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Droit du travail à l épreuve de la crise sanitaire

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Academic year: 2022

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D O S SIER DOC UM E N TA I RE - É D I TI O N 2 020

Droit du travail à l’épreuve de la crise sanitaire

Ateliers et inscription

sur www.ateliersomnidroit.fr

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LES ATELIERS OMNIDROIT DALLOZ FORMATION 2020

Droit du travail à l'épreuve de la crise sanitaire

Intervenants

Maître Sybille GUSTIN Avocat, Cabinet Fromont Briens

M Christophe RADÉ

Professeur à l’Université de Bordeaux

DOSSIER DOCUMENTAIRE

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Présentation :

Objectif :

L’atelier permettra de faire le point sur les dispositions adoptées par le Gouvernement dans le cadre des mesures d’urgences. Les questions liées à l’impact de la crise sur le droit du travail seront également abordées, s’agissant notamment du sort des contrats de travail, de l’obligation de sécurité des employeurs, des règles en matière de durée du travail, d’information et de consultation du CSE, etc.

Points clés :

• Covid-19

• Mesures d’urgence

• Durée du travail

• Obligation de sécurité

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20h. Ajoutez-le à vos options en composant votre parcous de formation sur-mesure.

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SOMMAIRE

Table des matières

Coronavirus : volet social du projet de loi d'urgence sanitaire, Projet de loi

« d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 », 19 mars 2020 -

Caroline Dechristé - Dalloz actualité 21 mars 2020 ... 5

Coronavirus : mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos - Caroline Dechristé - Dalloz actualité 26 mars 2020 ... 8

Je te promets... le vent, Patrice Adam, Professeur à l'université de Lorraine - Droit social 2020 ... 9

Le droit du travail face au Covid-19 : adaptation ou menace ? Yann Leroy, Agrégé des facultés de droit - Professeur à l'université de Haute-Alsace - Membre du CERDACC - Droit social 2020 ... 10

I. - Un effort limité ? ... 11

II. - Un effort partagé ? ... 12

La liberté (des salariés) à l'épreuve de la pandémie, Patrice Adam, Professeur à l'université de Lorraine - Droit social 2020 ... 14

I. - Sécurité vs liberté(s) ... 15

II. - La liberté, le travail et l'entreprise ... 16

A - La liberté et le masque ... 17

B - La liberté et la transparence ... 18

Covid-19 et égalité, Marie Peyronnet, Maîtresse de conférences à l'université de Tours, IRJI - Droit social 2020 ... 22

I. - Des inégalités difficilement saisissables par les mécanismes juridiques actuels ... 23

II. - L'innovation juridique face aux inégalités systémiques ... 24

I. - En droit, quelles conditions doivent être réunies pour que le salarié puisse se retirer légalement d'une situation de travail ? ... 28

II. - L'existence d'une pandémie à coronavirus constitue-t-elle un motif raisonnable de penser que l'on encourt un danger pour sa vie ? ... 29

1. Tout d'abord, l'employeur s'est-il conformé à ses obligations en matière de prévention du ou des risques associés à une pandémie à coronavirus ? ... 29

Covid-19 et force majeure, Christophe Radé, Professeur à la faculté de droit de l'université de Bordeaux - Droit social 2020 ... 33

I. - L'ombre de la force majeure ... 34

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II. - La menace du Covid-19 ... 35

Le licenciement pour motif économique et la crise sanitaire, Julien Icard, Professeur à l'université polytechnique Hauts-de-France - Droit social 2020 ... 38

I. - Motif de licenciement et crise sanitaire ... 39

II. - Procédure de licenciement et crise sanitaire ... 41

Covid-19 et télétravail, Benoît Géniaut, Maître de conférences HDR à l'université de Bourgogne Franche-Comté, CRJFC EA 3225 - Droit social 2020 ... 43

I. - La promotion du télétravail comme projet organisationnel ... 44

A - Le télétravail dans la direction économique de l'entreprise ... 44

B - Le télétravail dans la direction des personnes ... 45

II. - La considération du télétravail comme projet de vie ... 46

A - Les faiblesses du « droit au télétravail » ... 46

B - La fragile « obligation de mise en télétravail » ... 46

Les trois âges de l'activité partielle, Raphaël Dalmasso, Maître de conférences à l'université de Lorraine, membre de l'IFG - Droit social 2020 ... 48

I. - L'enfance : l'alternative au chômage total ... 48

A - Une naissance dans l'ombre du chômage total ... 48

B - Une émancipation vers de nouveaux motifs d'ordre économique ... 49

II. - L'âge adulte : l'alternative affirmée au licenciement économique ... 49

A - L'adossement étroit au droit du licenciement économique ... 49

B - 1993 et 2008 : législations de crise et dans l'urgence ... 50

III. - Le troisième âge : l'impérative protection des employeurs ... 51

A - Un élargissement des employeurs et des salariés susceptibles d'être concernés . 51 B - Un soutien financier inédit ... 51

C - Un contrôle simplifié ... 51

De temps... en temps, Timothée Kahn Dit Cohen, Responsable juridique et vacataire à l'université de Lorraine - Droit social 2020 ... 54

I. - Le temps de l'économie ... 55

A - Le temps du confinement ... 55

B - Le temps de la reprise ... 56

II. - Le temps de la santé ... 57

A - La santé physique ou mentale des salariés ... 57

B - Le rôle du comité social et économique ... 58

Reprise de l'activité : l'heure de la négociation d'entreprise a sonné ! Élodie Pastor, Séverine Artieres Avocats au sein du cabinet Barthélémy Avocats - Docteur en droit - Droit social 2020 ... 60

I. - Des mesures sanitaires discutées ... 60

A - La réévaluation des risques professionnels... 61

B - L'association de la médecine du travail et des représentants du personnel ... 61

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II. - Des conditions de reprise négociées ... 62

A - Les mesures de gestion de variations d'activité ... 62 B - Vers une refonte profonde des conditions de travail ? ... 63

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Coronavirus : volet social du projet de loi d'urgence sanitaire, Projet de loi « d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19

», 19 mars 2020 - Caroline Dechristé - Dalloz actualité 21 mars 2020

Résumé

Le projet de loi « d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 » autorise le gouvernement à prendre par ordonnance toute une série de mesures provisoires en matière notamment de bénéfice de l'activité partielle, de conditions d'acquisition et de prise de congés payés, de repos, d'intéressement et de participation, du suivi de santé des salariés ou encore de modalités d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel.

Examiné selon la procédure accélérée les 19 et 20 mars, le projet de loi « d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 » détermine en son titre III intitulé les « mesures d'urgence économique et d'adaptation à la lutte contre l'épidémie de covid-19 », les champs pour lesquels le gouvernement va pouvoir procéder par ordonnance, dans un délai de trois mois après la publication de la loi.

