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Russe ? Ukrainienne ? Polonaise ? L'Eglise orthodoxe dans la Pologne de l'entre-deux-guerres

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02405370

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Submitted on 13 Dec 2019

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dans la Pologne de l’entre-deux-guerres

Antoine Nivière

To cite this version:

Antoine Nivière. Russe ? Ukrainienne ? Polonaise ? L’Eglise orthodoxe dans la Pologne de l’entre- deux-guerres. Journée d’études en hommage au Daniel Beauvois sur le thème ”Penser les relations entre Polonais, Russes et Ukrainiens depuis deux siècles”, co-organisée par le CERCLE EA 4372, Eur’Orbem UMR 8224 et le Centre de civilisation française à l’Université de Varsovie, Nov 2019, Nancy, France. �hal-02405370�

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Antoine Nivière

Russe ? Ukrainienne ? Polonaise ? L’Eglise orthodoxe dans la Pologne de l’entre-deux-guerres 1

A l’époque moderne, les Eglises orthodoxes d’Europe centrale se sont construites à partir de critères d’affiliation nationale, par opposition à la fois à l’universalisme du catholicisme romain, mais aussi à l’oikouménè byzantin et post-byzantin qui insistait sur la dimension territoriale de l’Eglise, et non pas ethnique. Désormais, dans le prolongement du mouvement des nationalités du XIXe siècle, la prééminence d’un principe ethnocentrique contribuait à privilégier l’affirmation d’une identité ecclésiale de nature nationale, calquée sur la théorie de Gottfried von Herder concernant l’« unité organique » de chaque peuple (par exemple, on parle à présent de « Patriarcat serbe », d’« Eglise roumaine »…). Du fait même de ce lien intrinsèque établi dorénavant sur la base de critères nationaux ou ethniques, le processus de définition de l’identité de la communauté orthodoxe dans la Pologne de l’entre-deux-guerres s’avéra extrêmement complexe.

Après les traités de Versailles (1919) et de Riga (1921), la Pologne, reconstituée sur ses marches orientales pratiquement dans les frontières de 1793, se retrouva en effet avec une importante communauté de chrétiens orthodoxes orientaux, certes unis dans la même foi, mais divisés tant sur le plan ethnique que culturel et linguistique, d’où les difficultés rencontrées dans leur quête d’une identité commune.2 C’est à ce processus, complexe, mouvementé et finalement inachevé, de définition de l’identité ecclésiale orthodoxe dans le cadre polonais de l’entre-deux- guerres que nous consacrerons notre communication.

L’histoire des communautés chrétiennes orientales (orthodoxes) dans la Pologne de l’entre- deux-guerres est une histoire compliquée, souvent douloureuse, longtemps méconnue, puisque

1 Communication présentée à la Journée d’études en hommage au professeur Daniel Beauvois sur le thème Penser les relations entre Polonais, Russes et Ukrainiens depuis deux siècles, co-organisée par le CERCLE EA 4372, Eur’Orbem UMR 8224 et le Centre de civilisation française à l’Université de Varsovie, à Nancy, le 14 novembre 2019 (texte à paraître dans la revue du Centre de civilisation française à l’Université de Varsovie, en 2020).

2 Pour une approche historique des problèmes linguistiques et culturels des différentes communautés de la zone Ukraine-Lituanie-Biélorussie, prise en étau entre les sphères politiques et culturelles russe, d’un côté, et polonaise, de l’autre, on se reportera à Beauvois D., « Acculturation et reconstruction linguistique dans l’ensemble Ukraine, Lituanie et Biélorussie », in: Lacorne D. et Judt T. (dir.), La politique de Babel : du monolinguisme d'Etat au plurilinguisme des peuples.

Paris, éditions Karthala, coll. « Recherches internationales », 2009, pp. 277-293.

