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Ordre de naissance et participation : quel accès à la participation et quelle pratique si l'on est ainé ou cadet ?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Sous la direction du Prof. Philip D. Jaffé

Ordre de naissance et participation: quel accès à la

participation et quelle pratique si l'on est ainé ou cadet ?

Présenté au

Centre interfacultaire en droits de l’enfant (CIDE) de l’Université de Genève en vue de l’obtention de la

Maîtrise universitaire interdisciplinaire en droits de l’enfant par

Amélie HAGMANN de Renens, Vaud

Mémoire No CIDE 2020/MIDE 18-20/15

Jury :

- Prof. Philip D. Jaffé

- Dre Nataliya Tchermalykh

SION

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Résumé

Selon la Convention relative aux droits de l’enfant, ceux-ci âgés de 0 à 18 ans, doivent pouvoir bénéficier de droits de protection, de prestation mais également de droits de participation. Ces derniers revêtent un caractère innovant puisqu’ils confèrent aux enfants et aux jeunes un statut d’acteur et non uniquement de sujet de droits. En Suisse comme partout ailleurs, de plus en plus de politiques publiques favorisent la participation des jeunes, notamment sous forme de conseils et de parlements, tant au niveau communal que cantonal et fédéral. Ainsi, l’opportunité de participer activement en tant que citoyen est offerte mais toute la jeunesse n’a pas les mêmes aspirations à participer. Ce mémoire de master interdisciplinaire propose d’explorer la piste du rôle de la personnalité construite au sein de la famille selon l'ordre de naissance des membres participants dans les conseils et les parlements de jeunes. Afin de pouvoir observer des tendances, un sondage a été soumis à des membres de conseils et de parlements de jeunes romands dans l'optique de comprendre si la volonté de s’engager au sein d' un espace participatif et la pratique participative sont liées à l’ordre de naissance et aux compétences acquises qui en découlent. Les résultats obtenus révèlent des différences entre les ainés et les cadets dans la manière d’appréhender la participation et dans leurs engagements.

concepts: ordre de naissance, engagement, conseils et parlements de jeunes, droits participatifs

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Remerciements

Je remercie sincèrement Monsieur Philip Jaffé pour sa disponibilité, son suivi et ses conseils constructifs et efficaces ainsi que pour l’intérêt qu’il a manifesté pour la thématique de ce travail.

Un très grand merci à Meryl Martin, pour ses précieux conseils, ses relectures et les nombreuses discussions qui m’ont permise de construire ma réflexion.

Aussi, je tiens à remercier mon père, ma famille, mes amis proches et mon conjoint pour l’immense soutien qu’ils m’ont témoigné, leur écoute et leur patience.

Et enfin, je remercie également tous les participants de cette recherche sans qui ce travail n'aurait pas pu aboutir.

* Dans la présente recherche, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique; ils ont à la fois valeur d’un féminin et d’un masculin *

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Table des matières

Introduction ...7

1. Problématique et questions de recherche ...10

1.1 Intérêt pour le sujet et objectif de la recherche ...10

1.2 Problème de recherche ...11

1.3 Questions de recherche et hypothèses ... 12

2. Cadre théorique ...13

2.1 Ordre de naissance et caractéristiques personnelles ...13

2.1.1 Prémisses et caractéristiques de l’ordre de naissance ...13

2.1.2 Variables liées à l’ordre de naissance ...15

2.1.3 Ordre de naissance et statuts ...20

2.1.4 Résumé des apports théoriques sur l’ordre de naissance...24

2.2 Participation des enfants et des jeunes ...25

2.2.1 Droits participatifs et accès à la participation ...25

2.2.2 Degrés, formes et buts de la participation ...26

2.2.3 Capacité d’agir, ressources et engagement des jeunes ...29

2.2.4 Résumé des apports théoriques sur la participation ...33

3. Méthodologie ...34

3.1 Outil méthodologique ...34

3.2 Échantillonnage ...35

3.3 Méthode d’analyse des résultats ...36

3.4 Considérations éthiques ...37

4. Résultats ...39

4.1 Description de la population d’étude ...39

4.2 Les traits de personnalité comme ressources à la participation...44

4.3 La motivation à s'engager...47

4.4 La participation lors de la dernière session...52

4.5 Le sentiment de soutien reçu dans l'engagement ...54

4.6 Le sentiment d'influence de l'engagement sur l'avenir ...56

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5. Discussion ...59

5.1 Des ainés et des cadets engagés ...59

5.2 Des traits de personnalité ainéistes ...60

5.3 Des ainés affirmés, des cadets altruistes ...61

5.4 Des ainés moins soutenus, des cadets optimistes ...64

5.5 Limites de la recherche ...65 5.6 Propositions de prolongements ...66 6. Conclusion ...68 7. Références bibliographiques ...70 8. Annexes ...76

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Introduction

La Convention relative aux droits de l’enfant (ci-après CDE) confère, comme son nom l’indique, des droits (pluriels) à l’enfant (individu). Les droits définis par la CDE peuvent être classifiés selon trois types de droits: les droits de protection, les droits de prestation et les droits de participation (Zermatten, 2019). Cette dernière catégorie considère l’enfant comme acteur et sujet de droits, ce qui est novateur. Zermatten (2019) ajoute que cette nouveauté est appelée « révolution silencieuse » car c’est une pensée qui tend à bousculer une vision ancrée de l’enfant qui a longtemps été considéré comme un être passif à protéger uniquement. Ainsi, les droits participatifs accordés aux enfants impliquent que ceux-ci soient considérés comme des acteurs sociaux à part entière (Stoecklin, 2019a) et permettent de faire évoluer le statut de l’enfant et sa place dans la société. Les droits participatifs se déclinent en plusieurs articles , à savoir le droit d’être entendu (art.12), le droit à la liberté d’expression 1 (art.13), le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 14), le droit à la liberté d’association (art.15), le droit à la protection de la sphère privée (art.16), le droit à l’information (art.17) ainsi que le droit au repos et aux loisirs (art.31) (CDE, 1989). Le droit d’être entendu fait partie des principes généraux de la CDE (Hanson, 2018).

Cette vision de l’enfant acteur prônée par la CDE gagne peu à peu du terrain dans la mise en oeuvre des droits de l’enfant. En effet, ce nouveau statut de l’enfant suggère qu’il puisse participer de manière active dans tous les domaines qui le concernent, notamment à la vie en société. À cette fin, les États membres sont 2 vivement encouragés à favoriser la participation des enfants et des jeunes par des instances telles que l’Organisation des Nations Unies (ONU) ou encore le Conseil de l’Europe qui recommandent par ailleurs de créer des espaces de participation (Comité des ministres, 2012).

Ainsi, plusieurs formes de participation émergent de part et d’autres et il apparait que la jeunesse veuille se faire entendre. En effet, des groupes de jeunes se mobilisent à travers le monde pour revendiquer auprès des autorités et politiques nationales et internationales des efforts concrets et rapides en faveur du climat, d’autres s’activent pour abaisser l’âge du droit de vote à 16 ans, etc. Parallèlement, une participation plus formelle se développe et nous constatons aussi une

Les articles intégraux sont consultables à l'annexe 1. 1

Les Etats ayant signé et ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant. (liste des États membres 2

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augmentation d’espaces de participation tels que les conseils et les parlements de jeunes, soutenus par les autorités communales et cantonales. Ces espaces participatifs permettent un échange entre les individus engagés au sein d’une région et offrent l’occasion de donner sa voix, proposer des projets, concrétiser des demandes et s’investir dans son rôle de citoyen actif.

