F. BALACHEFF
1. VISION GEOM´ ETRIQUE DU CALCUL DIFF´ ERENTIEL´
Soitp, ndeux entiers non nuls. Dans la suite,I d´esigne un intervalle ouvert deRetU un ouvert deRp. 1.1. La notion de diff´erentiabilit´e. Nous introduisons la notion de diff´erentiablit´e en g´en´eralisant la notion de d´erivabilit´e des fonctionsγ :I ⊂R→Rnaux fonctionsf :U ⊂Rp →Rn.
Rappelons tout d’abord la notion de d´erivabilit´e et son interpr´etation g´eom´etrique. Une fonctionγ :I → Rns’appelle une courbe (param´etr´ee) deRn.
Definition 1.1. Une courbeγ :I →Rnest dite d´erivable ent∈Isi la limite
h→0lim
γ(t+h)−γ(t) h
existe. Dans ce cas, on note cette limiteγ0(t)qui est un vecteur deRnappel´e vecteur tangent `a la courbe au tempst.
La courbeγest d´erivable entsi
γ(t+h)−γ(t)
h =γ0(t) +o(1) c’est-`a-dire
(1.1) γ(t+h) =γ(t) +γ0(t)h+o(h).
Observons en particulier que la d´erivabilit´e entimplique la continuit´e ent.
FIGURE1. Interpr´etation g´eom´etrique de la d´eriv´ee.
1
Autrement dit,infinit´esimalement au voisinage deγ(t), la courbeγ est model´ee sur l’application lin´eaire h7→γ0(t)·hdont l’image est une droite siγ0(t)6= 0. Une autre mani`ere de le formuler est la suivante : si on zoome `a l’infini sur le pointγ(t), la figure limite que l’on observe est une droite deRnde vecteur directeur γ0(t), voir la figure 1.
La d´erivabilit´e en un point est donc une condition forte. Mais on imagine bien que pour avoir des propri´et´es raisonnables, il faut imposer que, d’une part, ce mod`ele infinit´esimal soit v´erif´e en tout point et que, d’autre part, ces mod`eles infinit´esimaux varient de mani`ere continue d’un point `a un autre (voir figure 2).
Definition 1.2. La courbeγ est dite de classeC1 surI si elle est d´erivable surI (cad en tout point de l’intervalleI) et l’application vecteur tangentt∈I 7→γ0(t)∈Rnvarie de mani`ere continue surI.
FIGURE2. Interpr´etation g´eom´etrique de la notionC1.
Remarquons qu’une courbeC1ne subit ainsi ni d´echirure, ni pincement, ni d’oscillation condens´ee.
Ce point de vue est g´en´eralisable au cas d’une fonction de plusieurs variables et d´ebouche sur la notion de diff´erentiabilit´e.
Definition 1.3. Une fonctionf :U ⊂ Rp → Rn est diff´erentiable enx ∈ U si il existe une application lin´eairedfx ∈ L(Rp,Rn)telle que
f(x+h) =f(x) +dfx(h) +o(khk) pour touth∈Rptel quex+h∈U.
La fonction est dite diff´erentiable surU si elle l’est en tout point deU. Ici,k · kd´esigne la norme euclidienne usuelle deRp:
khk= v u u t
p
X
i=1
h2i,
mais les normes surRp ´etant toutes ´equivalentes, ce choix n’est pas significatif. Par ailleurs, la notation o(khkk)aveck∈Nd´esigne une fonction `a valeurs dansRndont la norme puisse s’´ecrire
ko(khkk)k=khkk·ε(h) o`uε(h)→0lorsqueh→0.
Cette formule g´en´eralise bien la notion de d´erivabilit´e en comparant avec l’´equation (1.1).
On remarque `a nouveau que la diff´erentiabilit´e enximplique la continuit´e en ce point. Les deux r`egles classiques de diff´erentiation suivantes d´ecoulent de la d´efinition :
— d(f+λg)x=dfx+λdgx,
— d(f◦g)x=dfg(x)◦dgx.
Autrement dit,infinit´esimalement au voisinage def(x), l’applicationf est model´ee sur une application lin´eaire que l’on notedfx. Mais au fait, `a quoi ressemble une application lin´eaire ?
Proposition 1.1. SoitLune application lin´eaire deRpdansRn. Alors il existe une baseBdeRpetB0de Rntelle que
matB,B0(L) =
Ir 0 0 0
o`ur ≤min{p, n}est le rang deL.
D´emonstration. En effet, nous pouvons commencer par choisir une base(f(e1), . . . , f(er))de l’image def. Ainsi la famille(e1, . . . , er)deRpest automatiquement libre. Cette famille libre se compl`ete en une base (e1, . . . , er, er+1, . . . , ep)deRp. Cette base peut ensuite ˆetre modifi´ee de la mani`ere suivante. Pour chaque
i=r+ 1, . . . , p, il existe des uniques coefficientsλi,1, . . . , λi,r∈Rtels quef(ei) =Pr
k=1λi,kf(ek)et on pose alors
e0i =ei−
r
X
k=1
λi,kek.
Chaquee0i ∈kerL, et la familleB = (e1, . . . , er, e0r+1, . . . , e0p)est encore une base. On compl`ete alors la
famille(f(e1), . . . , f(er))en une baseB0 deRn.
FIGURE3. Exemples d’applications lin´eaires.
A un changement de coordonn´ees pr`es dans l’espace de d´epart et d’arriv´ee,L est donc donn´ee par l’application
(x1, . . . , xp)7→(x1, . . . , xr,0, . . . ,0).
Observons que cela revient `a inclure et contracter des sous-espaces affines les uns dans les autres, voir figure 3.
Si maintenant ce mod`ele infinit´esimal est satisfait en chaque point du domaine def et varie de mani`ere raisonnable (i.e. continue), la fonction f sera dite de classeC1 et aura de bonnes propri´et´es globales . L’application ne subira alors ni d´echirure, ni pincement ou autre catastrophe, mais certaines compressions sont possibles et elles correspondront `a la situation o`u le mod`ele lin´eaire infinit´esimale contracte certains sous-espaces. Mais avant d’expliquer plus pr´ecis´ement la notion de classe C1 dans le cas de plusieurs variables, expliquons une implication g´eom´etrique de la notion de diff´erentiabilit´e.
Observation 1.1. Sif est diff´erentiable enx, alors pour touth6= 0∈Rp, l’image de la droites7→x+s·h deRppassant parxet de vecteur tangenthen0est une courbes∈R7→f(x+s·h)deRnpassant par f(x)et d´erivable en0de vecteur tangentdfx(h).
Voici un sch´ema de la situation.
D´emonstration. C’est ´equivalent de montrer que dfx(h) = lim
s→0
f(x+s·h)−f(x) s
o`us∈R.
En effet, d’apr`es la d´efinition de diff´erentiabilit´e
s→0lim
f(x+s·h)−f(x)−dfx(s·h) s·h
= lim
s→0
o(ks·hk) ks·hk = 0.