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pratiquement jusqu’à la chute des régimes communistes cette histoire était considérée comme un sujet prohibé, tant en Pologne qu’en URSS. Côté polonais, les premières études sur ce thème sont apparues à partir de la fin des années 1970, grâce à Mirosława Papierzyńska-Turek (Université de Varsovie) qui fit œuvre de pionnière, notamment avec sa monographie publiée sous le titre Entre tradition et renouveau : l’Etat face à l’orthodoxie (1918-1939), complétée par plusieurs autres articles, qui tous mettaient l’accent sur les conflits internes au sein d’une communauté orthodoxe, désormais privée de ses repères traditionnels, et traversée par des forts antagonismes ethniques et culturels.3 Depuis, il y a eu de nouvelles contributions de la part d’historiens polonais, notamment celles d’Antoni Mironowicz (Université de Białystok), qui s’est surtout intéressé au traumatisme que représente, jusqu’à aujourd’hui encore, dans la mémoire collective des orthodoxes de Pologne, la destruction de leurs lieux de culte entre 1920 et 1938.4 Sa dernière publication, en 2018, dans la revue Elips, propose une synthèse de l’évolution de la situation de l’orthodoxie en Pologne dans l’entre-deux-guerres, accompagnée d’une bibliographie assez exhaustive des travaux en polonais sur la question.5

Ces publications doivent être complétées par les recherches de l’historien américain Edward Wynot qui a exploré plusieurs fonds d’archives de la 2e Reszpospolita, peu exploités avant lui, notamment ceux du ministère des Cultes et de l’Education. Il rend compte de ses résultats dans un article en anglais, intitulé Prisonnier de l’histoire : l’Eglise orthodoxe orientale en Pologne au XXe siècle,6 et repris ensuite, de manière plus développée, dans un livre, paru sous le même titre en 2014, et qui demeure, sans doute, la meilleure vue d’ensemble de l’histoire de l’orthodoxie en Pologne au XXe siècle, parue en langue occidentale.7

3 Papierzyńska-Turek M., « Kościół prawosławny w Polsce w latach 1918-1927. Sytuacja prawna i konflikty wewnętrzne », in: Dzieje najnowsze, Warszawa, Instytut Historii PAN, rocznik 8, 1976, n° 3, pp. 15-32; de la même, Między tradycją a rzeczywistością: Państwo wobec prawosławia 1918-1939. Warszawa, Państwowe Wydawnictwo Naukowe, 1989, 481 p. ; de la même, « Spory i konflikty wokół sprawy narodowego charakteru Kościóła prawosławnego w II Rzeczypospolitej », in: J. Lewandowski (dir.), Trudna tozsamośc : Problemy narodowościowe i religijne w Europie Środkowo- Wschodniej w XIX i XX wieku. Lublin, 1996, pp. 69-87.

4 Mironowicz A., Kościół prawosławny na ziemiach polskich w XIX i XX wieku. Białystok, Wydawnictwo Uniwersytetu w Białymstoku, 2005, 390 p.; du même, « Rewindykacja prawoslawnykh obiektów sakralnych w II Rzeczypospolitej », in:

Białoruskie Zeszyty Historyczne, Białystok, 2004, vol. 21, pp. 96-102; du même, « The Destruction and Transfer of Orthodox Church Property in Poland, 1919-1939 », in: Polish Political Science Yearbook, Torun, 2014, vol. 43, pp. 405- 420; du même, « L’Eglise orthodoxe en Pologne au XXe siècle », in: Chaillot Ch. (dir.), L’Eglise orthodoxe en Europe orientale au XXe siècle. Paris, Cerf, 2009, pp. 229-248; du même, « Neounija v Pol'še v mežvoennyj period », in: Vestnik Ekaterinburgskoj dukhovnoj seminarii, Ekaterinburg, 2013, vol. 2(6), pp. 64-71.

5 Mironowicz A., « Cerkiew prawosławna w II Rzeczypospolitej », in: Elpis, Białystok, 2018, vol. 20, pp. 85-109.

6 Wynot Edward D., « Prisoner of History : The Eastern Orthodox Church in Poland in the Twentieth Century », Journal of Church and State, Oxford University Press, vol. 39, n° 2, 1997, pp. 319-338.

7 Wynot Edward D., The Polish Orthodox Church in the Twentieth Century and Beyond : Prisoner of History. New York – London, Lexington Books, 2015, 124 p.

