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Prise en charge des patients sous traitement de substitution aux opiacés : obligations et responsabilités du médecin prescripteur

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Academic year: 2022

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Le Courrier des addictions (18) – n° 1 – janvier-février-mars 2016

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M

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L

a prise en charge de l’addiction est une prise en charge globale du patient qui ne saurait se limiter à un traitement pharmacologique. Le médecin, confronté à la trajectoire de l’être fragilisé qui le sollicite, initie dès lors une prise en charge médico-psycho- sociale. Tandis qu’il est déontologiquement prié de ne pas “s’immiscer sans raison professionnelle dans les aff aires de famille ni dans la vie privée de ses patients”, le médecin peut aisément se laisser dominer (ou manipuler) par la détresse et limiter le colloque singulier à la recherche du soulagement de son malade. C’est pour- quoi, dans le domaine de l’addiction, les enjeux sociaux engagent le médecin dans le confl it qui peut opposer les exigences de l’individu malade et les intérêts de la collectivité.

Alors, la liberté de prescription, principe fondamental de l’art médical, sera strictement encadrée par un principe de sécurité et plus concrètement par la réglementation.

Prise en charge des patients sous

traitement de substitution aux opiacés : obligations et responsabilités

du médecin prescripteur

Care of patients receiving opiate substitution treatments:

legal obligations and responsibilities of prescribing physicians

C. Kamkar*

CONSENTEMENT ET REFUS DE SOINS

Qu’est-ce que le consentement libre et éclairé du patient ?

L’article L. 1111-2 du code de la santé publique (CSP) dispose que “Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé.

Cette information porte sur les diff érentes inves- tigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éven- tuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus […]” . En conséquence, aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consen- tement libre et éclairé de la personne. Celui-ci peut être retiré à tout moment ; mais surtout, le patient doit consentir à prendre les risques auxquels l’exposent les soins.

Selon l’article R. 4127-35 du CSP, “ Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et

appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.”

Cette disposition privilégie l’information orale, malléable, interprétable que le médecin adapte à son patient en complément d’une information écrite trop souvent limitée à une fi che intitulée “consente- ment éclairé”, systématiquement remise à tous les patients. Ainsi, l’information délivrée à un patient dépendant et agité devra évoluer avec l’état de ce dernier. La remise d’un document écrit que le patient pourra consulter à sa guise sera des plus utiles.

Que faire face à un refus de soins ? Si le patient est libre de consentir à un traite- ment, il est tout aussi libre de le refuser. D’ail- leurs, au risque de surprendre, une information de qualité devra également permettre au patient de refuser des soins. Ce sera notamment le cas concernant les patients dépendants, dans le cadre d’une association de buprénorphine et de benzodiazépines. Le médecin tentera d’y mettre fi n par l’information, en associant son patient à cette décision nécessaire. Selon l’article L. 1111-2-1 du CSP, l’information devra porter sur “les diff érentes investigations, traitements ou actions de prévention proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent, les autres solutions possibles, les conséquences prévisibles en cas de refus” . Le médecin doit respecter le refus exprimé. Dès lors, il informera le patient des conséquences de son refus.

Sur un plan strictement médicolégal, une telle situation implique une traçabilité dans le dossier du patient d’où ressortira le respect des étapes suivantes : le médecin a d’abord tenté de convaincre son patient, il a insisté sur les consé- quences d’un refus, il a su proposer une alternative.

Le refus de soins du médecin : peut-il refuser de prendre en charge la dépendance ?

“ Quelles que soient les circonstances, la conti- nuité des soins aux malades doit être assurée.

Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons profes- sionnelles ou personnelles . S’il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. Par défi nition, la fonction du médecin est de porter assistance au malade, avec une double mission : au service de l’individu et de la santé publique.”

This paper, written as a legal guide in the light of judicial solutions to the social security section of the National Council of the College of Physicians, is intended for prescribers to reaffi rm the legal benchmarks and a practical response to complex forensic situations that health professionals, doctors or pharmacists face in the care of their patients.

* Docteur en droit, avocat au barreau de Lille, cabinet Kamkar & Williate, Lille.

