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Le traitement agoniste opioïde (TAO, traitement de substitution aux opiacés en France), combiné à des interventions psychosociales, reste la solution de référence...

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Le Courrier des addictions (20) – n° 2 – avril-mai-juin 2018 24

F F o o c c u u s s F F o o c c us u s

L

e traitement agoniste opioïde (TAO, traitement de substitution aux opiacés en France), combiné à des interventions psychosociales, reste la solution de référence pour la dépendance aux opiacés. En Europe, 1,3 million de personnes, de 15 à 64 ans, présen- taient en 2015 un usage problématique d’opiacés.

Près de la moitié avait reçu un TAO. Ces chiffres sont cependant à interpréter avec prudence, car de grandes différences existent entre les pays.

Si la France affiche le niveau de prescription de TAO par habitant le plus élevé d’Europe, avec 80 % des usagers problématiques d’opiacés

Prise en charge des troubles de l’usage des opioïdes : où en est-on ?

Treatment of opioid use disorder: where are we now?

C. Lucet*

traités par TAO, ces bénéficiaires se répar- tissent inégalement sur le territoire, puisque les ventes rapportées sont jusqu’à 7 fois plus importantes dans certains départements que dans d’autres (4).

On observe également que les TAO sont désor- mais plus souvent impliqués dans les demandes de traitement et dans les problèmes de santé au sein de plusieurs pays européens (1).

Il reste du chemin à parcourir pour prendre en charge efficacement l’ensemble des sujets présentant un trouble de l’usage des opiacés et opioïdes (TUO). Nous proposons de faire le point sur les connaissances actuelles ainsi que sur certaines perspectives thérapeutiques dans la prise en charge des TUO.

UN CONSENSUS EUROPÉEN SUR LA PHARMACOTHÉRAPIE DES TUO POUR ACCOMPAGNER LES PRATICIENS DANS LEURS DÉCISIONS THÉRAPEUTIQUES

Face à l’hétérogénéité des approches euro- péennes et en raison des nombreuses évolu- tions depuis la mise au point de 2004 (5), des experts européens viennent de publier (6) des recommandations pour le traitement du TUO par buprénorphine et méthadone. Cette mise au point utile constitue une base solide sur laquelle les prescripteurs peuvent s’appuyer pour leur pratique quotidienne.

Le TAO : une place centrale dans la prise en charge

La priorité d’accès à un traitement pharmaco- logique de qualité du TUO y est réaffirmée.

La prise en charge des patients souffrant d’un TUO repose sur un traitement par agonistes opioïdergiques intégré aux soins psycho- logiques et sociaux. Cette stratégie a démontré son efficacité au niveau individuel et sociétal, en réduisant l’usage d’opiacés et d’opioïdes, contribuant à :

réduire la mortalité par overdose, les infections par virus VIH et VHC ainsi que la criminalité ;

restaurer l’autonomie et l’intégration du sujet dans la société, avec une meilleure qualité de vie.

Le traitement doit être aussi long que nécessaire.

Son arrêt est possible, après une phase de stabi- lité médicale, psychologique et sociale. L’arrêt du traitement doit être conduit de manière progressive et personnalisée, en l’absence d’usages problématiques associés. Le sevrage des opioïdes comme seul traitement n’est pas recommandé, car il expose à un risque élevé de rechute et d’intoxication léthale.

Un traitement personnalisé

Le choix du médicament ainsi que la poso- logie doivent être définis en fonction de l’état clinique du patient, de ses objectifs, besoins et préférences, des caractéristiques du médicament (efficacité, dangerosité, interactions) et de l’évo- lution sous traitement.

La buprénorphine est recommandée comme une option thérapeutique de première intention en raison de son profil de sécurité (faible risque de surdosage). La buprénorphine/naloxone est recommandée en cas de risque de mésusage ou de détournement.

Dans son dernier rapport (1), l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies attire l’attention sur certaines évolutions potentiellement inquiétantes du marché européen des opiacés et des substances qui continuent d’être associées à un niveau élevé de morbidité et de mortalité. Avec 4,5 tonnes d’héroïne saisies en 2015, le marché européen demeure florissant. La France n’est pas en reste puisqu’elle fait partie du peloton de tête du Vieux Continent s’agissant des consommateurs problématiques d’opioïdes. Des observations récentes (2) montrent une augmentation des saisies et l’extension des zones géographiques réinvesties par le trafic d’héroïne en France, rendant désormais ce produit plus attrayant pour les usagers. Sans pour autant dire que la crise opioïde américaine s’est étendue à l’Europe, certains modes de consommation, comme le détournement de médicaments codéinés à des fins récréatives ou le mésusage d’antalgiques opioïdes, ont depuis longtemps pris pied sur le Vieux Continent. Ces constats font craindre, en France et en Europe, une flambée des problématiques addictives liées aux opiacés, dans un contexte épidémiologique différent. Comme le souligne Nicolas Authier (3), l’exemple américain nous encourage à redoubler de vigilance, avec la nécessité de développer l’offre de soins.