Donc
s→0lim
f(x+s·h)−f(x)
s −dfx(h)
· 1 khk = 0
ce qui permet de conclure commeh6= 0.
Lorsqu’elle existe, la quantit´e
s→0lim
f(x+s·h)−f(x) s
s’appelle la d´eriv´ee de Gˆateaux defenxdans la directionhet sera not´eef0(x, h).
Attention !L’existence en toute direction hau pointxd’une d´eriv´ee de Gˆateaux def n’implique pas la diff´erentiabilit´e def. On peut montrer que,
Proposition 1.2. Sif0(x, h)est d´efinie, pour toutλ∈R, on a f0(x, λh) =λf0(x, h).
Mais on peut avoir quef0(x, h1+h2) 6= f0(x, h1) +f0(x, h2). Par exemple, sif : R2 → Rd´esigne l’application d´efinie pour(x1, x2)6= (0,0)par
f(x1, x2) = x31 x21+x22
et prolong´ee par0en(0,0), alors l’applicationh7→f0(0, h)n’est pas lin´eaire (voir exercice).
Plus g´en´eralement, on peut montrer l’implication g´eom´etrique suivante :
Proposition 1.3. Sif est une application diff´erentiable enx, pour toute courbeγ :]−ε, ε[→ U ⊂ Rp d´erivable en0telle queγ(0) =xetγ0(0) =h, la courbes∈R7→ f◦γ(s)deRnpassant parf(x)est d´erivable en0de vecteur tangentdfx(h):
d ds
0
f(γ(s)) =dfx(h).
Voici un sch´ema de la situation.
Tout comme pour les fonctions d’une variable r´eelle, la notion de diff´erentiabilit´e n’a d’int´erˆet que si le mod`ele infinit´esimal se comporte convenablement lorsque l’on modifie le pointxdansU.
Definition 1.4. f :U ⊂Rp →Rnest dite (de classe)C1surUsi elle est diff´erentiable surUet l’application diff´erentielle
df :x∈U 7→dfx∈ L(Rp,Rn)'Rpn est continue.
L’application diff´erentielle, en tant qu’application lin´eaire, peut ˆetre repr´esent´ee dans les bases canoniques deRp etRnpar une matrice de taillen×p`a coefficients r´eels appel´ee matrice jacobienne
J acx(f) =M at(e1,...,ep),(e0
1,...,e0n)(dfx) = (dfx(ej))|e0i)ij,
(e1, . . . , ep) et (e01, . . . , e0n) d´esignant les bases canoniques respectives de Rp et Rn, et(· | ·) le produit scalaire euclidien. L’application diff´erentielle est alors continue si et seulement si les coefficients de la matrice jacobienne le sont.
Observer que si on note f = (f1, . . . , fn) alors (dfx(ej)) | e0i) = d(fi)x(ej) quantit´e que l’on note usuellement
∂fi
∂xj
(x).
Autrement dit, sif estC1 surU, alors les d´eriv´ees partielles def x7→dfx(ej) = ∂f
∂xj
(x) = ∂f1
∂xj
(x), . . . ,∂fn
∂xj
(x)
existent et sont continues. De mani`ere ´etonnante, cette condition n´ecessaire sur les d´eriv´ees partielles est suffisante. Noter que l’on a alors
dfx(h) =
p
X
j=1
∂f
∂xj(x)·hj.
Attention ! Il est important ici de rappeler la signification g´eom´etrique des d´eriv´ees partielles de f : il s’agit juste des vecteurs tangents au temps0des courbes images parf des droites d´efinissant le syst`eme de coordonn´ees local enx(voir figure 4). Les d´eriv´ees partielles peuvent donc exister ind´ependamment de la diff´erentiabilit´e de la fonction en question puisqu’il s’agit en d’autres termes des d´eriv´ees de Gˆateaux enx selon les vecteurse1, . . . , ep.
Th´eor`eme 1.1. f estC1 si et seulement si les d´eriv´ees partielles def x7→ ∂f
∂xj
(x) existent et sont continues.
FIGURE4. Applicationf :U ⊂R2 →R3de classeC1et de rang2.
D´emonstration. Supposons que les d´eriv´ees partielles def existent et soient continues. Il suffit de montrer quefest alors diff´erentiable surU. La matrice jacobienne ´etant d´efinie enx, le candidat naturel pour ˆetre la diff´erentielle def est l’application
h∈Rp 7→J acx(f)·h=
p
X
j=1
∂f
∂xj(x)·hj. On a pour touth∈Rp tel quex+h∈U
f(x+h)−f(x)−
p
X
j=1
∂f
∂xj
(x)·hj =
f(x1+h1, . . . , xp−1+hp−1, xp+hp)−f(x1+h1, . . . , xp−1+hp−1, xp)−∂f
∂xp(x1+h1, . . . , xp−1+hp−1, xp)·hp +∂f
∂xp(x1+h1, . . . , xp−1+hp−1, xp)·hp− ∂f
∂xp(x1, . . . , xp−1, xp)·hp
+f(x1+h1, . . . , xp−1+hp−1, xp)−f(x1, . . . , xp−1, xp)−
p−1
X
j=1
∂f
∂xj
(x)·hj
La premi`ere partie et la derni`ere partie sont respectivement un o(khpk) (cas de dimension 1) et un o(k(h1, . . . , hp−1)k)(par induction), et donc a fortiori leur somme est uno(khk). La seconde partie s’´ecrit
(∂f
∂xp
(x1+h1, . . . , xp−1+hp−1, xp)− ∂f
∂xp
(x1, . . . , xp−1, xp))·hp=ε(h)·hp=o(khk)
les d´eriv´ees partielles ´etant continues.
Notions de diff´erentiabilit´e d’ordre sup´erieur.Nous pouvons identifierL(Rp,Rn) 'Rpn, et interpr´eter ainsi la diff´erentielle comme une application deRp dansRpnpour laquelle nous disposons de la notion de classeC1. Ainsifest dite de classeC2si sa diff´erentielledfest de classeC1. On introduit alors de mani`ere in- ductive la notion de classeCkpour tout entierket on dit quefest de classeC∞sifestCkpour tout entierk.
1.2. Comportements locaux d´etermin´es par une propri´et´e ponctuelle. Nous allons voir que certaines propri´et´es locales d’une fonction de classeC1sont compl`etement d´etermin´ees par sa diff´erentielle en un point.
La philosophie est la suivante : ´etant donn´ee une application de classeC1, si sa diff´erentielle en un point v´erifie une propri´et´e qui est stable par perturbation dans l’espace des applications lin´eaires, alors l’application elle-mˆeme v´erifie cette propri´et´e au voisinage de ce point.
1.2.1. Th´eor`eme des accroissements finis. Commenc¸ons par un premier exemple.
Th´eor`eme 1.2. (des accroissements finis) SoitU ⊂Rpun ouvert convexe. Supposons quef :U ⊂Rp →Rn soit une applicationC1telle qu’il existek >0satisfaisant
kdfxk< k pour toutx∈U. Alors
kf(y)−f(x)k< kky−xk pour tousx, y∈U.