Ces instances, qui sont pourtant de réelles ouvertures pour que les jeunes puissent participer d’une manière proactive, sont sujettes à diverses critiques, notamment par le fait que celles-ci dépendent de l’accord et du soutien des adultes et politiques, caractérisant cette forme de participation, selon Hanson (2013) comme étant « top-down » . Bien que ces organisations permettent à l’enfance et à la jeunesse de 3 prendre part de manière active à la société, leur réel but et leur accessibilité à tous sont également remis en cause. En effet, des recherches affirment que les participants ne sont pas représentatifs de la jeunesse (Stoecklin, 2019b). Malatesta et Golay (2010) ont notamment pointé des inégalités d’accès à la participation liées au genre tandis que Hbila (2014), qui s’est intéressé à la participation des jeunes issus de quartiers populaires en France, a relevé que les inégalités sociales engendrent des accès différents à la participation via des structures formelles. Par ailleurs, cette forme de participation requiert des caractéristiques et des compétences personnelles et individuelles (Poretti, 2019). Ces caractéristiques personnelles peuvent tenir, comme précédemment mentionné, du genre et du milieu social mais il s’agit également de considérer les traits de personnalité, qui ont d'ailleurs fait l’objet de nombreuses études, notamment les travaux s’intéressant à l’ordre de naissance. En effet, les recherches menées dans ce domaine ont eu pour but d’étayer l’influence de l’ordre de naissance sur le développement de la personnalité. Ainsi, l’ordre de naissance est, depuis de nombreuses années, étudié avec beaucoup d’intérêt. Bon nombres de chercheurs ont essayé de comprendre d’où peuvent provenir les différences si évidentes entre des frères et soeurs d’une même fratrie (Hartmann et Goudazi, 2020). Les auteures rapportent que c’est le psychothérapeute Alfred Adler qui a été l’un des premiers à affirmer que l’ordre de naissance caractérise les individus d’une fratrie. Selon lui, la place d’un individu dans la fratrie influence la construction de la personnalité. Ensuite, le psychologue américain Franck Sulloway (1996) s’est questionné à propos de l’ordre de naissance et de ses effets sur des caractéristiques psychologiques, notamment la prise de risques, la réceptivité à l’innovation scientifique ou encore l’affirmation politique, etc.

caractérise la participation comme étant un mouvement du « haut vers le bas », à savoir mise en 3

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En effet, dans son ouvrage « les enfants rebelles » (1996) il cherche à comprendre pourquoi certains individus se conforment moins que d’autres aux croyances largement répandues et partagées par le commun des mortels. Selon lui, l’influence de l’ordre de naissance joue un rôle dans la construction de la personnalité de l’individu et par conséquent, sur ses choix et actes. Dès lors, de nombreuses recherches partant de cette théorie ont été menées afin de confirmer ou réfuter les caractéristiques attribuées aux personnalités des membres d’une fratrie en fonction de leur statut d’ainé ou de cadet (Sulloway, 1996; Kristensen et Bjerkedal, 2007; Beck et al. 2006, etc.) Ainsi, il semble que l’idée populaire la plus répandue est que les ainés seraient davantage conformistes et déterminés alors que les cadets seraient plus rebelles et ouverts d’esprits, autant de traits de personnalité dont les participants pourraient être imprégnés et qui pourraient être des ressources personnelles nécessaires à la participation, au même titre que le genre ou l'origine sociale.

Afin de comprendre si l'ordre de naissance joue un rôle dans l'accès à la participation et sa pratique, une revue de littérature détaillera les recherches menées sur l'ordre de naissance ainsi que sur la participation en tant que droit mais également en tant que pratique. La méthodologie élaborée pour ce travail de recherche qui se veut principalement quantitatif sera présentée en faisant référence aux considérations éthiques qui ont été centrales dans ce travail nécessitant la participation directe d’individus volontaires via un questionnaire. Ensuite, les résultats seront présentés et décrits puis une analyse et une réflexion plus détaillées se tiendront dans le chapitre « discussion » afin de répondre à nos questions de recherche et de déterminer si les hypothèses émises sur la base de la revue de littérature se corroborent ou s’infirment avec nos propres résultats.

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1. Problématique et questions de recherches

1.1 Intérêt pour le sujet et objectif de la recherche

Notre intérêt pour le sujet est valable pour plusieurs raisons. Premièrement, les espaces participatifs sont encouragés par des organisations influentes mais sont sujets à controverses. En effet, ils sont vivement encouragés à travers le monde mais leurs buts et moyens sont remis en question. La participation des enfants et des jeunes revêt plusieurs formes, qu’elle se fasse au moyen des réseaux sociaux, de 4 manifestations et grèves ou via des espaces formels de participation. Nous pouvons constater que la jeunesse a la volonté de se faire entendre mais que la prise de parole ne concerne pas encore tous les enfants et les jeunes. Ensuite, de nombreuses hypothèses sont faites à propos de variables liées à l’environnement des enfants et des jeunes qui ont plus ou moins une influence sur l’intérêt et l’accès à la participation, notamment le genre, la situation familiale, la classe sociale ou encore les opportunités offertes par les gouvernements. Cependant, peu de chercheurs se sont penchés sur les traits de personnalité pouvant être impliqués dans l'accès à la participation et/ou sa pratique. À cette fin, il nous parait pertinent de saisir les apports théoriques sur l’ordre de naissance puisqu’ils traitent du développement des traits de caractère. De plus, historiquement, les statuts des enfants obtenus dans la famille selon l’ordre de naissance ont justifié l’accès aux droits tels qu’à l’instruction ou à l’alimentation, attestant ainsi que l'ordre de naissance et les droits des enfants ont déjà été étroitement liés, bien que de nos jours, les droits édictés par la Convention des droits de l'enfant doivent être octroyés à tous les enfants, sans aucune différence. Toutefois, Geiser (2011) a relevé que les enfants d'une même fratrie ne participent pas de manière égale selon leur rang. Ainsi, comme susmentionné, la saisie des droits de participation, bien qu’encouragée et de plus en plus mise en oeuvre à différents niveaux, ne semble pas être faite par tous, ce qui engendre une concentration d’un certain profil d’enfants et de jeunes parmi ceux qui en font usage.

Ainsi, il nous semble intéressant de nous questionner davantage sur les caractéristiques personnelles des enfants afin de comprendre ce qui permet ou entrave la participation et ainsi offrir des opportunités qui soient ouvertes à tous les enfants et les jeunes, selon leurs envies et besoins. De ce fait, cette étude cherche à explorer s’il existe un lien entre l’ordre de naissance d’un individu et son engagement Dans ce travail, nous faisons la distinction entre les enfants (individus âgés de 0 à 11 ans) et les jeunes 4

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participatif ainsi que sa pratique participative au travers de conseils et de parlements de jeunes. Le but est d’investiguer la piste de l’influence du rang de naissance dans l’accès à la participation citoyenne des enfants et des jeunes et sur la manière dont elle est pratiquée.

Ce travail de mémoire se veut interdisciplinaire puisqu’il nomme des concepts de la psychologie, à savoir les théories sur l’ordre de naissance, ses effets sur le développement et la construction de la personnalités ainsi que la discipline du droit puisqu’il s’agit de comprendre l’implication de l’ordre de naissance dans la volonté de saisir son droit de participation en s’engageant dans un processus participatif formel et les ressources que celui-ci peut offrir dans l'accès et la pratique de la participation.

1.2 Problème de recherche

Le droit de participer est établi par la CDE depuis 30 ans et, bien que les occasions de participer se développent dans divers champs, seul certains individus se mobilisent pour faire entendre leurs voix, revendiquer leurs droits ou s’engagent au sein d’espaces de participation. Ces espaces offerts par les autorités sont sujets à controverses puisque, bien qu’officiellement ouverts et libres à tous, plusieurs recherches ont démontré qu’ils sont, en réalité, accessibles à « l’élite » de la population juvénile (Poretti, 2019). Outre les inégalités observées dans l’accès à la participation et sa pratique dans les espaces de participation en fonction du genre ou du contexte social, nous nous interrogeons sur le rôle des traits de personnalité en tant que ressources dans la volonté de s’engager, l'accès aux espaces de participation citoyenne et la pratique participative.

Comme exposé précédemment, Sulloway (1996), psychologue et historien en sciences a exploré ce qu'il qualifie d' « audace » dont ont fait preuve certains individus ayant « rejeté les conventions de leurs époques pour révolutionner notre mode de pensée » (Sulloway, 1996, p.XI). Il a avancé la thèse de l’effet de l’ordre de naissance sur la personnalité pour expliquer ces traits de caractère et, à l’instar de Franck Sulloway (1996), la présente recherche se propose d’approfondir l’effet de l’ordre de naissance sur l’engagement et la participation des jeunes dans les espaces formels tels que les conseils et les parlements de jeunes.