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Côté russe, le seul ouvrage disponible sur la question a été, pendant longtemps, le livre d’Aleksandr Svitič (Switicz), publié en 1959, à Buenos Aires.8 D’origine biélorusse, Svitič avait étudié au séminaire orthodoxe de Vilnius dans les années 1930, avant de prendre la route de l’exil à la fin de la 2e guerre mondiale, d’abord vers l’Allemagne, puis les USA. En témoin direct des événements, il fait plus acte de chroniqueur que d’historien, son point de vue, souvent partial, parfois tendancieux, étant celui du parti pro-russe à l’époque à Varsovie et Vilnius. Il n’est pas étonnant que son livre ait été réédité en Russie, en 1997, et demeure à ce jour l’ouvrage de référence pour les historiens officiels du patriarcat de Moscou qui en adoptent les principales conclusions qui se résument à une triple condamnation : critique de la politique hostile de l’Etat et des catholiques polonais à l’égard des orthodoxes, réprobation des compromissions de la hiérarchie orthodoxe avec le gouvernement de Varsovie, dénonciation des menées séparatistes des nationalistes ukrainiens et biélorusses.9

Cependant, au cours de ces vingt dernières années, des universitaires russes et ukrainiens ont cherché à renouveler l’approche de la question, en abordant ses différents aspects politiques, confessionnelles et interethniques dans un esprit plus objectif et avec un plus grand souci méthodologique. Parmi les Russes, on peut mentionner Serge Ol'khovskij qui s’est intéressé surtout à la régularisation du statut juridique de l’Eglise orthodoxe dans la Pologne de l’entre-deux- guerres,10 tandis qu’Anna Višivanjuk (Université orthodoxe Saint-Tikhon, Moscou) a revisité les tentatives d’ukrainisation de l’Eglise orthodoxe en Pologne entre 1918 et 1939.11

Côté ukrainien, Anatolij Elkin (Université de Kharkiv) a lui aussi traité de l’évolution du statut de l’Eglise et de la situation du clergé et des fidèles face aux interventions de l’Etat polonais.12 Juryj Kramar et Volodymyr Borščevič (tous deux de l’Université de Loutsk) se sont, quant à eux, focalisé sur la situation en Volhynie, où le débat entre les nationalistes ukrainiens et la hiérarchie religieuse était le plus tendu et ils se sont efforcé de réinterpréter les interventions dans ce débat de

8 Svitič A. K., Pravoslavnaja cerkov' v Pol'še i ee avtokefalija. Buenos Aires, 1959, 231 p., réédité dans Pravoslavnaja cerkov' na Ukraine i v Pol'še v XX stoletii. 1917-1950. Moskva, Izdatel'stvo Krutickogo Podvorja, 1997, 335 p.

9 Tel est le point du vue qui est développé, par exemple, dans l’« Histoire de l’Eglise russe au XXe siècle » de l’archiprêtre Vladislav Cypin (Istorija Russkoj Pravoslavnoj Cerkvi. 1917-1997 gg. Moskva, Izdatel'stvo Valaamskogo monastyrja, 1997, pp. 224-244) ainsi que dans les pages consacrées à l’orthodoxie en Pologne par Konstantin Skurat dans son « Histoire des Eglises orthodoxes locales » (Istorija Pomestnykh Pravoslavnykh Cerkvej. Moskva, Izdatel'stvo Russkie Ogni, 1994, vol. 2, pp. 160-170), tous deux professeurs à l’Académie de théologie de Moscou.

10 Ol'khovskij S. V., « Uregulirovanie pravogo statusa pravoslavnoj cerkvi v mežvoennoj Pol'še », in: Materialy konferencii, posvjaščennoj 90-letiju so dnja roždenija professora MGU I.M. Beljavskoj. Moskva, 2005, pp. 142-156.

11 Višivanjuk А., « Ukrainizatorskie processy v Pravoslavnoj cerkvi v mežvoennoj Pol'še », in: Gosudartsvo, religija, cerkov', Moskva, 2014, vol. 4, pp. 160-183.

12 Elkin A. I., « Položenie Pravoslavnoj cerkvi v Pol'še (1920-1930-e gg. XX v.) », in: Drinovs'kij Zbirnik, vol. 8, Kharkiv–

Sofija, Vidavnictvo Bolgars'koï akademiï nauk, 2015, pp. 74-81.

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la part du représentant de l’Etat polonais dans la région, le gouverneur Józewski.13 D’autres ont tenté de réhabiliter l’action du médecin et pédagogue Arsen Richynsky, le principal promoteur du mouvement d’ « ukrainisation » de la vie ecclésiale locale.14

Dans la Pologne de l’entre-deux-guerres, la confession chrétienne orientale constituait la deuxième religion du pays, avec un peu moins de 12 % de l’ensemble de la population, certes loin derrière le catholicisme de rite latin (65 %), mais l’orthodoxie demeurait solidement implantée dans les régions situées à l’est de la ligne Curzon, et même, dans certains districts, elle s’avérait majoritaire, du moins dans les campagnes.15 Ainsi, la Pologne se voyait à nouveau confrontée au problème de ceux qui, au XVIIIe siècle, avaient été désignés comme des « dissidents », mais qui désormais devaient être traités comme une minorité confessionnelle.