Rappelons ici que la norme classique d’une application lin´eaire est d´efinie par kLk= max{kL(h)k | khk= 1}.
C’est donc la norme du plus grand vecteur dans l’image de la sph`ere unit´e. Par d´efinition pour touth∈Rp nous avons
kL(h)k ≤ kLk · khk.
Ce r´esultat entre bien dans le cadre de notre philosophie, la propri´et´ekLk< k ´etant localement stable pour les applications lin´eaires : sif est de classeC1 et v´erifie kdfx0k < k en un pointx0 (c’est-`a-dire kdfx0(y)−dfx0(x)k< kky−xkpour toutx, y∈Rp), alors cela reste vrai dans un certain voisinage dex0
et par le TAFkf(y)−f(x)k< kky−xkpour toutx, ydans ce voisinage dex0. D´emonstration. On se fixex, y∈U et on consid`ere la courbe
γ : [0,1] → Rn
t 7→ f(x+t(y−x))
qui est bien d´efinie commex+t(y−x)appartient `aU pour toutt∈[0,1]par convexit´e. Cette courbe est de classeC1comme composition de deux applicationsC1, et on voit que
kγ0(t)k=kdfx+t(y−x)(y−x)k< kky−xk.
Maintenant,
kf(y)−f(x)k=kγ(1)−γ(0)k=k Z 1
0
γ0(t)dtk ≤ Z 1
0
kγ0(t)kdt < kky−xk
en utilisant l’in´egalit´e de Jensen appliqu´ee `a la fonction convexeh7→ khk.
Remarque 1.1. Nous avons ici invoqu´e l’in´egalit´e k
Z 1 0
u(t)dtk ≤ Z 1
0
ku(t)kdt,
pour toute fonctionu: [0,1]→Rn. Nous allons donc la d´emontrer. Tout d’abord, il faut remarquer que la norme peut ˆetre d´efinie comme le maximum de certaines formes lin´eaires :
kxk= max
kak=1a1x1+. . .+anxn. En effet, pour touta∈Rntel quekak= 1, nous avons
a1x1+. . .+anxn=ha, xi ≤ kakkxk=kxk par l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz avec ´egalit´e poura=x/kxk.
Ensuite, on utilise la lin´earit´e de l’int´egrale k
Z 1 0
u(t)dtk = max
kak=1(a1 Z 1
0
u1(t)dt+. . .+an Z 1
0
un(t)dt)
= max
kak=1
Z 1 0
(a1u1(t) +. . .+anun(t))dt
≤ Z 1
0
kak=1max(a1u1(t) +. . .+anun(t))dt
≤ Z 1
0
ku(t)kdt.
En fait, cette preuve marche pour toute fonction convexeϕcar celles-ci peuvent toujours ˆetre d´ecrites comme le maximum de certaines fonctions affines (penser au cas de dimension1pour se faire une id´ee). C’est ce qu’on appelle l’in´egalit´e de Jensen.
1.2.2. Th´eor`eme d’inversion locale. Un second exemple de propri´et´e des applications lin´eaires stable par perturbation est l’inversibilit´e.
Proposition 1.4. SiL0 ∈ L(Rn,Rn)est inversible, alors il existe un voisinage ouvert deL0dansL(Rn,Rn) form´e exclusivement d’applications lin´eaires inversibles.
D´emonstration. La topologie surL(Rn,Rn)est induite par l’identificationL(Rn,Rn)'Rn
2 correspondant
`a la repr´esentation matricielle dans la base canonique deRn. Ainsi, nous voyons que l’application L∈ L(Rn,Rn)7→detcan(L)
est continue car le d´eterminant est une fonction polynˆomiale des coefficients de la matrice. Commedet(L0)6=
0, on en d´eduit qu’il existeε > 0tel que l’intervalle] detcan(L0)−ε,detcan(L0) +ε[ne contienne pas 0. L’image r´eciproque de cet intervalle par l’applicationdetcan est donc un ouvert deL(Rn,Rn)form´e
exclusivement d’´el´ements inversibles.
En particulier, si{Lt}t∈[0,1]une d´eformation par des ´el´ements deL(Rn,Rn)d’une applicationL0inver- sible alors, pourtsuffisamment petit, l’application lin´eaireLtest aussi inversible.
Dire que{Lt}est une d´eformation deL0 signifie que l’application t∈[0,1]7→Lt∈ L(Rn,Rn)
est continue. Autrement dit, les coefficients des matricesLtdans une base fix´ee d´ependent continˆument du param`etret.
Nous en d´eduisons que si la diff´erentielle d’une applicationf de classeC1 est inversible en un point x, pourysuffisamment proche dexla diff´erentielledfy sera elle-aussi inversible. Ceci va impliquer que l’applicationf est localement inversible.
Avant d’´enoncer plus soigneusement ce r´esultat, nous avons besoin d’introduire la notion de diff´eomorphisme.
Definition 1.5. Une applicationf :U ⊂Rn → V ⊂ Rnest un diff´eomorphisme deU surV sif est de classeC1, r´ealise une bijection deU surV, et son inversef−1:V →U est aussi de classeC1.
FIGURE5. Repr´esentation locale d’unC1-diff´eomorphisme pourn= 2.
Un diff´eomorphisme est donc tout simplement un ´el´ement inversible pour la loi de composition dans l’espace des applications de classeC1 :f estC1,f−1estC1 etf−1◦f =idU.
Il est facile d’observer que sif est un diff´eomorphisme, alors en tout pointx∈U sa diff´erentielledfxest inversible et l’on a
dff−1(x)= (dfx)−1.
C’est une cons´equence de la r`egle de diff´erentiation d(f ◦g)x = dfg(x)◦ dgx appliqu´ee `a la relation f−1◦f =idU.
R´eciproquement, d’apr`es notre philosophie expliqu´ee plus haut, si la diff´erentielle d’une application de classeC1est inversible en un point, alors l’application elle-mˆeme est inversible au niveau local.
Th´eor`eme 1.3. (d’inversion locale) Soitf :U ⊂Rn→Rnune application de classeC1etx0 ∈U telle quedfx0 soit inversible. Alors il existe un voisinage ouvertU0dex0et un voisinage ouvertV0def(x0)tels quef soit un diff´eomorphisme deU0surV0.
D´emonstration. On proc`ede par ´etapes.
R´eduction du probl`eme.Quitte `a remplacerf par
x7→dfx−10 (f(x0+x)−f(x0)), nous pouvons supposer quex0= 0,f(0) = 0etdf0 =idRn.
Construction de l’application r´eciproquef−1.Nous allons utiliser pour cela le th´eor`eme du point fixe que voici.
Th´eor`eme 1.4. (du point fixe) SoitF un ferm´e non vide deRnetT :F →F une application contractante : il existe0≤k <1tel que pour toutx, y∈F on ait
kT(x)−T(y)k ≤k· kx−yk.
Alors il existe un unique pointx0∈F tel queT(x0) =x0.
Etant donn´eyproche de0, r´esoudre l’´equationy=f(x)revient `a trouver un point fixe de l’application h(x) =y+x−f(x).