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1.3 Questions de recherche et hypothèses

Les efforts fournis de la part des autorités pour permettre aux enfants et aux jeunes de participer sont de plus en plus mis en oeuvre, mais s’agissant d’un droit et non d’une obligation, notre interrogation se situe au niveau des individus participants, afin de comprendre si l’ordre de naissance joue un rôle et a une influence sur l’engagement et la participation des enfants et des jeunes dans les espaces de participation formels, tels que les conseils et les parlements de jeunes. Au fil de nos lectures et réflexions interdisciplinaires à propos de l’ordre de naissance et de l'accès à la participation ainsi que sa pratique, nous nous sommes posés les questions suivantes:

-

L’ordre de naissance joue-t-il un rôle dans l’accès à la participation?

-

L’ordre de naissance influence-t-il la manière de participer des jeunes ?

-

Les jeunes sont-ils soutenus et encouragés à participer selon leur ordre de naissance?

Eu égard à la revue de littérature présentée ci-après et à nos précédentes questions de recherche, nous émettons les hypothèses suivantes:

-

Selon le statut de l'enfant lié à son rang de naissance, celui-ci aura des traits de personnalité plus ou moins affirmés qui seront des ressources nécessaires dans l'accès à la participation.

-

La pratique participative sera différente selon l'ordre de naissance puisque les ressources acquises d'après celui-ci ne sont pas égales.

-

Le sentiment de soutien reçu et le sentiment d’influence de la participation sur l'avenir seront perçus différemment selon l’ordre de naissance.

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2. Cadre théorique

Afin de pouvoir saisir en quoi l'ordre de naissance peut être amené à influencer l’accès à la participation et l'engagement participatif, nous explorerons diverses recherches menées dans le domaine de l’ordre de naissance afin d’en extraire les idées principales et les spécificités dans la construction et le renforcement de traits de personnalité. Dans un second temps, nous établirons une revue de littérature propre à la participation en tant que droit mais aussi ses formes et sa mise en oeuvre en passant par le pouvoir d'agir et l'engagement des enfants et des jeunes.

2.1 Ordre de naissance et caractéristiques personnelles

2.1.1 Prémisses et caractéristiques de l’ordre de naissance

L’ordre de naissance désigne la place d’arrivée dans la famille et le statut que lui confère cette place. L’ordre est aussi appelé rang de naissance, mais bien que pour de nombreux auteurs ces termes soient synonymes (Eckstein et Kaufman, 2012; Eisenman, 1964), d’autres en proposent une distinction subtile. Selon Laniel et Chagnon (1975), le rang définit la place dans la famille et l’ordre définit la position d’arrivée dans la famille. Ainsi, pour ces auteurs, la différence réside dans le statut, soit « ainé », « puiné » ou « benjamin », ce que Jaques (2008) qualifie de « place dans la fratrie ». De ce fait, le rang est défini par l’ordre de naissance et l’ordre confère à l’enfant d’une fratrie sa position d’arrivée, à savoir s’il est le premier enfant, le second, le troisième, etc. Tandis que pour Sulloway (1996) l’ordre de naissance est un terme plus général qui permet de faire la distinction entre les ainés et les cadets (les enfants nés après l’ainé). Cependant, il distingue l’ordre de naissance « fonctionnel » et l’ordre de naissance « biologique ». Le premier fait référence au rôle au sein de la fratrie selon le rang, tandis que le second désigne l’ordre selon la naissance. Par exemple, un enfant né en deuxième position mais dont l’ainé est décédé, son ordre biologique est « deuxième » tandis que son ordre fonctionnel sera fort probablement « ainé » s’il a été amené à jouer ce rôle.

Sperber (1974) relève que des différences sont notables selon l’ordre de naissance, par exemple dans les récits bibliques dans lesquels il est mention de « droit d’ainesse ». Les privilèges liés au rang d’ainé sont encore conférés dans certaines tribus, notamment la tribu « Dorzé » d’Ethiopie Méridionale qui a une organisation sociale liée à l’ainesse de ses membres et au nom de laquelle les individus ont des droits ou devoirs. À différentes époques et dans différentes cultures, les pratiques

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faisaient la différence entre un ainé et un cadet en termes de traitements et de droits. Par exemple, les ainés avaient plus facilement accès à l’instruction et pouvaient poursuivre des études pour faire carrière. Quand la nourriture venait à manquer, c'était en général les cadets qui en recevaient le moins car ils étaient considérés comme les plus fragiles et il valait mieux garder l’ainé « fort » en bonne santé. Ainsi, à travers l’histoire de l’humanité, le rang obtenu par la naissance a servi de justification pour opérer des différences de traitements conscientisées entre les enfants d’une même fratrie.

L'ordre de naissance a été étudié pour la première fois en 1918 par Alfred Adler (Eisenman, 1964). L’éminent psychothérapeute autrichien s’est intéressé au lien entre l'ordre de naissance et le caractère des individus. Dès lors, plusieurs chercheurs ont étudié le rapport entre l'ordre de naissance et des caractéristiques propres de la personnalité d’un individu, lui permettant de développer certaines compétences dans les domaines professionnels, politiques ou afin de déterminer le rôle du rang dans la construction de traits de caractère qui pourraient guider les individus dans les choix de leur vie. Sulloway (1996) a révélé que les membres d’une fratrie germaine ayant grandi en famille ont des personnalités tout autant différentes que 5 des personnes sans aucun lien du sang. C’est en effet ce constat qui l’a amené à se questionner sur l’effet de l'ordre de naissance. Ainsi, l’étude de l'ordre de naissance est une thématique qui éveille la curiosité car tout un chacun peut s’identifier. En effet, « tout le monde a un ordre de naissance, et c’est facile de l’observer et d’en parler » (Ecksein et Kaufman, 2012, p.61). Qu’on ait des frères et soeurs ou non, on 6 obtient naturellement à notre naissance un rang et par conséquent, un statut. Ce statut peut être celui de l’enfant unique, dans le cas où aucun autre enfant n’intègre la famille, ou alors celui d’ainé, de cadet, du puiné ou de l’enfant du milieu selon les fratries (Jaques, 2008). Eckstein et Kaufman (2012) rappellent que les parents qui présentent leurs enfants le font continuellement en annonçant le statut du type « voici mon fils ainé », « la petite dernière c’est… », ce qui permet de confirmer l’importance du statut acquis selon la position dans la famille.

Selon plusieurs auteurs (Sulloway, 1996; Jaques, 2008), il semble que les traits de personnalité se développent plus ou moins selon le rang et la position dans la fratrie, car chacun va tenter de justifier sa place et s’ancrer, en usant de stratégies diverses. Ainsi, c’est au sein de la famille et notamment selon le rôle qui est conféré aux

« germains » désigne les enfants nés des mêmes parents biologiques. 5

« everyone has a birth order, and it is easy to observe and talk about » (Ecksein et Kaufman, 2012, 6

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membres d’une fratrie (qui peut être défini par le genre mais aussi le rang) que des personnalités différentes se développent.

Cependant, nombreuses sont les études menées afin de déterminer l’effet de l’ordre de naissance des membres d’une fratrie et les résultats ne font pas consensus, souvent en raison de leurs méthodologies discutables (Eckstein et al., 2010). Une autre complexité qui rend difficile la mesure de l'effet de l'ordre de naissance réside dans le fait que celui-ci n’est pas une caractéristique isolée, il est nécessaire d’adopter une approche systémique et de considérer d’autres facteurs tels que le genre des enfants, les écarts d’âge des membres d’une fratrie, l’expérience et le vécu familial, la structure familiale, la relation avec les parents, les relations fraternelles, etc. Ces variables peuvent, selon certains auteurs, renforcer ou altérer les effets de l'ordre de naissance (Jaques 2008; Eckstein et al., 2010; Sulloway, 1996; Haxhe, 2002).

