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Propriété intellectuelle

Le Brevet Unique Européen: Le projet de brevet unifié est tout autant source d’opportunités que de risques, surtout pour les PME, Par Mathieu Neu, du Nouvel Economiste.

Les atermoiements relatifs à l’adoption du brevet unifié sont à l’image des incertitudes qui portent sur le texte soumis au Parlement européen début juillet. Un système simplifié, commun aux États membres pour la protection de la propriété intellectuelle, présente des avantages indéniables, comme la forte réduction du coût des brevets, rendant l’innovation plus rentable, ou une contribution à l’internationalisation des activités. Mais cette avancée apporte son lot de risques et de craintes, à commencer par les “trolls” de brevets susceptibles de déferler sur l’Europe. Un maximum de précautions devront être prises par les entreprises, et en particulier les PME, si le cadre final retenu reste trop souple.

Il aura fallu 30 ans d’âpres négociations pour que les États membres de l’Union européenne accordent leurs violons. C’est par cette information que le président du Conseil européen Herman Van Rompuy a débuté son discours en juin dernier, lors de l’annonce de la création d’un brevet unique sur le Vieux Continent. L’affaire devait ainsi être entendue. Mais c’était sans compter la volte-face de dernière minute du Parlement européen. À l’origine de ce revirement qui a fait l’effet d’une douche froide, la suppression d’articles essentiels du texte global, à la demande de certains États membres.

Conséquence : les parlementaires ont décidé début juillet de repousser la validation de l’accord trouvé en amont, “plutôt que de risquer de vider la proposition de son contenu”, comme le craignent certains négociateurs. Ils s’inquiètent notamment du fait que la Cour de justice de l’Union européenne soit écartée des questions liées au brevet, une mise à l’écart réclamée par le Royaume-Uni. De nouvelles négociations devraient reprendre cet automne pour que le projet de brevet unifié sorte rapidement de l’impasse.

Très attendu notamment par les petites entreprises, pour lesquelles le coût de l’innovation est souvent trop élevé, le nouveau système permettrait de protéger en une seule fois une invention dans l’ensemble des pays de l’Union. Au cours des dernières années, les discussions ont tourné principalement autour du choix de la ville destinée à accueillir une juridiction unifiée compétente pour statuer sur les litiges à l’échelle du continent. La concurrence concernait Londres, Paris et Munich, aucune des trois n’étant prête à retirer sa candidature. Même si le brevet unique n’est donc toujours pas adopté, le sommet de Bruxelles des 28 et 29 juin a en tout cas permis d’accoucher d’un compromis qui ménage les susceptibilités respectives quant à la répartition des rôles : le siège de la juridiction centrale et le bureau de son président se trouveraient à Paris, alors que la partie administrative serait implantée à Munich. En fonction des cas à traiter, les 3 villes seraient sollicitées.

Les secteurs du textile et de l’électricité concerneraient plutôt Paris, l’ingénierie et la mécanique reviendraient à Munich, et Londres hériterait de domaines importants comme la métallurgie, les sciences du vivant, la chimie, la pharmacie.

Le besoin d’un système plus simple et attractif

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Avec le nouveau système envisagé, une PME qui demandera un brevet unique européen déposera son dossier à l’OEB, à Munich. Cette organisation, qui a enregistré près de 250 000 demandes de dépôts l’an passé, instruira la demande et se chargera de la traduction en anglais, allemand ou français, les trois langues officielles de travail avec lesquelles elle compose. Un choix linguistique qui explique le refus de l’Espagne et l’Italie d’être associés à ce projet de brevet européen. Leur position pourrait toutefois évoluer. Michel Barnier, commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, a fait savoir que “la porte leur restait ouverte. Et quelle que soit la décision de leur pays, les sociétés espagnoles et italiennes pourront bénéficier du brevet européen”. Le délai de mise en place des procédures étant long, les entreprises devront encore patienter avant de pouvoir utiliser ce nouveau dispositif. Le premier brevet sous sa nouvelle mouture pourrait être attribué au plus tôt dans les premiers mois de 2014, si celui-ci est adopté rapidement.

