Mod´ elisation des interactions dans une ferme de syst` emes houlomoteurs avec prise en compte de la bathym´ etrie
Modeling of interactions in a farm of wave energy converters taking into account the bathymetry
F. Charrayre* 1 , M. Benoit*, C. Peyrard*, A. Babarit**
* Laboratoire d’Hydraulique Saint-Venant (EDF R&D, Cerema, Ecole des Ponts ParisTech), Universit´ e Paris-Est, 6 quai Watier, 78400 Chatou, France
** LUNAM Universit´ e, Ecole Centrale de Nantes - CNRS, 1 rue de la No¨ e, 44300 Nantes, France
1 francois-externe.charrayre@edf.fr
R´ esum´ e
Un champ de vagues interagit avec son environnement, qu’il soit naturel (falaise, bathym´ etrie, ...) ou artificiel (corps flottants, digues, ...). Ainsi, la pr´ esence d’une ferme houlomotrice aura un impact sur le champ de houle. A contrario, on peut aussi dire que le rendement des syst` emes houlomoteurs d´ epend de leurs positions et du champ de vagues incident.
Nous proposons ici une m´ ethode dont le but est de calculer rapidement ces interactions entre les syst` emes houlomoteurs, tout en prenant en compte la bathym´ etrie qui peut avoir un impact non n´ egligeable sur le champ de vagues. Une m´ ethodologie de couplage entre un mod` ele local de radia- tion/diffraction autour de chaque WEC, et un mod` ele de propagation ` a fond variable est d´ evelopp´ ee, puis valid´ ee dans un cas ` a fond plat. Appliqu´ ee tout d’abord ` a une houle incidente monochromatique, cette d´ emarche permet aussi de faire des ´ etudes pour des ´ etats de mer irr´ eguliers multidirectionnels.
Summary
The sea-state depends on the environment, natural (cliff, bathymetry, ...) or artificial (floating bodies, breakwater, ...). Thus, the presence of a wave energy converter’s farm will potentially affect the wave field. Conversely, we can also say that the device efficiency depends on their position and the incident potential.
We propose here a method that aims to quickly calculate the interactions between machines, while
taking into account the bathymetry which can have a significant impact on the wave field. A coupling
methodology between a local model of scattering around each WEC and a propagation model with
variable background is developed and validated with a flat bottom case. Firstly applied to a mono-
chromatic incident wave, this approach permit also some studies with irregular and multidirectional
sea states.
Introduction
Depuis quelques ann´ ees, et dans un contexte de diversification ´ energ´ etique, les ´ energies marines sont devenues un sujet majeur de recherche et de d´ eveloppement. Selon certaines ´ etudes [3], la res- source en ´ energie des vagues pourrait (en th´ eorie tout au moins) couvrir plus de 50% de la consomma- tion mondiale d’´ energie ´ electrique. On comprend donc l’int´ erˆ et d’essayer d’en r´ ecup´ erer une partie.
Des travaux et d´ eveloppements sont encore n´ ecessaires afin d’am´ eliorer le rendement et la robustesse des Syst` emes de R´ ecup´ eration de l’Energie des Vagues (SREVS, ou WEC : Wave Energy Converters) et d’ˆ etre capable de pr´ evoir et mesurer l’impact de ces fermes sur le champ de vagues. Pour des rai- sons ´ economiques et techniques, le but est de d´ eployer ces SREVs en fermes, ce qui pose des question particuli` eres. En effet, la configuration en parc g´ en` ere des interactions d’ondes entre les SREVs et peut modifier significativement le champ de vagues.
Quelques exp´ eriences ont ´ et´ e r´ ealis´ ees pour comprendre ces effets (campagne Hydralab IV WECwakes [21][20] par exemple), mais elles sont limit´ ees par les caract´ eristiques des bassins ` a houle utilis´ es. La mod´ elisation num´ erique permet de compl´ eter ces ´ etudes physiques, et d’offrir un outil plus flexible et moins coˆ uteux.
L’´ etude de la radiation/diffraction est primordiale dans la compr´ ehension des interactions au sein d’un ensemble de plusieurs corps ou machines. Les premi` eres ´ etudes de diffraction ont ´ et´ e historique- ment men´ ees dans le domaine de l’´ electromagn´ etisme [22], puis dans le domaine de l’offshore et des am´ enagments cˆ otiers [17]. Ensuite, une m´ ethode matricielle a ´ et´ e d´ evelopp´ ee [19] [18] pour finalement aboutir ` a une m´ ethode dite ”exacte” [13].
A ce jour, les differentes m´ ethodes d´ evelopp´ ees ne permettent pas, en g´ en´ eral, de prendre en compte la bathym´ etrie [12]. De plus, le nombre de machines prises en compte est souvent limit´ e par les capacit´ es des calculateurs. Pour d´ epasser ces limitations, nous proposons de coupler une code de radiation/diffraction pour ´ etudier localement le comportement du SREV, et un code de propagation de houle dans le reste du domaine. L’utilisation de deux codes coupl´ es en r´ egime fr´ equentiel permet de s’affranchir de la limitation du nombre de SREVs. Mais surtout, le code de propagation de la houle utilis´ e permet de prendre en compte la bathym´ etrie, ce qui permet de mesurer son impact sur l’efficacit´ e du parc par exemple, et de s’approcher de cas plus r´ ealistes.
