrogatoire

En l’espèce, le paiement immédiat de la caution a certainement résulté d’une clause du contrat de cautionnement lui rendant opposable la déchéance du terme frappant le débiteur principal. À défaut d’une telle clause, l’exigibilité anticipée de l’obligation garantie, qu’elle soit prévue par la loi20 ou par les parties, n’a pas d’incidence sur la situation des cautions

poursuivies, qui conservent le bénéfice du terme originaire. Ce principe, énoncé par la Cour de cassation depuis le XIXe siècle et désormais consacré par l’article 1305-5 du Code civil21, reçoit de solides justifications22 mais n’est pas impératif pour autant. La

jurisprudence valide ainsi les clauses qui étendent expressément à la caution la déchéance du terme de l’obligation principale23, et même celles déclarant opposables à la caution toutes les clauses et conditions du contrat garanti24.

L’affaire commentée illustre cette liberté contractuelle, l’appel en paiement de la caution dès la déchéance encourue par l’emprunteur n’ayant pas même été discuté. Il importe de

remarquer que les stipulations en cause du contrat de cautionnement ne devraient pas être éradiquées en application des textes qui sanctionnent les clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties25. En effet, les clauses qui rendent la déchéance du terme opposable à la caution se rapportent à l’obligation de règlement de celle-ci, autrement dit à l’objet principal du contrat. Or, les articles L. 212-1 du Code de la consommation (ancien article L. 132-1) et 1171 du Code civil interdisent de faire porter l'appréciation du caractère abusif d'une clause sur l'objet principal du contrat26.

Si l'ancien article L. 132-1 du Code de la consommation ne constitue pas un instrument de protection des cautions s’engageant à des fins non professionnelles et qu’elle occupe même une place infime dans le contentieux pourtant pléthorique relatif au cautionnement27, c’est aussi et surtout en raison du caractère unilatéral du contrat de sûreté, qui limite

considérablement les contrôles de l’équilibre entre les droits et obligations des parties28. Ce n’est pas à dire que la réglementation des clauses abusives n’a aucun rôle à jouer en

matière de cautionnement. L’arrêt commenté en atteste, qui autorise la paralysie du recours en remboursement de la caution solvens contre le débiteur en présence d’une clause abusive stipulée dans le contrat garanti.

L’apport de la décision en droit du cautionnement se fait jour à la lecture du déroulement de l’affaire – « la caution, subrogée dans les droits de la banque, a assigné l’emprunteur en paiement » – et du dispositif de l’arrêt critiqué par le pourvoi : la condamnation de

l’emprunteur à rembourser à la caution la somme payée par celle-ci à la banque. Il se déduit de la cassation que les juges du fond doivent relever d’office le caractère abusif des clauses du contrat garanti et rejeter le recours subrogatoire de la caution consécutif à un paiement fondé sur la mise en œuvre de la clause réputée non écrite.

La solution est parfaitement justifiée dès lors que la caution solvens demande

remboursement au débiteur principal par la voie de la subrogation personnelle légale29, qui transmet de plein droit à l’auteur du paiement la créance du subrogeant avec ses

accessoires, positifs (droits et actions) et négatifs (exceptions). Comme la caution subrogée exerce l’action même du créancier contre le débiteur, son recours peut achopper sur les

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moyens de défense que le débiteur aurait pu opposer au créancier, telle une exception inhérente à la dette. Le déséquilibre entre les droits et obligations des parties, qui caractérise une clause abusive, peut certainement recevoir cette qualification puisqu’il se rattache à l’acte générateur de la créance30, quand bien même il n’est pas sanctionné par la nullité du contrat en son entier31, mais par la seule suppression de la clause32. La protection du débiteur fondée sur le droit des clauses abusives n’est donc pas menacée par le transfert de la créance par voie de subrogation ; l’absence de toute référence à celle-ci dans les motifs de l’arrêt étudié souligne son indifférence et invite à étendre la solution à tout subrogé33. L’opposabilité à ce dernier du caractère abusif d’une clause inscrite dans le contrat unissant le débiteur et le subrogeant compromet sérieusement ses chances de remboursement. Le risque est d’autant plus grand que les juges doivent écarter d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

L’obstacle peut cependant être contourné par les cautions solvens. Il suffit pour cela qu’elles délaissent le recours subrogatoire au profit du recours personnel que leur ouvre l’article 2305 du Code civil. Alors même qu’une quittance subrogative aurait été dressée aux fins d’établir la réalité du paiement, le choix de cette action résultant de la relation juridique

qu’entretiennent la caution et le débiteur34 est admis par la Cour de cassation35. Le recours personnel présente plusieurs avantages par rapport au recours subrogatoire36, dont celui d’interdire au débiteur d’opposer à la caution les moyens de défense afférents au contrat garanti. Lorsque la probabilité est importante que celui-ci renferme une clause abusive (comme après une décision de la Haute juridiction aussi claire que celle commentée), la caution a donc tout intérêt à fonder son action récursoire sur l’article 2305 du Code civil, soit seul, soit aux côtés de l’article 230637.