Un brevet européen est déjà en vigueur depuis 1977. Son concept de base est celui d’un brevet conférant une protection “à la carte” après une procédure centralisée de dépôt et un examen menés par l’OEB (Office européen des brevets). Les effets du brevet délivré sont identiques à ceux d’un brevet national dans les États où l’auteur de l’invention choisit de valider et de protéger ses droits. Le brevet européen devient ainsi un faisceau de brevets nationaux. En plus de la taxe de délivrance versée à l’OEB, l’inventeur doit payer une taxe annuelle de validation à chaque office national concerné pour maintenir le brevet. Ce système extrêmement souple qui a connu un grand succès, se caractérise par deux défauts : son coût, et son usage complexe dans les cas de lutte contre des contrefaçons apparaissant dans plusieurs pays de l’Union européenne.

Sur le plan financier, des traductions du brevet délivré doivent être fournies dans les pays qui, tels que l’Espagne et l’Italie, ne reconnaissent pas la langue officielle du brevet lors de sa délivrance. Même en limitant leur nombre, le titulaire du brevet qui veut acquérir des droits dans ces pays est obligé de supporter de multiples frais de traduction. Quant à l’exercice des droits en cas de contrefaçon, il se fait encore au niveau national, de sorte que des actions en justice distinctes doivent être menées dans chacun des pays concernés – entraînant des dépenses d’autant plus élevées –, auxquelles s’ajoute une grande insécurité juridique, car les tribunaux nationaux peuvent prendre des décisions divergentes.

Au-delà des blocages politiques qui empêchent pour l’instant la nouvelle idée de voir concrètement le jour, l’initiative s’inscrit dans une volonté globale de faciliter les démarches innovantes, trop souvent pointées du doigt pour leur complexité. “Dans un contexte où les fonds disponibles pour les activités de recherche ont tendance à être coupés, il est d’autant plus essentiel de remanier le cadre dans lequel celles-ci s’exercent, afin d’inciter les PME à innover”, estime Philippe Letellier, directeur de l’innovation de l’Institut Mines-Télécom. Le nouveau brevet envisagé par l’Union européenne combine plusieurs avantages. Non seulement il bénéficie de la qualité du travail de l’OEB, qui continuerait à en assurer la délivrance selon la même procédure que celle qui avait cours jusque-là, mais il serait d’emblée validé dans l’ensemble des États membres. Le déposant ne payerait donc plus qu’une seule taxe de validation.

La mise en place du brevet unique européen permettrait de relancer l’innovation en Europe, menacée par la concurrence américaine et une présence asiatique de plus en plus forte. La Chine est devenue le quatrième déposant de brevets européens. Selon les chiffres de l’OEB, en 2011, 32 % des brevets déposés en Europe proviennent d’Asie, et 24 % des États-Unis, alors qu’ils sont 38 % à provenir de pays européens. Les États-Unis restent le premier État déposant sur le Vieux Continent. Dans le classement des entreprises déposantes, le groupe Alcatel-Lucent est la première entreprise française, placée en seizième position. EADS, Sanofi et Technicolor sont les quelques autres sociétés hexagonales qui ont le privilège de figurer dans les 40 premières places.

“Après un fléchissement des investissements lié à la crise financière en 2008 et 2009, les entreprises ont décidé de reprendre leurs efforts en matière de Recherche et Développement. Elles ont compris que pour développer des avantages comparatifs dans une économie de plus en plus mondialisée, où

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des nouveaux compétiteurs arrivent en force, il faut maintenir sa capacité d’innovation”, souligne Benoît Battistelli, président de l’OEB. Une politique européenne favorable en matière de protection de l’innovation forme alors un appui supplémentaire de taille. En janvier 2012, les députés Claude Birraux (UMP) et Jean-Yves Le Déaut (PS) tiraient la sonnette d’alarme dans les conclusions d’un rapport sur L’innovation à l’épreuve des peurs et des risques. Après avoir constaté la progression à une vitesse vertigineuse des pays émergents, les deux parlementaires formulaient une série de recommandations, et plaidaient “pour une vraie politique d’innovation européenne”, incluant des mesures en faveur d’un brevet européen qui réduirait notamment la question des coûts de la protection de la propriété intellectuelle.

Une innovation plus abordable pour les petits

Le brevet unique devrait permettre de réduire de 80 % les coûts de la protection des inventions.

