ÉTUDE, AU MOYEN DE RADIO-ISOTOPES, DES ÉCHANGES
DE NOURRITURE ENTRE REINES, MÂLES ET OUVRIÈRES
D’APIS MELLIFICA L.
Francine DELVERT-SALLERON
Station de Recherches sur l’Abeille et les Insectes sociaux, Bures-sur-Yvetle
(Seine-et-Oise)
SOMMAIRE
Le
présent
travail vise à introduire la méthode des traceurs radioactifs dans l’étude deséchanges
de nourriture entre les différentes
catégories
d’habitants de la ruche.Nous déterminons tout d’abord les conditions
d’expérimentation optimum.
Leradio-isotope
utilisé est le
phosphore
32 ; il estincorporé
à la nourriture.Dans les
premières quarante-huit
heures, il estpossible
de suspecter unepréférence
des abeilles nourrices pour leurs soeurs. Par la suite, des résultats contradictoires ont été obtenus.Les mâles semblent, dans certaines conditions,
susceptibles
de se nourrir seuls. Ilspréfèrent
cependant être nourris par des ouvrières.Les ouvrières
reçoivent
la nourriture des mâles, soit paringestion
desrégurgitations,
soitpar nourrissement direct.
Les reines transmettent la nourriture ou les substances contenant les traceurs radioactifs
aux ouvrières ; dans un groupe restreint certaines ouvrières sont
privilégiées
etparticipent plus
que les autres à ces échanges.
INTRODUCTION
Les
échanges
de nourriture entre les individuscomposant
une ruche sontparti-
culièrement intenses. Ils
jouent
un rôle trèsimportant
dans la vie de la ruche et surtout dans la diffusion de substancescomparables
aux hormones etgénéralement désignées
sous le terme dephérormone (PAIN, ig6i).
N
IXON et RiBBn!·DS
( 1952 ) ayant
faitingérer
à six ouvrières dusirop
de sucremarqué
au moyen dephosphore
32, ont constaté que, sur les z4 50o individuspré-
sents dans la
ruche,
60 p. 100présentaient
des traces très nettes de radioactivitéau bout de
vingt-quatre
heures.OE R
TEr, et al.
( 1953 )
ont, de leurcôté,
étudié leséchanges
de nourriture entre les mâles et les ouvrières au moyen desirop
de sucremarqué
au carbone 14.Au cours de leurs études du rayon d’action des
butineuses,
COURTOIS et LECOMTE( 195
8)
enmarquant
les abeilles avec de l’ory 8,
ont constaté que 100 p. 100 des ouvrières devenaient radioactives au bout de trente-six heures.Poursuivant des recherches dans la même direction que ces différents auteurs,
nous nous sommes attachés
plus spécialement
à l’étude deséchanges
de nourritureentre les différents individus de la
ruche,
soit entre des individusappartenant
àune même caste, soit entre des individus de caste ou de sexe différent.
Il est
particulièrement indiqué
d’utiliser la méthode desradio-isotopes
pour l’étude deséchanges
de nourriture. Les transferts lesplus
infimes sont décelablessans
exiger
une observation continuelle et directe.Après
avoir discuté des méthodesemployées,
nous exposerons successivement les travauxentrepris
sur lesouvrières,
sur lesmâles, puis
sur les reines.MÉTHODES EXPÉRIMENTALES
ETMATÉRIEL UTILISÉ
Dans ht mesure du possible, les abeilles mises eu
expérience
étaientd’âge
connu : nées en étuve.Dans d’autre cas,
cependant,
il s’agissait d’abeilles prélevées sur des cadres et constituant un échan- tillonreprésentatif
de laRéputation
d’une ruche déterminée.i<,1 Cagettes
Les abeille; ont été
placées
dans des cagettes du type l.iebefeld formées d’un cadre de bois,fermé
par deux
vitres coulissantes. Pour lesexpériences
portant sur leséchanges
de nourriture entreouvrières, ces cagettes ont été transformées par accfileinent en cagettes doubles ou
triples,
afin de séparer les abeilles m deux nu trois groupes ; lescompartiments communiquaient
entre eux par desplaques
de matière plastique percées de trous de 3,75 nun de diamètre, de telle sorte que les abeillespuissent
passer leur tête sans toutefois franchir la séparation.Les cagettes étaient
équipées
d’un abreuvoir contenant de l’eau et d’unemangeoire garnie
de candi à reines.