Mots-clés : Prescripteurs, traitements de substitution aux opiacés, consentement, refus de soins, liberté de prescription, prescription hors AMM

Keywords: Prescribing physicians, opiate substitution treatments, consent to care, refusal of care, freedom to prescribe, prescriptions medications outside the approved product monograph

Cet article, rédigé comme un guide juridique à l’aune des solutions jurisprudentielles de la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins, est destiné aux prescripteurs. Il a pour buts de réaffi rmer les repères juridiques et de répondre, de manière pratique, aux situations médicolégales complexes que les professionnels de santé, médecins ou pharmaciens, rencontrent dans la prise en charge de leurs patients.

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Mises au point au point Mises

Le dégagement du médecin, défini par l’ar- ticle R. 4127-47 du CSP, nécessite une triple condition préalable : il ne doit pas ou plus y avoir d’urgence ; le médecin doit informer sans délai le patient de son refus ou de son impos- sibilité à continuer à le prendre en charge ; il doit prendre toutes dispositions pour que soit assurée la continuité des soins, avec notamment transmission de toutes les informations néces- saires à un autre médecin désigné par le patient.

Le refus du praticien doit être justifié par l’in- térêt du patient, non par celui du praticien à la recherche d’un certain “confort”... Soit un médecin invoque son incompétence dans ce domaine, son manque de formation ou d’expé- rience, soit au contraire, il refusera un traitement

“commandé” par son patient car il en connaît l’inefficacité. Dans les autres cas, les alternatives thérapeutiques doivent être privilégiées à un refus de soins.

Comment apporter la preuve de l’information ?

Incontournable, la question de la preuve de l’infor- mation doit être soulignée sans toutefois polluer la relation soignante, fondée avant tout sur une confiance mutuelle. L’article L. 1111-2-8 du CSP dispose que : “En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’ap- porter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé”. La Cour de cassation l’avait déjà affirmé dans un arrêt du 21 février 1961 concer- nant les médecins : “le consentement du patient ne peut être exprimé que si celui-ci a reçu sur son état et sur les soins envisagés une information ‘simple, approximative, intelligible et loyale’ ”, lui permet- tant de prendre une décision en connaissance de cause. Sur ce point il y a un consensus législatif et réglementaire : l’important n’est donc pas dans le contenant mais dans le contenu.

L’obligation du professionnel est de rendre sa connaissance scientifique accessible à son patient : l’écrit est nécessaire mais insuffisant.

Il doit être intégré dans le dossier du patient comme preuve du point de départ de la déli- vrance de l’information.

Le professionnel de santé doit toutefois être conscient que le consentement éclairé ne peut être recueilli qu’au cours d’un entretien individuel.

C’est pourquoi ce document devrait s’intituler

“fiche d’information du patient” et non “consen- tement éclairé”, ce qui répond de son effectivité.

CADRE JURIDIQUE DE LA PRESCRIPTION

Le respect d’un projet thérapeutique initial et suivi

Les recommandations de bonne pratique édic- tées par la Fédération française d’addictologie (FFA) prévoient que le projet thérapeutique s’éla-

bore en accord avec le patient : élaboration et écri- ture communes du projet de soins par le médecin et le patient. Les termes du projet sont librement consentis par les 2 parties après négociation : défini- tion d’objectifs clairs, explicites et adaptés aux possi- bilités de chacun, avec proposition d’étapes pour les atteindre ; description des règles de fonction- nement, des engagements réciproques et respec- tifs ; identification des transgressions possibles et de leurs conséquences, avec possibilité de rupture du projet de soins dans le cas où le patient ne serait plus en mesure d’en respecter les termes.

Le projet thérapeutique doit être réexaminé régulièrement avec le patient. Il est impératif qu’à chaque consultation le praticien évalue l’état de son patient. Le renouvellement d’un traitement ne doit pas être automatique. Il est important de pouvoir justifier de l’évolution de l’état de son patient et de l’adaptabilité d’un traitement à son état.