Aujourd’hui, des démarches sont nécessaires dans chaque pays, entraînant des frais importants, en particulier pour la traduction. Ces coûts s’avèrent souvent insurmontables pour les plus petites entreprises. Les grandes sociétés ne sont pas les premières concernées, car elles disposent de moyens conséquents pour financer ces brevets. La forte réduction qui découlerait du nouveau système constituerait donc une avancée considérable pour la compétitivité des PME. Le coût annuel d’un brevet pour une entreprise européenne qui souhaite protéger son invention dans les 27 pays de l’Union est d’environ 36 000 euros, dont 23 000 euros uniquement consacrés à la traduction.

Très souvent, les déposants doivent se limiter aux pays les plus intéressants économiquement, pour réduire leurs dépenses. À titre de comparaison, une entreprise américaine qui se protège aux États- Unis ne débourse que 1 850 euros. La démarche est donc chère, mais ne pas payer ce prix implique de laisser libre cours aux produits de contrefaçon. “Les PME ont généralement peu de moyens.

Toutes les évolutions qui simplifient leurs tâches et réduisent leurs coûts relatifs à l’innovation sont bonnes à prendre”, confie Pierre Dufresne, président de Toulouse Tech Transfer, une SATT (Sociétés d’accélération du transfert de technologie) dont le rôle est d’accompagner les entreprises pour rendre les savoir-faire et innovations plus adaptés aux réalités du marché. Cette question des coûts, pierre angulaire pour les PME, forme le principal enjeu de la réforme.

Pour Pierre Gohar, directeur de l’innovation et des relations avec les entreprises au CNRS, “le goût d’innover passe notamment par la réduction de coûts. Le but des acteurs publics est de montrer l’intérêt d’avoir des démarches innovantes répétées. Si les projets impliquent des prises de risque trop importantes, ils sont bien sûr vus avec beaucoup plus de réticences”. Selon le cabinet d’avocats Picovschi, notamment spécialisé dans les questions de propriété intellectuelle, le nouvel accord envisagé a pour ambition d’apporter des solutions à ces problèmes. Le régime des traductions devrait être nettement allégé, puisque le brevet européen ne devra plus être traduit que dans les trois langues officielles (anglais, allemand, français).

Des traductions automatiques par des moyens électroniques pourraient aussi être prévues dans d’autres langues. À noter par ailleurs qu’un brevet unifié peut également encourager l’expansion internationale des activités. Pierre Gohar rappelle par ailleurs que les métiers à soutenir par l’innovation vont bien au-delà des technologies de l’information et de la communication. “Le textile, le traitement du cuir et des peaux, la chaudronnerie figurent parmi les secteurs traditionnels dont on n’imagine pas spontanément le potentiel d’innovation qu’ils recèlent”, illustre-t-il.

Une réponse qui pose de nouvelles questions

Mais la création d’un brevet unique européen pose le problème des “trolls” du secteur, ces sociétés dont le seul but est de rentabiliser un portefeuille de brevets en engageant des procès ou en menaçant de le faire. La raison d’être de ces entreprises semble a priori louable. Elles valorisent des inventions qui ne seraient soit pas utilisées, soit utilisées sans que leur inventeur en soit informé, et donc rémunéré. Mais les pratiques déployées ne laissent plus aucun doute quant à leurs véritables intentions.

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Les entreprises victimes des trolls avouent être souvent dans l’incapacité de savoir quels brevets elles utilisent. Qu’il s’agisse de constructeurs d’automobiles, d’ordinateurs ou de téléphones portables, ils assemblent des milliers de composants ou produits achetés à leurs fournisseurs qui ne sont généralement que des intermédiaires d’une longue chaîne dans laquelle l’information scientifique et technique se noie. Les “trolls” profitent alors de cette méconnaissance pour exiger des redevances importantes que les constructeurs ciblés finissent par payer pour éviter un procès aux conséquences encore plus coûteuses.

Avec un brevet qui offre une protection sur un marché aussi étendu que celui de l’Union européenne, les sommes à espérer lors de plaintes seront beaucoup plus importantes. Ces pratiques risquent alors de se répandre. Les “trolls” viseraient prioritairement les grands groupes, en bout de chaînes de production, capables de payer de forts montants. La société Research In Motion, qui commercialise le célèbre téléphone BlackBerry, a ainsi fini par payer 394 millions d’euros à la société NTP (New Technology Products), après plus de cinq ans de procédures pour contrefaçon. Mais certaines sources révèlent que les PME sont également fortement menacées. Selon une étude publiée en juin 2012 par la School of Law de l’université de Boston, la plupart des sociétés ciblées par les “trolls”

seraient des PME : 82 % d’entre elles génèrent des revenus annuels inférieurs à 75 millions d’euros.

