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À qui a-t-on affaire?

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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En protection des cultures, quatre vecteurs de maladies connus à travers le monde sur cinq sont des Hémiptères. En transmettant un agent patho- gène à une plante, l'insecte

hémiptère devient l'ennemi n01.

Maïs, riz, fraisier, vigne, toma- te, abricotier, cocotier, etc., aucune plante cultivée ny échappe ou presque. Cela implique des études biolo- giques souvent longues pour,

tout d'abord, savoir à qui l'on a affaire et ensuite, tenter de trouver un remède. Cicadelles, pucerons, aleurodes, psylles et

autres cochenilles, sont donc à surveiller. Voyons d'un peu plus près qui sont-ils.

La

vection d'agents pathogènes par des Hémiptères" est un proces- sus qui affecte la plupart des cul- tures, annuelles ou pérennes (céréales, fruitiers, légumes, etc.) et sur tous les continents. Les Hémiptères phytophages sont des insectes piqueurs et suceurs de

sève. Lors de leur prise de nourri- ture, soit ils se contaminent sur une plante préalablement infectée, soit ils inoculent un agent pathogène déjà présent dans leur salive. Ces agents peuvent être des virus, des bactéries ou des phytoplasmes (bactéries sans paroi, parasites obligatoires de plantes et d'in- sectes). La place qu'occupent ces insectes dans la protection des cultures est ainsi très importante, au sein de plusieurs disciplines scientifiques, telles que la zoologie et la pathologie végétale.

Les vecteurs des piqueurs de vaisseaux pas si

fantômes que ça

Quand on constate qu'une plante est contaminée, il est souvent trop tard pour agir. Le responsable, c'est-à-dire le vecteur, est déjà bien loin. On observe plusieurs cas de

figure : la plante continue de vivre malgré son infection, sans montrer aucun symptôme (des vignes de porte-greffes contaminées, par exemple), ou bien la plante vit mais elle est affaiblie durant toute sa vie, ou bien encore la plante meurt. L'origine de ces états est donc la contamination par un pathogène introduit dans le tissu végétal par un insecte.

Rappel des faits : un insecte devient vecteur quand il transmet à une plante un agent pathogène qui pourra entraîner dans l'hôte le développement d'une maladie*".

L'agent pathogène peut rester quelques minutes dans les stylets de l'insecte - mode de transmission non persistant, soit y rester quelques heures ou plusieurs jours - mode semi persistant, soit coloni- ser le corps de l'insecte (tube digestif, puis les glandes sali- vaires), en se multipliant ou non- mode persistant. Dans ce dernier cas, l'insecte peut rester infectieux tout au long de sa vie, apte à trans- mettre l'agent infectieux. À noter

'" désignés par Homoptères jusqu'à récemment. La notion dl Hémiptères est ainsi passée de l'~mcien statut d'ordre unique et distinct à celui, aujourd'hui reconnu de super-ordre, divisé en deux ordres: les Hétéroptères et les Homoptères (d'après l'Atlas des Hén1iptères de France) A. Villiers) éd. Bouhée).

** à noter qu'un insecte peut être porteur et non vecteur, c'est -à -dire qu'il aura acquis le pathogène sur une plante contaminée, mais il sera incapable de l'inoculer par la suite.

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Estimations des Hémiptères phytophages décrits et vecteurs d'agents pathogènes (toutes cultures confondues)

Nombre d'espèces Nombre de vecteurs Agents pathogènes

connues connus transmis

Monde France Monde France HEMIPTERA -84000 -3570

Cicadomorpha 38000 600

Membracidés 4500 3 1 0 virus

Cercopidés 3600 22 10 0 virus, phyto-

plasmes, bactéries Cicadelles 30000 550 150 -10 virus, phytoplasmes Fulgoromorpha -12000 227

Cixiidés 790 40 3 1 virus, phytoplasmes

Delphacidés 2000 120 27 3 virus

Derbidés 740 0 1 0 phytoplasmes

Platidés 920 3 1 0 bactérie

Sternorrhynqua -15000 -1200

Psylles 2170 160 6 3 phytoplasmes,

spiroplasmes

Aleurodes 1200 26 6 2 virus

Pucerons 4400 700 200 a ? a virus

Cochenilles 7500 330 30 0 virus

Heteroptera 35000 1 500 2 0 virus

a : Au niveau mondial, sur 300 espèces de pucerons testés, 200 se révèlent vecteurs ; par extrapolation, on peut estimer à environ 3 000, le nombre de pucerons vecteurs dans le monde et, en France, à 450.

que les phytoplasmes, comme les virus, s'avèrent peu ou pas patho- gènes pour les insectes, mais peu- vent modifier leur longévité et leur fécondité.