L’obligation d’une ordonnance sécurisée Aux termes de l’article L. 162-4-2 du code de la Sécurité sociale, “La prise en charge par l’assurance maladie de soins ou traitements susceptibles de faire l’objet de mésusage, d’un usage détourné ou abusif, dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, est subordonnée à l’obligation faite au patient d’indiquer au prescripteur, à chaque prescription, le nom du pharmacien qui sera chargé de la délivrance et à l’obligation faite au médecin de mentionner ce nom sur la prescription qui doit alors être exécutée par ce pharmacien. L’arrêté mentionné à l’alinéa précédent désigne, parmi les soins ou traitements figurant sur la liste, ceux pour lesquels, compte tenu des risques importants de mésusage, d’usage détourné ou abusif, la prise en charge par l’assurance maladie est subordonnée à l’élaboration du protocole de soins prévu par l’article L. 324-1, soit pour l’ensemble des patients en cas de risque majeur pour leur santé, soit seulement en cas de constatation par les services du contrôle médical de l’assurance maladie d’usage détourné ou abusif. La prescription des soins et traitements ainsi désignés peut être antérieure à l’établissement du protocole prévu à l’article L. 324-1.”

En accord avec le patient, l’ordonnance comporte le nom du pharmacien ayant accepté de délivrer la buprénorphine. Sans cette mention, le phar- macien sera à même de refuser la délivrance. Le médecin devra s’assurer de l’accord du pharma- cien en le contactant au préalable. De même, l’ordonnance initiale rédigée dans un Centre de soins doit mentionner le nom du médecin de ville qui sera amené à suivre le patient.

Par ailleurs, aux termes de l’article R. 5132-5 du CSP : “La prescription ainsi que toute commande à usage professionnel de médicaments ou produits destinés à la médecine humaine ou

de médicaments destinés à la médecine vétéri- naire, classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants est rédigée sur une ordonnance répondant à des spécifica- tions techniques fixées, après avis du directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, par arrêté du ministre chargé de la santé.” Ces mentions obligatoires sont répertoriées : “Outre les mentions prévues aux articles R. 5132-3 et R. 5132-4 ou, pour les médicaments vétérinaires, au I de l’article R. 5141-111, l’auteur d’une ordonnance, compor- tant une prescription de médicaments classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementa- tion des stupéfiants, indique en toutes lettres le nombre d’unités thérapeutiques par prise, le nombre de prises et le dosage s’il s’agit de spécialités, les doses ou les concentrations de substances et le nombre d’unités ou le volume, s’il s’agit de préparations.”

Pour les médicaments assimilés stupéfiants, 7 mentions sont obligatoires. Le respect de la réglementation implique donc une rédaction conforme de l’ordonnance qui, après contrôle des mentions obligatoires, sera délivrée par le pharmacien (encadré, p. 15).

La liberté de prescription : mythe ou réalité ?

L’article 8 du code de déontologie médicale prévoit que “dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins. Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles.” Si la liberté de prescription est un principe fondamental qui va de pair avec l’indépendance professionnelle et la responsabilité du médecin, cette notion a évolué, même si elle reste un élément essentiel de la confiance que porte le malade à son médecin.

La liberté de prescrire est soumise aux données acquises de la science, parfois indécises et mouvantes, qui définissent indications et contre- indications d’un traitement.

La prescription de la buprénorphine ou de la méthadone, comme celle de tout médicament, nécessite de se référer au Résumé des Caracté- ristiques du Produit et au Thesaurus des inter- actions médicamenteuses préconisé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) [par exemple, dans la Section des Assurances Sociales 18/02/2010 : condamnation du médecin prescripteur pour des prescriptions itératives ne prenant pas en considération les contre-indications liées à l’état des assurés et prescriptions comportant des associations médicamenteuses à risque].