2.1.2 Variables liées à l'ordre de naissance

Comme avancé précédemment, l'ordre de naissance est lié à différentes variables individuelles et familiales, il ne peut pas être considéré seul pour déterminer le développement de traits de personnalité. Par ailleurs, pour certains auteurs, l'ordre de naissance a un effet plus faible que d'autres facteurs. C’est le cas de Kristensen et Bjerkedal (2007) qui se sont penchés, eux, sur le lien entre l’ordre de naissance et l’intelligence mais leurs résultats n’ont pas prouvé de relation avérée entre le rang de naissance et le niveau du quotient intellectuel (QI). Selon ces auteurs, les ressources financières et le rang social ont plus d’influence sur le niveau d’intelligence que l'ordre de naissance. D’autres chercheurs comme Laniel et Chagnon (1975) affirment que le sexe de l’enfant joue davantage un rôle ainsi que la différence d’âge entre frères et soeurs d’une même famille et que le rang n’est pas le facteur le plus déterminant à considérer. Nous allons cependant présenter ci-après les variables et leurs conséquences sur l'effet de l'ordre de naissance.

2.1.2.1 l'écart d’âge

Un des facteurs qui altèrent plus ou moins l’effet de l'ordre de naissance dans la construction de traits de personnalité est la différence d’âge plus ou moins élevée entre les membres d’une fratrie. L’écart d’âge semble jouer un rôle dans la relation fraternelle entre deux membres d’une fratrie germaine, en particulier quand ceux-ci sont du même sexe (Haxhe, 2002). L’auteure explique que la différence entre

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germains de même sexe et d’âges rapprochés réside dans le besoin humain de se différencier en passant par la comparaison avec l’autre et le rang peut être renforcé puisqu’il est une différence à mettre en avant entre deux frères ou deux soeurs (être le grand ou le petit). Ce besoin est moins présent quand l’écart d’âge est plus élevé ou que le sexe est différent, soit un garçon et une fille. Par ailleurs, plus l’écart entre les enfants est élevé, moins l’effet du rang de naissance est fort (Haxhe, 2002) car le faible écart d’âge induit une comparaison qui va se faire entre les membres de la fratrie et « (…) ce sont les expériences non partagées par les germains qui les rendraient différents, […] la différence d’âge faisant vivre les choses d’une façon différente » (Haxhe, 2002, p.109). Cela est lié au fait que le degré d’autonomie et la maturité sont tels que les membres d’une fratrie vont percevoir les expériences différemment. Eckstein et al. (2010), qui citent une étude menée par Carlson, Watts, and Maniacci, avancent que le rang de naissance perd son effet quand la différence d’âge est de plus de 5 ans car c’est la différence suffisante pour que l’ainé fréquente un nouvel environnement incomparable avec le nouveau-né, notamment l’école. Sulloway (1996) explique également que plus l’écart d’âge est élevé, moins l’ordre de naissance a un effet puisqu’il n’y a pas lieu de se comparer à son ainé ou à son cadet. Selon Festy (1994), alors qu’autrefois l’écart entre les enfants était faible, il tend à s’espacer. L’écart qui était d’environ un an est passé à 3 ans. « Des raisons telles que l’allongement de la formation et l’entrée tardive dans la vie active, les changements de mentalité et de comportements, etc. peuvent être invoquées ici pour expliquer ce phénomène » (OFS, 2019).

2.1.2.2 les caractéristiques particulières

Plusieurs auteurs mentionnent la redistribution des rôles et des attentes selon des caractéristiques particulières des enfants d’une fratrie. Par exemple, si un enfant dans la fratrie est un enfant doué ou atteint d’un trouble, alors cette caractéristique va balayer l’importance du rang de naissance. Il ne s’agira plus de considérer l’enfant selon sa position, mais selon sa spécificité (Jaques, 2008). C’est également le constat que font Eckstein et al. (2010) en stipulant que, si l’un des membres de la famille relève d’une spécificité, notamment un handicap, un décès ou un haut potentiel, alors l’effet du rang de naissance s’en trouvera modifié. Ces spécificités touchent directement au rôle psychologique et altèrent les rôles de la famille (Eckstein et al., 2010).

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2.1.2.3 la taille de la fratrie

La taille de la fratrie est également un facteur indissociable de l'ordre de naissance. Ainsi, plus la taille de la fratrie est importante et moins l'ordre de naissance jouera un rôle. En effet, il semble que l’accroissement du nombre d’enfants dans une fratrie en fait une collectivité et par conséquent, engendre une solidarité qui fait que le rang a peu d’importance (Jaques, 2008). La taille de la fratrie va poser des questions d’organisation et de gestion différentes. Par exemple, « la devise « Tout tout de suite et tout à fait » qui tient la vedette aujourd’hui n’a guère lieu dans un groupe d’enfants d’une même famille. » (Jaques, 2008, p. 118). Cela suggère que certaines vertus ou compétences vont émerger, notamment la patience et l’autonomie, car l’attention des parents ne pourra pas être la même pour les membres d’une fratrie si ceux-ci sont deux ou cinq enfants. D’ailleurs, selon Wolff (2012), plus la taille de la fratrie est élevée moins les enfants développeront leur capital humain. La recherche menée par Wolff (2012) tend à mettre en lumière que les ainés réussissent mieux que les cadets car selon lui, « (…) le fait de vivre dans une famille nombreuse ou d’avoir un rang de naissance élevé sont des facteurs susceptibles de réduire l’acquisition de capital humain » (Wolff, 2012, p. 69).

L’auteur explique que les enfants « (…) ayant de nombreux frères et soeurs ont en moyenne des niveaux de diplômes plus faibles » (Wolff, 2012, p.62). Il explique cela par le fait que « (…) les parents ne sont pas en mesure de consacrer autant de ressources à leurs enfants lorsque ces derniers sont nombreux. » (Wolff, 2012, p.65). Cependant, de nos jours, de moins en moins de famille sont composées de fratries nombreuses. L’Office fédérale de la statistique (ci-après OFS), indique que depuis 2009, le taux de natalité d’une femme est d’environ 1,5 enfant alors qu’en 1964 il était de 2,7 enfant par femme (OFS, 2019). Par ailleurs, l’OFS relève que « la naissance du premier enfant est d’un grand intérêt, car le retard de la première naissance décale d’autant les suivantes » (OFS, 2020). Ce constat peut être également une explication à la raréfaction des fratries nombreuses.

2.1.2.4 les interactions familiales et les attentes des parents

Sulloway (1996) souligne que l’ordre de naissance est une construction sociale et prend donc racine dans la relation aux autres et les interactions qui en découlent. Ainsi, l’ordre de naissance ne peut pas être considéré sans la dynamique et les interactions familiales. Par interactions familiales, nous entendons les relations avec les parents et également les relations avec les autres membres de la fratrie s’il y en a.