Ainsi, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le gouvernement pourra prendre par ordonnance

« toute mesure, conforme au droit de l'Union européenne, relevant du domaine de la loi » pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales et, notamment, « pour limiter les cessations d'activités d'entreprises, quel qu'en soit le statut, et les licenciements ».

Ce texte encadre toute une série de mesures provisoires annoncées en matière de droit du travail, de la sécurité sociale en matière notamment de bénéfice de l'activité partielle, de conditions d'acquisition et de prise de congés payés, de repos, d'intéressement et de participation, du suivi de santé des salariés ou encore de modalités d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel.

Le Syndicat des avocats de France (SAF) a d'ores et déjà manifesté à travers une lettre ouverte à la ministre du travail son inquiétude quant aux domaines faisant l'objet de ce texte d'urgence qui permet d'envisager des « dérogations à des règles jusqu'à présent considérées comme d'ordre public ». Le SAF souligne qu'il n'est pas question que « des réformes puissent être décidées dans l'urgence avec des effets au-delà de la période exceptionnelle du confinement ».

Extension du recours à l'activité partielle

Afin de limiter les ruptures des contrats de travail, le gouvernement pourra, selon le projet de loi d'urgence, prendre toute mesure pour renforcer le recours à l'activité partielle, notamment en :

• l'étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, le dispositif d'activité partielle pourrait notamment être ouvert, selon l'exposé des motifs du projet de loi, aux travailleurs à domicile ou aux assistants maternels qui n'y ont pas accès jusqu'à présent ;

• réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l'employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en œuvre ;

• favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle pendant la baisse d'activité induite par la crise sanitaire ;

• prévoyant une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel.

Congés payés

Le texte permet également au gouvernement de prendre par ordonnances des dispositions destinées à modifier les conditions d'acquisition de congés payés et de permettre à l'employeur d'imposer ou modifier unilatéralement au salarié les dates de prise d'une partie des congés payés, des jours de réduction du temps de travail ou des jours de repos affectés sur un compte épargne-temps du salarié en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités de prise applicables.

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L'employeur pourra ainsi imposer au salarié la prise de congés payés pendant toute la période d'état d'urgence sanitaire.

Aujourd'hui, aux termes de l'article L. 3141-16 du code du travail, l'employeur définit, après avis, le cas échéant, du comité social et économique, la période de prise des congés et l'ordre des départs. Et il ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l'ordre et les dates de départ moins d'un mois avant la date de départ prévue. L'objectif du texte serait donc de réduire ce délai de prévenance. Présenté comme un « effort raisonnable

» demandé au salarié alors que l'État « met en place un plan exceptionnel pour sauver l'emploi et éviter les licenciements », l'article 7 du projet de loi autorise ainsi le gouvernement à permettre à l'employeur de fixer une partie des congés pendant la période de confinement. Un amendement du Sénat - adopté en commission des lois - a toutefois précisé que cette possibilité ne saurait porter sur plus de six jours ouvrables

L'habilitation permet aussi au gouvernement de modifier les conditions d'acquisition de congés payés. Il est possible d'envisager que cette mesure est destinée à modifier provisoirement l'assimilation à du temps de travail effectif des périodes de chômage partiel (C. trav., art. R. 5122-11) ; les périodes d'activité partielle pendant la durée du confinement n'ouvriraient pas droit à congés payés.

Durée du travail et repos

À l'inverse, une fois les ordonnances adoptées, les entreprises qui doivent faire face à un surcroît exceptionnel d'activité pourront déroger de droit aux règles d'ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical.

L'article 17 du projet de loi autorise en effet le gouvernement à « permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger de droit aux règles d'ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ». Reste à préciser la notion d'activités essentielles.

Comme il est toutefois précisé dans l'étude d'impact – et rappelé dans l'avis du Conseil d'État –, les mesures prises devront être articulées dans le respect des normes du droit international et du droit de l'Union européenne.

En ce qui concerne les questions de dérogations aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical, ainsi que les conditions d'acquisition des congés payés et d'utilisation du compte épargne – temps du salarié, le Conseil d'État rappelle qu'il ressort de la jurisprudence constitutionnelle que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » (décis. n° 2007-556 DC, 16 août 2007, consid 17). Le Conseil d'État rappelle en outre que le gouvernement devra également veiller à ce que les dérogations envisagées à la durée du travail respectent les dispositions de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. Cette directive imposant aux États membres de l'Union européenne de garantir à tous les travailleurs une durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours ne devant pas dépasser quarante-huit heures, heures supplémentaires comprises et droit à un congé annuel payé d'au moins quatre semaines.

Vie collective de l'entreprise

L'exposé des motifs de la loi indique que le recours massif au télétravail ou au travail à distance associé à un fort taux d'absentéisme peut rendre difficile l'application des procédures d'information-consultation du comité social et économique (CSE). Aussi, le projet de loi autorise le gouvernement à modifier provisoirement les modalités d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique pour leur permettre d'émettre les avis requis dans les délais impartis. Aujourd'hui, aux termes de l'article L. 2315-4 du code du travail, le recours à la visioconférence pour réunir le comité social et économique peut être autorisé par accord entre l'employeur et les membres élus de la délégation du personnel du comité. En l'absence d'accord, ce recours est limité à trois réunions par année civile. L'objectif du projet de loi d'urgence serait de permettre l'adoption des mesures visant à faciliter le recours à une consultation dématérialisée de l'instance.

S'agissant de la vie syndicale, il est relevé que, compte tenu de la crise sanitaire, l'organisation du scrutin auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés – et qui permet la désignation des conseillers prud'hommes ainsi que des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles –, prévu le 23 novembre et 6 décembre prochain, pourrait être impactée. Le dépôt des candidatures syndicales étant en cours, la constitution et la fiabilisation de la liste électorale pourraient être affectées. Le maintien du calendrier électoral ferait peser un risque sur la bonne organisation du scrutin, aussi le projet de loi d'urgence prévoit la possibilité d'adapter

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l'organisation de cette élection, en modifiant si nécessaire la définition du corps électoral, et, en conséquence, proroger, à titre exceptionnel, la durée des mandats des conseillers prud'hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles.

Intéressement et participation

S'agissant de l'intéressement et de la participation, le gouvernement pourra prendre toute mesure pour modifier les dates limites et les modalités de versement des sommes au titre de ces dispositifs. En effet, aux termes des articles L. 3314-9 pour l'intéressement et L. 3324-12 pour la participation, les sommes issues de la participation et de l'intéressement doivent être versées avant le 1er jour du sixième mois suivant la clôture de l'exercice de l'entreprise (soit le 31 mai lorsque l'exercice correspond à l'année civile). Ces délais légaux pourront donc être assouplis afin – selon l'étude d'impact – de permettre aux établissements teneurs de compte de ne pas être pénalisés par les mesures prises dans le cadre de l'épidémie.