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Mises au point au point Mises

Docteur DUPONT François Charles 5 rue des Océans 75000 Paris FRANCE

+33 1 44 49 43 49

françois.dupont@gmail.com

Neurologue 75 1 55555 22

04 janvier 2015

Monsieur Durand Jean Homme 01/01/1965

80 kg

Médicament « assimilé stupéfiant » deux milligrammes Un comprimé matin et midi

Deux comprimés le soir QSP 12 semaines

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❶ Informations prescripteur – Noms et prénoms du prescripteur – Qualité, titre ou spécialité le cas échéant – N° d’identifi cation (Adeli ou RPPS) – Adresse professionnelle précisant la mention

“France”

– Coordonnées téléphoniques précédées de “+33”

– Adresse électronique

– Si médicament de PH ou PIH, noms de l’établissement ou du service de santé

❷ Date de rédaction de l’ordonnance

❸ Informations patient

– Nom, prénoms, sexe, date de naissance – Taille et poids, si nécessaire

❹ Informations prescription

– Dénomination du médicament ou dénomination commune

– Durée du traitement ou nombre d’unités de conditionnement

– Le cas échéant : nombre de renouvellements de la prescription

– En toutes lettres :

• Nombres d’unités thérapeutiques de prise

• Nombre de prises

• Dosage

Signature du prescripteur immédiatement sous la dernière ligne de la prescription

❻ Numéro d’identifi cation du lot d’ordonnance

❼ Nombre de spécialités prescrites

ORDONNANCE TYPE COMMUNIQUÉE

PAR LA CAISSE NATIONALE DE L’ASSURANCE MALADIE

(DOCUMENT CERFA N° 60-3937)

Il revient au médecin d’appliquer ces données générales à un malade en particulier et cela l’amène, parfois, à nuancer la règle : il est alors souhaitable que cet écart soit argumenté par des raisons objectives et mentionné dans le dossier du patient. Évidemment, le médecin devra démontrer que les traitements antérieurs se sont avérés ineffi caces et l’ont amené à adapter ses prescriptions à son patient, au risque de sortir de l’AMM et des références unanimement admises.

Le cadre réglementaire de la prescription

Les TSO sont inscrits sur la liste I des subs- tances vénéneuses soumises aux règles de prescription et de délivrance des stupéfi ants, défi nies par les articles R. 5132-29, R. 5132-30, R. 5132-33 et R. 5132-35 du CSP . La prescrip- tion en toutes lettres est limitée à 28 jours sur une ordonnance sécurisée. La délivrance doit être fractionnée par période de 7 jours, sauf si le prescripteur mentionne sur l’ordonnance la délivrance en une seule fois.

À noter qu’une telle mention, inscrite systé- matiquement par le prescripteur, surtout dans le cadre de l’instauration du traitement favorise

le mésusage et sera sanctionnée dans le cadre de contrôles de la CPAM.

La primo- prescription de méthadone est obligatoirement faite par un Centre de soins, d’accompa gnement et de prévention en addicto logie (CSAPA) ou par tout praticien d’un service spécialisé d’un établissement de santé. Elle peut également être eff ectuée dans une structure exerçant dans un établissement pénitentiaire.

La poursuite de la prise en charge en ville sera conditionnée par une “délégation” délivrée au nouveau prescripteur. Cette délégation est écrite et tracée dans le dossier médical du patient.

D’une durée maximale de 14 jours en théorie, la primo-prescription est souvent établie pour 7 jours, avec délivrance quotidienne ou bi-hebdomadaire, ajustée en fonction de paramètres divers, comme la situation professionnelle ou l’éloignement géographique du centre de primo-prescription.

La prescription hors AMM

Le cadre réglementaire de la prescription a été fortement marqué par l’affaire dite “du Médiator®, qui a notamment entraîné une

modifi cation, en 2014, de l’article L.  5121-12-1 du CSP. Désormais, une spécialité pharma- ceutique peut faire l’objet d’une prescription hors AMM en l’absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d’une AMM ou d’une ATU dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées :

sous réserve qu’une recommandation temporaire d’utilisation établie par l’ANSM sécurise l’utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d’utilisation et que le prescripteur juge indispensable le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient.

en l’absence de recommandation temporaire d’utilisation dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l’objet d’une prescription hors AMM qu’en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une AMM ou d’une ATU et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient.

Le médecin devra, par ailleurs, informer son patient de la réalisation en dehors de l’AMM de la prescription, des risques encourus et des contraintes et bénéfices susceptibles d’être apportés par le médicament, et porter sur l’ordonnance la mention : “Prescription hors autorisation de mise sur le marché” ou, le cas échéant, “Prescription sous recommandation temporaire d’utilisation” . Le médecin devra enfi n informer le patient sur les conditions de prise en charge, par l’assurance maladie, de la spécialité pharmaceutique prescrite dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées.