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Par ailleurs, comme l’affirment Beck et al. (2006), qui ont mené une étude sur l’effet du rang de naissance et l’extraversion, « l’effet de l’ordre de naissance peut être plus saillant quand il est étudié dans le contexte de la famille. » (Beck et al., 2006, p.958) . Ainsi, « Les difficultés de l’enfant sont perçues comme résultant de 7 l’interaction des comportements parentaux avec certaines caractéristiques de l’enfant (rang de naissance et sexe des membres de la fratrie).» (Marleau et al. 2006). En effet, le rôle des parents est une variable à considérer attentivement afin de prendre en compte le rang de naissance comme ayant une influence sur le développement de-s enfant-s au sein de la famille. La façon dont les parents vont considérer et interagir avec leurs enfants selon leurs rangs va les pousser à jouer un rôle lié à leurs statuts et développer davantage certains traits de personnalité. Sánchez-Bernardos et al. (2007) affirment que les compétences interpersonnelles des adolescents sont influencées par l’ordre de naissance selon le soutien parental. Le rôle des parents tend à renforcer l’identification au rôle prédéfini par le rang de naissance et c’est l’implication des parents qui va influencer l’importance du rang et ses effets sur le développement des enfants d’une fratrie. Eckstein et Kaufman (2012) rejoignent ce postulat en affirmant qu’il faut considérer le système familial. La relation qu’entretient la mère avec ses enfants, en fonction du rang de naissance n’est pas égale. Par exemple, les cadets auraient plus d’interactions positives avec leurs mères, indépendamment de la différence d’âge (Marleau et al. 2006). Jaques (2008) explique également qu’il est nécessaire de prendre en compte les attentes et comportements des parents car ils influencent le rang de naissance et l’identification à celui-ci. Par exemple, lorsqu’un parent demande à l’ainé de s’occuper des plus petits, ou le punit davantage car il doit « montrer » l’exemple à ses frères et soeurs cadets. Par ailleurs, l’ainé serait l’enfant pour lequel les parents auraient le plus d’attentes car c’est grâce à sa naissance qu’un couple a pu créer une famille et ces attentes différentes selon le statut de l'enfant vont renforcer ou atténuer l'effet de l'ordre de naissance sur le développement de traits de personnalité. De son côté, Wolff (2012) explique également que la préférence d’un parent pour un des enfants joue un rôle. En effet, « (…) les plus appréciés vont bénéficier d’un investissement accru par rapport à leurs frères ou soeurs. » (Wolff, 2012, p.63).

Les attentes des parents ont un rôle considérable dans l’identification de l’enfant à son rang, ce qui aura un effet sur les relations fraternelles. En effet, chaque individu

birth-order effects may be more salient when studied in the context of the family."( Beck et al., 2006, 7

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a sa place et son rôle à jouer au sein de la famille et le fait d’appartenir à une fratrie et de partager le quotidien avec celle-ci offre une quantité incroyable d’apprentissages divers, notamment affectifs, émotionnels et sociaux (Jaques, 2008). Ces apprentissages permettent le développement de la personnalité et de compétences qui peuvent ensuite être réinvesties à l’extérieur de la famille. Aussi, les relations fraternelles se jouent en fonction du statut de chaque enfant, ce qui va les catégoriser et les rôles vont se cristallisés (Jaques, 2008). Cela signifie que le rôle joué dans la famille et influencé par les relations parentales et fraternelles va être transposé dans d’autres relations sociales autre que dans le cadre familial. Ainsi, c’est principalement au sein de la famille qu’un enfant construit son identité. Les premières interactions avec ses parents lui permettent d’acquérir des codes par mimétisme. Ces interactions vont aussi avoir pour effet de permettre à l’enfant de créer un « soi ». Ce que l’enfant ressent, intègre et pense de lui-même ne sera pas toujours partagé de la même manière par les autres membres de sa famille. Cela signifie que

L’enfant est sans cesse confronté à des déviations du canonique dans la définition qu’il a de lui-même. Il entend des membres de la famille parler de lui, raconter des histoires en prenant sa perspective, qui ne correspondent pas à sa propre version des faits ( Favez et Frascarolo-Moutinot, 2005).

L’identité de soi se construit dans la famille et avec la famille car il s’agit du premier lieu de socialisation qui foisonne d’interactions et par conséquent, cela participe grandement au développement de traits de caractère.

2.1.2.5 sexe des enfants

En plus de la place effective dans la famille, le sexe de l’enfant va avoir une importance dans les attentes des parents et la relation qu’ils auront avec leur enfant (Jaques, 2008). Dans certaines cultures mais aussi selon chaque parent, avoir un garçon ou une fille induit des comportements et attentes différentes qui vont construire un rapport différent au rang de naissance. Ainsi, un garçon ainé s'identifierait à son statut d'une manière différente que s'il s'agit d'une fille ainée.

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2.1.3 Ordre de naissance et statuts

Les différences avérées entre les membres d’une fratrie germaine ont souvent interrogé les chercheurs sur l’effet de l'ordre de naissance et le développement de certaines aptitudes. Bien que de nombreux facteurs (notamment ceux présentés précédemment) et les méthodologies variées qui ont été employées pour mesurer l’effet de l'ordre de naissance peuvent altérer ou modifier l’importance du rang, nous allons explorer ci-après, indépendamment des variables individuelles et familiales, chaque rang et ses effets dans la construction de traits de personnalité. 2.1.3.1 le statut d'ainé

L’ainé est le premier enfant, premier arrivé, premier né d’une famille. Les parents font leur première expérience de parentalité avec cet enfant et peuvent se montrer plus attentifs et « aux petits soins ». L’ainé serait avantagé par le fait que ses parents lui accordent davantage de temps pendant quelques années (Desplanques, 1981). Ce constat est également fait par Jaques (2008) qui affirme que les ainés bénéficieraient de plus d’attention de la part de leurs parents parce qu’ils auront eu davantage leurs parents « que pour eux ». Par ailleurs, quand le premier enfant nait, ses parents sont plus jeunes et ont aussi moins d’expérience que pour les autres enfants qui suivront, ce qui les pousse à être davantage attentifs et alertes envers l'enfant (Desplanques, 1981). Cela ne sera pas envisageable pour les enfants suivants puisqu’un ainé est déjà présent dans la famille.

L’arrivée d’un second enfant peut induire un sentiment de souffrance et d’abandon chez l'ainé (Jaques, 2008). Selon Hartmann et Goudarzi (2020) qui reprennent les propos d'Alfred Adler, le premier enfant deviendrait conservateur et conformiste car en tant que premier et seul enfant à n’avoir eu ses parents que pour lui, il se fait soudainement « détrôner » par le puiné, ce qui le pousserait à développer des stratégies pour garder l'attention et l'amour de ses parents. Cependant, l’attention exclusive qu’il avait jusqu’ici se voit divisée voire largement dirigée vers un autre enfant qui intègre la famille et ce sentiment peut provoquer de la jalousie voire de la haine du plus petit et ainsi entrainer la compétition de l’ainé avec le puiné (Jaques, 2008), favorisant ainsi le développement et le renforcement de traits de personnalité tels que la détermination et le conformisme. De plus, l’attention étant moins portée sur l’ainé à l’arrivée d’un autre enfant, celui-ci va développer son autonomie et se montrer davantage « débrouille », le poussant à prendre des

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initiatives et à se montrer conforme aux attentes de ses parents pour garantir la relation établie avec eux.

Cependant, selon les attentes de ses parents, les conséquences dans la construction psychique de l’ainé sont qu’il pourrait jouer un rôle de « gardien d’enfants », car étant le plus grand, « la mère peut se reposer sur l’ainé pour la prise en charge du second » (Jaques, 2008, p.76). C’est sur lui qu’on compte pour aider les plus petits. Comme l'avance Wolff (2012), cette attente reposant sur les ainés leur demandera de développer des compétences supplémentaires les rendant davantage responsables mais aussi plus conformes aux attentes de ses parents. L’ainé, de par cette caractéristique de conformité, serait par défaut moins créatif et original (Eisenman, 1964). L'auteur, qui a cherché à vérifier l’hypothèse d’Alfred Adler affirmant que les ainés seraient plus conservateurs, se conformeraient mieux que les cadets et par conséquent seraient moins créatifs, a mené une recherche pour mesurer la créativité artistique selon l’ordre de naissance mais les résultats n’ont pas montré une différence significative entre les ainés et les cadets, bien que la tendance obtenue confirme très légèrement cette hypothèse. Ensuite, selon Sulloway (1996), l’ainé étant le plus grand, il incarnerait par conséquent aussi la force. L’auteur précité affirme que l'ainé, en tant qu’enfant le plus grand et plus âgé, serait aussi plus « puissant physiquement » maitriserait des gestes, pèserait plus lourd et pourrait faire usage de la force pour dominer l’autre. Cela renforcerait la détermination et l’affirmation de soi.