Etudions tout d’abord les propri´et´es de l’application
g:x∈U 7→x−f(x).
Cette application estC1et v´erifieg(0) = 0ainsi quedg0 = 0. Par continuit´e de l’application diff´erentielle, il exister >0suffisamment petit tel que pour toutx∈B(0,2r)⊂U on ait
kdgxk< 1 2.
Le th´eor`eme des accroissements finis nous donne alors que pour toutx, x0 ∈B(0,2r)nous avons kg(x)−g(x0)k< 1
2kx−x0k.
En particulier,kg(x)k < 12kxken choisissantx0 = 0et doncg(B(0,2r)) ⊂B(0, r)ce qui implique par continuit´e queg(B(0,2r))⊂B(0, r).
Nous en d´eduisons facilement que pour touty∈B(0, r) h(B(0,2r))⊂B(0,2r),
commekh(x)k ≤ kyk+kg(x)k. Or, par ailleurs, pour tousx, x0∈B(0,2r)nous avons kh(x)−h(x0)k=kg(x)−g(x0)k< 1
2kx−x0k,
formule qui reste vraie par continuit´e pourx, x0 ∈B(0,2r)en remplac¸ant l’in´egalit´e stricte par une in´egalit´e large.
Ainsi l’application
h:B(0,2r)→B(0,2r)
est bien contractante et nous pouvons lui appliquer le th´eor`eme du point fixe : il existe un unique point x∈B(0,2r)tel que
h(x) =x⇔y=f(x).
Par construction, ce pointxappartient `a la boule ouverteB(0,2r)comme kxk=kh(x)k ≤ kyk+kg(x)k<2r.
Par cons´equent, la restriction
f :B(0,2r)∩f−1(B(0, r))
| {z }
:=U0
→B(0, r)
| {z }
:=V0
est une bijection dont on noteraf−1 l’application r´eciproque. Noter queU0est bien un voisinage ouvert de0 L’applicationf−1 est lipschitzienne.Soientx, x0 ∈ U0 ety, y0 ∈ V0 tels que y = f(x)ety0 = f(x0).
Alors
kf−1(y)−f−1(y0)k=kx−x0k=ky+g(x)−y0−g(x0)k ≤ ky−y0k+1
2kx−x0k d’o`u
kf−1(y)−f−1(y0)k=kx−x0k ≤2ky−y0k.
L’applicationf−1est de classeC1.L’applicationdf0est inversible, donc quitte `a diminuerr, nous pouvons supposer quedfxl’est ´egalement pour toutx∈U0. Nous commenc¸ons par prouver que(dfx)−1est bien la diff´erentielle def−1 enx.
Commek(df0)−1k=kidRnk= 1, on peut supposer que k(dfx)−1k ≤2 pourx∈B(0,2r)quitte `a diminuerr `a nouveau.
Fixons donc y ∈ B(0, r). Pour k ∈ Rntel que y+k ∈ B(0, r), on note x = f−1(y) puis on pose h=f−1(y+k)−f−1(y). Ainsix+h=f−1(y+k)et on calcule alors
kf−1(y+k)−f−1(y)−(dfx)−1(k)k = kx+h−x−(dfx)−1(f(x+h)−f(x))k
= k(dfx)−1(dfx(h)−f(x+h) +f(x))k
≤ k(dfx)−1k · kdfx(h)−f(x+h) +f(x)k
≤ 2· kdfx(h)−f(x+h) +f(x)k=o(khk).
Orkhk=kf−1(y+k)−f−1(y)k ≤2kkkcommef−1est2-lipschitzienne, et donc kf−1(y+k)−f−1(y)−(dfx)−1(k)k=o(kkk).
Ainsi, l’applicationf−1est diff´erentiable eny=f(x)et
d(f−1)y = (dfx)−1 = (dff−1(y))−1. Maintenant, l’application
u∈Gl(Rn)7→u−1 ∈Gl(Rn) est continue (penser `a la formule de Cramer), et donc la composition
y f
−1
7−→f−1(y)7−→df dff−1(y)(·)
−1
7−→ (dff−1(y))−1 =d(f−1)y
est continue.
Nous d´eduisons que l’applicationf−1 est de classeC1etf est donc bien un diff´eomorphisme deU0sur
V0.
On peut d´eduire du th´eor`eme d’inversion local certains corollaires dont les preuves seront trait´ees en exercice.
Corollaire 1.1. (Th´eor`eme d’inversion globale)f est un diff´eomorphisme deU surf(U)si et seulement si f est injective, de classeC1etdfxest inversible pour toutx∈U.
Corollaire 1.2. (Th´eor`eme des fonctions implicites) Soitf :U ⊂Rp×Rn→Rnune application de classe C1. Supposons qu’il existe un point(x0, y0)∈U tel que la matrice
(∂f
∂y1(x0, y0). . . ∂f
∂yn(x0, y0))
soit inversible. Alors il existe un voisinageU0ouvert de(x0, y0)dansUde la formeU0=V10×V20 ⊂Rp×Rn et une applicationϕ:V10 →V20de classeC1 telle que
(x, y)∈U0avecf(x, y) =f(x0, y0)⇔y=ϕ(x).
FIGURE6. Th´eor`eme des fonctions implicites.
1.2.3. Redressement des immersions et des submersions. Voici enfin deux derniers exemples de propri´et´e d’une application lin´eaire stable par perturbation : l’injectivit´e et la surjectivit´e.
Proposition 1.5. Soit{Lt}t∈[0,1] une d´eformation par des ´el´ements deL(Rp,Rn) d’une application L0 injective (respectivement surjective). Alors, pourtsuffisamment petit, l’application lin´eaire Ltest aussi injective (respectivement surjective).
Nous laissons cette proposition comme exercice. Remarquer que siL0est injective, alors n´ecessairement p≤n, et siL0est surjective, nous avonsp≥n.
Nous introduisons les notions suivantes.
Definition 1.6. Soitf :U ⊂Rp→Rnune application de classeC1. On dit quef est une immersion (resp.
submersion) enxsi sa diff´erentielledfxest injective (resp. surjective).
Les deux r´esultats suivants rentrent dans le cadre de notre philosophie, et d´ecrivent aussi compl`etement les immersions et submersions du point de vue local `a changement de coordonn´ees pr`es.
Th´eor`eme 1.5. Soitf :U ⊂Rp →Rnune application de classeC1, qui soit une immersion enx∈U. Alors il existe des voisinages ouvertsU0dexetV0def(x)satisfaisantf(U0)⊂V0, ainsi qu’un diff´eomorphisme ϕ:V0→ϕ(V0)tel que
ϕ◦f(x01, . . . , x0p) = (x01, . . . , x0p,0, . . . ,0) pour toutx0 = (x01, . . . , x0p)∈U0.
FIGURE7. Redressement d’une immersion.
Ce r´esultat nous dit qu’une immersion peut ˆetre redress´ee (en modifiant l’espace d’arriv´ee par un diff´eomorphisme) en l’application lin´eaire injective canonique correspondante. Une courbe immerg´ee avec un point double fait comprendre que l’injectivit´e de l’application peut n’ˆetre que locale.