En effet, à l’instar des autres Etats d’Europe centrale, la 2e Reszpospolita avait pris l’engagement de respecter les droits des minorités ethniques et religieuses. Ainsi, par exemple, le traité de Riga signé, en 1921 avec le gouvernement bolchévique stipulait : « La Pologne assure aux personnes de nationalité russe, ukrainienne et biélorusse qui se trouvent en Pologne, selon le principe de l’égalité des nationalités, tous les droits destinés à assurer le libre exercice des pratiques religieuses ».16 Pourtant, le gouvernement de Varsovie n’était pas en mesure de tenir une telle garantie : d’une part, dans un pays au catholicisme fervent, l’hostilité à l’égard de toute forme d’expression religieuse rappelant l’ancien occupant russe était grande puisque l’axiome qui prévalait jusque-là postulait qu’un orthodoxe était Russe et un Polonais – catholique,17 et, d’autre part, les autorités polonaises continuaient à regarder les minorités confessionnelles comme « une menace contre l’identité nationale et la cohésion du pays » (l’expression est de Roman Krakovsky).18

13 Kramar Ju. V., « Politika Pol'skogo gosudartva po otnošeniju k Pravoslavnoj cerkvi na Volyni v 1921-1939 gg. », in:

Durki Jarosława (réd.), Państwo-religia. Instytucje państwowe i obywatele wobec religii w Europie Środkowo-Wschodniej w XX wieku.

Kalisz, Kaliskiego Towarzystwa Przyjaciół Nauk, vol. 1, 2014, pp. 79-111 ; du même, « Rol' poljakov Volyni v realizacii politiki voevody G. Juzevskogo », in: Rozenblat E.S. (réd.), Ličnost' v istorii : geroičeskoe i tragičeskoe. Sbornik materialov.

Brest, Izdatel'stvo Brèsckaga dzjažaynaga universitèta, 2015, vol. 1, pp. 155-163 ; Borščevič V. T., Ukraïnske cerkovne vidrodžennja na Volyni (20-40-vi rr. XX st.). Luck, « Veža », 2000, 254 p. ; du même, « Pravoslavne dukhovenstvo Volyni u Mijvoennyj period : etapy formuvannja, tendencyï rozvitku », in: Borščevič V. T. (dir.), Ukraïna : kul'turna spadščyna nacional'na svidomist', deavnist'. Luck, 2008, vol. 17, pp. 249-256.

14 Aljošina O. A., « Vidlučennja Arsena Ričins'kogo vid Pravoslavnoï cerkvi », in: Naukovi zapiski Nacional'nogo universitetu Ostroz'ka akademija, série « Istorične religièznavstvo », Ostrog, 2012, n° 6, pp. 3-12; de la même, « Gromads'ka dijat'nist' Arsena Ričins'kogo u kinci 20-kh – počatku 30-kh rr. XX st. », in: Naukovi zapiski Nacional'nogo universitetu Ostroz'ka akademija, série « Istorične religièznavstvo », Ostrog, 2016, n° 12, pp. 16-24.

15 Cf. Wynot E. D., « Prisoner of History…», op. cit., p. 320.

16 « Traité de paix entre la Pologne, d’une part, la Russie et l’Ukraine, d’autre part (Riga, 18 mars 1921) », in: Recueil des traités internationaux publié par la Société des Nations. Genève, 1921, n° 149, vol. 6, p. 51.

17 Comme le fait remarquer l’historien polonais Maciej Serwański, « à la veille de la Grande Guerre dans les milieux polonais confrontés au pouvoir tsariste de l’empire de Russie l’équation “catholicisme égale polonisme” devint l’une des réalités de la vie publique. […] Sur le plan national et politique, Polonais et catholique romain restaient toujours synonymes, tout comme Ukrainien et grec catholique» (Serwański M., « Catholicisme et identité nationale des Polonais au XIXe siècle », in: Lagrée M. (dir.), Chocs et ruptures en histoire religieuse (fin XVIIIe-XIXe siècles), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1998, p. 94 et 96.