Suivi de l'état de santé des travailleurs

Est également envisagée la possibilité d'aménager les modalités de l'exercice par les services de santé au travail de leurs missions et notamment du suivi de l'état de santé des travailleurs et de définir les règles selon lesquelles le suivi de l'état de santé est assuré pour les travailleurs qui n'ont pu, en raison de l'épidémie, bénéficier du suivi prévu par le code du travail.

Une instruction du ministère du travail anticipait déjà sur cette disposition et présentait une instruction le 17 mars 2020 destinée à adapter le fonctionnement des services de santé au travail pendant la période de confinement.

Ainsi, il est indiqué que toutes les visites et toutes les actions en milieu de travail peuvent en principe être reportées sauf si le médecin du travail « estime qu'elles sont indispensables ». Dans cette optique, et si cela est possible, il est conseillé de privilégier la téléconsultation. En revanche, les visites autres que périodiques concernant les salariés exerçant une activité nécessaire à la vie de la nation doivent être maintenues. Enfin, priorité doit être donnée aux services de santé de relayer activement les messages de prévention et d'assurer une permanence téléphonique de conseils aux employeurs et salariés.

Formation professionnelle

S'agissant de la formation et de l'apprentissage, le gouvernement sera habilité à adapter les dispositions afin de permettre aux employeurs, aux organismes de formation et aux opérateurs de satisfaire aux obligations légales en matière de qualité et d'enregistrement des certifications et habilitations, de versement de contributions. Selon l'exposé des motifs, l'ordonnance permettra d'aménager les conditions de versement des contributions dues au titre du financement de la formation professionnelle, en cohérence avec les dispositions qui seront prises en matière fiscale et sociale. De même, France compétences devrait disposer d'un délai supplémentaire afin d'enregistrer les certifications dans le répertoire spécifique, notamment celles dont l'enregistrement arrive à échéance dans les prochains mois. Des dispositions devraient également permettre d'adapter les conditions de prise en charge des coûts de formation, des rémunérations et cotisations sociales des stagiaires de la formation professionnelle.

S'agissant des coûts de formation, l'exposé des motifs indique qu'une ordonnance devrait permettre de simplifier les modalités de prise en charge en privilégiant une logique forfaitaire, plus simple à mettre en œuvre. Enfin, précise l'exposé des motifs, l'ordonnance permettra de prendre les dispositions nécessaires afin d'éviter les ruptures dans la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle.

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Coronavirus : mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos - Caroline Dechristé - Dalloz actualité 26 mars 2020

Résumé

Sur les 25 ordonnances présentées au Conseil des ministres du 25 mars, trois concernent le champ du droit du travail. L'une des trois offre à l'employeur la faculté de s'affranchir des règles de droit commun en matière de temps et durée du travail.

Prise en application de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, l'ordonnance portant mesure d'urgence en matière de congés et de durée du travail précise les conditions et limites dans lesquelles un accord d'entreprise ou de branche autorisera l'employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d'une partie des congés payés, ainsi que les modalités permettant à l'employeur d'imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié. Elle prévoit également des dérogations en matière de durée du travail et des dérogations en matière de repos hebdomadaire et dominical pour permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles actuellement en vigueur.

S'agissant des congés payés l'ordonnance permet à l'employeur – pendant toute la période d'état d'urgence sanitaire – d'imposer ou, au contraire, de modifier les congés payés de ses salariés, pour des périodes ne pouvant excéder six jours ouvrables. Cette faculté est toutefois subordonnée à la conclusion d'un accord d'entreprise ou de branche.

Aujourd'hui, aux termes de l'article L. 3141-16 du code du travail, l'employeur définit, après avis, le cas échéant, du comité social et économique, la période de prise des congés et l'ordre des départs. Et il ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l'ordre et les dates de départ moins d'un mois avant la date de départ prévue.

Les dispositions de l'ordonnance permettent donc à un accord collectif de branche ou d'entreprise d'autoriser l'employeur d'imposer à ses salariés de prendre six jours ouvrables de congés payés pendant la période de confinement ou de modifier les dates d'un congé déjà posé, dans la limite de six jours ouvrables, sans avoir à respecter le délai de prévenance d'un mois (ou le délai prévu par un accord collectif). Ce délai ne peut toutefois pas être inférieur à « un jour franc » (Ord., art. 1er).

Cette possibilité d'imposer les jours de congés payés concernent les congés acquis à prendre avant le 31 mai mais également ceux, acquis, mais à prendre avant l'ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris (soit, à compter du 1er juin) ; toujours dans la limite de six jours ouvrables.

En outre, sous réserve d'un accord de branche ou d'entreprise le prévoyant, l'employeur peut fractionner les congés sans être tenu de recueillir l'accord du salarié. Il n'est pas non plus tenu d'accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans son entreprise, comme l'exige en principe l'article L. 3141-14 du code du travail.

S'agissant des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos dans le cadre d'une convention de forfait et des jours de repos affectés sur un compte épargne-temps du salarié, leur prise peut être imposée ou modifiée unilatéralement par l'employeur, sans qu'un accord collectif soit nécessaire, toujours sous réserve d'un délai de prévenance minimal d'un jour franc. Le nombre total de jours de repos dont l'employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date ne peut être supérieur à dix.

En matière de dérogation à la durée du travail, l'objet est de permettre aux employeurs relevant de secteurs d'activités « particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale

» de déroger aux règles du code du travail et aux règles conventionnelles sur la durée du travail, le repos hebdomadaire et le repos dominical.

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Les heures supplémentaires sont donc autorisées, au-delà des règles habituellement fixées et les règles du repos hebdomadaire et dominical pourront donc être contournées, de manière temporaire.

Dans les secteurs considérés comme « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale » l'ordonnance prévoit la mise en place des dérogations en matière de durée de travail hebdomadaire. Un décret à paraître très prochainement listera les secteurs dans lesquels le temps de travail des salariés peut augmenter temporairement pour faire face à la situation exceptionnelle. Il devrait s'agir notamment des secteurs de l'énergie, des télécoms, de la logistique, des transports, de l'agriculture, ou encore de la filière agro-alimentaire.

Les dérogations admises sont les suivantes :

• passage de 44 à 46 heures pour la durée de travail hebdomadaire autorisée sur une période de douze semaines consécutives ;

• passage de 48 à 60 heures pour le temps de travail autorisé sur une même semaine ;

• autorisation du travail le dimanche ;

• baisse du temps de repos compensateur entre deux journées de travail de 11 à 9 heures.