En l’espèce, invoquer ces deux fondements devant la cour d’appel de renvoi éviterait à la caution de se voir opposer le caractère abusif de la clause de déchéance du terme de l’obligation principale ayant conduit à son paiement et lui permettrait de conserver le bénéfice des accessoires transmis par voie de subrogation, en l’occurrence une garantie hypothécaire consentie à la banque par l’emprunteur.

Ce dernier pourrait certes être tenté d’invoquer la déchéance des recours que l’article 2308, alinéa 2, du Code civil prévoit à l’encontre des cautions trop zélées, c’est-à-dire celles qui auront payé, sans être poursuivies par le créancier ni en avoir averti le débiteur et alors que celui-ci « aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ». Cependant, si les deux premières conditions ont des chances d’être réunies en présence d’une caution

professionnelle, la dernière devrait faire défaut, le moyen de défense tiré du caractère abusif d’une clause du prêt cautionné n’étant pas de nature à éteindre la dette principale. Cette exception ne devrait donc pas priver d’efficacité le recours personnel de la caution.

Notes de bas de page

1 – Pour d’autres commentaires de la décision : Gaz. Pal. 11 déc. 2018, n° 338a8, p. 38, obs. Piedelièvre S. ; LEDB déc. 2018, n° 111u7, p. 5, obs. Piedelièvre S. ; LEDB déc. 2018,

n° 111u0, p. 1, obs. Mignot M. ; Lasserre Capdeville J., « Clause abusive et clause de

déchéance du terme en matière de crédit immobilier », D. 2019, p. 57 ; Métais P. et Valette E., « Clause abusive et office du juge dans l’appréciation du caractère abusif dans le cadre d’un recours subrogatoire de la caution », JCP G 2018, n° 50, p. 2244 ; Mégret G., « Quand le recours de la caution se heurte (provisoirement…) à une clause abusive », AJ Contrat 2018, p. 542 ; Pellier J.-D., « Cautionnement et clauses abusives », Dalloz actualité, 25 oct. 2018.

2 – Cette diligence s’explique, de facto, par l’appartenance de la caution et de la banque au même groupe.

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3 – Refonte opérée par Ord. n° 2016-301, 14 mars 2016.

4 – Pour un commentaire centré sur le droit de la consommation, v. Métais P. et Valette E., « Clause abusive et office du juge dans l’appréciation du caractère abusif dans le cadre d’un recours subrogatoire de la caution », JCP G 2018, n° 50, p. 2244.

5 – Commission des clauses abusives, recomm. n° 04-03 : BOCCRF, 30 sept. 2004. V. plus largement sur le sujet, Poissonnier G., « Les clauses résolutoires abusives dans les contrats de crédit à la consommation », D. 2006, p. 370.

6 – Sur une clause d’exigibilité anticipée du crédit en cas de destruction du bien financé : CA Paris, 4-9, 14 nov. 2013, n° 12/18676, Sté Diac c/ M. O. : Gaz. Pal. 20 févr. 2014, n°

166d2, p. 16, note Piédelièvre S. – Sur une clause prévoyant l’exigibilité anticipée d’un crédit

à la consommation en cas de clôture du compte courant ouvert dans les livres de la banque prêteuse : CA Paris, 10 déc. 2015, n° 14/25505 : LPA 10 janv. 2017, n° 123h8, p. 7, obs. Lasserre Capdeville J.

7 – Sur le relevé d’office du caractère abusif de la clause, ses évolutions et implications, v. le commentaire de la décision par Métais P. et Valette E., « Clause abusive et office du juge dans l’appréciation du caractère abusif dans le cadre d’un recours subrogatoire de la caution », JCP G 2018, n° 50, p. 2244.