The European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction draws attention in its latest report on the thriving development of the opiate market in Europe. This fact raises fears of an outbreak of addictive opioid problems, such as those observed in the United States. We are going to go through the current knowledge as well as some therapeutic perspectives in the management of opioid use disorders.

* Centre hospitalier Sainte-Anne, Paris.

Mots-clés : Troubles de l’usage

des opiacés – Traitement agoniste opioïde – Methadone – Buprenorphine

Keywords: Opioid Use Disorder – Opioid Agonist Therapy – Methadone – Buprenorphine

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Le Courrier des addictions (20) – n° 2 – avril-mai-juin 2018

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Fo c us Fo c u s

Focus Focus

La méthadone doit être réservée aux pres- cripteurs expérimentés pour des patients plus complexes poursuivant l’usage d’opioïdes, souf- frant de douleurs ou nécessitant un effet sédatif anxiolytique dans le cadre d’une pathologie psychiatrique associée.

Comparée à la méthadone, la buprénorphine a un taux de rétention inférieur lorsque les doses délivrées sont faibles. Néanmoins, lorsque les doses oscillent entre moyennes et importantes, le taux de rétention est comparable pour les deux médicaments.

Les populations spécifiques

Les auteurs réaffirment l’intérêt de l’utilisa- tion préférentielle de la méthadone, en raison de ses effets sédatifs, chez des patients présentant un TUO avec un trouble anxieux ou psycho- tique, à condition de respecter certaines précau- tions en cas de prescription concomitante de traitements psychotropes (risque de sédation excessive, hypotension, allongement de l’espace QT). La buprénorphine, par son activité kappa antagoniste, semble avoir certains avantages chez des patients atteints de TUO présentant une dépression, même si d’autres études sont nécessaires (7) ;

Malgré une littérature controversée, il semble que les TSO peuvent, de façon dose dépendante, réduire les “cravings” et les consommations d’alcool chez les patients présentant une coad- diction héroïne/alcool. Seule ou en association avec la naloxone ou la naltrexone à des doses appropriées (16 mg/j), ils peuvent aussi réduire les consommations de cocaïne chez des sujets présentant une coaddiction à cette dernière ;

La mise en place d’un TSO peut être indi- quée chez des patients développant un TUO après traitement par des médicaments opioïdes, en cas d’échec d’une diminution progressive, particulièrement chez des patients présentant des comorbidités psychiatriques ;

La buprénorphine semble être le TSO de choix dans la prise en charge de femmes enceintes présentant un TUO, car elle présen- terait plus de bénéfices concernant le bien-être fœtal et le syndrome d’abstinence néonatal.

Le changement de TSO n’est néanmoins pas conseillé au cours d’une grossesse, tout comme l’association avec la naloxone du fait de poten- tiels risques fœtaux.

DES PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES

En dépit de l’efficacité des traitements dispo- nibles, les taux de rechute restent élevés et des améliorations sont possibles. Les profils des patients évoluent, les obstacles logistiques et attitudinaux à l’adoption de ces traitements restent problématiques (8).

Il est possible de développer des alternatives thérapeutiques plus efficaces et plus facilement utilisables. Ces nouveaux traitements donnent un deuxième souffle, notamment aux États-Unis, dans ce contexte de crise sanitaire.

Le traitement par naltrexone retard (injection mensuelle d’antagoniste des récepteurs opioïdes mu) est disponible sur le marché américain depuis 2010. Plusieurs études (9, 10) suggèrent une efficacité comparable à la buprénorphine- naloxone dans la prévention de la rechute ainsi que le taux de rétention et montrent un profil d’effets indésirables acceptables. Cette littérature reste néanmoins limitée (11). D’autres études plus contrôlées sont nécessaires pour comparer son efficacité aux autres TSO (12) et optimiser l’initiation de ce traitement qui reste un obstacle majeur avec un traitement antagoniste.

Deux formes retard en injection sous-cutanée vont bientôt être mises sur le marché (13, 14) et devraient permettre d’améliorer l’acceptabilité ainsi que l’accès à ce traitement. D’autres formes galéniques (implant sous cutané pour six mois, comprimés orodispersibles) sont également disponibles aux États-Unis (15, 16).