L'article 6 de l'ordonnance précise en outre que l'employeur qui use d'au moins une de ces dérogations en informe sans délai et par tout moyen le comité social et économique ainsi que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

Je te promets... le vent, Patrice Adam, Professeur à l'université de Lorraine - Droit social 2020

Quelles leçons retiendra-t-on de la crise sanitaire quant au sort de ces travailleurs de seconde ligne (éboueurs, hôtes de caisse, chauffeurs routiers, manutentionnaires...) au salaire si bas et à la reconnaissance si faible ? Ceux qui, retirés en leur demeure, ont bénéficié de leurs services, l'ont répété mille fois : la société n'a tenu que grâce à ces travailleurs autrefois invisibles et devenus, en temps de tourmente, si remarqués ; si remarquables. La main (hydro-alcoolisée) sur le coeur, on chantait leurs louanges. C'est que dans une société où le mérite ne cesse d'être valorisé, ceux-là n'en ont pas manqué. Symboles de courage et de résilience, demain, pour eux, devait être différent d'hier. Nous avions une dette à leur égard ; restait seulement à savoir comment l'honorer. Mais nul doute qu'elle devrait être payée. Et vite. Revaloriser ces métiers si peu considérés, voilà la mission à laquelle il convenait donc de s'atteler une fois la menace virale éloignée. Exigence d'autant plus forte que la crise sanitaire éclairait par ailleurs, d'une lumière crue(lle), les inégalités sociales qui rongent notre pays (conditions de transports, de logement, d'accès à une nourriture saine et variée...). « Il nous faudra nous rappeler que notre pays, aujourd'hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal », déclarait le président de la République le 14 avril 2020. Et de citer, non sans emphase, l'article 1er de la Déclaration de 1789 : « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ». Ces mots portaient le souffle du changement. Las ; ils n'auront été que du vent. Sans grande surprise, libérés de la peur, les Hommes abandonnent facilement les engagements pris sous son emprise. Les remerciements d'hier ont vite cédé la place aux caprices de toujours, la reconnaissance à l'impatience, l'admiration à la condescendance. Ces métiers de seconde ligne sont rapidement redevenus des activités de seconde zone... toujours aussi mal rémunérés et bien peu considérés (on pinaille même sur une reconnaissance automatique de leur possible infection Covid-19 en maladie professionnelle...

réservée aux soignants). C'est qu'ayant retrouvé l'indomptable courage des gens qui ne risquent rien, les grands gagnants de nos économies financiarisées ne pensent qu'à relancer la machine pour compenser leurs pertes et retrouver leurs gains. Sans rien changer. Ou si peu. Et à ceux-là même qui ont mis leur vie - et celle de leur famille - en danger, on demande encore de faire des efforts (augmenter leur temps de travail, déplacer des jours de congé payé, accepter un gel des salaires). Pour le bien commun. Pour l'emploi ! C'est que l'absence d'emploi, assène-t- on sans répit, tue (socialement) plus sûrement que n'importe quel coronavirus. Et s'ils rechignent à faire les sacrifices que l'on exige d'eux - et que les dispositions temporaires du droit du travail, malléable outil des politiques de crise, rendent possibles -, alors on les désignera, sans remords, à la vindicte publique. De leur dévouement passé, nul s'en doute ne se souviendra. Dans nos sociétés, les Hommes ont abandonné leur mémoire à des ordinateurs. Il ne faut pas alors s'étonner qu'à peine sauvé de la noyade, le premier réflexe du naufragé est de jeter à l'eau son sauveur. Il n'en sera que plus à l'aise sur sa frêle embarcation. Et déjà, le vent, dans ses voiles, emporte très loin le souvenir du dévouement de celui à qui il doit la vie. Sauve-moi et je te promets le vent.

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(1) Le présent dossier retranscrit la majeure partie des interventions du colloque virtuel « Droit social & Covid-19

» organisé le 16 avril 2020 par P. Adam, R. Dalmasso, Y. Leroy, K. Meiffret Delsanto et T. Kahn Dit Cohen et disponible en ligne (http://ifg.univ-lorraine.fr/manifestations/autre/droit-social-covid-19).

Le droit du travail face au Covid-19 : adaptation ou menace ? Yann Leroy, Agrégé des facultés de droit - Professeur à l'université de Haute-Alsace - Membre du CERDACC - Droit social 2020

L'essentiel

Pour faire face à l'épidémie de coronavirus, le gouvernement a adapté plusieurs domaines du droit du travail afin d'amortir les conséquences du confinement et de l'inactivité qui en résulte pour certaines entreprises et de permettre, au contraire, à d'autres de poursuivre leur activité dans ce contexte exceptionnel. Cette adaptation risque, toutefois, dans une certaine mesure, de se muer en menace pour les droits des salariés à qui l'on demande un effort qui ne peut se justifier que s'il reste temporaire, limité et partagé.

1. À l'image des premiers mois du quinquennat, le gouvernement réécrit le code du travail en recourant à des ordonnances. Les modifications n'ont certes pas la même ampleur qu'en septembre 2017, mais plusieurs domaines sont toutefois concernés : temps de travail, activité partielle, suspension du contrat de travail, droits pour les demandeurs d'emploi, comité social et économique (CSE)... Quant à l'objectif, il n'est assurément pas le même puisqu'il s'agit aujourd'hui de limiter l'impact de la crise sanitaire causée par le coronavirus. L'idée est, pour reprendre les mots du gouvernement, de « concilier l'impératif absolu de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et la nécessaire préservation de la continuité de notre activité économique et sociale, cruciale pour surmonter dans la durée la crise que nous traversons ».

2. Sans entrer dans les détails relatifs à chacun des domaines impactés (1), je voulais livrer mes réflexions sur le sens, sur les raisons de ces modifications. A priori, la réponse à cette interrogation est évidente : il s'agit d'adapter le droit du travail à la situation particulière à laquelle nous sommes confrontés. Certes, mais cette adaptation ne risque-t-elle pas, dans une certaine mesure, de se muer en menace pour les droits des travailleurs ? Est-ce que les choix, ou certains choix en tout cas, réalisés par le gouvernement, pour adapter le droit du travail à la crise sanitaire ne sont pas susceptibles de constituer une menace, un danger pour les salariés ?

3. L'adaptation du droit du travail à la crise sanitaire et économique causée par la propagation du Covid-19 était sans nul doute nécessaire, en tous les cas sur certains points. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

Cette adaptation s'opère, en réalité, dans deux directions différentes. Certaines mesures permettent à l'employeur d'amortir les conséquences du confinement et de l'inactivité qui en résulte pour son entreprise en mettant au repos ses salariés. Ces mesures cherchent ainsi à maintenir le tissu économique, à éviter que des entreprises ne ferment et donc à préserver l'emploi. D'autres dispositions permettent, au contraire, aux entreprises de poursuivre leur activité. L'on songe au développement du recours au télétravail bien sûr, mais aussi à la possibilité, dans les secteurs dits particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale, de mobiliser davantage les salariés de l'entreprise en augmentant la durée pendant laquelle ils peuvent travailler. Et ce parce que le pays a grand besoin de leur travail pour faire face à la pandémie. Il ne s'agit plus ici de gérer l'inactivité des entreprises et, partant, des salariés mais, à l'inverse, de favoriser l'activité.