8 – CJCE, 4 juin 2009, n° C-243/08, Pannon GSM Zrt : Gaz. Pal. Rec. 2010, p. 421, obs. Piédelièvre S. ; D. 2009, p. 2312, note Poissonnier G. ; D. 2010, Pan., p. 169, obs. Fricero N. ; D. 2010, p. 797, obs. Poillot E. ; JCP G 2009, n° 42, p. 33, note Paisan G. ; JCP E 2009, n° 42, p. 26, note Raschel L. – Pour une réaffirmation récente, à propos des clauses dans les contrats de prêt en devises étrangères : CJUE, 20 sept. 2017, n° C-186/16 : Gaz. Pal. 5 déc.

2017, n° 307m0, p. 34, note Piédelièvre S. ; LEDB nov. 2017, n° 110x1, p. 1, obs. Lasserre

Capdeville J. – Pour une autre application récente, v. Cass. 1re civ., 12 sept. 2018, n°

17-17650, avant que la loi Hamon du 17 mars 2014 ne l’inscrive dans le Code de la

consommation (C. consom., art. L. 141-4 anc., al. 2 ; C. consom., art. R. 632-1 nouv., al. 2).

9 – C. consom., art. L. 141-4 anc., abrogé par Ord. n° 2016-301, 14 mars 2016 ; v. désormais C. consom., art. R. 632-1, al. 2.

10 – CA Paris, 5-6, 14 avr. 2016, n° 14/25646, SA Crédit du Nord c/ M. C. D.

11 – Commission des clauses abusives, recomm. n° 04-03 : BOCCRF, 30 sept. 2004 ; Commission des clauses abusives, recomm. n° 9 : « Recommande que soient éliminées des contrats de prêt immobilier les clauses ayant pour objet ou pour effet : (…) De laisser croire que le prêteur peut prononcer la déchéance du terme en cas d’inobservation d’une

quelconque obligation ou en cas de déclaration fausse ou inexacte relative à une demande de renseignements non essentiels à la conclusion du contrat, et sans que le consommateur puisse recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance ».

12 – CJUE, 26 janv. 2017, n° C-421/14, Banco Primus.

13 – Décidant que « le non-paiement des échéances du prêt n’est pas une inobservation mineure des obligations contractuelles laissées à l’appréciation discrétionnaire de la banque, mais constitue au contraire une cause essentielle et objective de déchéance du terme » : CA Rennes, 2e ch., 29 avr. 2016, n° 13/01292, M. C. c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine.

14 – Listes dites noire et grise, siégeant désormais aux articles R. 212-1 et R. 212-2 du Code de la consommation.

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15 –Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, n° 13-13641, D : LPA 1er août 2014, p. 11, obs. Lasserre Capdeville J.

16 –Cass. 1re civ., 17 juin 2015, n° 14-16602 : D. 2015, p. 1644, obs. Poissonnier G. ; RD

bancaire et fin. 2015, comm. 143, obs. Mathey N.

17 – Dans le même sens, la cour d’appel de Paris avait déjà déclaré abusive la clause qui permet au prêteur d’exiger de plein droit le remboursement anticipé « en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l’emprunteur dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur », sans que l’emprunteur ne soit défaillant dans le remboursement de son crédit : CA Paris, 5-6, 29 sept. 2016, n° 15/00071, M. G. et Mme H. c/ SA Crédit du nord.

18 –Cass. 1re civ., 28 nov. 2018, n° 17-21625, Caisse de Crédit mutuel d’Ozoir-la-Ferrière

c/ Mme A. veuve X et Mme X épouse Y, D.

19 –Cass. 1re civ., 28 nov. 2018, n° 17-21625, Caisse de Crédit mutuel d’Ozoir-la-Ferrière

c/ Mme A. veuve X et Mme X épouse Y, D.

20 – V. spéc. C. civ., art. 1305-4 nouv. (C. civ., art. 1188 anc.) et C. com., art. L. 643-1.

21 – Dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ayant réformé le régime général de l’obligation, cet article n’aurait pas dû s’appliquer aux cautions (le rapport au président de la République défend à tort la solution inverse), puisqu’il visait les seuls « coobligés, même solidaires », ce que ne sont pas les cautions. Cette lacune a été

opportunément réparée par la loi de ratification du 20 avril 2018 qui a conféré à l’ajout des cautions un caractère interprétatif autorisant son application rétroactive aux contrats conclus depuis le 1er octobre 2016.

22 – En particulier : la nature de la déchéance, qui est une sanction personnelle ; l’analyse dualiste de l’obligation (la déchéance du terme affecte le droit du créancier de poursuivre – Haftung – la caution, distinct de celui existant à l’encontre du débiteur principal, et non la dette – Schuld – qui est unique) ; la force obligatoire du contrat de cautionnement.