Par ailleurs, il semble que ce soit généralement sur le fils ainé que repose l’espoir de faire perdurer un commerce ou une entreprise familiale (Wolff, 2012) et Desplanques (1981) constate que les ainés sont plus représentés dans les fonctions de cadres et notamment quand ils sont issus de familles moins nombreuses. Il explique cela par le fait que comme l’ainé est l’enfant sur lequel les parents placent leurs espoirs de réussir, les attentes seraient plus fortes relativement à la carrière professionnelle de l'ainé. De son côté, Haxhe (2002), affirme que les ainées interrogées dans le cadre de sa recherche signalent toutes « avoir été soumises à des exigences éducatives bien plus importantes que leur cadette» (Haxhe, 2002, p. 111). Ces attentes renforceraient également le sens des responsabilités, l’autonomie, la détermination et le conformisme.

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2.1.3.2 le statut de cadet

Le terme « cadet » désigne tous les enfants plus jeunes qu’un ainé. Ce terme est également utilisé dans le langage courant pour parler du dernier-né. Dans ce travail, afin d’éviter toute confusion, nous emploierons le terme de « cadet » pour désigner, de manière plus générale, les enfants nés après l’ainé. Ainsi, l’ordre de naissance des cadets peut être défini de manière plus précise. En effet, un cadet peut être puiné (second enfant), enfant du milieu ou encore benjamin (dernier-né). Ces statuts seront décrits un peu plus loin, bien qu’ils appartiennent au groupe des cadets. Selon Sulloway (1996), les cadets seraient des enfants « rebelles » et ils seraient davantage ouverts d’esprit, non conformistes et enclins à aller à l’encontre de l’ordre établi. Ces caractéristiques rejoignent par analogie celles attribuées aux puinés et enfants du milieu puisqu’ils sont les cadets d’un ainé au sens de Sulloway (1996). De plus, Beck et al. (2006) se sont intéressés à l’effet du rang de naissance sur l’extraversion et il en résulte que les cadets seraient plus sociables mais moins dominants. Pourtant, ils émettent une réserve quant à la taille de la fratrie et du genre, des facteurs qui joueraient davantage un rôle dans l’obtention de ces résultats. Selon Hartmann et Goudarzi (2020):

Chaque enfant s'installe sur un certain créneau au sein de la famille et utilise ensuite ses propres stratégies pour s'en sortir dans la vie. Les aînés et les enfants uniques ont moins de raisons de remettre en cause le statu quo et s'identifient plus fortement à la vision du monde de leurs parents. Les frères et sœurs plus jeunes, qui doivent trouver une niche inoccupée au sein de la famille pour attirer l'attention de leurs géniteurs, explorent d'autres chemins. (Hartmann et Goudarzi, 2020, p. 88).

De ce fait, quand un second enfant nait, il obtient par défaut la place de puiné et ainsi « une modification dans un groupe familial entraine forcément une redéfinition du statut de chacun » (Jaques, 2008, p.75). Cela signifie que le second enfant arrive dans une famille avec une dynamique déjà établie et il doit y trouver sa place. Pour cela, le puiné peut adopter un comportement déviant afin d’y parvenir, mais ce besoin est moins présent en fonction du sexe de son ainé. En effet, deux enfants du même sexe peuvent se montrer compétitifs, ce qui n’est pas forcément le cas avec des enfants de sexes différents (Toman, 1976), propos rejoint par Goldbeter-Merinfeld (2004) qui réaffirme que les cadets (en seconde position), de par leur place dans la

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famille, seraient plus sujets à développer des traits de personnalité qualifiés, notamment de « révoltés » (en référence aux comportements déviants). Cette affirmation est davantage valable quand le cadet (puiné) est le benjamin. Cependant, son statut change si un troisième enfant arrive et il sera amené à adopter un nouveau rôle qui est celui de l’enfant du milieu, statut qui a d’autres particularités et qui exige de nouvelles adaptations pouvant résorber certains comportements. Le cadet est « enfant du milieu » s’il a un ou plusieurs ainés et un ou plusieurs cadets. Comme mentionné ci-avant, l’enfant du milieu a eu la place de puiné et reste cadet de son ainé, puisqu’il appartient à une fratrie. L’enfant du milieu n’a ni les avantages de l’ainé, ni ceux de son cadet, bien qu’il ait été cadet (au sens de benjamin) quelques temps. L’enfant du milieu serait souvent oublié et devrait marquer sa place sur deux front à la fois: face à l’ainé et face à son cadet (Jaques, 2008). Par conséquent, l’enfant du milieu pourrait souvent avoir un sentiment d’injustice et de ne pas « trouver sa place » dans la famille. Moins d’attentes reposeraient sur lui et moins d’attention également. Cette place est souvent négligée mais pas toujours mal vécue par l’enfant, selon son tempérament (Jaques, 2008).

Enfin, quand le cadet est le dernier-né, on l’appelle le « benjamin ». La place du benjamin est la moins valorisée historiquement. Dans de nombreux contes, le benjamin est souvent l’enfant méprisé, maltraité mais il s’en sort toujours grâce à son esprit créatif et ingénieux (Jaques, 2008). Dans les situations plus précaires, c’est aussi le benjamin qui est laissé pour compte, il sera celui qui recevra moins de nourriture ou de soins, étant le plus petit et plus « fragile » de la fratrie mais paradoxalement, Jaques (2008) ajoute que c’est également le benjamin qui peut être l’enfant surprotégé d’une famille car, étant le dernier enfant, ses parents n’auront plus d’autres possibilités de pouponner. Le benjamin va être poussé à grandir trop vite par sa fratrie, ce qui peut avoir des conséquences sur son développement et son adolescence alors qu’il va être encouragé à rester petit par sa mère (Jaques, 2008). Ces attentes différentes vont compliquer le rôle à tenir dans la famille. Ainsi, le cadet pourrait développer différents traits de caractère qui seront plus ou moins renforcés selon sa place dans la fratrie.

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2.1.4 Résumé des apports théoriques sur l’ordre de naissance

Selon certaines études, l'ordre de naissance joue un rôle dans la construction identitaire et le développement de la personnalité. Cela est lié au statut reçu dès la naissance selon l’ordre de naissance, qui va induire des différences de traitements et l’élaboration de stratégies pour gagner ou garder l’amour de ses parents. En effet, les relations que les enfants auront avec leurs parents seront différentes s’ils sont ainés ou cadets et par conséquent, cela pourrait renforcer ou altérer l'effet de l'ordre de naissance. Celui-ci dépend également de l’attente des parents et des relations qu’ils ont avec leurs enfants mais aussi de la taille de la fratrie, du sexe des enfants, de la différence d’âge entre les enfants, de la perception du tempérament de l’enfant par les parents et de la présence ou non d’une spécificité liée à l’un ou à plusieurs des enfants. De ce fait et indépendamment des variables liées à l'ordre de naissance, nous retenons les caractéristiques suivantes pour les ainés et cadets:

Ainés: conformistes, déterminés et affirmés, responsables Cadets: non conformistes, ouverts d’esprit, sociables, créatifs

Ainsi, nous partons du postulat que ces traits de personnalité, plus ou moins construits selon l'ordre de naissance, peuvent influencer l'accès à la participation des jeunes ainsi que sa manière d'être pratiquée.

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2.2 La participation des enfants et des jeunes

2.2.1 Droits participatifs et accès à la participation

Comme mentionné au chapitre « introduction », la Convention relative aux droits de l'enfant considère l’enfant comme « sujet » de droits et lui confère des droits de protection, de prestation mais également de participation, ce qui caractérise ce texte de « révolutionnaire » (Stoecklin, 2019a). Les droits participatifs (art. 12 à 17 + 31) doivent être accessibles à tous les enfants résidents dans les Etats membres. Comme le mentionne Cantwell (2019), les articles 12 (droit d’être entendu) et 13 (droit de liberté d’expression) sont souvent confondus car ce sont tous les deux des droits participatifs cependant, ils diffèrent. En effet, l’article 12 est innovateur alors que l’article 13 fait partie des libertés fondamentales. L’article 12, qui est l’un des principes généraux de la CDE stipule que

Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité (art.12, CDE).

Cet article ne définit cependant pas les modalités et formes de participation alors que l’Observation générale n°12 précise que le droit d’être entendu (2009) doit clarifier que

L’inclusion des enfants ne devrait pas être uniquement une mesure ponctuelle, mais le point de départ d’un échange étroit entre les enfants et les adultes sur l’élaboration des politiques, des programmes et des mesures dans tous les contextes pertinents de la vie des enfants (Observation générale n°12, CRC, 2009, p.6).