=&dquo;)
ii.i>ij>1&dquo;>.alul.é
Les cagette, ont été pl;t<é<.s dans une étuve à 30’1(’.
Pour les expériences sur le> mates, d’importantes mortalités se sont
1>roduites
à cettetempé-
rature. Nous avons alors suivi les indications données par MATHIS
(i 9 <t)
en les conservant à latempérature de 2,1<,<’, c’est-à-dire à la température du laboratoire en été. Dans ces conditions, la
longévité
des mates a été nettementsupérieure
et le comportement des ouvrières n’a pas paru notablementperturbé.
,3 11
)
N ourrissfltr1.a nourriture solide était présentée dans une petite boîte de matière
h lastique
de 4 cm sur 2,
7et de 7 ntm de haut. Dans cette boite, la
quantité
de nourriture étaittoujours
supérieure à cellenécessaire aux abêtîtes.
Nous avons
employé
une nourritureliquide lorsque
nous désirions rendre radioactif un seul insecte sansrisque
de contamination extérieure. Nous nous servions alors d’un nourrisseur constitué d’un petit tube de v-erreplacé
v-erticalement sur un socle. Le niveau de miel ou de la solution sucrée contenant leradio-isotope
esttoujours
suffisamment bas pour que l’abeille nepuisse polluer
ses pattes, mais suffisamment haut pourqu’elle
y ait accès avec le bout de salangue (fig. r, z, 3 ).
4
&dquo;) Clroix de
l’isotopé
A la suite d’un certain nombre d’auteurs, nous avons choisi le
phosphore
32telqu’il est fourni-
par le C. E. A. sous forme de
phosphate monosodique ;
il est ainsi facilement assimilable parl’orga-
nisme et aisément
incorporable
à la nourriture. Lephosphore
32 a unepériode
dedésintégration
de 14,3
jours.
Nous devons toutefois tenir compte de sapériode biologique,
c’est-à-dire de sontemps moyen de
séjour
dansl’organisme
avant élimination. On calcule lapériode
apparente selon la formule :Les auteurs considèrent
généralement
que lapériode
apparente permet detravailler
dansdes conditions satisfaisantes.
’
Le
phosphore
32se dissout facilement dans l’eau sucrée ; on obtient alors une solution à taux deradioactivité homogène.
Son émission deradiation
(3d’énergie
minimum de r,7°7 MeV, permetune détection commode par un compteur
Geiger-Müller
de type cloche.5
°) Introduction de
l’isotope
Il y a un grave
danger
demanipulation
àincorporer l’isotope
radioactif dans le miel en train de chauffer. Pour éviter lesrisques
de contamination au cours de la fabrication du candi, nous nepouvons l’introduire
qu’une
fois le candi fait, avantqu’il
ne refroidisse. Cela n’a été réalisablequ’à
l’intérieur d’une boîte à gants.Il fallait aussi s’assurer de l’homogénéité de la radioactivité de la pâte. Nous avons préparé
différentes sortes de candi, en
incorporant
au moment du refroidissement différentes concentra- tions de colorants ;par
exemple, un ou deux cm3de bleu deméthylène.
On obtient unepâte
unifor-mément colorée, d’où l’on peut conclure que les substances radioactives se
mélangeaient
au candiavec la même homogénéité.
Cependant,
pour contrôler cette homogénéité, nous avons mesuré la radioactivité de boulettes de candi depoids
croissants. Lephénomène d’autoabsorption
entraîne évidemment des erreurs ; parexemple,
pour une boulette de 262 mg, le taux de comptage varie entre 4276 et 8 ozo coups par minute, selon que le candi est amassé ou étalé enplaque.
Pourpallier
cet inconvénient, il suffit de dissoudre les boulettes depoids
différents dans un même volume d’eau, un cm3, contenu dans des cupulesidentiques.
Nous obtenons alors une courbequi
confirmel’homogénéité
de lapréparation
de candi.
6°)
Nocivité du rayonnementCOURTOIS et LECOMTE
(ig5g)
ont montréqu’un
rayonnement de 18 oooRoentgens
est admissiblepour l’abeille, alors que la dose admise pour l’homme est de 600Rcentgens. Cette résistance permet
d’opérer
des marquages à l’aide de radioéléments artificiels d’une assez forte activité, sansrisque
de tuer
prématurément
les insectes ou de modifier leur comportement defaçon appréciable.