I – Pr´ esentation de la m´ ethode
I – 1 M´ ethode g´ en´ erale
La m´ ethode pr´ esent´ ee ici repose sur un couplage entre deux mod` eles de vagues (voir fig. 1), l’un pour calculer les potentiels radi´ es/diffract´ es localement autour de chaque SREV, et l’autre pour propager les diverses ondes ` a plus grande ´ echelle. Les ´ etapes de ce couplage sont :
• Calcul du potentiel perturb´ e grˆ ace ` a un code BEM (Boundary Element Method). A partir de ce potentiel perturb´ e, la fonction de Kochin (approximation champ lointain) est d´ eduite.
• Propagation des ondes radi´ ees par chaque SREV (en r´ eaction ` a la houle incidente, puis aux ondes radi´ ees par les autres SREVs) en prenant en compte la bathym´ etrie.
• Sommation de toutes les composantes du potentiel. La th´ eorie lin´ eaire permet d’´ ecrire que le potentiel total est la somme du potentiel incident et des potentiels radi´ es/diffract´ es : φ tot = φ inc + φ scat avec
φ scat =
+∞
X
i=1 n
X
j=1 n
X
k=1 k6=j
i φ k j (1)
o` u i est l’ordre de radiation, j le SREV diffractant et k le SREV ´ etudi´ e.
Cette m´ ethode est un bon compromis entre pr´ ecision et temps de calcul. L’objectif principal de cette
´ etude est l’impact d’une ferme de SREVs sur le champ de vague, en prenant en compte la bathym´ etrie.
Le choix de l’utilisation d’une m´ ethode fr´ equentielle permet d’avoir des r´ esultats satisfaisants de fa¸con rapide. Pour appliquer cette m´ ethode, plusieurs hypoth` eses sont faites :
• le fluide est non visqueux et incompressible
• l’´ ecoulement est irrotationnel
• th´ eorie lin´ eaire (houle de faible amplitude et petits mouvements pour les SREVs)
• formulation harmonique des ondes
• bathym´ etrie r´ eelle dans le domaine, sauf ` a l’emplacement des SREVs o` u le fond est consid´ er´ e comme plat localement pour r´ esoudre le probl` eme de radiation
Figure 1 – M´ ethode de couplage.
L’interfa¸cage entre les deux codes peut ˆ etre mis en ´ evidence dans les r´ esultats du code de pro- pagation. Les SREVs sont d’abord soumis ` a la houle incidente, puis aux vagues radi´ ees/diffract´ ees par les autres SREVs. Le potentiel total est la somme du potentiel incident et des diff´ erentes ondes radi´ ees/diffract´ ees (fig 1). A travers l’utilisation d’une forme analytique, le potentiel de l’onde ra- di´ ee/diffract´ ee par le SREV ´ etudi´ e (calcul´ e par le code BEM de radiation/diffraction) est impos´ e dans le code de propagation des vagues ` a la fronti` ere d’une ˆıle fictive entourant le SREV. A chaque it´ eration (ou ordre d’interaction), chaque composante des potentiels perturb´ es ´ emis par les autres SREVs ` a l’it´ eration pr´ ec´ edente est prise en compte par le SREV ´ etudi´ e qui va ` a son tour ´ emettre une nouvelle onde (fig 2).
Figure 2 – Approche g´ en´ erale.
I – 2 R´ esolution du probl` eme de radiation/diffraction
Pour r´ esoudre le probl` eme de radiation/diffraction autour des SREVs, un code BEM peut ˆ etre utilis´ e. Ces codes comme Aquaplus [9][10], Wamit [2], Aqwa ou Nemoh [14] sont bas´ es sur la th´ eorie potentielle lin´ eaire. Seule la surface du corps flottant est maill´ ee, et le domaine est consid´ er´ e comme
´ etant infini et ` a profondeur constante.