4. Je le répète, cette adaptation du droit du travail aux conséquences de l'épidémie est parfaitement compréhensible. Néanmoins, elle s'inscrit dans un mouvement global de déconstruction, d'affaiblissement du droit du travail, de réduction des droits des salariés qui ne peut qu'inquiéter. Certes, il s'agit de demander aux salariés de participer à l'effort collectif commandé par la pandémie. Fort bien, mais un tel effort ne se justifie que s'il reste temporaire, limité et qu'il est partagé avec d'autres.

5. Temporaire, l'effort semble l'être. Certaines mesures - comme le recours à la visioconférence pour les réunions du CSE (2) - ne sont applicables que pendant la période de l'état d'urgence sanitaire. D'autres, comme les dérogations prévues en matière de temps de travail, cesseront de produire leurs effets au 31 décembre 2020 (3).

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Cela reste donc bien temporaire, sous réserve que le délai ne soit pas prolongé, même si c'est un temporaire qui dure neuf mois. Relevons, d'ailleurs, que la date du 31 décembre 2020 a été critiquée par certaines organisations syndicales, en ce qu'elle sèmerait le doute sur le caractère sanitaire de l'urgence. Il est vrai que, si au dernier trimestre de cette année, la crise sanitaire, comme il faut l'espérer, est derrière nous, mais que ces mesures dérogatoires sont toujours en vigueur, ce ne peut plus être l'urgence sanitaire qui les justifie, mais une urgence économique qui ne dit pas son nom (4). Quoi qu'il en soit, il est essentiel que les dérogations au droit du travail restent exceptionnelles et provisoires, car « ce qui se justifie dans des circonstances exceptionnelles ne se justifiera plus demain » (5).

6. Concentrons-nous, dès lors, sur les deux autres points : l'effort attendu des salariés est-il limité (I) et partagé (II) ?

I. - Un effort limité ?

7. Limité, proportionné, l'effort demandé aux salariés l'est, sans nul doute, pour certaines mesures. Par exemple, seules les dates de six jours de congés payés et de dix jours de repos peuvent être imposées ou modifiées par l'employeur (6). La mesure n'a heureusement pas été généralisée à tous les congés payés et à tous les jours de réduction du temps de travail ou de repos prévus par les conventions de forfait ou affectés sur les comptes épargne- temps. En outre, pour les jours de congés payés, l'employeur ne peut en imposer ou modifier les dates que s'il y est autorisé par accord de branche ou d'entreprise. On peut donc espérer que la négociation permettra de s'assurer du caractère proportionné de cette dérogation. Ceci étant dit, n'oublions pas que le droit au congé annuel payé est considéré comme un principe du droit social de l'Union européenne notamment au sens de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (7) et que, en l'occurrence, il n'est guère possible de voir dans cette période de confinement un véritable moment de détente et de loisir...

8. Limité, l'effort semble l'être aussi, en tout cas en première analyse, s'agissant des dispositions relatives aux durées maximales de travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical et ce pour trois raisons. D'abord, les dérogations ne concernent que les secteurs considérés comme « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale ». Ensuite, pour chacun des secteurs d'activité dits nécessaires, un décret devra préciser, « dans le respect de l'objectif de protection de la santé des travailleurs », les catégories de dérogations admises et, dans le respect des limites prévues, la durée maximale de travail ou la durée minimale de repos qui peut être fixée par l'employeur. Enfin, l'employeur qui usera de ces dérogations devra en informer sans délai et par tout moyen le CSE, lequel disposera d'un délai d'un mois pour rendre son avis (8).

9. Certes mais, en y regardant de plus près, l'effort est-il autant limité qu'il n'y paraît ? Quels sont les secteurs essentiels ? La santé évidemment, mais encore ? L'alimentation, l'énergie, la sécurité... Jusqu'où ira cette liste ? Comme l'a rappelé le Conseil d'État, les activités vitales sont en effet tributaires du fonctionnement d'autres activités qui leur sont dès lors directement ou indirectement indispensables (9). Si d'aventure la liste des secteurs essentiels s'étendait fortement, le nombre de salariés concerné s'accroîtrait très largement. Mais surtout, augmenter, même dans la situation toute particulière que l'on vit actuellement, la durée hebdomadaire de travail en la portant à soixante heures, n'est-ce pas une menace pour la santé des travailleurs concernés (10) ? Une menace car les dérogations mises en place touchent un champ spécifique du droit du travail - le droit du temps de travail - qui a toujours été pensé comme un élément de protection de l'individu au travail, de protection de la santé du salarié.

Or les mesures prises cherchent à soutenir une plus grande flexibilité du travail en utilisant le temps de travail comme variable d'ajustement. Une menace car les dérogations ne seront pas, comme c'est habituellement le cas, autorisées par l'administration du travail et précédées d'un examen par le CSE (11). En effet, l'avis exprimé par le CSE pourra n'être rendu qu'après la mise en oeuvre de la dérogation, ce qui signifie que les représentants du personnel n'auront pas été consultés en amont comme c'est en principe le cas et n'auront donc pas pu exercer utilement leur mission de contrôle des conséquences de la décision prise par l'employeur sur la santé et la sécurité des travailleurs. Rappelons que, si la directive européenne n° 2003/88/CE prévoit, notamment, un repos quotidien obligatoire de onze heures et une durée maximale hebdomadaire de quarante-huit heures maximum, c'est dans le but de garantir un niveau de protection minimale à l'ensemble des travailleurs européens. Certes, cette directive autorise, dans certaines circonstances, des dérogations à ces minima pour une catégorie de travailleurs ou un secteur spécifique, mais toujours en tenant dûment compte de l'impératif de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Ces dérogations visent, en particulier, « les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, notamment lorsqu'il s'agit des services relatifs à la réception, au traitement et/ou aux soins donnés par des hôpitaux, [...] des services de production, de transmission et de distribution de gaz, d'eau ou d'électricité, des services de collecte des ordures ménagères ou des installations d'incinération » (12), ce qui correspond à la situation actuelle. Mais il faudra veiller à ce que ces dérogations aux durées de travail ou aux temps de repos soient vraiment proportionnées à l'exigence de lutte contre la pandémie

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et se demander s'il n'y avait pas d'autres moyens, moins nocifs pour la santé des salariés, que d'augmenter leur durée de travail ou de diminuer leur temps de repos (13).