18 Krakovsky R., Le populisme en Europe centrale et orientale. Un avertissement pour le monde ? Paris, Fayard, 2019, p. 158.

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Le cadre ecclésial qui avait prévalu depuis plus d’un siècle sous l’Empire des tsars ayant disparu, la réorganisation des structures de l’Eglise orthodoxe sur le territoire de la nouvelle Pologne fut très tôt l’objet d’âpres débats, au cours desquels s’exprimèrent trois conceptions différentes du rôle qui devait être dévolu à l’orthodoxie dans la 2e République et, par la même, trois conceptions différentes de l’identité qui lui serait reconnue. Le clergé orthodoxe, russophone et russophile, voyait dans l’Eglise le garant du maintien d’une présence russe sur place, non sans l’espoir d’un éventuel rétablissement du régime impérial en Russie. Les membres de l’épiscopat étaient tous des Russes de souche, de même que la majorité des prêtres des villes. Quant aux clercs des campagnes, en Volhynie et dans les provinces de la Polésie et de la Podlasie, mêmes s’ils s’identifiaient comme Ukrainiens ou Biélorusses, ils avaient été formés dans les séminaires russes et, de fait, ils restaient peu sensibles aux sentiments nationaux de leurs congénères.

Pourtant, un nombre croissant de fidèles, dès le début des années 1920 pour les Ukrainiens, un peu plus tard dans le cas des Biélorusses, regardait l’Eglise comme un outil propice au développement d’une conscience nationale autonome, au même titre que la langue ou la culture.

Le gouvernement de Varsovie, quant à lui, voulait voir dans l’Eglise orthodoxe, une fois expurgée de ses éléments russes, un instrument qui lui permettrait de contrôler les minorités slaves des territoires orientaux et de soutenir, là où les membres de ces minorités étaient prédominants, sa politique d’intégration nationale. En permettant un développement limité des sentiments religieux dans leur variante linguistique et cultuelle locale, les autorités polonaises escomptaient à la fois

« détourner les Ukrainiens de toute velléité de lutte politique, obtenir un moyen de contrecarrer les responsables ecclésiastiques pro-russes, isoler la Volhynie de la Galicie grecque catholique, où la conscience nationale [ukrainienne] était plus forte », comme le fait remarquer fort justement Volodymyr Borščevič.19

Jusqu’au milieu des années 1920, le pouvoir aux mains de la majorité de droite national- démocrate, dirigée par Roman Dmowski (ancien député à la Douma impériale à Saint-Pétersbourg), qui voulait bâtir une Pologne ethniquement homogène et catholique, s’appliqua donc surtout à faire disparaître toute forme de présence ou d’influence russe. Cette politique se traduisit par des actes souvent brutaux, comme la destruction d’une quarantaine d’églises construites fin XIXe-début XXe siècles, qui symbolisaient l’ancien pouvoir tsariste, à l’instar de la monumentale cathédrale Saint-Alexandre-Nevskij, sur la place de Saxe, à Varsovie, dynamitée en 1924. Le gouvernement plaça aussi sous séquestre des lieux de culte (soixante-et-onze, au total) qui, par le passé, avaient appartenu aux catholiques de rite latin ou de rite byzantin, mais qui, à la suite des partages du

19 Borščevič V. T., Ukraïnske cerkovne vidrodžennja na Volyni…, op. cit., p. 44.

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XVIIIe siècle ou des insurrections de 1831 et 1863, s’étaient vus confisqués au profit des orthodoxes.20 Cependant, sur le terrain, l’Etat fut vite débordé par le clergé catholique qui, de sa propre initiative, s’empara de nombreuses autres églises orthodoxes (trois cent quinze édifices, entre 1919 et 1924), ce qui donna lieu à des contestations sans fin, parfois à des heurts violents entre adeptes des deux confessions, à tel point qu’en 1924 il fut décidé d’interdire à l’avenir tout changement d’attribution des églises sans un examen préalable par l’administration civile du bien- fondé de ces demandes.21

Autre acte marquant, afin de fixer les modalités d’existence de l’orthodoxie dans le nouveau cadre administratif polonais, le ministère des Cultes publia, en janvier 1922, un document intitulé

« Dispositions temporaires concernant les relations de l’Etat avec l’Eglise orthodoxe en Pologne ».22 Paradoxalement, ce texte s’inspirait largement du système de gouvernance appliqué dans la Russie impériale : d’une part, une forte centralisation de l’Eglise par le biais d’un synode épiscopal et de consistoires diocésains, dépendant de la seule autorité des évêques, et, d’autre part, un strict contrôle de l’épiscopat par les autorités de l’Etat, ce qui s’avérait d’autant plus facile à réaliser, dans la mesure où le haut clergé avait appris l’obéissance sous le harnais de la bureaucratie tsariste. Dorénavant, on ne pouvait nommer de prêtres dans les paroisses qu’avec l’aval de l’administration civile et l’acquisition de la nationalité polonaise était requise pour chaque candidat.