En plus des hypoth` eses pr´ ec´ edemment pos´ ees, les conditions suivantes sont fix´ ees (les diff´ erentes parties du domaine sont ilustr´ ees sur la fig. 3) :
• la masse du corps flottant est r´ epartie de fa¸con homog` ene
• vagues de faible amplitude et petits mouvements du corps
• continuit´ e dans le milieu fluide :
∆Φ = 0
• condition de surface libre :
∂ 2 Φ
∂t 2 + g ∂Φ
∂z = 0 si M ∈ SL
• condition de glissement au fond :
∂Φ
∂n = 0 si M ∈ S F
• condition ` a la surface du corps :
∂ Φ
∂n = − →
∇ Φ. − → n = − →
V . − → n si M ∈ S B
• condition de radiation :
R→∞ lim Φ Scat = 0 avec R 2 = (x 2 + y 2 ) ∈ S ∞
De fa¸con classique, le probl` eme de radiation/diffraction est s´ epar´ e en 7 probl` emes distincts, 1 de diffraction et 6 de radiation (1 par degr´ e de libert´ e). Une fois ces ´ equations r´ esolues, toutes les composantes du potentiel total sont somm´ ees en accord avec la th´ eorie lin´ eaire. Nous utilisons dans ce travail le code Aquaplus [9][10]. Le probl` eme de diffraction est donc r´ esolu en consid´ erant que le corps est fixe. La condition ` a la limite sur le SREV s’´ ecrit pour le potentiel
∂ Φ D
∂n
S
B= −
∂ Φ inc
∂n
S
B(2) Pour r´ esoudre les probl` emes de radiation, le corps flottant est consid´ er´ e comme ayant un mouve- ment forc´ e d’amplitude unitaire suivant un des 6 degr´ es de libert´ e. Chaque potentiel est solution de l’´ equation de Laplace avec la condition ` a la limite suivante sur le corps :
∂ Φ
∂n
S
B= V i .n i (3)
avec M ∈ S B et i ∈ [1; 6]. Chacune de ces parties du potentiel perturb´ e est solution de l’´ equation r´ esolue par Aquaplus :
Ω (M ) φ p (M ) = Z Z
S
Bφ P (M 0 ) ∂G(M,M 0 )
∂n 0 − ∂φ p (M 0 )
∂n 0 G(M,M 0 )dS (4) o` u G est une fonction de Green et S B la surface immerg´ ee du corps flottant.
Puis l’´ equation du mouvement est r´ esolue apr` es application d’une PTO lin´ eaire (Power Take Off) impos´ ee ` a travers une raideur additionnelle K a et un amortissement B a :
(M + M b ) X .. (t) + (B + B a ) X . (t) + (K + K a )X(t) = F (t) (5) o` u B et K sont l’amortissement et la raideur du syst` eme calcul´ es par le code BEM, M et M b la matrice d’inertie et la matrice de la masse d’eau ajout´ ee, et X le vecteur de position.
Enfin, tous les potentiels sont somm´ es pour donner le potentiel total (incident + perturb´ e), qui est ensuite transmis au code de propagation de la houle.
Figure 3 – Les diff´ erents sous-domaines du domaine entourant chaque SREV
I – 3 Propagation des potentiels
Pour propager les diff´ erentes composantes du potentiel total (incident et perturb´ e), un code
´ element fini, Artemis [1], est utilis´ e. Ce code r´ esout l’´ equation de Berkhoff (”mild slope equation”) [6] et peut prendre en compte une bathym´ etrie variable. Ce code travaille en 2DH, c’est-` a-dire en 2D horizontal avec une d´ ependance en z. Il est bas´ e sur la th´ eorie lin´ eaire et travaille en r´ egime fr´ equentiel.
A partir des hypoth` eses formul´ ees plus haut, le potentiel s’´ ecrit : Φ(x,y,z,t) = cosh(k(z + h))
cosh(kh) .φ(x,y).e −iωt (6) Le potentiel r´ eduit φ(x,y) est solution de l’´ equation de Berkhoff [6] :
∇. (CC g ∇φ) + CC g k 2 φ = 0 (7) avec C = ω
k la vitesse de phase, C g = 1 2
1 + 2kh sinh(2kh)
C la vitesse de groupe et k le nombre d’onde.
Initialement d´ evelopp´ ee pour une bathym´ etrie variant faiblement, cette ´ equation peut ˆ etre modifi´ ee pour une bathym´ etrie variant rapidement et/ou en pr´ esence de dissipation d’´ energie (d´ eferlement, frottement sur le fond, ...). De nouveaux termes sont alors ajout´ es :
∇. (CC g ∇φ) + CC g
k 2 (1 + f)
| {z }
bathym´ etrie
+ ikµ
|{z}
dissipation
φ = 0 (8) avec :
f =
E 1 (kh).(∇h) 2 + E 2 (kh)
k o .∆h bathym´ etrie variant fortement
0 bathym´ etrie variant tr` es faiblement
(9) o` u E 1 et E 2 sont donn´ es par Chamberlain&Porter [7].
Comme la fonction de Kochin est une approximation de champ lointain, et que sa pr´ ecision est surtout bonne au-del` a d’une distance correspondant ` a une longueur d’onde [5], il est choisi d’appliquer le potentiel correspondant ` a la fronti` ere d’une ˆıle fictive (voir §3).
I – 4 Couplage grˆ ace ` a une approximation de champ lointain
Le potentiel perturb´ e calcul´ e par le code BEM peut ˆ etre assimil´ e ` a une onde circulaire lorsqu’on se place ` a une distance suffisante. Cette approximation est valable en champ lointain. L’utilisation d’une forme analytique telle que la fonction de Kochin dont la pr´ ecision a ´ et´ e montr´ ee dans [4][5][8] est donc pertinente pour transmettre le potentiel perturb´ e au code de propagation. La distance minimale entre 2 SREVs sera donc la distance minimum permettant d’obtenir une bonne pr´ ecision ` a partir de cette approximation ”champ lointain”. Typiquement, une distance d’une demi ` a une longueur d’onde est suffisante.
La fonction de Kochin H(θ) correspondant au potentiel perturb´ e calcul´ e par Aquaplus s’´ ecrit :
H (θ) = Z Z
S