10. Pour apprécier le caractère proportionné de ces mesures d'adaptation du droit du travail, peut-être convient-il de les envisager globalement. Quelles sont alors les dispositions prévues en faveur des travailleurs et qui pourraient venir compenser les dérogations précédemment exposées ? Le gouvernement a, d'abord, décidé du maintien des prestations versées aux demandeurs d'emploi ayant épuisé leur droit (14), mais cela ne concerne pas, par hypothèse, les salariés. Il a, ensuite, élargi le dispositif d'activité partielle, puisque l'État augmente le montant de l'allocation d'activité partielle qu'il verse aux entreprises (15). Si, indirectement, cette décision permet de limiter les conséquences sur l'emploi et d'éviter des licenciements de masse, l'activité partielle est tout de même, par nature, un dispositif d'aide aux entreprises, comme peut l'être le report des charges fiscales et sociales. Le gouvernement a également offert la possibilité aux entreprises de verser, sous certaines conditions, des primes exonérées d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales (16) afin d'inciter ou de récompenser les salariés qui continuent à travailler (17). C'est une juste récompense mais ne peut-on pas craindre, avec ces primes, une forme de marchandisation de la santé des salariés ? Car, finalement, il s'agit de verser de l'argent supplémentaire - et à moindre coût pour l'employeur - aux salariés qui sont en première ligne, à ceux qui prennent le risque de travailler et d'être donc au contact de personnes, clients ou collègues, infectées par le virus. Augmenter les salaires de ces travailleurs exposés et souvent méprisés aurait été, de loin, préférable.

11. Au-delà, s'il est question d'apprécier le caractère proportionné de l'effort demandé aux travailleurs, d'autres choix ne pouvaient-ils pas être faits en contrepartie des efforts demandés aux salariés ? D'autres choix ne pouvaient-ils pas, par exemple, compenser les mesures de flexibilisation du temps de travail ? Même si les comparaisons entre pays sont toujours hasardeuses car les législations et le contexte économique et social sont différents, on peut relever qu'en Espagne (18), si les travailleurs des entreprises non indispensables pour garantir les services de base se sont vu imposer un congé de huit jours payé par leur entreprise, mais qu'ils devront rattraper entre le moment de la reprise de l'activité et la fin de l'année 2020 selon des modalités négociées au sein de chaque entreprise, le gouvernement a, dans le même temps, interdit les licenciements. Les entreprises ne seront ainsi pas autorisées à utiliser le licenciement dit « objectif » qu'elles peuvent, selon la loi, habituellement invoquer pour force majeure, pour des raisons économiques, techniques, organisationnelles et de production. L'objectif est d'empêcher l'utilisation de ces « licenciements express » qui ont proliféré après la crise financière de 2008, lorsqu'un grand nombre d'entreprises ont renvoyé des travailleurs, sans motif, mais en toute connaissance de cause et donc en payant les indemnités dues. L'Espagne a également subordonné l'octroi de mesures d'aides à l'engagement de l'entreprise de maintenir l'emploi. Si, dans notre pays, la ministre du Travail a appelé les entreprises à ne pas licencier pendant cette période de pandémie, le choix français n'est pas allé jusque-là. Il est, en tous les cas, essentiel de veiller à ce que certaines entreprises ne profitent pas du Covid-19 pour licencier, ce qui pose la question d'un effort partagé.

II. - Un effort partagé ?

12. En définitive, l'adaptation du droit du travail à la crise sanitaire que nous traversons se mue en menace si l'effort demandé aux salariés n'est pas partagé par tous, si les mesures d'adaptation en viennent à faire reposer la majeure partie de la pression de la crise sanitaire sur les travailleurs, si elles permettent des abus dans certains secteurs où les employeurs n'hésiteront pas à forcer le travail pour continuer à faire du profit (19).

13. L'appel lancé par le ministre de l'Économie à toutes les entreprises bénéficiant d'un report de charges ou ayant accès au dispositif d'activité partielle « à faire preuve de la plus grande modération en matière de versement de dividendes » est bien, à cet égard, le minimum que l'on puisse attendre. Sauf que, pour l'heure, ce n'est qu'un souhait, un voeu pieux car, sur ce point, aucune disposition n'a été prise, ni dans la loi d'urgence sanitaire, ni dans les ordonnances qui l'ont suivie, alors qu'il est parfaitement possible d'interdire à ces entreprises de verser, pendant une période, limitée là aussi, des dividendes à leurs actionnaires (20).

14. À l'inverse, que voit-on ? Une compagnie aérienne américaine, qui vient d'obtenir des milliards d'aide conditionnée à un maintien de l'emploi pendant une certaine durée, annonce dès à présent qu'elle réduira drastiquement ses effectifs dès qu'elle en aura le droit ! Un grand groupe japonais entend racheter ses propres actions afin de maintenir son cours sur le marché financier, sans aucune réflexion en termes de réajustement de l'entreprise à la réalité. Une chaîne de supermarché belge s'engouffre dans les possibilités offertes par la législation belge en matière d'économie collaborative et peut ainsi mobiliser des travailleurs au statut extrêmement précaire.

Ce n'est pas en France me dira-t-on... Mais alors que voit-on dans notre pays ? Des entreprises semblent profiter abusivement de la solidarité nationale en mettant leurs salariés en activité partielle tout en les encourageant fortement à maintenir une activité. D'autres exposent leurs salariés à des risques de contamination en poursuivant leurs activités pourtant non essentielles. Qu'entendons-nous dans notre pays ? Le président du Mouvement des

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entreprises de France (Medef) préciser qu'« il faudra bien se poser la question tôt ou tard du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire » et la secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie ajouter qu'« il faudra probablement travailler plus que nous ne l'avons fait avant afin de rattraper les pertes causées par la crise sanitaire

». Que lit-on dans notre pays ? Un rapport de l'Institut Montaigne proposant d'« assouplir quelques verrous juridiques persistants » en permettant aux entreprises de déroger durablement au temps de repos minimum ou suggérant la suppression du jeudi de l'Ascension comme jour férié. Bref, on entend qu'il faudra des aides et des exonérations de charges pour les entreprises, qu'il faudra, côté salariés, travailler plus, mais sans gagner plus. On voit venir, comme avant, des mesures d'austérité, des logiques purement comptables, celles qui précisément ont contribué à nous placer dans la situation que l'on vit actuellement, en réduisant notamment drastiquement les moyens des hôpitaux. Il est effectivement à craindre malheureusement que l'angoisse du chômage serve « d'épouvantail pour reconduire le monde d'hier », pour reprendre les mots de l'économiste Gaël Giraud.

15. Si l'on souhaite vraiment, sincèrement, comme on l'entend partout, qu'après cette crise rien ne soit plus jamais comme avant, que la solidarité prime, ainsi que l'a encore répété, en ce lundi de Pâques, le président de la République (21), il faut que l'effort soit partagé par tous aujourd'hui mais surtout demain. Les salariés ne peuvent pas être les seuls à payer la facture après la sortie de crise alors même qu'ils en paient déjà le prix, à travers, pour beaucoup d'entre eux, une diminution de leur pouvoir d'achat parce qu'ils sont en activité partielle. L'adaptation du droit du travail est certes justifiée par la situation d'exception, par l'urgence, mais s'il est urgent d'agir maintenant, c'est aussi parce que certains choix ont été faits en amont, parce que certaines logiques ont été suivies auparavant.