Il motive sa prescription dans le dossier médical du patient. La prescription hors AMM n’engagera la responsabilité du médecin que si elle n’est pas conforme aux données acquises de la science au moment de sa réalisation et si une alternative thérapeutique bénéfi ciant de l’AMM avait pu être prescrite. Dès lors que la prescription dépasse l’AMM, et cela sur une durée prolongée, le médecin prescripteur doit être prêt à en justifi er et notamment auprès des services de contrôle médical de l’Assurance maladie. Il est nécessaire de reporter les informations dans le dossier du patient : outil de traçabilité, de continuité dans la prise en charge et… témoin de la qualité des soins délivrés.

La substitution

Aux termes de l’article R. 5125-54 du CSP ,

“La mention expresse par laquelle le prescripteur exclut la possibilité de la substitution prévue au deuxième alinéa de l’article L. 5125-23 est la suivante : ‘Non substituable’. Cette mention est portée de manière manuscrite sur l’ordonnance avant la dénomination de la spécialité prescrite” .

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Mises au point au point Mises

Pour assurer sa prescription, le médecin doit contresigner cette mention. L’ordonnance portera donc 2 fois la signature du médecin validant le contenu du traitement ainsi que son caractère non substituable. En l’absence de cette mention, le pharmacien aura toute latitude, voire sera dans l’obligation de substituer le traitement.

Le recours limité

au chevauchement d’ordonnances L’article R. 5132-33 du CSP dispose que :

“L’ordonnance comportant une prescription de médicaments classés comme stupéfiants ou soumis à la réglementation des stupéfiants ne peut être exécutée dans sa totalité ou pour la totalité de la fraction de traitement que si elle est présentée au pharmacien dans les 3 jours suivant sa date d’établissement ou suivant la fin de la fraction précédente ; si elle est présentée au-delà de ce délai, elle ne peut être exécutée que pour la durée de la prescription ou de la fraction de traitement restant à couvrir. Une nouvelle ordonnance ne peut être ni établie ni exécutée par les mêmes praticiens pendant la période déjà couverte par une précédente ordonnance prescrivant de tels médicaments, sauf si le prescripteur en décide autrement par une mention expresse portée sur l’ordonnance.”

Les règles de bonne pratique recommandent de surcroît de proposer, en collaboration avec le pharmacien, une dispensation fractionnée, voire quotidienne, à l’officine, en particulier en début de traitement.

Le “chevauchement d’ordonnances” est également autorisé mais limité, le médecin ne pouvant ni antidater ni postdater sa prescription.

Il portera alors directement sur son ordonnance le terme “chevauchement”.

CONTRÔLE

DE LA PRESCRIPTION

Le contrôle de l’Assurance maladie Toute prescription peut faire l’objet d’un contrôle par les services médicaux de l’Assurance maladie.

Aux termes de l’article R. 315-1-1 du code de la Sécurité sociale : “Lorsque le service du contrôle médical procède à l’analyse de l’activité d’un professionnel de santé en application du IV de l’article L. 315-1, il peut se faire communiquer, dans le cadre de cette mission, l’ensemble des documents, actes, prescriptions et éléments relatifs à cette activité. Dans le respect des règles de la déontologie médicale, il peut consulter les dossiers médicaux des patients ayant fait l’objet de soins dispensés par le professionnel concerné au cours de la période couverte par l’analyse. Il peut, en tant que de besoin, entendre et examiner ces patients.

Il en informe au préalable le professionnel, sauf lorsque l’analyse a pour but de démontrer

l’existence d’une fraude telle que définie à l’article R. 147-11, d’une fraude en bande organisée telle que définie à l’article R. 147-12 ou de faits relatifs à un trafic de médicaments. Un bilan annuel des cas où le professionnel n’a pas été informé préalablement, incluant les suites données pour chaque cas, est adressé aux conseils nationaux des ordres concernés par chaque caisse nationale.”