Du point de vue canonique, les six diocèses orthodoxes sur les territoires redevenus polonais (Chełm-Lublin, Grodno-Białystok, Pinsk, Varsovie, Vilnius, Volhynie) relevaient pourtant encore de l’autorité de l’Eglise orthodoxe de Russie laquelle, à la faveur de la disparition du régime tsariste, avait rétabli, en 1917, sa structure hiérarchique traditionnelle, avec à sa tête un patriarche siégeant à Moscou. Pour le gouvernement de Varsovie, il ne paraissait pas concevable que les diocèses orthodoxes de Pologne puissent dépendre d’une autorité extérieure, russe de surcroit, et qui plus est soumise à un régime communiste, qui prônait l’extension de la révolution à travers le monde, à commencer par ses voisins immédiats.

Le système des Eglises autocéphales, tel qu’il s’était développé dans le monde orthodoxe après la chute de l’Empire byzantin, et en vertu duquel tout regroupement structuré de diocèses se trouvant dans les limites d’un Etat souverain peut prétendre à s’organiser en une Eglise

20 Sur la suppression par le pouvoir tsariste, au XIXe siècle, de l’Eglise grecque catholique ruthène en Ukraine occidentale et en Lituanie au profit de l’Eglise orthodoxe russe, on consultera, entre autres, Beauvois D., « Les Russes et la “dépolonisation” religieuse de l’Ukraine rive droite (1863-1914) », in:Revue des Etudes Slaves, Paris, Institut d’Etudes Slaves, 1998, vol. LXX, n° 2, pp. 443-467 ; voir aussi du même, La Pologne, des origines à nos jours, Paris, Seuil, 2010, 538 p.

21 Le nombre des lieux de culte fermés ou détruits a été établi à partir des documents d’archives par E. D. Wynot (« Prisoner of History…», op. cit., pp. 321-322).

22 Cf. Papierzyńska-Turek M., « Kościół prawosławny w Polsce…», op. cit., pp. 18 et svtes.

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indépendante ou autonome, offrait une solution adaptée aux préoccupations du gouvernement polonais. Des pourparlers furent engagés avec le patriarche de Moscou et aboutirent, en 1922, à la reconnaissance par ce dernier d’un statut d’autonomie pour les diocèses de Pologne, réunis sous l’autorité d’un synode épiscopal que présidait le métropolite Georgij Jaroševskij, un évêque russe réfugié à Varsovie après la défaite des Armées blanches.23

Cependant, cette autonomie s’avérait insuffisante pour le gouvernement, qui réclamait une complète indépendance, nonobstant le refus d’une partie de l’épiscopat de couper les liens avec l’Eglise de Russie. Les autorités civiles exercèrent alors des pressions afin que ces évêques réfractaires (quatre sur six) soient remplacés par des prélats gagnés à l’idée de rupture avec Moscou, ce qui ne fit qu’aviver tensions et passions au point d’aboutir, en 1923, à une issue fatale : l’assassinat du métropolite Georgij par un ecclésiastique ultra-nationaliste russe.24 Cette brutale disparition ouvrit la voie à une solution aussi inattendue qu’audacieuse. D’après le droit canon orthodoxe, le statut d’autocéphalie doit être obtenu avec l’accord de l’Eglise-mère, à savoir dans le cas présent l’Eglise de Russie. Mais le patriarche de Moscou avait fait connaître son refus.25