Et avant tout la logique selon laquelle un État, selon laquelle le monde se gère comme une entreprise. Une logique néolibérale qui place tout sous l'égide des calculs d'utilité économique, qui fait de toute décision le résultat d'un calcul coût/bénéfice (22). Une logique dont on perçoit encore malheureusement la trace aujourd'hui, pendant même que nous traversons cette terrible épreuve, lorsque des États se disputent masques et respirateurs aux enchères ou lorsque les plus démunis se voient refuser, dans certaines régions du monde, l'accès aux soins. Une logique qui reste essentiellement marchande, avec trop peu de solidarité. N'oublions pas que le discours du grand changement avait déjà cours lors de la crise financière de 2008. Or que s'est-il passé après celle-ci ? Plutôt que de remettre en cause le système, on a intensifié les politiques visant à flexibiliser les marchés du travail, les politiques visant à réaliser des gains d'efficience sur les dépenses, notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé. Le risque est grand que le scénario se reproduise et « qu'un droit du travail de l'urgence soit instrumenté dans une stratégie de fenêtre d'opportunité au profit de régressions durables » (23).

16. Alors, oui, il faut un changement de logique. Oui nous sommes à un moment de vérité, à un moment de refondation, comme l'a dit le président de la République, ajoutant que le moment est venu de sortir des idéologies et de nous réinventer, lui le premier. Puisse-t-il dire vrai car, oui, cet épisode dramatique doit être l'occasion de changer de paradigme et de passer d'une logique de pure efficacité économique, de compétition exacerbée, de concurrence à outrance, à une logique de solidarité et d'entraide. Oui, il faut redécouvrir les vertus de l'État social (24). En espérant que cette redécouverte ne soit pas dictée par l'émotion du moment si particulier que nous vivons et qu'elle ne se limite pas à ces temps de crise. Car on ne peut pas raisonnablement faire appel à l'État social en temps de crise et le nier en temps normal. On ne peut pas habituellement critiquer l'intervention de l'État au nom du libre-échange pour aussitôt faire appel à lui en cas de crise.

17. Les mots de l'écrivaine et militante indienne Arundhati Roy doivent nous habiter : « Rien ne serait pire qu'un retour à la normalité », la pandémie actuelle « est un portail entre le monde d'hier et le prochain. Nous pouvons choisir d'en franchir le seuil traînant derrière nous les dépouilles de nos préjugés et de notre haine, notre cupidité, nos banques de données et nos idées défuntes, nos rivières mortes et nos ciels enfumés. Ou nous pouvons l'enjamber d'un pas léger, avec un bagage minimal, prêts à imaginer un autre monde. Et prêts à nous battre pour lui » (25). Car, au fond, nous ne luttons pas seulement contre un virus, mais contre un modèle de société.

(1) Ce que d'autres intervenants au colloque virtuel « Droit social & Covid-19 » ont très bien fait par ailleurs comme le lecteur pourra s'en rendre compte dans ce numéro de Droit social.

(2) Ord. n° 2020-389, 1er avr. 2020, portant mesures d'urgence relatives aux instances représentatives du personnel ; Décr. n° 2020-419, 10 avr. 2020, relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel pendant la période de l'état d'urgence sanitaire.

(3) Ord. n° 2020-323, 25 mars 2020, portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos.

(4) Et d'aucuns de nous préparer déjà à ce que le provisoire dure en se demandant s'il ne faut pas « préserver l'application des textes élaborés en temps de crise jusqu'à ce que le PIB ait retrouvé le niveau qui était le sien avant leur adoption » ou, a minima, un certain niveau acceptable : B. Teyssié, Un droit du travail de l'urgence ?, afdt- asso.fr.

(5) P. Lokiec, Covid-19 : un tournant du droit du travail ?, afdt-asso.fr.

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(6) Ord. n° 2020-323, 25 mars 2020, art. 1er et 5.

(7) V. not. : CJUE, 29 nov. 2017, aff. C-214/16, RDT 2018. 304, obs. M. Véricel ; RTD eur. 2019. 693, obs. S.

Robin-Olivier .

(8) Ord. n° 2020-323, 25 mars 2020, art. 6.

(9) CE, 22 mars 2020, n° 439674, Syndicat Jeunes médecins, AJDA 2020. 655 ; ibid. 851 , note C. Vallar ; D.

2020. 687 , note P. Parinet-Hodimont ; AJCT 2020. 175, obs. S. Renard ; ibid. 250, Pratique G. Le Chatelier . (10) Notamment dans les hôpitaux où les soignants étaient déjà totalement épuisés avant la pandémie.

(11) C. trav., art. L. 3121-21.

(12) Dir. n° 2003/88/CE, 4 nov. 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, art. 17, 3, c.

(13) Rappelons que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché

», C. trav., art. L. 1121-1.

(14) Ord. n° 2020-324, 25 mars 2020, portant mesures d'urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l'article L. 5421-2 du code du travail.

(15) Décr. n° 2020-325, 25 mars 2020, relatif à l'activité partielle ; Ord. n° 2020-346, 27 mars 2020, portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle.

(16) Ord. n° 2020-385, 1er avr. 2020, modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat.

(17) Et il a pris, lui-même, cette décision pour certains fonctionnaires.

(18) Mais aussi en Italie ou en Pologne.

(19) D'où d'ailleurs l'importance, afin d'éviter de tels abus, de lister précisément, et de manière restrictive, les secteurs indispensables.

(20) De grands groupes allemands souhaitent verser plusieurs milliards d'euros à leurs actionnaires, même s'ils ont mis des centaines de milliers de salariés au chômage partiel.

(21) « Nous voilà tous solidaires, fraternels », ajoutant qu'il tâcherait de porter en Europe cette ligne d'unité et de solidarité.

(22) Le temps est propice à une relecture des ouvrages d'A. Supiot, notamment à ce sujet : La gouvernance par les nombres, Fayard, 2015.

(23) J. Freyssinet, Un droit du travail de l'urgence ?, afdt-asso.fr. : tout comme la crise de 2008 « avait ouvert une fenêtre d'opportunité, au nom de l'urgence, pour imposer des reculs amorcés de longue date mais qui se heurtaient à de fortes résistances ». Dans le même sens, un auteur écrit, fort justement, que les mesures d'urgence ont parfois tendance à durer, notamment, par l'effet de « l'égoïsme des "passagers clandestins" qui voient dans ces mesures l'opportunité de réaliser ce dont ils rêvaient jusque-là » : P.-Y. Verkindt, Urgence(s), afdt-asso.fr.

(24) A. Supiot, Grandeur et misère de l'État social, Fayard, 2013.