Le brevet semble devenir un produit comme un autre. Des investisseurs en capital-risque s’y intéressent et prennent désormais des participations dans des sociétés de portefeuilles de brevets, comme l’entreprise américaine Intellectual Ventures. Certaines firmes comme Ocean Tomo se sont même lancées dans les ventes aux enchères de brevets. Les spécialistes de la propriété intellectuelle encouragent les entreprises à recourir à un accompagnement, afin de s’assurer d’une transparence totale et d’une connaissance précise de tous les éléments en jeu. “S’informer, lutter contre les méconnaissances est le moyen le plus efficace pour se débarrasser des craintes”, rappelle Pierre Gohar.

D’autres questions restent aujourd’hui en suspens et laissent les PME dans l’expectative. Avec un nouveau brevet unique européen, comment se déroulera l’uniformisation des procédures ? Actuellement, un procès en contrefaçon de brevets dure au maximum deux demi-journées en France, un peu plus en Allemagne, et environ deux semaines en Angleterre où se pratiquent des interrogatoires et contre-interrogatoires de témoins et experts. Et comment sera appliquée la répartition par compétences, prévue lors d’un procès, en cas de recouvrements entre les domaines techniques concernés ? Il existe une classification internationale des secteurs techniques, mais il arrive fréquemment que plusieurs classes différentes soient affectées à un même brevet. L’ajout de juges techniciens, en plus des magistrats habituels, peut être une solution, comme c’est déjà le cas en Allemagne. En fonction de l’option retenue, les coûts de procédure changeront.

Etats-Unis : Une réforme actée mais insuffisante

Après 5 années de discussions et de lobbying, une page s’est finalement tournée en 2011 aux États- Unis dans l’histoire du droit de la propriété intellectuelle. Le nouveau chapitre, intitulé “Leahy-Smith America Invents Act”, se présente comme l’évolution la plus importante depuis 60 ans dans le système des brevets. La nouvelle réglementation gomme notamment des différences importantes qui subsistaient jusque-là avec les principes en vigueur en Europe. Désormais, les droits portant sur une innovation appartiennent à celui qui procède le premier au dépôt d’une demande auprès de l’office national des brevets, comme sur le Vieux Continent, alors que par le passé, c’est la date de l’invention qui faisait foi.

Une règle qui peut sembler plus équitable, mais qui impliquait des lourdeurs de procédures considérables en cas de compétition entre deux inventeurs. Le système américain s’aligne donc sur les lois en vigueur en Europe, mais aussi sur le modèle d’autres marchés très actifs comme le Japon ou la Chine. L’uniformisation des règles à l’échelle mondiale serait favorable à l’emploi américain, si l’on en croit les arguments politiques mis en avant aux États-Unis pour défendre la réforme.

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Cette décision a contraint les entreprises à revoir rapidement leur organisation interne, afin d’éviter la perte de temps entre l’obtention des résultats brevetables et le dépôt effectif de leur demande. La sécurisation de cette période de latence par des dépôts provisoires a également dû être envisagée.

Au-delà de l’uniformisation des systèmes, cette évolution peut-elle apporter des solutions aux problèmes de fond, comme celui de la qualité des brevets déposés ? Selon une étude de l’OCDE de 2011, cette dernière a reculé en moyenne de 20 % entre les années 1990 et les années 2000, aussi bien dans les pays membres de l’organisation que dans d’autres États (Afrique du Sud, Brésil, Chine, Russie, Inde…).

La baisse de qualité serait surtout liée aux stratégies déployées par les entreprises pour conquérir ou protéger leur marché, en minant le terrain avec des brevets parfois sans valeur. Bon nombre d’experts américains en droit de la propriété intellectuelle regrettent que les réformes ne s’attaquent pas aux véritables écueils, et estiment même que le fonctionnement actuel nuit à l’innovation. Une enquête publiée en juin 2012 par la School of Law de l’université de Boston dresse un bilan financier qui devrait interpeller les politiques. Sur 5 842 affaires juridiques concernant 2 150 entreprises, quelque 21 milliards d’euros ont dû être versés l’an passé. Ces actions coûtent plus cher aux sociétés concernées qu’elles ne rapportent aux inventeurs, “ce qui réduit le montant net que les entreprises de toute taille ont à investir dans l’innovation”, précise l’étude.

Par Mathieu Neu

 

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