Poursuivant la ligne de son prédécesseur, le nouveau métropolite élu à Varsovie, l’évêque de Volhynie Dionizy (Dionisij) Valedinskij, bien que Russe d’origine, chercha à conforter sa légitimité, en se tournant vers le patriarche œcuménique de Constantinople, au prétexte que ce dernier avait étendu sa juridiction jusqu’à la fin du XVIIe siècle sur la métropole de Kiev, dont relevaient à l’époque les diocèses orthodoxes du Royaume de Pologne-Lituanie. Cette démarche reçut l’approbation des autorités de Varsovie. Des négociations tripartites furent engagées entre l’Etat, le métropolite Dionizy et le patriarche œcuménique. Elles aboutirent, en novembre 1924, à l’octroi par Constantinople du statut d’autocéphalie à l’Eglise de Pologne.26 Un acte qui fut immédiatement dénoncé par le patriarcat de Moscou comme « illégal et anticanonique », mais qui, soulignant le lien historique avec l’ancienne métropole de Kiev, permettait à la jeune Eglise de Pologne de se prévaloir de l’héritage de la Rus' kiévo-lituanienne des XVe-XVIIe siècles,27 au lieu de la continuité avec la Russie impériale.

23 Ce sont les autorités polonaises qui, en 1921, étaient allé chercher l’ancien archevêque de Minsk Georgij Jaroševskij, dans son exil en Italie, afin qu’il prenne la direction du diocèse de Varsovie, resté vacant depuis 1915.

24 Cf. Papierzyńska-Turek M., « Kościół prawosławny w Polsce…», op. cit., pp. 23-24.

25 Cf. « Lettre du patriarche Tikhon de Moscou au métropolite Dionizy de Varsovie au sujet de l’“autocéphalie” de l’Eglise orthodoxe de Pologne (23.5/5.6.1924) », in: Gubonin M. E. (dir.), Akty svjatejšego Tikhona, patriarkha Moskovskogo i vseja Rossii. Moskva, Izdatel'stvo PSTBI, 1994, pp. 320-321.

26 Néanmoins, comme la légitimité de ce nouveau statut était contestée, à la fois par le patriarcat de Moscou et par les évêques russes qui avaient trouvés refuge en exil en Europe après la Révolution bolchevique, le métropolite Dionizy entreprit, avec le soutien matériel du gouvernement polonais, une tournée auprès des autres Eglises orthodoxes autocéphales, au Moyen-Orient et dans les Balkans, d’où il revint conforter dans ses attributions.

27 Sur l’entité politique et culturelle de cette zone Ukraine-Lituanie-Biélorussie, voir Beauvois D. (dir.), Les Confins de l’ancienne Pologne : Ukraine, Lituanie, Biélorussie (XVIe-XXe siècles) [communications présentées au colloque international de Lille, mai 1987), Lille, Presses Universitaires de Lille III, 1988, 282 p.

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La proclamation de l’autocéphalie, en dépit ou à cause des contestations qu’elle soulevait également de la part des milieux pro-russes à Varsovie, permettait désormais de justifier la

« dérussification » des institutions ecclésiales orthodoxes.28 Plusieurs mesures furent prises, avec le concours du métropolite Dionizy, pour réduire l’influence du courant russophile. Trois des évêques fidèles au patriarcat de Moscou qui avaient été privés de leurs diocèses furent expulsés du pays, un quatrième placé en résidence surveillé dans un monastère. Le calendrier grégorien fut introduit en remplacement du calendrier julien pratiqué dans l’Empire des tsars, de sorte que les fêtes religieuses puissent coïncider avec le calendrier civil de l’Etat polonais. Le métropolite Dionizy, qui lui-même ne parlait pas l’ukrainien, autorisa, là où les fidèles le demandaient, l’utilisation partielle de la langue ukrainienne dans la liturgie, à la place du slavon d’église, et dans les sermons, au lieu du russe.29

Mais ces mesures se heurtèrent à de fortes résistances, les unes d’ordre psychologique, les autres de nature idéologique. Les résistances passives provenaient d’un clergé traditionaliste, voire routinier, réticent à tout changement. On estime ainsi à seulement 30 % le nombre des paroisses de Volhynie où la langue ukrainienne était utilisée au début des années 1930, tandis que le calendrier grégorien n’était appliqué que dans les trois-quatre paroisses de Varsovie, pas au-delà.30 La résistance active était, quant à elle, le fruit des milieux russophiles conservateurs, qui, profitant du Congrès des associations russes de Pologne, en 1926, accusèrent le métropolite d’outrepasser ses pouvoirs et contestèrent ses réformes qu’ils jugeaient « contraires à la conscience ecclésiale du peuple des croyants ».31