D´emonstration. Commedfxest injective, nous avons quep≤n. Notons pouri= 1. . . ppar vi=dfx(ei)∈Rn
la i`eme d´eriv´ee partielle def. L’injectivit´e dedfximplique alors que cette famille est libre, et par le th´eor`eme de la base incompl`ete, nous pouvons chosirn−pvecteursvp+1, . . . , vntels que(v1, . . . , vn)soit une base deRn. Nous d´efinissons alorsψ:U ×Rn−p⊂Rn→Rnen posant
ψ(x01, . . . , x0n) =f(x01, . . . , x0p) +x0p+1vp+1+. . .+x0nvn.
Cette application v´erifieψ(x,0Rn−p) =f(x). Elle est aussi de classeC1. Pour cela il suffit d’observer que pour toutx0 = (x01, . . . , x0p, x0p+1, . . . , x0n)∈U ×Rn−p
J acx0(ψ) = (J ac(x0
1,...,x0p)(f), vp+1, . . . , vn), matrice qui d´epend continˆument du pointx0. On remarque ´egalement queJ ac(x,0
Rn−p)(ψ) = (v1, . . . , vn)et donc quedψxest inversible. Par le th´eor`eme d’inversion local,ψest un diff´eomorphisme d’un voisinage ouvert de(x,0Rn−p)sur un voisinage ouvertV0deψ(x,0Rn−p) =f(x).
Par construction,
ψ(x01, . . . , x0p,0, . . . ,0) =f(x01, . . . , x0p)
et doncψ−1◦f(x01, . . . , x0p) = (x01, . . . , x0p,0, . . . ,0). Il suffit alors de poserϕ=ψ−1. Nous d´emontrerons en exercice le r´esultat correspondant pour les submersions qui s’´enonce ainsi.
Th´eor`eme 1.6. Soitf :U ⊂Rp →Rnune application de classeC1, qui soit une submersion enx ∈U. Alors il existe un voisinage ouvertU0 ⊂U dex, ainsi qu’un diff´eomorphismeϕ:U0 →ϕ(U0)tel que
f◦ϕ−1(x01, . . . , x0p) = (x01, . . . , x0n) pour toutx0 = (x01, . . . , x0p)∈U0.
FIGURE8. Redressement d’une submersion.
2. PREMIERE INCURSION DANS LE MONDE DES` EQUATIONS DIFF´ ERENTIELLES´
2.1. Un peu de vocabulaire. Nous commenc¸ons par d´efinir le terme d’´equation diff´erentielle ordinaire et montrer comment se ramener en toute g´en´eralit´e au cas des ´equations diff´erentielles ordinaires du premier ordre.
Definition 2.1. Soitk∈N∗. On appelle ´equation diff´erentielle ordinaire d’ordreksurRnune ´equation de la forme
dkx dtk =f
t, x, . . . ,dk−1x dtk−1
o`uf :I×U0×U1×. . .×Uk−1 →Rnd´esigne une fonction continue,I ´etant un intervalle deRet lesUi des ouverts deRn.
On appelle alors solution de cette ´equation toute application x : J ⊂ I → Rn satisfaisant l’´egalit´e ci-dessus. Ceci implique quexest de classeCket que ddtixi(t)∈Uipour toutt∈J.
Lorsquef est ind´ependante det, l’´equation diff´erentielle est dite autonome.
Pour un certain nombre de consid´erations (celles les plus g´en´erales, comme par exemple la question de l’existence de solutions), tout se ram`ene au cas d’ordre1et autonome en vertu du r´esultat suivant.
Proposition 2.1. Toute solution d’une ´equation diff´erentielle ordinaire est ´equivalente `a la solution d’une
´equation diff´erentielle ordinaire d’ordre1et autonome qui lui est naturellement associ´ee.
D´emonstration. Six:J ⊂I →Rnest une solution de l’´equation dkx
dtk =f
t, x, . . . ,dk−1x dtk−1
, alors l’application
y:J → R1+nk t 7→
t, x(t), . . . ,dk−1x dtk−1
est de classeC1et satisfait l’´equation ordinaire d’ordre1et autonome surR1+nksuivante dy
dt =F(y(t)) avec
F :I×U0×. . .×Uk−1 → R×Rn×. . .×Rn
(s, u0, . . . , uk−2, uk−1) 7→ (1, u1, . . . , uk−1, f(s, u0, . . . , uk−1)) En effet,
dy
dt = d dt
t, x(t), . . . ,dk−2x
dtk−2,dk−1x dtk−1
=
1, x0(t), . . . ,dk−1x dtk−1,dkx
dtk
=
1, x0(t), . . . ,dk−1x dtk−1, f
t, x, . . . ,dk−1x dtk−1
=F
t, x(t), . . . ,dk−2x
dtk−2,dk−1x dtk−1
= F(y(t)).
R´eciproquement, toute solution de cette ´equation ordinaire d’ordre1et autonome fournit une solution de l’´equation diff´erentielle ordinaire initialement consid´er´ee : siy(t) = (s(t), u0(t), . . . , uk−1(t))est une solution de l’´equation ordinaire d’ordre1 et autonome ci-dessus d´efinie sur un intervalleJ0 ⊂ R, cela implique que
u0i =ui+1
pour touti= 0, . . . , k−2et que
u0k−1 =f(s, u0, . . . , uk−1) donc on trouve
dku0 dtk =f
s(t), u0, . . . ,dk−1u0 dtk−1
.
Nous savons aussi ques0(t) = 1et doncs(t) =t+co`uc ∈R. Commey est solution, cela impose que t+c∈Ipour toutt∈J0. D’o`u la fonctionx(t) =u0(t−c)est solution de l’´equation diff´erentielle ordinaire
intiale sur l’intervalleJ =J0+c⊂I.
2.2. Existence des solutions. Maintenant que nous avons vu comment se ramener `a une ´equation diff´erentielle ordinaire d’ordre1et autonome du type dxdt =f(x), nous allons interpr´eter celle-ci g´eom´etriquement.
Definition 2.2. Un champ de vecteurs sur un ouvertU ⊂Rnest la donn´ee d’une applicationf :U →Rn. Pour mieux comprendre la signification g´eom´etrique, on r´ealise le champ de vecteursf en liant le vecteur f(x)au pointx(voir figure 9).
FIGURE9. Exemples de champs de vecteurs deR2.
Definition 2.3. On appelle courbe int´egrale du champ de vecteursf une courbeγ :I ⊂R→Rnde classe C1tangente en tout point `af, c’est-`a-dire telle que
γ0(t) =f(γ(t)).
Autrement dit, on interpr`ete g´eom´etriquement les solutions de l’´equation diff´erentielle dxdt =f(x)comme les courbes int´egrales du champ de vecteurs d´efini parf. Par exemple, si on consid`ere le champ de vecteurs f(x, y) = (−x, y), par tout point(x0, y0)∈R2passe une unique courbe int´egrale s’´ecrivant
γ(x0,y0)(t) = (x0·e−t, y0·et).