’7°) Méthode du comptage
Nous avons
employé
un compteur(ieiger-Müller
du type cloche,fabriqué
par le Laboratoire des Télécommunications : 13 °XIJ 7.Son seuil de tension est de i 35o volts, le
palier
est de 39o volts ; nous avons travaillé avec unetension constante de 1475 volts. Le mouvement propre de l’appareil, situé dans une cave et
protégé
par 5cm de
plomb,
estcompris
entre io et 14 coups par minute ; ce mouvement propre (dit aussibruit de fond) est déterminé avant
chaque
expérience par un comptage d’au moins 10minutes.Le tube G.-M. est
placé
dans un château deplomb,
danslequel
on introduit lesobjets
ou lesanimaux faisant
l’objet
de la mesure.Les animaux sont
placés près
du tube dans les meilleures « conditions degéométrie
». Ondésigne
sous le nom de « géométrie » la
position
de l’échantillon par rapport au tube. Ilimporte
d’effectuer la mesure à peu de distance de la fenêtre du compteur, et de telle manière que laposition
del’objet
soit constante et reproductible dans les différentes
expériences. L’excentrage
de la source est unecause d’erreur, ainsi que la variation de la distance à la fenêtre.
Il faut bien préciser que les chiffres donnés par le compteur ne sont pas les valeurs absolues mais
représentent
des chiffres proportionnels à la radioactivité réelle.C’est
pourquoi
dans nos résultats nous ne nous attachons pas à leur valeur absolue, mais àleur signification
par rapport aux autres chiffres.Le comptage
s’opère
de façons différentes selon que l’on a affaire à une abeille morte ou vivante.L’insecte mort est introduit sous le compteur au moyen d’un
porte-objet
dont il est isolé parun papier-filtre, ceci pour éviter toute contamination. Une mesure du bruit de fond tous les dix comptages permet de s’assurer
qu’il
n’v a pas eu contamination.L’insecte vivant,
préalablement
endormi au C02, est introduit dans unepetite
boîtecubique
en carton dont la face tournée vers le compteur est en
cellophane.
Cette boîte de 2 X 2 cm estplacée
de la même
façon qu’un
animal mort sous le compteur.L’absorption
due au couvercle decellophane
est
négligeable.
Les
chiffres des résultats donnés dans les différents tableaux sontexprimés
en « coups nets », c’est-à-direaprès
avoir déduit le bruit de fond ; nousindiquons cependant toujours
ce dernier.8°) Dissection des reines radioactives
Pour étudier la localisation du
phosphore
32, nous avonsentrepris
dedisséquer
les cadavres de reines.Nous avons tout d’abord
opéré
à sec,craignant
que lephosphore
ne se dissolve pas dans l’eau de la cuve. Mais les difficultés rencontrées nous ont fait abandonner cettetechnique,
les organes adhéraient les uns aux autres et une dissection fine était à peuprès impossible.
Il nous a parupréférable,
par la suite, dedisséquer
dans une solution concentrée dephosphate
de sodium. Unegoutte
de cette solution,après emploi, passée
dans le château deplomb
n’était pas radioactive.Dans ces conditions, nous avons
pensé
que la dissolution duphosphate
radioactif étaitinsignifiante.
9
°) 11/larquage
des abeilles à lapeinture
Dans certaines
expériences,
il a fallu marquer les abeilles pour les reconnaître d’unjour
sur l’autre.Selon la méthode de Vorr FRISCH, nous les avons numérotées à l’aide de tâches colorées. La
peinture
utilisée sècherapidement.
Elle présente de plusl’avantage
d’être fournie par petites quan- tités dans demultiples
coloris(marque
Huinbrol-Plastic Enamel). En variant la couleur des taches,leur nombre et leur
position,
tantôt sur le thorax, tantôt sur l’abdomen, ou sur les deux, c’est avecla
plus grande
facilité que nous pouvonsdistinguer
un assezgrand
nombre d’abeilles.io o
) Anesthésie
Au cours des expériences, nous avons été obligés d’endormir plusieurs fois les abeilles bien que cette anesthésie par le gaz
carbonique présente
des inconvénients, comme l’ontsignalé
de nom-breux auteurs. Les abeilles sont endormies au moment de leur mise en cagette, au moment de leur marquage, et à
chaque
passage sous le compteur. Ceci permetd’expliquer
la très forte mortalitéqui
nous agêné
dans un certain nombred’expériences.
RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX
I. -
ÉCHANGES
DE NOURRITURE ENTRE OUVRIÈRESComme nous l’avons
déjà signalé plus haut,
le mode derépartition
de la nour-riture à l’intérieur de la ruche a été mis en évidence par NIXONet RiBBANDS
(z 95 2).
Six abeilles sont introduites dans la ruche
après
avoiringéré
de la nourriture rendue radioactive par lephosphore
32. Au bout dequatre heures,
15 p. 100 des abeilles sont devenuesradioactives,
cequi représente
62 p. 100 des butineuses.Vingt-sept
heures
après
le début del’expérience,
43 p. 100 à 60 p. 100des ouvrières sont radio- actives.COURTOIS,
LECOMTE et Sar,I,kROV( 19 6 1 ),
lors d’uneexpérience analogue,
ontconstaté due la
répartition
de la nourriture se faisait àpartir
du « centrethermique
»de la ruche en hiver.
Bien d’autres
points
de labiologie
de l’abeille ouvrièrepeuvent cependant
être éclaircis en utilisant la méthode des
radio-isotopes ;
enparticulier
nous avonsessayé
derépondre
à laquestion
suivante :Les abeilles
préfèrent-elles
nourrir leurs soeursPlutôt
que desétvangèves?
Les abeilles
peuvent distinguer
leurs soeurs, d’abeillesprovenant
d’une autre ruche. Uneexpérience
consistant à mettre dans unecagette triple
dont les compar- timents sontséparés
par unegrille
trois lots d’abeilles : un dans lecompartiment
central avec nourriture à sa
disposition,
les deux autresconstitués,
l’un par des abeilles venant de la mêmeruche,
l’autre venant d’une autre ruche dans lescompartiments
latéraux
dépourvus
denourriture,
montrequ’en vingt-quatre
heures la mortalitéest trois fois moins
importante
chez les soeurs que chez lesétrangères ;
cette diffé-rence s’annulant au bout de trois
jours (K.!I,IrMnN, r955)!
Le marquage de la nourriture des abeilles du
compartiment
central semblaitune excellente méthode pour étudier ce
phénomène.
Elle devraitpermettre
de cons-tater si les abeilles mortes n’avaient pas été nourries et d’évaluer
l’importance
deséchanges
entre abeilles.Pour ce genre
d’expérience,
nous avonsemployé
lescagettes précédemment
décrites. Seules les abeilles du
compartiment
centralreçoivent
du candiradioactif,
les autres n’ont que de l’eau. Nous pouvons schématiser de lafaçon
suivante leplan
del’expérience :
Pour la facilité de
l’exposé,
nous conviendronsd’appeler : nourrices,
les abeillesqui reçoivent
de lanourriture,
soeurs, cellesqui proviennent
de la même ruche et,étrangères,
cellesqui proviennent
d’une ruche différente. Les nourricespeuvent
alimenter les soeurs et lesétrangères.
lors de la mise encagette,
le nombre d’abeillessoeurs et le nombre d’abeilles
éttdiigères
esttoujours
le même. A la fin del’expérience, après
avoircompté
laradioactivité
descadavres,
on tue toutes les abeilles de lacagette
avec de l’acétated’éthyle,
avant de mesurer la radioactivité dechaque
insecte. Les résultats
obtenus,
très différents selon lescagettes,
ne sont utilisables que pour comparer la radioactivité des lots d’une mêmecagette. Pour pouvoir compa-
rer les résultats de
deux
essaissuccessifs,
nous avons évalué la radioactivité moyenne d’une abeille pourchaque lot,
et nous l’avons convertie enpourcentage
parrapport
à la radioactivité moyenne d’une nourrice du même essai. Ces
pourcentages
nousont donné des
grandeurs comparables
d’un essai à l’autre.Un numéro a été attribué à
chaque essai ;
comme les lots d’abeillesprésentaient
des mortalités
différentes,
nous avons évalué la radioactivité moyenne parlots,
en netenant
compte
que des chiffres obtenus par lecomptage
des abeilles vivantes.Les résultats ont été
reportés
sur ungraphique
dont le mode dereprésentation
est le suivant :
’
- en abscisse est
porté
le nombre d’abeilles vivantes en find’expériences,
- en
ordonnée,
lepourcentage