À l’issue de cette analyse, le service du contrôle médical informe le professionnel concerné de ses conclusions : lorsqu’il constate le non- respect de règles législatives, réglementaires ou conventionnelles régissant la couverture des prestations à la charge des organismes de sécurité sociale, il en avise la caisse. Celle-ci notifie au professionnel les griefs retenus à son encontre, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Dans le délai de 1 mois qui suit la notification des griefs, l’intéressé peut demander à être entendu par le service du contrôle médical.

Il s’agit d’une procédure contradictoire, durant laquelle le médecin doit apporter les explications nécessaires notamment au cours de l’entretien préalable pouvant aboutir soit à un abandon d’intention de la procédure, soit à la saisine par le service médical de la Section des assu- rances sociales de la Chambre disciplinaire de première instance du Conseil régional de l’Ordre des médecins.

Le médecin doit se préparer à cet entretien préalable, avant tout médical, qui sera pour lui l’occasion de justifier ses prescriptions au regard de l’état et des besoins de ses patients. Il pourra surtout se faire accompagner par un membre de sa profession ou par son avocat.

L’entretien fait l’objet d’un compte-rendu qui est adressé, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au médecin dans un délai de 15 jours. À compter de sa réception, le médecin dispose d’un délai de 15 jours pour renvoyer ce compte-rendu signé, accompagné d’éventuelles réserves. À défaut, il est réputé approuvé.

Ainsi, aboutir à un abandon d’intention de la procé- dure évitera au praticien une procédure, judiciaire, pouvant conduire à une lourde sanction susceptible d’aller jusqu’à l’interdiction d’exercer.

Comment apporter les explications nécessaires, se souvenir de chacun de ses patients, de ses angoisses, de ses insomnies, de ses difficultés, donc de ses besoins particuliers, s’il n’en a pas été conservé une trace écrite dans le dossier médical ? La prescription des traitements substitutifs aux opiacés est aujourd’hui encadrée par différentes normes administratives et scientifiques. Les diffi- cultés rencontrées par les prescripteurs naissent très souvent du caractère asynchrone de ces normes : les repères juridiques, à commencer par l’AMM ou le RCP d’une part, et la littérature médicale nationale et internationale d’autre part.

L’évolution attendue est la concordance de ces normes jusqu’à la consécration d’une seule réfé- rence qui rassemble les acteurs de la prise en charge : en effet, la cohésion rassure.

Pourtant il n’y a là rien de très nouveau : le droit a toujours été appelé à encadrer les solutions que la science apportait aux besoins identifiés de la société. Déjà, lors du deuxième congrès inter- national de morale médicale, organisé en 1966 par l’Ordre national des médecins, était posée la question de savoir si le médecin devait exécuter fidèlement des directives indiscutées pour avoir fait ce qu’il fallait faire ?

À cette question, les Prs Lortat-Jacob, Villey et Guéniot, répondirent collégialement que “les médecins savent par expérience que non. Ils savent qu’aucune question médicale n’est définitivement résolue, qu’aucune directive n’est irrévocable, que les doctrines et les techniques ne cesseront de se modi- fier. Ils savent aussi qu’ils peuvent à tout moment rencontrer l’exception, qui ne confirme pas la règle, et l’imprévu, qui ne permet plus de suivre le plan prescrit”. La réponse reste donc la liberté de pres- crire, justifiée et guidée par l’intérêt du patient : cette liberté implique cependant la responsabilité.

C. Kamkar déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

LE PROJET DE LOI DE MODERNISATION DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ

Si le Conseil constitutionnel a partiellement “retoqué” la généra- lisation du tiers payant du projet de santé le 21 janvier, il a donné le feu vert à l’ins- tauration du paquet de cigarettes neutre (prévue pour mai 2016) et à l’expérimen- tation de salles d’injection à moindres risques… Il a ainsi jugé conformes à la Constitution : le paragraphe II de l’article 22 qui régit les modalités d’entrée en vigueur de l’interdiction des arômes et additifs dans les produits du tabac ; le 2° alinéa du paragraphe I de l’article 23 qui supprime la dérogation à l’interdiction de publicité pour les produits du tabac qui s’applique aux affichettes disposées à l’intérieur des débits de tabac non visibles de l’extérieur ; l’article 27 qui prévoit la neutralité et l’uniformisation des unités de condition- nement, des emballages extérieurs et des suremballages des cigarettes ; les articles 41 et 43 qui donnent un cadre législatif à la politique de réduction des risques pour les consommateurs de drogues et instituent, à titre expérimental, des salles de consom- mation des drogues à moindres risques.