L’ensemble des courbes int´egrales forme un dessin que l’on appelleportrait de phase, voir figure 10.
Nous allons voir maintenant que tout champ de vecteurs suffisamment r´egulier s’int`egre toujours locale- ment.
Th´eor`eme 2.1. (Cauchy-Lipschitz) Soitf :U ⊂Rn→Rnune application de classeC1etx0∈U. a) Alors il existeα >0etγ :]−α, α[→ U de classeC2 tels queγ(0) =x0etγ0(t) =f(γ(t))pour tout t∈]−α, α[.
b) De plus, si¯γ :]−α0, α0[→U d´esigne une autre courbe int´egrale passant parx0 ent= 0, alorsγet¯γ coincident sur leur intervalle commun de d´efinition.
FIGURE 10. Portrait de phase du champf(x, y) = (−x, y).
D´emonstration. Existence.Nous allons utiliser le th´eor`eme du point fixe de Picard dans la version suivante.
Th´eor`eme 2.2. (du point fixe de Picard) Soit (E, d) un espace m´etrique complet et T : E → E une application contractante : il existe0< k <1tel que pour toutx, y∈Eon ait
d(T(x), T(y))≤k·d(x, y).
Alors il existe un unique pointx0∈Etel queT(x0) =x0. Tout d’abord, il nous faut remarquer que
γ0(t) =f(γ(t))et γ(0) =x0 ⇔γ(t) =x0+ Z t
0
f(γ(s))ds.
Etant donn´eα >0, nous d´efinissons donc l’application
T :C0(]−α, α[, U) → C0(]−α, α[,Rn) γ 7→ (t7→x0+
Z t 0
f(γ(s))ds) dont on cherche un point fixe.
Pour toutα >0etr >0, nous munisson l’espaceC0(]−α, α[,B(x¯ 0, r))de la norme infini : kuk∞= sup
t∈]−α,α[
ku(t)k.
Cet espace m´etrique est complet. Nous allons prouver qu’il exister >0etα >0tels que (1) T(C0(]−α, α[,B(x¯ 0, r)))⊂C0(]−α, α[,B(x¯ 0, r)),
(2) T est contractante.
Nous pourrons ainsi conclure `a l’existence d’un point fixeγ deT, c’est-`a-dire une courbe int´egrale def passant parx0au tempst= 0.
Fixons tout d’abord un rayonr > 0satisfaisant l’inclusionB(x¯ 0, r) ⊂U. Commef :U →RnestC1 donc continue, nous pouvons poser
M := max
x∈B(x¯ 0,r)
kf(x)k<+∞.
On calcule alors
kT(γ(t))−x0k=k Z t
0
f(γ(s))dsk ≤M·α
en utilisant `a nouveau l’in´egalit´e de Jensen. Nous aurons donc satisfait le point(1)ci-dessus si l’on choisit M·α ≤r.
On calcule ensuite∀γ,eγ ∈C0(]−α, α[,B(x¯ 0, r))que kT(γ)−T(eγ)k∞ = sup
|t|<α
kT(γ)(t)−T(eγ)(t)k
= sup
|t|<α
k Z t
0
[f(γ(s))−f(eγ(s))ds]k
≤ α· sup
|s|<α
kf(γ(s))−f(eγ(s))k.
Commef est de classeC1, sa diff´erentielle est continue et donc k:= sup
B(x¯ 0,r)
kdfxk<∞.
Par le TAF, on en d´eduit quefestk-lipschitzienne, et donc que
kT(γ)−T(γe)k∞≤α·k· kγ−γek∞.
L’application se trouve ainsi ˆetre contractante si on choisitαde sorte queα·k <1. Ceci est compatible avec le choix pr´ec´edent deαpuisqu’au pire on diminue encore la valeur deα.
Les points(1)et(2)´etant satisfaits pour un certain couple de valeur(r, α), il existe par le th´eor`eme du point fixe une unique applicationγ ∈C0(]−α, α[,B(x¯ 0, r))tel queT(γ) =γ. Cette courbeγ est alors une courbe int´egrale def passant parx0 au tempst = 0. On constate queγ est de classeC1en vertu du th´eor`eme fondamental du calcul diff´erentiel, comme
γ(t) =x0+ Z t
0
f(γ(s))ds.
On constate alors queγ est de classeC2puisqueγ0 =f ◦γavecfetγ de classeC1.
Unicit´e. L’unicit´e se montre de la mani`ere suivante. On commence par montrer que les deux solutions coincident sur un intervalle non vide contenant0. On choisit0 < β ≤ min{α, α0} ≤ αtel queγ¯(t) ∈ B(x¯ 0, r)pour toutt∈J := [−β/2, β/2]. On pose alors
Q:= max
t∈J kγ(t)−γ(t)k.¯
Par continuit´e, ce maximum est atteint en un pointt1 ∈J. Donc Q=kγ(t1)−γ¯(t1)k = k
Z t1
0
(γ0(s)−γ¯0(s))dsk
≤ Z t1
0
kf(γ(s))−f(¯γ(s))kds
≤ Z t1
0
kkγ(s)−¯γ(s)kds
≤ α·k·Q.
Commeα·k <1, on obtientQ= 0et les deux solutions coincident donc surJ.
Maintenant on noteJ∗ le plus grand intervalle ouvert contenant 0 et tel queγ = ¯γ sur J∗. Si J∗ ne coincide pas avec]−α, α[∩]−α0, α0[, alorsJ∗ admet un pointt2 `a sa fronti`ere contenu dans l’intervalle ouvert]−α, α[∩]−α0, α0[. Par continuit´eγ(t2) = ¯γ(t2)et donc les courbess7→γ(t2+s)ets7→γ¯(t2+s) coincident sur un voisinage ouvert de0. L’intervalleJ∗n’´etait donc pas maximal.
En corollaire du th´eor`eme de Cauchy-Lipschitz, nous avons donc que toute ´equation diff´erentielle ordinaire d’ordrek∈N∗admet des solutions locales, et que celles-ci sont uniques si on prescrit les valeurs en un point des d´eriv´ees dexjusqu’`a l’ordrek−1.
Du point de vue g´eom´etrique, nous avons donc que pour tout champ de vecteurs de classeC1, par tout point passe une courbe int´egrale, et que deux courbes int´egrales ne peuvent jamais se croiser (sauf `a ˆetre confondues). De mˆeme, une courbe int´egrale ne peut jamais s’autointersecter, sauf si elle est p´eriodique.
2.3. Comportement des solutions. Maintenant que nous savons que toute ´equation diff´erentielle ordinaire d’ordre1et autonome admet des solutions locales, ou de mani`ere ´equivalente tout champ de vecteurs admet des courbes int´egrales au voisinage de chaque point, nous pouvons d´efinir la notion de solution maximale.
Definition 2.4. Soitf :U →Rnun champ de vecteurs de classeC1.