À qui a-t-on affaire?

Parmi les centaines de maladies connues rencontrées dans les cultures, la majorité d'entre elles sont transmises par des insectes.

Les Hémiptères phytophages re- présentent à eux seuls 80 % des vecteurs, répartis de la façon sui- vante: 57 % de pucerons, coche- nilles, psylles et aleurodes (sous- ordre des Sternorrhynques) et 43 0/0 de cicadelles (sous-ordres des Cicadomorphes et Fulgoromor- phes). En France, on comptabilise environ 3 500 espèces d'Hémip- tères, dont seul un petit nombre a un rôle vecteur démontré (voir

tableau ci-dessus). Le nombre d'es- pèces décrites et vectrices reste d'ailleurs approximatif pour la plu- part des groupes. Chez les puce- rons, la vection selon le mode non- persistant (le plus fréquent) rend plus difficile la validation. Il faut donc considérer les chiffres concer- nant les Hémiptères vecteurs comme une sous-évaluation de la réalité.

Virus et phytoplasmes) des agents pathogènes

de moins en moins secrets

Nous illustrerons ce dossier en utili- sant la culture de la vigne comme exemple. Dans les vignobles coexistent différentes maladies transmises par des Hémiptères. Les

* qui s'attaque à la vigne spécifiquement; du grec am pelas, vigne

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mieux connues sont les maladies à phytoplasmes (jaunisses de la vigne), telles que la Flavescence dorée et le Bois noir, mais il existe aussi la maladie de l'Enroulement qui est due à des virus. Suite à la contamination par un pathogène, la vigne extériorisera des symptômes caractéristiques. Dans le cas des jaunisses, les pathogènes présents dans le phloème vont modifier la physiologie de la plante et induire des symptômes sur les feuilles (décoloration), sur les tiges (mau- vaise lignification) et sur les raisins (dessèchement). Pour l'enroule- ment viral, les feuilles s'enroulent vers l'intérieur et changent de cou- leur. De plus, le virus est à l'ori- gine de dysfonctionnements phy- siologiques qui auront une inciden- ce sur la qualité du vin produit. Les phytoplasmes se transmettent tou- jours selon un mode persistant et se multiplient à l'intérieur de l'insecte. Dans le cas du virus de l'enroule- ment, c'est un mode se mi-persistant qui régit le processus de vection.

Flavescence dorée:

une cicadelle sous haute surveillance

La Flavescence dorée est une mala- die épidémique très grave des vignobles du sud de la France. La cicadelle, Scaphoideus titanus BaIl (Cicadellidae), vit sur la vigne et va contaminer les ceps de proche en proche. Originaire d'Amérique du Nord, S. titanus présente une seule génération. Les cinq stades larvaires et l'adulte se développent sur la vigne. Les premières larves du mois de mai peuvent contracter l'agent et donner des adultes infectieux en juillet. Ce sont ces derniers qui ino- culeront le phytoplasme aux vignes environnantes. L'es- pèce hiverne sous forme d' œufs insérés sous l'écorce des bois de deux ans. Du fait du caractère ampélophage*

strict de S. titanus, on observe une progression par tache au sein d'une

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parcelle de vigne, et après quelques années, si rien n'est fait, une parcel- le peut se révéler totalement conta- minée. La cicadelle se retrouve jusque dans le vignoble de Bourgogne, mais heureusement sans le phytoplasme, puisque aucun cep malade n'a jamais été détecté dans cette région.