de la moyenne de la teneur en radioi-sotope
des abeilles soeurs(8),
ouétrangères (E),
établi parrapport
à celle des nourrices.Par
exemple,
dans l’essai n° 3, à la fin del’expérience,
il y avait : 19soeurs totalisant7 8 2 6 7 coups/mn ;
1
6
étrangères
totalisant 2o ro8coups/mn ; 3
8
nourrices totalisant 288 188coups/mm ;
Le taux de radioactivité moyenne pour une soeur est de
7 8 2 6 7 :
19, cequi
nousdonne,
une fois le calculfait,
4119coups/mn ;
pour uneétrangère,
il sera de 20L08:z6,
soit
r 25 6 coups/mn, et
pour unenourrice,
de 288 818:38,
c’est-à-dire de 758 7 coups/mn,
Une fois établi le taux de radioactivité moyenne d’une abeille de
chaque lot,
nous calculons ce que
représente
enpourcentage
le chiffre trouvé pour les soeurs et lesétrangères,
parrapport
à celui trouvé pour les nourrices :Dans cette
expérience,
nous dirons que les soeursreprésentent
54 p. 100 de la radioactivité desnourrices,
tandis que lesétrangères
n’enreprésentent
que 16 p. 100. Les résultats de cet essai n° 3sont traduits par deuxpoints
que nous réunissons : lesegment
SE ainsi formé fait unangle
avec l’axe desordonnées ; plus
cetangle
sera
petit, plus
la mortalité aura étésimilaire
chez les soeurs et chez lesétrangères.
La
projection
dusegment
sur l’axe des ordonnées matérialise la différence A du taux de radioactivité des deux lots d’ouvrières(fig. 6,
7,8, c!.).
’Chaque expérience
sera ainsireprésentée
par unsegment
de droite.A)
-Expévience portant
sur deuxjours
au maximum.Huit essais ont été faits dans ces conditions.
1,e n° i et le n° 8 ont montré pour les
étrangères
une radioactivitésupérieure
à celle de leurs soeurs. Les autres, au
contraire,
montrent unesupériorité
très nettechez les soeurs. Si on fait la moyenne des taux de radioactivité des abeilles nourries dans les huit
essais,
on obtient les chiffres suivants :37 p. ioo pour les soeurs
25 p. ioo pour les
étrangères ;
§Les différences de radioactivité entre les deux lots ne sont pas très
importantes,
mais il
semble, d’après
les résultatsglobaux,
que les soeurs sef ont plus facilement
1wurrir que les
étrangères.
Si nous
regardons
lapente
dessegments,
nous remarquons que danssept
cassur
huit,
ce sont les abeilles lesplus
radioactivesqui
montrent la mortalité laplus
faible. Seul l’essai q.
présente
unepente
inversée : cecirejoint
les affirmations de Km,irM!N.Mais,
étudionsplus particulièrement
les résultats donnés par les essais 7 et 8. Dans cescagettes,
les abeillesprovenaient
de deux ruches que nousappel-
lerons ruche A et ruche B. Les
expériences
ont été faitessymétriquement :
en 7 la ruche A fournissait les nourrices et en 8 c’était la ruche Bqui
les fournissait. Voici comment nouspourrions indiquer
lacomposition
descagettes
dans un schémaqui parlera plus
clairement.Une des ruches
présente
une mortalitéimportante :
ses abeilles utilisées comme« soeurs »
comptent mortes,
etemployées
commeétrangères
elles encomptent
ii : la mortalité est
plus grande
chez lesétrangères
que les chez soeurs.Mais si nous considérons l’autre
ruche,
aucune de sesabeilles,
que ce soit entant que soeur ou en tant
qu’étrangère,
n’est morte. Se baser sur la mortalité nousparaît
donc insuffisant comme moyen de contrôle.D’autre
part,
le taux de radioactivité moyen par abeille dechaque
lot nouspermet
de constater lesphénomènes
suivants :Pour l’essai 7, les soeurs et les
étrangères
sont aussi radioactives les unes que les autres et lacagette 8,
par contre, nous montre unesupériorité
desétrangères
surles soeurs.
Ces seuls faits nous montrent que les résultats donnés par le
comptage
de la radioactivité des vivantes et ceux fournis par l’étude de la mortalité sont endésaccord.
B —
Expéri’eiice portant
suyquatre jours.