Ainsi, la participation des jeunes doit être intégrée pleinement dans les prises de décisions qui les concernent et à cette fin, la possibilité de participer doit être donnée. Selon Loncle-Moriceau (2008), la participation désigne « les actions mises en oeuvres des acteurs publics et associatifs, mais également les actions initiées par les jeunes pour leur permettre de s’exprimer dans l’espace public » (Loncle-Moriceau, 2008, p. 36). Cette définition suggère la responsabilité des autorités à mettre en oeuvre les droits de participation mais aussi la saisie de ces droits par les jeunes.

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Stoecklin (2019a) affirme que c’est en participant qu’on devient participatif, cependant la participation reste pour l’heure un droit sujet à controverses. Selon Poretti (2018), bien que la participation soit prônée et valorisée, elle n’est, en réalité, pas souvent entreprise par les enfants et les jeunes eux-mêmes mais elle est donnée à l’enfant quand l’adulte le décide et de la manière dont il le décide. Il affirme que,

si les enfants sont des personnes à part entière au sein du monde des droits de l’enfant, ils restent donc, à maints égards, des « petites personnes » et leur grandeur dépend en grande partie du jugement des adultes et des espaces qu’ils veulent bien leur accorder (Poretti, 2018, p. 180).

Selon l’auteur, les formes de participation et leurs accès sont tributaires de conditions dépendantes des adultes décideurs. D’autres auteurs cités par Stoecklin (2019b) constatent également que la participation des enfants est surtout orientée par les adultes, que les jeunes se sentent peu écoutés et entendus et que la participation s’en trouve limitée. Une étude menée par Mason et Bolzan (2009), explore différentes interprétations et mises en oeuvre des droits participatifs dans la région Pacifique de l’Asie. Ils concluent à des compréhensions différentes de la participation, notamment selon les cultures et aussi selon la politique du pays. En l’occurrence, l’accès à la participation serait plus élevée dans les pays démocratisés. Les droits de participation sont donc mis en oeuvre selon la compréhension que l’on a de ceux-ci, ce qui engendre des différences dans l’accès à ce droit. Bien que la participation puisse être définie de diverses manières, elle peut également revêtir diverses formes et être un moyen d’atteindre des buts établis.

2.2.2 Degrés, formes et buts de participation

Comme nous venons de le voir, la définition de la participation selon la CDE ne précise pas ses modalités, ce qui laisse une certaine liberté pour interpréter et élaborer ces droits. Ce manque de précisions a suscité l’intérêt de certains chercheurs qui se sont penchés sur les caractéristiques de la participation, comme les degrés ou les formes dans sa mise en oeuvre et sa pratique.

Hart (1992) a élaboré « l’échelle de la participation » (voir annexe 2) afin de déterminer le degré de participation ainsi que la forme. Cette échelle comporte huit échelons: les échelons 1 à 3 représentent la non-participation (manipulation,

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décoration, politique de pure forme) et les échelons 4 à 8 indiquent les degrés de participation des jeunes dans les projets. Plus on gravit les échelons, plus la participation de l’enfant est considérée comme active, les projets pouvant même être initiés par les enfants eux-mêmes. Cependant, cette échelle a fait l’objet de critiques et de modifications, notamment par Treseder en 1997 (Stoecklin, 2019b) qui a choisi de mettre ces échelons « à plat », afin de mettre les différentes formes de participation à pied d’égalité et de ne pas considérer les échelons de non-participation (voir annexe 3). Selon la forme que prend la non-participation, son degré varie. Par exemple, les instances de participation telles que les conseils et les parlements de jeunes ont un degré de participation élevé, puisque les propositions et projets sont initiés par les jeunes mais elles dépendent des adultes, ce qui requière une collaboration entre enfants, jeunes et adultes.

En ce qui concerne les formes de participation, Pleyers (2016c) mentionne différentes sortes de mobilisations, que ce soient des actions personnelles quotidiennes, la participation à des mouvements de type « sit-in » , des marches 8 collectives en passant par l’engagement au sein d’institutions, structures ou organisations non gouvernementales (ONG). Certaines formes de participation sont qualifiées de mouvement « top-down » c’est-à-dire qui sont possibles en fonction des autorités et décideurs alors que d’autres sont des mouvements « bottom-up » c’est-à-dire mis en oeuvre directement par les principaux concernés, ce qui correspond à la prise de parole des enfants et des jeunes (Hanson et Nieuwenhuys, 2013). C'est le cas pour les mouvements dits « mouvements de place » (Pleyers, 2016a, p.116) qui en font partie, alors que les conseils et les parlements de jeunes seraient plutôt des mouvements « top-down » puisqu’ils dépendent des politiques locales, cantonales et fédérales. Il est à noter que la participation, qui devrait être vue et traitée de manière horizontale, est encore largement accordée par les états (Hanson, 2019). De plus, Stoecklin (2019b) ajoute que la participation peut être individuelle, à une échelle plus locale et selon les politiques locales, elle peut aussi être collective, ce qui est plutôt le cas pour les conseils et les parlements de jeunes. Dans le cadre de cette recherche, ce sont précisément les instances de participation telles que les conseils et les parlements de jeunes qui nous intéressent et qui sont définis et qualifiés comme étant des espaces « formels » (Loncle-Moriceau, 2008). Bien que cette forme de participation permette un degré de participation plus élevé, elle est sujette

mouvements dits «statiques» qui consiste à prendre une position assise dans le cadre de certaines 8

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à controverses car ces processus participatifs sont souvent jugés comme étant superficiels et à caractère ponctuel (Gülgönen, 2014). Par ailleurs, les parlements et les conseils d'enfants et de jeunes offrent à ceux-ci la possibilité de s’engager et participer au niveau local, voire cantonal et fédéral. Ce processus est dit « formel » car il a une visée d’action citoyenne et il s’agit d’un droit mais pas nécessairement d’un moyen de défendre ou obtenir un droit. Ces instances qui sont en plein essor et qui tendent à être consultées sont aussi soumises à la perplexité de certains chercheurs. Selon Stoecklin (2019a), il s’agit de participation « mimée », supposant que les enfants et jeunes participent mais selon des codes définis qui ne seraient pas accessibles à tous. D’ailleurs, bien que les droits définis par la CDE doivent être saisissables par tous les enfants de 0 à 18 ans, les pratiques observées au sein de conseils ou de parlements de jeunes indiquent qu’un âge minimum est requis pour prendre part à ces instances, la participation étant « accordée » selon le degré de maturité. Ainsi, de par ces différentes attentes, l’accès à la participation via les conseils et les parlements n’est pas uniforme ni adapté à tous. Par ailleurs, en dépit du fait que la participation des enfants et des jeunes soit encouragée, sa mise en oeuvre peut avoir des conséquences non souhaitées sur les participants. Par exemple, bien que l’engagement des jeunes soit volontaire et sans critères hormis l’âge, les conseils d’enfants organisés par les villes et guidés par les adultes semblent faire perdurer les inégalités de genre (Malatesta et Golay, 2010). Leur recherche menée au sein de conseils d’enfants met en lumière la reproduction des rapports de force entre filles et garçons et précise que ce sont les dominants qui sont avantagés. Par ailleurs, les chercheuses affirment que la participation « tend à promouvoir un sujet performant, responsable et proactif » (Malatesta et Golay, 2010, p.94). Des compétences nécessaires afin d’intégrer un processus participatif qui « tendent à renforcer la parole des dominants, c’est-à- dire des garçons dans les groupes mixtes et des leaders dans les groupes non mixtes. » (Malatesta et Golay, 2010, p.97). Les inégalités sont donc bien présentes en terme de participation selon le genre, l’âge mais aussi dans la capacité à avoir et prendre le leadership. Ces différentes attentes posent la question de la pertinence réelle de la participation au sein de ces espaces participatifs. D’abord, la participation est envisagée comme un moyen d’atteindre un but et non un but en soi, point de vue partagé par Le Bossé (2003) qui concède que « l’accès aux ressources représente un moyen et non une fin. » (Le Bossé, 2003, p. 42). Les buts de la participation sont différents si l’on se positionne du côté des autorités, des défenseurs des droits de l’enfant ou encore des enfants et des jeunes eux-mêmes.