Source : communiqué de presse − 2015-727 DC du Conseil constitutionnel.

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É

voquer les opiacés n’est pas systémati- quement parler d’addiction. En effet, certaines de ces molécules sont depuis longtemps utilisées en thérapeutique, princi- palement dans le traitement de la douleur, et leur utilisation prolongée va conduire à une tolérance (besoin d’augmenter les doses pour avoir le même eff et pharmacologique), dont l’importance peut être fonction de la réponse pharmacologique. Ainsi, alors que la tolérance aux eff ets analgésiques est importante, celle aux eff ets dépresseurs respiratoires l’est moins (1), ce qui explique pourquoi l’utilisation des opiacés est limitée.

La tolérance aux eff ets analgésiques est due à plusieurs mécanismes liés à l’évolution de la maladie et à des modifi cations pharmaco- cinétiques et/ou pharmacodynamiques. Dans les mécanismes pharmacodynamiques, on peut distinguer ceux touchant directement le récep- teur opioïde mu (MOR), cible de la morphine et des opiacés de pallier 3, majoritairement responsable des eff ets analgésiques mais aussi de la dépendance, de ceux indirectement liés au récepteur, comme les processus dits opposants.

Le MOR fait partie de la superfamille des récep- teurs à 7 domaines transmembranaires couplés aux protéines G (RCPG) et est principalement couplé aux protéines Gi/o qui inhibent l’adé- nylate cyclase et, donc, la production d’AMPc (adénosine monophosphate cyclique) [2].

Pour de nombreux RCPG, la stimulation par un agoniste va provoquer une phosphorylation du récepteur qui permettra la fi xation d’une protéine, la bêta-arrestine. L’interaction entre le récepteur et cette protéine entraîne d’une part le découplage fonctionnel du récepteur aux protéines G (désensibilisation) et, d’autre part, son internalisation.

Une fois internalisé, le récepteur peut suivre 2 voies : la dégradation (ce qui potentialise la désensibilisation en réduisant le nombre de récepteurs actifs à la surface membranaire), ou le recyclage vers la membrane plasmique dans un état actif permettant ainsi une re-sensibilisa- tion (qui contrebalance la désensibilisation) [3].

Un de ces mécanismes, directement lié au récep- teur, à l’origine de la tolérance a été proposé par J.L. Whistler et al. et se fonde sur la spécifi cité de la régulation du MOR par la morphine (4).

Blocage de la tolérance aux eff ets analgésiques de la morphine

par la méthadone : une idée saugrenue ?

N. Marie*, F. Noble*

En eff et, cet opiacé, contrairement à d’autres ligands du MOR comme la méthadone, est généralement incapable d’induire une inter- nalisation du récepteur (5). Ainsi, ces auteurs suggèrent que, lors d’un traitement prolongé à la morphine, la stimulation continue du MOR, du fait de sa présence persistante à la surface membranaire, va recruter de nouvelles cascades de signalisation responsables de la mise en place de la tolérance et de la dépendance (4, 5). On peut citer, par exemple, une augmentation de la production d’AMPc et le recrutement de systèmes opposants comme l’activation des récepteurs au glutamate de type NMDA.

À partir de ces observations, une stratégie consistant à coadministrer la morphine avec un autre agoniste connu pour induire une interna- lisation du récepteur mu, permettant une réduc- tion à la surface du complexe morphine-MOR et, donc, un arrêt de la signalisation provoquée par ce complexe (4, 5), a été proposée. Ainsi, la co- injection de méthadone et de morphine réduit la tolérance aux eff ets analgésiques de la morphine, comparativement à un traitement par morphine seule. Cette coadministration diminue également les signes physiques d’un sevrage provoqué par l’injection d’un antago- niste, ce qui suggère un rôle bénéfi que de ce traitement dans la dépendance aux opiacés (6).