Nous avons
répété
trois foisl’expérience :
essai 9, 10, ii. Ce n’est évidemment pas suffisant pour établir unerègle ; mais, malgré
tout, nous obtenons trois résultats dans le même sens. Lepourcentage
de radioactivité des soeurs établi parrapport
à la moyenne de radioactivité des nourrices est de 45 p. 100, et celui desétrangères
est de 33 p. 100.
Il
apparaît
donc que les résultats de cesexpériences
vontrejoindre
ceux desexpériences portant
sur untemps
inférieur àdeux jours.
Les
cagettes
g et 10 étaientjumelées,
c’est-à-dire que les abeillesqui
ont donnéles
étrangères
de 9 étaient nourrices et soeurs de 10(voir
schémaprécédent).
C —
Expévience portant
sur sixjours
etPlus.
Les essais de cette série vont de za à 22 inclus.
Seules les
expériences
14 et 15 ont donné chez les soeurs unpourcentage
de radioactivitésupérieur
à celui desétrangères.
Toutes les autres, c’est-à-dire huitsur dix des
expériences
faites ont montré unelégère supériorité
de la radioactivité chez lesétrangères.
Il nous a sembléqu’au
bout d’un certaintemps, supérieur
àquatre jours,
les nourrices alimentaientplutôt
lesétrangères
que leurs soeurs. Nous pourronsdire, semble-t-il,
que les nourrices ne fontplus
aucune différence entre les soeurs et lesétrangères.
Ka!,mMnrr
( 1955 )
l’avaitsignalé,
en disantqu’au
bout de troisjours
iln’y
avaitplus
de différence de mortalité entre les soeurs et lesétrangères.
I,!COMTE(ig6i),
étudiant les réactions des
abeilles,
vis-à-vis d’abeilles d’une rucheétrangère
intro-duites dans leur
cagette,
retrouve cesphénomènes. D’après lui,
lecomportement
est très différent
lorsqu’on
réunit deux groupes d’abeillesséparés
par unegrille,
sui-vant que les deux
populations possèdent
ou non chacune leur propre réserve de nour- riture.L’échange
de nourritureparaît
nécessaire et suffisant pour établir et entre- tenir entre les deuxpopulations
un lien évitantl’apparition
ducomportement agressif
lors d’une réunion.
Or,
cela ne noussurprend
pas, parce que nous savons que les abeilles d’une mêmeruche,
nées d’une mêmereine,
ne sontplus
quedemi-soeurs ;
eneffet, A LBER , Jo
p
DAN
et RuTT:VER( 1955 )
ont montréqu’une
reinepouvait
être fécondée par huit mâles et mêmeplus.
Ce ne sont donc pas les liensparentaux qui
font que les abeillesse reconnaissent comme
appartenant
à une mêmecommunauté,
mais d’autres facteursbeaucoup plus complexes.
I,a
supériorité
deséchanges qui
semble seplacer
du côté desétrangères
ne serait-elle pas due au fait que les
nourrices,
moinsgénéreuses
avec elles audébut,
les ontobligées
à demanderdavantage ?
Ceci est en accord avec les travaux de FREE
( 1957 ) qui
montre que laquantité
de nourriture que les abeilles isolées
gardent
dans leurjabot
est en relation avecleurs
expériences
antérieures. Lejabot
d’une abeille que l’on aaffamée, puis
remiseen
présence
denourriture,
estplus
lourd que celui d’une abeille nonprivée
de nour-riture.
Les différentes séries
d’expériences
nous ont fourni des résultats assez difficiles sà
interpréter.
Il serait nécessaire que ces travaux soientrepris
àplus grande échelle,
pour
qu’on puisse
leurappliquer
des calculsstatistiques.
II. -
ÉCHANGE
DE NOURRITURE ENTRE LES MAIRES ET LES OUVRIÈRES On pensegénéralement
que les mâles sontincapables
de s’alimenterseuls ;
CERTES et al.(i 953 ) placent
dans unecagette
double des mâlesséparés
des ouvrières par unegrille.
Bien que les mâles aient à leurdisposition
une nourriturenormale,
ils deviennent radioactifsquand,
dans l’autrecompartiment,
les ouvrières sontnourries d’une substance radioactive. Ils ont donc
préféré
se faire alimenter à travers lesgrilles plutôt
que deprofiter
de la nourriture mise à leurportée.