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Becquet (2006) a mené une étude sur la participation des jeunes dans divers pays et affirme que la mise en place d’organes de participation accessibles aux jeunes tels que les conseils ou les parlements de jeunes ont des enjeux d’intégration de la jeunesse aux décisions politiques locales et nationales, tout en promouvant la citoyenneté. L’auteure relève que ces dispositifs de participation dédiés aux jeunes servent également l’intérêt des décideurs publics qui s’appuient sur la motivation et l’engagement des jeunes afin « d’exercer une influence sur la société qui sera déterminante pour leur avenir » (Becquet, 2006, p. 18). Elle souligne parmi les objectifs avancés la valorisation des pratiques citoyennes, une justification de la gestion publique en y associant les acteurs sociaux (usagers, jeunes, habitants, etc.) et la construction de la cohésion sociale et de l’intégration. Selon elle, « dans le champ de la jeunesse, les deux premières justifications sont davantage mobilisées que la troisième » (Becquet, 2006, p. 25). D’un autre point de vue, la participation permet de prendre part à des actions pour son futur, ou pour défendre des valeurs pour le bien de la communauté. Selon Pleyers (2016c), les jeunes se mobilisent autour de sujets précis. Cependant, Khaïat (2010) réaffirme que la défense des droits de l’enfant est souvent mise en oeuvre par des institutions, délégués, représentants ou défenseurs des droits de l’enfant, bien que les enfants et les jeunes eux-mêmes peuvent y prendre part en participant et elle affirme qu'il serait bien de laisser la place et la parole à ces jeunes. C’est pourquoi nous devons prendre en compte les ressources personnelles des jeunes et leurs capacités d’agir.

2.2.3 Capacité d’agir, ressources et engagement des jeunes

Selon Stoecklin et Bonvin (2014), la capacité d’agir est « la capacité que l’enfant a de prendre part à la définition et à la réalisation des choix affectant sa propre vie » (Stoecklin et Bonvin, 2014, p. 66) . La capacité d’agir ou « agentivité », peut être 9 traduite par « empowerment » ou « agency » dans la littérature anglophone. Selon Le Bossé (2003) qui s’est intéressé au sens du terme « empowerment », il n’est pas uniquement question d’être actif,

l’action est ici un outil d’acquisition de pouvoir qui ne conserve sa pertinence que dans la mesure où elle s’inscrit dans une logique d’influence personnelle ou collective sur l’environnement (Le Bossé, 2003, p. 36).

« the capacity of he child to effectively participate in the definition and fulfilment of choices that 9

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Ainsi la capacité d’agir va de pair avec la participation. Stoecklin et Zermatten (2009) ajoutent que la participation est souvent vue comme un droit individuel, alors qu’on devrait aussi l’appliquer à un groupe. Ces groupes, constitués d’individus, sont le résultat d’un équilibre ponctuel résultant de la coexistence d’individus dont la présence n’est redevable ni des mêmes déterminants individuels ni des mêmes contextes (Fillieule et Mayer, 2001, p.21).

Le groupe a des caractéristiques données mais les individus du groupe ont aussi leurs caractéristiques propres. Pourtant tous les individus présentant des caractéristiques semblables ne font pas nécessairement partie d’un groupe ou d’un même groupe. Ainsi, autant l’individu que le groupe, possèdent une capabilité participative qui varie selon sa forme. Stoecklin (2019b) décline la possibilité de participer avec des accès individuels. Selon lui, les facteurs personnels sont l’autonomie/hétéronomie, les capitaux, la vision de la structure et il y a les facteurs sociaux, à savoir économiques, politiques et organisationnels. De ce fait, l’ordre de naissance peut également être considéré comme un facteur personnel puisque les individus en sont imprégnés et sont susceptibles de s'identifier au statut reçu et construit socialement dans la famille. Ensuite, Le Bossé (2003) affirme que:

l’« empowerment » est un processus interactif qui repose simultanément sur l’implication active des personnes et sur l’aménagement des conditions de réalisation de l’action visée (Le Bossé, 2003, p.35).

Ce complément de définition ajoute la dimension de l’environnement qui permet à l’enfant et au jeune d’exercer leur capacité d’agir. Landsdown (2001) dit qu’il faut comprendre l’agentivité de l’enfant en tenant compte de ses capacités évolutives qui, s’acquièrent avec le temps et l’âge. Stoecklin (2013) ajoute que la participation est influencée par un problème de statut. En effet, la CDE est l’instrument juridique le plus ratifié au monde, et elle considère l’enfant comme sujet de droits. Toutefois, selon l’auteur, les droits participatifs peuvent être interprétés selon la vision que l’on a de l’enfant, en fonction notamment de l’âge et du degré de maturité, ce qui influence sa capacité d’agir. De plus, ce qui est valable au niveau social l’est aussi au niveau familial: l’éducation et le droit à la participation découlera de la vision que les parents ont de l’enfant et cette vision peut être influencée par le milieu

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culturel et social. Par exemple, la recherche menée par Geiser (2011), auprès de 5 familles vaudoises confirme que la capacité évolutive de l’enfant dépend de son âge. Selon ses résultats, les ainés auraient plus de libertés et leur participation serait plus active contrairement aux cadets. Cette vision influence la participation plus ou moins possible de l’enfant et par ailleurs, selon Toman (1976), l’enfant acquière des codes et expériences au sein de sa famille, qu’il va pouvoir généraliser et appliquer au monde extérieur, notamment lors de la fréquentation de lieux communs et publiques et autres activités pour lesquelles l’individu opère des choix et y participe quotidiennement (Toman, 1976).

La participation est liée à la capacité d’agir des enfants et jeunes et selon Pleyers (2016b), c’est la relation à soi qui donne l’impulsion et la motivation à l’engagement, ce qui génère le processus de subjectivation. La subjectivation est « la construction de soi d’un individu en tant qu’être singulier mu par la volonté de penser et agir par soi-même, de construire sa propre existence sans que cela lui soit imposé par la tradition, par la société ou par les règles de la vie collective » (Pleyers, 2016a, p. 109). L’auteur ajoute que la créativité et l’affirmation de soi sont des conditions qui permettent de prendre part à un engagement. Il y a une dimension personnelle à l’enfant et au jeune dans sa capacité d’agir. À ce propos, Le Bossé (2003) explique que:

la capacité d’agir des personnes et des collectivités repose prioritairement sur la possibilité d’influencer la disponibilité et l’accessibilité des ressources du milieu et sur la volonté et la capacité des personnes à prendre leur destinée en main, et ce, indépendamment de la perspective (structurelle ou individuelle) et de l’unité (la collectivité ou l’individu) (Le Bossé, 2003, p. 6) On ne peut nier que la volonté, qui est un élément propre à l’individu, a une influence sur la capacité d’agir, de prendre part à des actions liées aux valeurs personnelles. Ce processus de subjectivation ne peut pas rester pur et individuel car le jeune se confronte « aux exigences de l’action, à la complexité du changement social dans un monde global » (Pleyers, 2016a, p.115). Ainsi, la capacité d’agir repose sur des valeurs personnelles mais également communes et dépend des ressources environnementales et de la vision du statut de l’enfant, ce qui rejoint les propos de Le Bossé (2003), affirmant que l’« empowerment » se caractériserait par cette articulation entre la mise en action et la disponibilité des ressources qu’elle requiert.

Figure

Tableau 1: distribution selon l'âge de la population d’étude (N=33)
Graphique 3: distribution selon la  taille de la fratrie germaine de la population d'étude (N=33)
Tableau 2: distribution selon la  relation à ses deux parents pour la population d'étude  (N=33)                                                            relation mère  relation père    pas  bonne du tout plutôt
Tableau 3:  perception des traits de personnalité de la population d'étude (N=33)
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