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Chirurgie ambulatoire : soyons prêts !
HANNOUCHE, Didier, FARRON, Alain Jean-Pierre
HANNOUCHE, Didier, FARRON, Alain Jean-Pierre. Chirurgie ambulatoire : soyons prêts ! Revue médicale suisse , 2018, vol. 14, no. 631, p. 2235-2236
PMID : 30550017
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:126313
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ÉDITORIAL
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12 décembre 2018
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Chirurgie ambulatoire : soyons prêts !
Prs DIDIER HANNOUCHE et ALAIN FARRON Notre métier a considérablement évolué en
20 ans : de nouvelles entités nosologiques ont émergé conduisant à la conception et la réali- sation de nouvelles opérations (par exemple, du conflit fémoro-acétabulaire) ; les implants fabriqués sont plus résistants, améliorant ainsi la longévité des prothèses articulaires (par exemple, du polyéthylène hautement réticulé) ; les techniques chirurgicales se sont simplifiées, devenant moins invasives et moins traumatisantes pour les tissus. Mais surtout, nos pratiques ont radicalement changé. La chirurgie contemporaine est devenue de plus en plus technique, et s’est subdivisée en spécialités, légitimées par l’accumulation des connaissances et les avancées techniques.
Parallè lement, la durée d’hospitalisation s’est considérablement réduite pour la plupart des interventions, ce qui a été rendu
possible à la fois par l’amélio ra- tion de nos techniques, mais aussi par les progrès de l’anesthésie, un meilleur contrôle de l’antalgie, une physiothérapie plus précoce, et l’instauration d’itinéraires cli- niques et de protocoles per- sonnalisés de récupération post- opératoire, aujourd’hui en place
pour un bon nombre d’interventions. Cette démarche consiste à élaborer un plan de soins pour tous les patients, basé sur les re- commandations de bonne pratique clinique, et s’est peu à peu diffusée dans la plupart des grandes institutions dans le monde. Toutes les études montrent que l’instau ration de tels itinéraires contribue à améliorer de façon très significative la qualité des soins, à flui- difier le parcours des patients, et à augmen- ter la satisfaction des soignants, tout en réduisant le taux de compli cations postopé- ratoires.1
La chirurgie ambulatoire s’inscrit dans cette démarche d’optimisation et d’amélioration de la qualité des soins. Elle représente une évolution naturelle de la chirurgie stationnaire, sur laquelle elle gagne progressivement du terrain dans tous les pays occidentaux. Elle
est plébiscitée par de nombreux patients qui souhaitent retrouver au plus vite leur envi- ron nement, et par les cantons qui voient là des possibilités substantielles d’économies.
Elle deviendra sans doute à terme la norme pour une proportion importante d’actes en orthopédie à l’exception des interventions lourdes et des traumatismes graves. En 1993, Jarrett et Wetchler2 écrivaient « By the end of this century the question will not be whether a patient is suitable for treatment on an ambulatory basis rather than as an inpatient, but whether there are any indications for admission for inpatient treatment. »
La Suisse a pris conscience de ces enjeux. Aux Etats-Unis, en 2007, près de 55 % des inter- ventions chirurgicales ortho pédiques étaient
réalisées en ambulatoire,3 et une enquête réalisée en 2018 auprès des chirurgiens de la Société américaine de la hanche et du genou (AAHKS) rapportait que près d’un quart avaient implanté des prothèses de hanche et de genou en ambulatoire.4 En France, le pourcentage envisagé de pa- tients traitables en ambulatoire est de 80 % toutes disciplines confondues. La Suisse accuse un certain retard, avec un taux estimé de patients ambulatoires d’environ 20 % en orthopédie, si bien que le Départe- ment fédéral de l’intérieur (DFI) a décidé qu’à partir du 1er janvier 2019, selon l’annexe 1, chap. 1.1, de l’Ordonnance sur les presta- tions de l’assurance des soins (OPAS), six groupes d’interventions ne seraient pris en charge qu’en ambulatoire à l’avenir, dont les arthroscopies du genou (y compris les opé- rations du ménisque).5 En chirurgie orthopé- dique, le potentiel de croissance est impor- tant, avec une proportion cible raisonnable d’actes réalisés en ambulatoire de 40 %, à condition de mettre en place les conditions favorables à son dévelop pement.
Le succès passera par la prise en compte d’un certain nombre de facteurs limitants, et Articles publiés sous
la direction de
DIDIER HANNOUCHE Service universitaire d’orthopédie et de traumatologie HUG et Université de Genève, Genève
ALAIN FARRON Service universitaire
d’orthopédie et de traumatologie CHUV et Université de Lausanne, Lausanne
Bibliographie 1
Ljungqvist O, Scott M, Fearon KC. Enhanced recovery after surgery : a review. JAMA Surg 2017;152:292‑8.
2
Jarrett PEM, Wetchler BV. Ambulatory surgery, 1993;b;1:3.
3
Russo A, Elixhauser A, Steiner C, Wier L.
Hospital‑based ambulatory surgery, 2007: Statistical Brief
#86. Healthcare Cost and Utilization Project (HCUP) Statistical Briefs [Internet].
Rockville (MD): Agency for Healthcare Research and Quality (US); 2006 Feb‑.2010 Feb.
4
Lieberman JR, Molloy RM, Springer BD.
Practice management strategies among current members of the American association of hip and knee surgeons.
J Arthroplasty 2018;33:S19‑29.
5
www.bag.admin.ch/bag/
fr/home/versicherungen/
krankenversicherung/
krankenversicherung‑
revisionsprojekte/
konsultation‑ambulant‑
vor‑stationaer.html
LA SUISSE A PRIS CONSCIENCE DE CES ENJEUX,
MAIS ELLE ACCUSE ENCORE
UN CERTAIN
RETARD
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nécessitera l’adhésion, la conviction et l’en- gagement de tous les acteurs (médecins, person nels soignants, instances dirigeantes, assureurs, politiques…). Aux listes d’actes éta- blies de façon concertée, il faudra y adjoindre des critères stricts d’éligibilité, l’établissement d’indicateurs qualité (tels que les taux de satisfaction, de réadmissions, de conversion, et de compli cations), et des mesures finan-
cières persuasives.
La chirurgie ambulatoire est dans sa ligne droite. Elle a vocation à s’étendre tant pour des raisons technologiques, démographiques, sociétales, qu’économiques.
Alors, soyons prêts !