Ces auteurs attri-buent ces
échanges
au fait que les ouvrières leur donneraient du sucreinterverti,
surtout du
lévulose, l’organisme
des mâles n’étant pascapable, semble-t-il,
de trans-former le saccharose en hexoses.
Cependant
GOSSWALD et KLOFT( I 95 8)
déclarentsans donner de détails
expérimentaux,
que les mâlespeuvent
se nourrir activementet donner de la nourriture aux ouvrières.
Von MTVDT
(r 9 6I) précise
que les mâles nereçoivent
pas de sécrétion deglandes pharyngiennes,
maisuniquement
le contenurégurgité
dujabot
des ouvrières.Il
souligne,
deplus, qu’à
l’inverse de cequ’on
voit entre ouvrières etreines,
on n’ob-serve pas de faux-bourdon
qui
nourrisse d’autreindividu ;
c’est-à-direqu’il n’y
apas de
régurgitation
active dujabot
chez les mâles. Il dit aussi que leliquide
setrouvant dans le
jabot
d’un mâleprovient probablement inchangé
dujabot
del’ouvrière.
On
pouvait
donc se poser lesquestions
suivantes :Les mâles
peuvent-ils
se nourrir seuls a Soni-ilscapables de
nourrir d’autres membres de la ruche?J O
)
Dès ledébut,
l’avidité aveclaquelle
les mâles sucent le candi mis à leurdispo-
sition nous a parue
frappante.
Il nous a même étépossible
de voir deux mâles entre- croiser leurlangue, peut-être
pouréchanger
la nourriture.Nous avons travaillé sur une
cagette
double dont les deuxcompartiments
sontséparés
par unegrille.
Dans lecompartiment
desmâles,
il n’existe aucune nourri- ture, par contre une nourritureradioactive,
sous forme decandi,
est mise à la dis-position
des ouvrières. Cesexpériences
ontporté
survingt-quatre
heures : au termede ce
délai,
les animaux sacrifiés sont introduits sous lecompteur.
Le
comptage
des survivants a donné les résultatsci-après.
L’énorme mortalité des mâles est la
première
constation que l’onpeut
faire.Étant
donnél’importance
de lamortalité,
nous pouvons seulement penser d’unepart
que leséchanges
ont été le fait d’unpetit nombre,
d’autrepart
que les ouvrières ne restent pas insensibles à laprésence
desmâles, puisqu’elles
ont commu-niqué
àquelques-uns
d’entre eux une certaine radioactivité.2
°)
Onpouvait
se demander si les mâlesprésenteraient
la même mortalité si l’on introduisait de leur côté une nourriture normale.Plan
d’expérience :
Nous avons mené de
pair l’expérience
et lacontre-expérience.
Lescagettes
ont été
organisées
de lafaçon
suivante : du candi était mis à ladisposition
des in-sectes dans tous les
compartiments. Mais,
tantôt le candi était radioactif dans lecompartiment
desmâles,
tantôt dans celui des ouvrières. Ceci devait nouspermettre
de voir si les mâles en
présence
de nourriture étaientcapables
de se nourrireux-mêmes,
ou s’ils
préféraient
demander leur nourriture aux ouvrières.Nous avons
groupé
les résultats en un tableau.Il nous est facile de voir que, même en
présence
denourriture,
les mâles se font nourrir par lesouvrières, puisqu’ils
deviennent radioactifs. Cetteexpérience
confirmece que nous montrait
l’expérience précédente.
La mortalité moinsgrande peut
donnerà penser que les mâles
prennent
aussi la nourriturequi
leur estproposée
dans leurcompartiment
enplus
de ce que leurcommuniquent
les ouvrières.Ceci confirme les vues
déjà exprimées :
si les mâles sontradioactifs,
cela nepeut
être dûqu’à l’ingestion
de la nourritureplacée
de leurcôté,
et le fait que les ouvrières deviennentlégèrement
radioactivesindique
que les mâles leur ont commu-niqué
leur radioactivité.Nous
pouvons dire, pour conclure,
que les mâles sontcapables de
se 7aourrirseuls,
maisPourtant,
enprésence d’ouvrières,
ilspréfèrent
sefaire
nourrirpar elles,
ces der-niè y
es recevant en retour une substance.