L’objectif actuel de ces traitements du TUO est d’améliorer le fonctionnement physique et psychosocial afin de faciliter le rétablissement, mais aucun médicament n’a d’action cérébrale sur la nature récurrente du trouble addictif (17).

De nouvelles approches pharmacologiques visent à moduler l’activité du circuit de récompense par modulation des systèmes de neurotransmetteurs sont à l’étude, avec des études préliminaires prometteuses (12). D’autres pistes comme l’immunothérapie (anticorps contre opioïdes synthétiques avec un potentiel de prévention des surdoses et des rechutes) [17], la lutte contre la neuroinflammation induite par les opioïdes (impliquée dans la tolérance et la dépendance aux opiacés) et des approches pharmacogénétiques (12) sont en cours d’évaluation sur des modèles animaux.

Enfin, certains experts américains s’interrogent sur la nécessité d’un changement de paradigme dans la prise en charge pharmacologique des TUO. À l’image du concept de consom- mation contrôlée s’agissant de l’alcool, ils suggèrent (17, 19) l’utilisation de la réduction des risques comme base pour l’approbation de nouveaux agents thérapeutiques dans le traitement du TUO. Reste à déterminer dans quelle mesure la réduction de l’usage de subs- tances est cliniquement pertinente, à trouver des moyens fiables et pratiques de mesurer ces changements dans la consommation de subs- tances ainsi qu’à développer des biomarqueurs prédictifs et indicatifs de bonne réponse aux nouveaux agents.

L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec Lundbeck et Camurus.

Références bibliographiques

1. EMCDDA. Rapport européen sur les drogues : Tendances et évolutions, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, 2017:93.

2. OFDT. Substances psychoactives, usagers et marchés : les tendances récentes (2016-2017). Tendances n° 121, Décembre 2017, 8.

3. Authier N. Promouvoir le bon usage des médicaments opioïdes, antalgiques et de substitution pour assurer durablement un accès large aux patients. Le Courrier des addictions 2017;19:3-4.

4. Brisacier AC. Tableau de bord TSO 2018, Saint- Denis, OFDT, 2018:17.

5. FFA et ANAES. Stratégies thérapeutiques pour les personnes dépendantes des opiacés : place des traitements de substitution, 23-24 juin 2004, texte des recommandations, Saint-Denis, 2004.

6. Dematteis M, Auriacombe M, D’Agnone O et al.

Recommendations for buprenorphine and methadone therapy in opioid use disorder: a european consensus.

Expert Opin Pharmacother 2017;18:1987-99.

7. Gowing L, Ali R, Dunlop A et al. National guidelines for medication-assisted treatment of opioid dependence.

2014.

8. Volkow ND. Medications for opioid use disorder:

bridging the gap in care. Lancet 2018;391:285-7.

9. Lee JD, Nunes EV, Novo P et al. Comparative effectiveness of extended-release naltrexone versus buprenorphine-naloxone for opioid relapse prevention (X:BOT): a multicentre, open-label, randomised controlled trial. Lancet 2018;391:309-18.

10. Tanum L, Solli KK, Latif ZE et al. Effectiveness of injectable extended-release naltrexone vs daily bupre- norphine-naloxone for opioid dependence: a rando- mized clinical noninferiority trial. JAMA Psychiatry 2017;74:1197-205.

11. Larney S, Gowing L, Mattick RP, et al. A systematic review and meta-analysis of naltrexone implants for the treatment of opioid dependence. Drug Alcohol Rev 2014;33:115-28.

12. Rodríguez-Arias M, Aguilar MA, Miñarro J. The- rapies in early development for the treatment of opiate addiction. Expert Opin Investig Drugs 2015;24:1459-72.

13. Nasser AF, Greenwald MK, Vince B et al. Sustained- release buprenorphine (RBP-6000) blocks the effects of opioid challenge with hydromorphone in subjects with opioid use disorder. J Clin Psychopharmacol 2016;36:18-26.

14. Walsh SL, Comer SD, Lofwall MR et al. Effect of buprenorphine weekly depot (CAM2038) and hydro- morphone blockade in individuals with opioid use disorder: a randomized clinical trial. JAMA Psychiatry 2017;74:894-902.

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17. Volkow ND, Woodcock J, Compton WM et al. Medi- cation development in opioid addiction: Meaningful clinical end points. Sci Transl Med 2018 28;10.

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Références

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