Le Bois noir:

cas d'un Cixiidé polyphage

Le Bois noir peut coexister avec la Flavescence dorée, sachant qu'on le connaît dans toutes les régions viticoles françaises, ainsi que dans plusieurs pays européens. D'une façon générale, la pression de la maladie reste faible, de l'ordre de 1 à 15 % des ceps malades au sein d'une parcelle contaminée. Le phy- toplasme responsable est identique à celui qui est à l'origine de la mala- die du Stolbur de la tomate et autres solanées. Le vecteur est un Fulgoromorphe, Hyalesthes obsole- tus Signoret (Cixiidae). L'adulte vit de juin à août et n'a qu'une seule génération par an. Les larves succè- dent à l'adulte de l'automne au printemps suivant. Le développe- ment larvaire (cinq stades) a la par- ticularité de se dérouler sous terre le long des racines de plantes sau- vages (liserons, passerages, etc.) durant près de neuf mois. Il n'a jamais été observé de larves sur la

vigne, et par ailleurs l'insecte adulte ne s'y nourrit pas. Il effectue seule- ment des tentatives de prise de nourriture qui suffisent à ino-culer le phytoplasme à la vigne. H. obso- letus vit à l'extérieur des parcelles, dans les bordures, les friches et les terres non travaillées. Les plantes- hôtes sauvages, principalement les liserons, sont considérées comme des plantes réservoirs du phyto- plasme. En vivant sur des liserons infectés, les larves et adultes de H. obsoletus pourront se contami- ner. C'est durant ses vols que l'in- secte infecté entrera dans une par- celle pour venir se poser sur une vigne, la piquer et lui transmettre le phytoplasme. Les adultes de H.

obsoletus piquent au hasard, c'est pourquoi on constate des ceps malades isolés dans les parcelles.

L'Enroulement:

les cochenilles passeront-elles à l'attaque ?

L'Enroulement de la vigne est pré- sent dans tous les vignobles du monde. Depuis le début des années 1980, il a été montré dans différents vignobles (en Italie, Israël, Nouvelle- Zélande, Espagne), que des coche- nilles appartenant aux Coccidés et aux Pseudococcidés sont capables de transmettre des virus à la vigne.

En France, ce rôle n'a pas encore

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Parthenolecanium corni sur une myrtille américaine . ..

(Cliché R. Coutin - OPIE)

été démontré, mais des recherches sont actuellement engagées à l'INRA sur ce sujet. Sur les neuf cochenilles recensées sur vigne dans notre pays, quatre sont recon- nues à l'étranger comme vectri- ces des virus de l'enroulement: il s'agit des Coccidés Neopulvinaria innumerabilis (Rathvon), Pulvina- ria vitis L. et Parthenolecanium corni Bouché, et du Pseudoco- ccidé Planococcus citri Risso.

L'étendue et la diversité des aires climatiques du vignoble français rend la répartition bio-géogra- phique des cochenilles difficile.

C'est pourquoi les limites de pré- sence pour bon nombre d'entre elles ne sont pas clairement défi- nies. Nous nous arrêterons sur la Cochenille du cornouiller, Parthe- nolecanium corni, qui est une espèce dont la biologie a été bien étudiée. Les récents travaux d'une équipe italienne démontrent la capacité de cette cochenille à trans- mettre le virus de l'enroulement en conditions expérimentales. On ne peut encore pas affirmer que cette espèce est seule responsable de la dissémination de la maladie, mais elle

Cette lame de Scaphoïdeus titanus laisse deviner les futures ailes de l'adulte. (Cliché R. Coutin - OPIE)

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Le terme "cicadelle" recouvre en fait deux groupes d'Homoptères Auchénorrynques, les Cicadelloidea (ou jassoidea) proches des Cigales et incluant les Cercopides, et les Fulgoroidea (Delphacides, Issides, Cixiides). Ce sont de petits insectes sauteurs, piqueurs-suceurs, phytophages, aux antennes courtes. Les larves, mobiles, très actives, ont le même mode de vie que les adultes. Ces derniers possèdent deux paires d'ailes membraneuses, disposées le plus souvent en toit au repos. À voir sur http://www.inra.fr/ /HYPPZ!glossair.htm, le glossaire des ravageurs en ligne.

peut en être un acteur important. Elle est présente dans tous les vignobles français, et pour cela doit faire l'objet d'une attention particulière. C'est une espèce également présente sur le continent américain. Chez nous, elle hiverne sous l'écorce des ceps de vignes sous la forme de lalves de second stade. C'est au printemps, au moment du déboun-ement, que la mue imaginale a lieu. Les femelles grossis- sent et s'immobilisent ; les œufs sont pondus sous la coque, et lors de l'éclo- sion en juin/juillet, les jeunes larves colonisent les parties herbacées pour se noun-ir. Il n'est pas rare d'en trouver une centaine sous une même feuille.