(25) Propos tenus dans une tribune qui fera l'objet d'une parution aux éditions Gallimard et publiée dans le journal Le Monde du 6 avr. dernier.

La liberté (des salariés) à l'épreuve de la pandémie, Patrice Adam, Professeur à l'université de Lorraine - Droit social 2020

L'essentiel

Il est peu d'hommes qui n'aspirent pas à vivre libres et en sécurité. Mais ces désirs, qui s'appuient l'un sur l'autre, sont aussi en perpétuelle tension. L'un est toujours facteur de déstabilisation de l'autre. La crise sanitaire en offre un dramatique terrain d'expérimentation. L'exigence de sécurité charrie avec elle son lot de mesures liberticides. À cette mise sous tension, l'entreprise n'échappe pas.

« La peur de l'autre peut aboutir à transformer un souci légitime de sécurité en violation systématique des libertés que favorise l'ambiguïté des concepts de prévention et de précaution ».

M. Delmas-Marty, Libertés et sûretés dans un monde dangereux, La Couleur des idées, Seuil, 2010.

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15 I. - Sécurité vs liberté(s)

Au XVIIe siècle, Thomas Hobbes l'affirmait avec fougue : il n'est pas de véritable liberté sans sécurité. Bien plus tard, Jean-Jacques Rousseau de lui répondre sardoniquement : « On est tranquille aussi dans les cachots » (1).

Mais qui veut vivre dans un cachot ? La sécurité n'est rien sans la liberté (2). « En régime démocratique, l'une ne va pas sans l'autre, la sécurité apportant à la liberté les conditions de son bon exercice et la liberté conférant en retour à la première sa raison d'être. Sans sécurité, la liberté reste nominale, et sans liberté, la sécurité vire à l'ordre des cimetières. Tel est le postulat juridique et politique sur lequel l'accord se réalise sans peine » (3). À ce juste constat, on en ajoutera un autre qui le complète : il est somme toute assez banal, dans nos démocraties libérales, que les politiques de lutte contre l'insécurité - qui semblent liées à « une forme de désenchantement du politique

» (4) - mobilisent des outils ayant pour objet ou pour effet de restreindre les libertés individuelles (même si la sécurité trouve aussi parfois indispensable allié dans la liberté, celle d'informer par exemple, en ne mettant point bâillon aux lanceurs d'alerte (5) !). Il y est assez communément admis que la sécurité de tous peut supposer - imposer - la restriction des libertés de chacun (la vaccination obligatoire (6) n'en offre-t-elle pas une vieille et classique illustration). Il n'est guère, a priori, de motif de s'en émouvoir. Même Hayek constatait « qu'en principe, il n'y a pas d'incompatibilité entre l'intervention de l'État pour assurer une plus grande sécurité et la liberté individuelle » (7). Le confinement que l'on a vécu pendant plusieurs semaines, restriction forte à nos libertés les plus élémentaires, les plus fondamentales (8) - celles auxquelles personne, il y a quelques mois encore, n'aurait songé à devoir renoncer un jour, fût-ce temporairement -, celles d'aller et venir, de se réunir ou de manifester dans l'espace public, n'a pas suscité de mouvement de révolte ou de dénonciation d'une politique empruntant l'inquiétant visage d'une « démocratie illibérale » (9).

C'est le plus souvent dans les habits d'une rhétorique guerrière que les mesures attentatoires aux libertés essentielles se présentent aux citoyens. L'exemple de la lutte contre le terrorisme arrive immédiatement à la conscience (10). Mais il n'en va pas différemment dans le champ de la sécurité sanitaire (que l'on songe à l'allocution télévisée du chef de l'État le 16 mars 2020, tout entière structurée autour d'une sinistre répétition de « nous sommes en guerre ») (11). Convaincre qu'il est nécessaire de renoncer à la liberté suppose de faire planer au- dessus de chacun terrible menace. En est-il de plus grande que la guerre - « ce long hurlement parmi les cris » (12) - et son cortège de malheurs ?

Reste que, pour être praticable, toute limitation à la liberté individuelle suppose une double « acceptation ».

Acceptation sociale. D'abord elle doit être acceptable socialement. Dans une société comme la nôtre - individualiste, hédoniste, matérialiste, impatiente -, pareille restriction est d'autant mieux vécue et respectée que chaque personne y voit une manière indispensable de se protéger. L'altruisme n'est pas un solide fondement de l'acceptation sociale du bridage de la toute-puissance du Moi. Sauver d'autres vies que la leur ou celle de leur proche est pour beaucoup - pas pour tous heureusement (mais il suffit de quelques-uns pour anéantir les efforts communs) - une raison insuffisante pour justifier une limitation de leur liberté individuelle. On peut le regretter, difficilement le contester. Si l'État doit rogner, par la voie de la contrainte (et la menace de la sanction), sur les libertés individuelles, c'est parce que les individus sont incapables de s'autolimiter (incapacité plus ou moins forte selon les États et qui permet à certains d'entre eux de ne point faire usage - ou à dose plus modérée - de « mécaniques » autoritaires). La norme impérative (qui s'accompagne de « recommandations » infiniment répétées) est ici la marque d'un échec : celui de la bienveillance, de l'empathie, du souci de l'autre et des plus fragiles. Plus les individus indépendants - monades modernes - sont portés au pinacle et plus la loi est nécessaire - alors même qu'ils prétendent s'en passer - pour assurer la mise en ordre de leur incorrigible égoïsme. Voilà une expérience douloureuse qui pourrait, au passage, faire réfléchir aux prétendus mérites de la soft law comme outil de régulation sociale...

Imposer sans convaincre ne suffit pourtant pas, car seule la conviction, partagée par ceux qui s'y voient soumis, du bien-fondé des mesures édictées peut éviter les comportements massifs de détournement ou de contournement des règles posées. Il faut donc persuader de la nécessité des dispositifs adoptés, faire oeuvre de pédagogie. Mission difficile en un temps où la défiance à l'égard des autorités publiques - nourrie de discours contradictoires (un jour le masque ne sert à rien ; le lendemain, on l'impose à tous...), de débats tronqués (où quand 60 millions de Français, subitement, se découvrent virologues), de peurs irrépressibles et parfois irrationnelles (conduisant à des comportements qui peuvent l'être tout autant), et entretenues par les théories complotistes les plus fantaisistes qui pullulent sur les réseaux sociaux, déversoir moderne de la bêtise humaine -, ne cesse de croître et de dévorer la sérénité et la raison, pourtant nécessaires pour aborder, efficacement, semblable situation de crise. « Rien ne sert aux foules passionnées, et l'on trouve toujours des raisons pour les aveugler » (13).

Les débats, ardents, sur le tracking (ou sur le traçage dans la traduction française - moins anxiogène - qui en est généralement donnée) donnent à voir les craintes de nombre de citoyens (14) (y participent également les disputes

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