Cependant, aucune étude n’a évalué les eff ets d’un traitement par méthadone après un trai- tement par morphine, comme ce pourrait être le cas lors d’un protocole de traitement de la douleur par rotation des opiacés (remplacement d’un opiacé par un autre pour réduire les eff ets indésirables du premier) ou comme c’est le cas lors de l’utilisation de la méthadone comme traitement de substitution aux opiacés.

Notre équipe a donc étudié la capacité de la méthadone à bloquer la tolérance à la morphine et les mécanismes associés. Pour cela, nous avons traité des souris par morphine (4 jours) puis par méthadone et l’analgésie à la suite d’une injection aiguë de morphine a été mesurée en utilisant le test de la plaque chaude. Nous avons également mesuré le couplage du MOR et son internalisation, l’activité de l’adénylate cyclase et la régulation de certaines sous-unités (NR1, NR2A et NR2B) des récepteurs NMDA dans la substance grise périaqueducale (PAG), structure clé dans la modulation de la nociception par les récepteurs opioïdes mu (7).

Nous avons montré qu’un traitement de courte durée par méthadone (1 jour) chez des souris tolérantes aux eff ets analgésiques

de la morphine supprimait cette tolérance. Cet eff et est dû à l’activation du MOR, puisque seule la R-méthadone (énantiomère actif de la métha- done) le reproduit . L’étude des mécanismes impliqués dans ce phénomène a montré, chez les souris ayant reçu uniquement la morphine, une superactivation de l’adénylate cyclase, une absence d’internalisation et de découplage du MOR, une sous-expression des NR2A et NR2B et une augmentation de la phosphorylation de NR1 sur la Ser-897. Tous ces phénomènes contribuent à la tolérance observée. En revanche, chez des souris ayant reçu la méthadone à la suite du traitement par morphine, nous avons observé une absence de superactivation de l’adénylate cyclase, une internalisation du MOR (également visible avec le récepteur humain) mais pas de découplage. Nous avons également montré chez ces souris que l’expression des NR2A et NR2B ainsi que l’état de phosphorylation de la sous- unité NR1 sur la Ser-897 étaient comparables à ceux des contrôles  (8).

Ces résultats indiquent qu’un traitement court par méthadone est capable de réinitia- liser le système de signalisation (dépendant du MOR) modifi é par un traitement prolongé par morphine. En revanche, lorsque le traite- ment par méthadone est poursuivi, la tolérance réapparaît (selon A. Accarie, F. Noble et N. Marie, données non publiées). Cela laisse penser que, dans le cas d’un traitement de substitution, la méthadone a sans aucun doute un eff et béné- fi que au début du traitement et que, après un certain temps, son effi cacité va diminuer. La stratégie couramment adoptée dans cette situa- tion est une augmentation des doses, mais qui va malheureusement renforcer la tolérance et diminuer d’autant plus l’effi cacité.

N. Marie déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références bibliographiques

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2. Dhawan BN, Cesselin F, Raghubir R et al. Interna- tional Union of Pharmacology. XII. Classifi cation of opioid receptors. Pharmacol Rev 1996;48(4):567-92.

3. Allouche S, Noble F, Marie N. Opioid receptor desen- sitization: mechanisms and its link to tolerance. Front Pharmacol 2014;5:280.

4. Martini L, Whistler JL. Th e role of mu opioid receptor desensitization and endocytosis in morphine tolerance and dependence. Curr Opin Neurobiol 2007;17(5):556-64.

5. Kieff er BL, Evans CJ. Opioid tolerance-in search of the holy grail. Cell 2002;108(5):587-90.

6. He L, Whistler JL. An opiate cocktail that reduces morphine tolerance and dependence. Curr Biol 2005;15(11):1028-33.

7. Millan MJ. Descending control of pain. Prog Neuro- biol 2002;66(6):355-474.

8. Posa L, Accarie A, Noble F, Marie N. Methadone Reverses Analgesic Tolerance Induced by Morphine Pre- treatment. Int J Neuropsychopharmacol 2015; Epub ahead of print.

* CNRS ERL 3649 “Neuroplasticité et thérapies des addictions” ; Inserm UMR-S 1124 ; université Paris Descartes, Paris.

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