Chaque femelle peut pondre jusqu'à 2000 œufs. Présentes le long des net~

vures, les lalves vont y rester jusqu'à la fin septembre, puis muer et migrer sous l'écorce à la chute des feuilles. Les 1alves peuvent donc se contaminer sur une vigne malade, puis infecter un autre cep au gré de leurs déplace- ments. La dispersion du vecteur peut s'effectuer par le vent, les pluies ou l'in- tervention de l'homme

et

de ses outils.

Lutter en respectant 1 Jenvironnement

Plusieurs méthodes de lutte ont fait leurs preuves et d'autres sont à l'étu- de. Dans le cas de la Flavescence dorée, quand l'insecte et la maladie sont présents, la lutte insecticide est obligatoire par arrêté préfectoral. Les parcelles malades doivent être arra- chées, dès lors que le seuil de 30 % de ceps malades est dépassé.

Actuellement, une voie biologique est à l'étude. Des insectes parasitoïdes sont recherchés (captures, élevages, acclimatation) sur le lieu d'origine de S. titanus, autour de la zone des Grands Lacs aux États-Unis. En Bourgogne, où seule la cicadelle est

présente, on applique des mesures préventives de non-introduction de plants de vignes contaminés, pour ne pas créer de nouveaux foyers.

Concernant le Bois noir, la lutte est plus complexe. Puisque le vecteur vit principalement à l'extérieur des vignes, toute lutte insecticide est inutile. En revanche, on peut agir par mesures prophylactiques en gardant les vignes propres (avec peu ou pas de liserons), et en labou- rant les friches qui sont des foyers proches de l'inoculum du phyto- plasme, où l'insecte pullule. Ces labours hivernaux permettraient de perturber le développement des larves présentes sur les racines des plantes hôtes sauvages.

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Le potentiel d'espèces vectrices, donc nuisibles, au sein des Hémiptères est considérable. En effet, par le jeu d'in- troductions accidentelles, une espèce peut se révéler être un nouveau vec- teur et entraîner le développement d'une nouvelle maladie. De plus, une même espèce, par son caractère poly- phage, peut inoculer un ou des pathogènes à plusieurs cultures, comme c'est le cas avec le Cixiidé H.

obsoletus (vigne, solanées, lavandin) ou avec les aleurodes (comme Bemisia tabacz), les cicadelles et les pucerons. Malgré tout, plusieurs stra- tégies de lutte contre les maladies sont employées : en dehors de la lutte

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chimique, notons que la création de variétés végétales résistantes aux virus, quoique délicate à mettre en œuvre est le moyen le plus efficace et le plus économique. L'orientation actuelle tend à privilégier l'obtention d'une résistance partielle chez les plantes, qui, accompagnée de bonnes pratiques culturales, paillages plas- tique, élimination des hôtes sauvages, etc., permettra d'assurer une protec- tion suffisante. La lutte biologique nourrit de grands espoirs car elle allie spécificité et respect de la diversité de l'entomofaune. À ce titre, les ennemis naturels de ces Hémiptères, capables d'en réguler naturellement les popu- lations, mériteraient mieux que de subir les traitements insecticides. Afin de ne pas matraquer ces auxiliaires des cultures, il serait bon de gérer au mieux le choix des produits utilisés, les dates d'interventions, la création de zones refuges, etc. La mise en place d'une opération de lutte biolo- gique est cependant longue et coû- teuse. Elle reste incontournable si l'on veut tendre vers une protection rai- sonnée du vignoble, donc respec- tueuse de l'environnement. 0

Pour en savoir plus

Sforza et coll., 1998 - Le vecteur principal de la maladie du Bois noir, Phytoma, La défense des végétaux, n050, pp. 33-37.

FLOW, Fulgoromorpha List On The Web, sur le site Internet

(français/anglais) :

http://flow.snv.jussieu.fr/

Le "Bois noir" sur Internet (français/anglais) :

members.aol.coml sforza23/ oupa/

Pagel.html

L'auteur

René Sforza est phytopathologiste et entomologiste. Il a travaillé sur la vection de la maladie du "Bois noir" à l'INRA de Dijon, et effectue actuelle- ment un post-doctorat sur la vection des virus de 1'''Enroulement de la vigne" à l'INRA de Colmar et l'INRA de Dijon.

Contact : sforza23@aol.com

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