Pour chaque pointx0 ∈U, il existe un unique intervalleJ(x0)⊂Rcontenant0en son int´erieur et une unique courbeγx0 :J(x0)→U int´egrale def et telle queγx0(0) =x0ayant la propri´et´e de maximalit´e suivante : toute autre courbe int´egrale¯γ : ¯J →Upassant parx0ent= 0∈J¯v´erifie l’inclusionJ¯⊂J(x0).
Bien ´evidemment nous avons alorsγx0(t) = ¯γ(t)pour toutt∈J¯.
La courbeγx0 : J(x0) → U est alors appel´ee solution (ou courbe int´egrale) maximale de l’´equation
dx
dt =f(x)passant parx0au tempst= 0.
Remarquer queJ(x0)est un intervalle n´ecessairement ouvert que nous noterons]a, b[: sinon, on pourrait prolonger la solution en son extr´emit´e en utilisant le th´eor`eme de Cauchy-Lipschitz. Mais il est possible que a=−∞oub =∞. Lorsqueaoubest fini, la question se pose de savoir ce qu’il se passe `a la limite de l’intervalle maximal de d´efinition.
Th´eor`eme 2.3. (des bouts) Soitf :U ⊂Rn→Rnun champ de vecteurs de classeC1,x0un point deU et γx0 :]a, b[→U
la courbe int´egrale maximale issue dex0(c’est-`a-dire v´erifiantγx0(0) =x0).
Sib <∞, alors pour tout compactK⊂U il existeη∈]a, b[tel que γx0(t)∈/ K
pour toutη < t < b.
Respectivement, quitte `a remplacer le champf par−f, on voit que sia >−∞, alors pour tout compact K ⊂U il existeη∈]a, b[tel que∀a < t < ηon aitγx0(t)∈/ K.
Ceci implique que lorsque l’intervalle maximal de d´efinition d’une courbe int´egrale est fini en une extr´emit´e, en celle-ci la courbe tend soit vers le bord deU, soit `a l’infini (voir figure 11).
FIGURE11. b <∞implique fuite au bord ou `a l’infini.
D´emonstration. Pour plus de commodit´e, notons parγla courbe int´egraleγx0. Supposons le contraire : il existe un compactKet une suite(tn)de points dans]a, b[telle que
n→∞lim tn=b
etγ(tn)∈Kpour tout entiern. L’ensembleK ´etant compact, nous pouvons (quitte `a extraire une sous-suite)
´egalement supposer qu’il existez∈Ktel que
n→∞lim γ(tn) =z.
Maintenant fixonsα >0etr >0tels que d’une partB(z,2r)⊂U, et d’autre part α· sup
B(z,r)¯
kf(x)k ≤ r 2 et
α· sup
B(z,r)¯
kdfxk< 1 2. Parce quef est de classeC1, les applications
x0∈B(z, r)7→ sup
B(x¯ 0,r)
kf(x)k et
x0∈B(z, r)7→ sup
B(x¯ 0,r)
kdfxk sont continues. On en d´eduit qu’il existeε >0tel que
α· sup
B(x¯ 0,r)
kf(x)k ≤r et
α· sup
B(x¯ 0,r)
kdfxk<1
pour tout x0 ∈ B(z, ε). Ainsi, par l’argumentation du th´eor`eme de Cauchy-Lipschitz, les domaines de d´efinitionJ(x0)des courbes int´egrales maximales issues de pointsx0appartenant `aB(z, ε)v´erifient
]−α, α[⊂J(x0).
On choisit alorstn∈]b−α/2, b[tel queγ(tn)∈B(z, ε). La courbe int´egrale issue deγ(tn)est d´efinie sur l’intervalle]−α, α[et permet donc de prolongerγau-del`a deb. Ceci contredit la maximalit´e deγ.
Nous consid´erons maintenant les courbes int´egrales dans leur ensemble. Comme nous venons de le voir dans la d´emonstration du th´eor`eme des bouts, deux courbes int´egrales d´emarrant en des points suffisamment proches seront d´efinies sur un intervalle ferm´e commun. Nous pouvons quantifier `a quel point elles resteront proches l’une de l’autre de la mani`ere suivante.
Th´eor`eme 2.4. Soitf un champ de vecteurs de classe C1 sur un ouvertU etx0 ∈ U. Supposons que [0, c]⊂J(x0).
Alors il existe un voisinageU0 dex0dansU et une constantek≥0tel que, pour toutx∈U0, la courbe int´egraleγxissue dexsoit elle-aussi d´efinie sur[0, c]et v´erifie l’estim´ee suivante :
kγx0(t)−γx(t)k ≤ kx0−xkexp(k·t) pour toutt∈[0, c].
Nous pouvons interpr´eter ce r´esultat de la mani`ere suivante. D’une part, la courbe int´egrale passant parx d´epend de mani`ere continue du pointx(voir figure 12). Plus pr´ecis´ement,
x→xlim0γx(t) =γx0(t)
pour toutt∈[0, c]. D’autre part, deux courbes d´emarrant relativement proche ne peuvent d´evier l’une de l’autre qu’au plus d’une mani`ere exponentielle en fonction du temps.
FIGURE12. Convergence simple des courbes int´egrales et divergence au plus exponentielle.
D´emonstration. Par compacit´e de[0, c]il existeε > 0tel quex ∈U d`es quekx−γx0(t)k ≤ εpour un t∈ [0, c]. On pose alorsK ={x∈ Rn |d(x, γx0([0, c]))≤ε} ⊂ U. L’ensembleK est compact et donc l’applicationf estk-lipschitz surK(en posantk= maxx∈Kkdfxket en appliquant le TAF).
Soitδ >0suffisamment petit pour queδ exp(k·c)≤ ε2. En particulier,δ ≤ ε2. Posons U0={x∈Rn| kx−x0k< δ} ⊂K◦ ⊂U.
Nous allons montrer que pour toutx∈U0 la courbe int´egraleγxest d´efinie sur[0, c].
Soiteγxla courbe int´egrale du champ de vecteursf
|
◦
Kd´efinie sur un intervalle maximal de la forme]a, b[.
Nous allons montrer queb > c.
Remarquons queγex:]a, b[→K◦ est aussi une courbe int´egrale def issue dex. De la maximalit´e deγx, on d´eduit queγx(t) =eγx(t)pour toutt∈]a, b[. Posons pourt∈[0, b[
v(t) =kγx0(t)−γx(t)k.
Alors
v(t) =kγx0(t)−γx(t)k = kγx0(0)−γx(0) + Z t
0
(f(γx0(s))−f(γx(s)))dsk
≤ v(0) + Z t
0
k·v(s)ds puisqueγx0 etγxne sortent pas de
◦
K. Nous invoquons alors le lemme de Gronwall.
Lemma 2.1. (de Gronwall) Soitu: [0, a]→R+une application continue. Supposons qu’il existeC >0et k≥0tel que
u(t)≤C+ Z t
0
k·u(s)ds pour toutt∈[0, a]. Alors
u(t)≤Cexp(k·t) pour toutt∈[0, a].
D´emonstration. PosonsU(t) =C+Rt
0k·u(s)ds >0. Alorsu(t)≤U(t)et U0(t) =ku(t),
donc
U0(t)
U(t) = ku(t) U(t) ≤k.