23 – V. not. Cass. 1re civ., 30 oct. 1984, n° 82-14062 : Bull. civ. I, n° 290 – Cass. com., 8

mars 1994, n° 92-11854 : Bull. civ. IV, n° 96 – Cass. 1re civ., 19 déc. 2006, n° 04-14487 :

Bull. civ. I, n° 556 – Cass. 1re civ., 27 juill. 2018, n° 17-17126.

24 –Cass. com., 11 juill. 1988, n° 86-11689 : Bull. civ. IV, n° 236.

25 –C. consom., art. L. 212-1 nouv. (C. consom., art. L. 132-1 anc.) ; C. civ., art. 1171.

26 – Des juges du fond ont déjà retenu cette exclusion pour refuser de déclarer abusive, sur le fondement de l'ancien article L. 132-1 du Code de la consommation, une clause rendant opposable à la caution la déchéance du terme de l'obligation garantie : CA Rennes, 18 mars 2011, n° 10/00755.

27 – À notre connaissance, aucun arrêt de la Cour de cassation n’a fait application, ni de l’article L. 132-1 (devenu C. consom., art. L. 212-1) du Code de la consommation, ni de l’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce, ni encore de l’ancien article 1131 du Code civil, pour neutraliser des clauses inscrites dans un contrat de cautionnement. Sous réserve d’un arrêt ayant déclaré inapplicable le premier texte cité en raison d’un « rapport direct [du cautionnement litigieux] avec l’activité professionnelle » de la caution (Cass. 2e civ., 19 févr.

2009, n° 08-15727), le contentieux des clauses abusives est même inexistant en cette

matière devant la haute juridiction.

28 – Sur la relative immunité du cautionnement face aux dispositifs de lutte contre les clauses abusives, dont celui inscrit dans le nouveau droit commun des contrats (C. civ., art.

(9)

1171), v. Bourassin M. et Brémond V., Droit des sûretés, 6e éd., 2018, Sirey, p. 237 et s. ; Albiges C., « La réforme du droit des contrats et la formation du contrat de cautionnement », AJ Contrat 2017, p. 248 ; Gouëzel A., « Sûretés et clauses abusives », RD bancaire et fin. 2017, n° 2, p. 31 ; Legeais D., « Incidences de la réforme du droit des contrats sur le droit des sûretés », RD bancaire et fin. 2016, comm. 72.

29 – Ce recours peut être fondé sur le texte du régime général des obligations régissant cette opération translative concomitante à un paiement (C. civ., art. 1346 ; C. civ., art. 1251, 3° anc.) ou sur la disposition propre au cautionnement (C. civ., art. 2306).

30 – Sur ce critère de qualification de l’exception inhérente à la dette, v. Julienne M., Le régime général des obligations après la réforme, 2017, LGDJ, p. 186.

31 –C. civ., art. 1184, al. 2.

32 – La qualification d’exception inhérente à la dette n’exige pas une disparition totale de celle-ci. Ainsi, l’article 1346-5, alinéa 3, du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016, illustre-t-il cette catégorie d’exceptions opposables au subrogé par des causes d’anéantissement dont le caractère partiel est admis par la loi (compensation de dettes connexes), voire par la jurisprudence ou la doctrine (nullité et résolution).

33 – Toute personne qui, « y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette »

(C. civ., art. 1346). Peu importe, notamment, que le subrogé ne soit pas un professionnel au

sens du Code de la consommation, puisque l’application de l’article L. 212-1 (C. consom., art. L. 132-1 anc.) dépendra de la qualité du créancier initial.

34 – Mandat exprès ou tacite, gestion d’affaires.

35 –Cass. 1re civ., 15 juin 2016, n° 15-18488, inédit ; Cass. 1re civ., 29 nov. 2017, n°

16-22820, inédit.

36 – Pour une comparaison, v. Bourassin M. et Brémond V., Droit des sûretés, 6e éd., 2018, Sirey, p. 331 et s.

37 – Cass. 1re civ., 29 nov. 2017, n° 16-22820, inédit : « Ces deux recours ne sont pas

exclusifs l’un de l’autre ».

Issu de Gazette du Palais – Année 139, n°07 - page 47 Date de parution : 19/02/2019

Réf : Gaz. Pal. 19 févr. 2019, n° 342g2, p. 47 Auteurs :

Manuella Bourassin, professeure agrégée à l'université Paris Nanterre, codirectrice du master Droit notarial, CEDCACE (EA 3457), Myriam Roussille, agrégée des facultés de droit, professeure à l'université du Mans, directrice de l'IEJ du Mans, IRJS Sorbonne-Affaires et Sorbonne-Finance

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