3
°)
- Dans un nouveautype d’expérience,
nous avonsséparé
un certainnombre de mâles et d’ouvrières d’une même ruche en deux groupes
égaux
devingt
mâles et de
vingt
ouvrières chacun. Nous mettonschaque
lot dans unecagette
l’unavec une nourriture
radioactive,
l’autre avec une nourriture normale. Au bout de deuxjours,
nous dissocions ces deux groupes pour en constituer deux autres :- les mâles radioactifs sont
placés
avec leurs soeurs non radioactives.- les ouvrières
radioactives
sontplacées
avec leurs frères non radioactifs.Dans
chaque
nouvellecagette,
nous mettons alors une nourriture normale. Au bout de deuxjours,
l’ensemble est sacrifié etcompté
dans le château deplomb.
a - Cette
expérience
montre tout d’abord que des mâles et des ouvrières mis ensemble dans unecagette
avec du candiradioactif, présentent
un taux de radio-activité très différent. La moyenne par mâle est de 35 coups par
minute,
alors que celle des ouvrières est de14 8.
Ceci sembleindiquer
que les mâlesmangent
moins que les ouvrières.b - d’autre
part,
dans un cas comme dansl’autre,
onpeut
voirqu’il
y a eutransfert de
radioactivité,
bienqu’il
soitplus faible
des mâles vers lesouvrières,
que des ouvrières vers les mâles.4
°)
- Nous avons étudié cequi
sepasse
dans un groupe d’abeilleslorsqu’on
y introduit un ou deux mâles radioactifs.
Nous avons introduit dans une
cagette
où se trouvait unevingtaine
d’ouvrièresavec de la nourriture
normale,
des mâles radioactifs. Nous avons fait descomptages
au bout de
quarante-huit heures ;
voici le taux de radioactivité obtenu pour les ouvrières lesplus
radioactives :Le
mâle,
caractérisé aucompteur
par5 4 6
coups parminute,
a très nettement transmis une substance radioactive à trois ouvrières.Nous avons
répété plusieurs
fois cesexpériences :
danscinq
cas sursept,
nousavons eu de
façon
évidente contamination.Nous avons mis ensuite des ouvrières
âgées pendant vingt-quatre
heures encontact par groupes de
cinq
avec un oudeux
mâles radioactifs.Quelle
que soit l’im-portance
de la radioactivité desdonneurs,
les abeilles neprésentaient
pas de taux decomptage
trèsélevés ; pourtant,
il était indéniablequ’il
y avait nettement trans- mission deproduits radioactifs,
que ce soit transmission de nourriture ou contamina- tion par contact.La même
expérience
a été faite avec des abeilles naissantes. Elle a donné les résultats suivants :Les essais ont été faits avec seulement dix ouvrières.
T a
es
ouvrières placées
avec certainsmâles,
parexemple
ceux caractérisés aucompteur
par 6 013 et 7 179 coups netspar minutes,
ont montré un tauximportant
de radioactivité : pour le
premier
des chiffres commeiog, 4 6 et
51, pour lesecond 10 8, 25 8, 8 3 .
Ilparaît
étonnant que lesmâles
soientcapables
de transmettrepareille quantité
de matière radioactive àplusieurs
abeilles. Il estprobable
que les abeilles ont été contaminées d’une autre manière. C’est alors que l’examen de la nourriturenous a montré
qu’elle
était devenue radioactive. Le taux de radioactivité de cesabeilles n’était pas dû à l’intensité des
échanges,
mais au candiingéré.
Le
problème
restait entier : comment La nourrituye devenait-elle radioactive?Une observation du
comportement
desmâles
mis encagette
aapporté
la solu-tion. Il n’est pas rare de les voir
régurgiter
sur la nourriture. Cephénomène
a pu être observéplusieurs
fois et la contamination de la nourriture enapporte
une seconde preuve.Une observation
plus poussée
apermis
de constater que lesouvrières,
loin derepousser cette nourriture
polluée,
la sucent avec avidité. Nous ne saurions dire si cesphénomènes
sontgénéraux
ou s’ils sont liés aux conditions del’expérience
Ce
phénomène
s’estreproduit
en introduisant des mâles radioactifs dans descagettes
contenant d’autres mâles non radioactifs. La nourriture devenait alors radioactive.
Par
exemple :
deux mâles(55 39
et4564) ! (nous
donnons entreparenthèses
leur radioactivité en coups
nets),
ont rendu deux autres mâleslégèrement
radio-actifs