On en d´eduit que
logU(t)≤logU(0) +kt et commeU(0) =Cen passant `a l’exponentielle il vient
U(t)≤Cexp(k·t)
d’o`u le r´esultat commeu(t)≤U(t).
En appliquant le lemme de Gronwall `au=vavecC=v(0) =kx0−xk, il vient pour toutt∈[0, b[
kγx0(t)−γx(t)k ≤ kx0−xkexp(k·t)≤δexp(k·b) Sib≤c, cela impliquerait alors que
kγx0(t)−γx(t)k ≤δexp(k·c)≤ ε 2,
et donc en particulierγx(t) ne quitte pas le compact{x ∈ Rn | d(x, γx0([0, c])) ≤ ε2} ⊂ K◦ pour tout t∈[0, b[. Ceci contredirait la maximalit´e en vertu du th´eor`eme des bouts.
Donc pour toutx∈U0la courbe int´egraleγxest d´efinie sur[0, c]. Nous avons par ailleurs prouv´e l’estim´ee suivante :
kγx0(t)−γx(t)k ≤ kx0−xkexp(k·t)
pour toutt∈[0, c], ce qui conclut la preuve.
Remarquons que, quitte `a remplacerf par−f et intervertir pass´e et futur des courbes, nous pouvons montrer que si un intervalle ferm´e[c, d]est contenu dansJ(x0), alors il existe un ouvertU0autour dex0tel que[c, d]⊂J(x)pour toutx∈U0 et pour lequel pour toutt∈[c, d]
kγx0(t)−γx(t)k ≤ kx0−xkexp(k·t) o`uk≥0est une constante.
2.4. Flot d’un champ de vecteurs.
Definition 2.5. Soitf :U ⊂Rn→Rnun champ de vecteurs de classeC1. On d´efinit le flot du champ de vecteur comme l’application
ϕ: Ω ={(t, x)∈R×U |t∈J(x)} → U (t, x) 7→ γx(t) o`uγxd´esigne la courbe int´egrale maximale deftelle queγx(0) =x. Nous noterons
ϕ(t, x) =ϕt(x).
On peut ´ecrire
Ω = ∪
x∈UJ(x)× {x}.
Ainsi{0} ×U ⊂Ωmais en g´en´eral il n’existe pas d’intervalle ouvertJ autour de0tel queJ×U ⊂Ω.
N´eanmoins, nous pouvons d´emontrer le r´esultat suivant.
Proposition 2.2. Ωest un ouvert deR×U, et l’applicationϕ: Ω→U est continue.
D´emonstration. Montrons tout d’abord queΩest ouvert. Fixons(t0, x0)∈Ωet choisissonsα >0tel que [t0−α, t0+α]⊂J(x0). On peut alors trouver un voisinage ouvertU0 dex0tel que pour toutx∈U0on ait[t0−α, t0+α]⊂J(x)ainsi que la majoration de type exponentielle du th´eor`eme pr´ec´edent. On a bien trouv´e un voisinage ouvert
]t0−α, t0+α[×U0 de(t0, x0)qui soit inclus dansΩ, et doncΩest ouvert.
Maintenant, si(t, x)∈]t0−α, t0+α[×U0, nous avons kϕt0(x0)−ϕt(x)k = kγx0(t0)−γx(t)k
≤ kγx0(t0)−γx0(t)k+kγx0(t)−γx(t)k
≤ kγx0(t0)−γx0(t)k+kx0−xkexp(k·t)
≤ kγx0(t0)−γx0(t)k+kx0−xkexp(k·(t0+ε)).
Ainsi pour toutε >0, la continuit´e det7→γx0(t)implique l’existence deη >0tel que kγx0(t0)−γx0(t)k< ε
d`es que|t−t0|< η. On en d´eduit que pour(t, x) ∈]t0−η, t0+η[×B
x0,exp(k·(tε
0+ε))
kϕt0(x0)−ϕt(x)k ≤2ε
montrant ainsi la continuit´e deϕ.
Nous observons ensuite que le flot v´erifie la formule remarquable suivante.
Proposition 2.3. (Formule du flot)
Sit1 ∈J(x)ett2 ∈J(ϕt1(x)), alorst1+t2∈J(x)et
ϕt1+t2(x) =ϕt2(ϕt1(x)).
D´emonstration. Consid´erons la courbet7→ϕt1+t(x). C’est une courbe int´egrale d´emarrant enϕt1(x)et elle est maximalement d´efinie sur l’intervalleJ(x)−t1(exercice). On en d´eduit queJ(ϕt1(x)) =J(x)−t1et queϕt(ϕt1(x)) =ϕt1+t(x)par unicit´e des courbes int´egrales d´emarrant en un point. Ainsit2 ∈J(ϕt1(x))
ssit1+t2 ∈J(x)et on a alors la formule annonc´ee.
FIGURE13. Formule du flot.
Observons en particulier que si t ∈ J(x), alors −t ∈ J(ϕt(x))et ϕ−t(ϕt(x)) = x. Dans le cas o`u Ω =R×U (autrement dit,J(x) =Rpour toutx ∈U, on dit que le champ de vecteurs est complet), on dispose alors d’un morphisme de groupes
ϕ:R → Hom´eo(U) t 7→ ϕt
deRdans l’ensemble des hom´eomorphismes deU. Ceci justifie la notationϕ(t,·) =ϕtcomme la famille {ϕt}t∈Rest une famille `a un param`etre d’hom´eomorphismes. En fait, on dispose mˆeme d’une famille `a un param`etre de diff´eomorphismes deU en vertu du r´esultat suivant.
Th´eor`eme 2.5. Sif est un champ de vecteurs de classeC1 d´efini sur un ouvertU, alors le flotϕ: Ω→U est de classeC1.
Autrement dit, lorsque le champ de vecteurs est complet (cadΩ =R×U), chaque hom´eomorphismeϕt est de classeC1et son inverseϕ−taussi. On obtient ainsi une famille `a un param`etre de diff´eomorphismes deU : la courbe de classeC1 suivante
ϕ:R → Diff´eo(U) t 7→ ϕt
est un morphisme de groupes deRdans l’espace des diff´eomorphismes deU (en particulierϕ(0) =idU).
D´emonstration. Devoir maison !
2.5. Orbites. On se fixe un champ de vecteursf : U ⊂ Rn → Rn de classe C1. Nous allons classer l’ensemble des courbes int´egrales en fonction de leur image.
Definition 2.6. L’orbite d’un pointxdeU est le sous-ensemble Ox :={ϕt(x)|t∈J(x)} ⊂U.
Cette d´efinition permet de d´ecomposer g´eom´etriquement le domaineU selon la dynamique def.
Proposition 2.4. Les orbites def forment une partition deU, appel´ee portrait de phase def. De mani`ere ´equivalente, la relation d´efinie par
y∼x⇔y∈ Ox est une relation d’´equivalence. Ainsi
U = a
[x]∈U/∼
Ox.