Désormais indépendante de Moscou et docile aux directives de l’Etat polonais, la hiérarchie s’attendait à une amélioration du statut juridique de l’Eglise.32 Plusieurs demandes en ce sens furent déposées, au cours de l’année 1925, auprès du ministère des Cultes, mais elles restèrent sans réponse.33 Pour forcer la main du ministre, le synode présenta, en 1926, son propre projet qui réaffirmait le pouvoir exclusif de l’épiscopat dans la gouvernance ecclésiale et déniait à l’Etat tout droit d’ingérence. Ce texte fut rejeté par le gouvernement, mais aussi par les laïcs orthodoxes de tous bords.34 Les membres du parti pro-russe, que dirigeait le sénateur Vjačeslav Bogdanovič, y voyaient une atteinte à la conciliarité, chère aux slavophiles, qui avait été remise à l’honneur par le

28 L’expression est de M. Papierzyńska-Turek (« Kościół prawosławny w Polsce…», op. cit., p. 30).

29 Idem., pp. 23-26.

30 Kramar Ju. V., « Politika Pol'skogo gosudartva… », op. cit., p. 94.

31 Cypin V., op. cit., p. 243.

32 L’épiscopat réclamait, entre autres, la reconnaissance de titres de propriétés des orthodoxes sur les lieux de cultes que leur contestaient les catholiques ainsi que la garantie du droit à pouvoir librement dispenser une instruction religieuse (subvention des deux séminaires existants à Vilnius et Loutsk, ouverture d’écoles paroissiales et d’une faculté de théologie à Varsovie).

33 cf. « Pravoslavnaja cerkov' v Pol'še », in: Russkoe Vremja, n° daté du 22 janvier 1926, p. 2.

34 Cf. Svitič A. K., Pravoslavnaja cerkov' v Pol'še …, op. cit., p. 115.

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Concile de Moscou, en 1917-1918, et qui prévoyait d’associer clercs et laïcs à la gouvernance de l’Eglise. Les nationalistes ukrainiens y décelaient, quant à eux, une volonté de centralisation accrue de la part des évêques qui restaient à leurs yeux des Russes, hostiles à toute reconnaissance des spécificités de leur communauté en matière d’administration ecclésiale.

Conduits par des intellectuels engagés, comme le médecin Arsen Richynsky (Riczyński) et l’historien Ivan Ogienko, les orthodoxes de Volhynie tentèrent alors un passage en force, en organisant à Loutsk (Lutzk), en juin 1927, un Congrès ecclésial ukrainien, qui réunit plus de 560 délégués. Cette rencontre fut l’occasion de formuler des revendications théoriques (notamment, une véritable démocratisation de la vie ecclésiale) et des revendications pratiques (en particulier, des évêques ukrainiens pour le diocèse de Volhynie).35 Pour calmer les esprits, la hiérarchie se résolut à annoncer la convocation d’un concile général, auquel devaient participer non seulement les évêques, mais aussi des délégués élus de chaque diocèse. Cependant, le gouvernement qui craignait ne plus être le maître du jeu s’empressa d’ajourner ce concile sine die.36 Cette décision provoqua de vives réactions, notamment de la part des députés ukrainiens au Parlement.37

Face à ces protestations, il fut alors proposé de mettre en place une Conférence préparatoire préconciliaire, dont l’ouverture fut marquée par deux discours du métropolite Dionizy, prononcés, de manière symptomatique, l’un en polonais, à l’adresse des représentants de l’Etat, l’autre en russe, à l’intention des délégués orthodoxes. La Conférence ne donna aucun résultat concret, d’autant plus qu’elle avait été doublée par une commission mixte, composée seulement d’évêques et de fonctionnaires de l’Etat, commission qui avait surtout pour objet d’enterrer la question.38 Privée de bases juridiques solides, l’orthodoxie en Pologne se trouva désormais en proie à de perpétuelles luttes d’influences, au gré d’alliances de circonstance, passées entre les fonctionnaires du ministère des Cultes, la hiérarchie ecclésiale et des courants nationalistes, hétérogènes et antagonistes.

La situation sembla pourtant prendre une nouvelle inflexion, au début des années 1930, sous l’effet de la politique d’« assainissement » (sanacia) du gouvernement de Piłsudski, qui mettait dorénavant l’accent sur l’idée d’un fédéralisme slave, devant permettre l’intégration des communautés des territoires orientaux dans l’ensemble national polonais. Les positions du courant pro-ukrainien se trouvèrent renforcées grâce à cette nouvelle approche qui impliquait de la part de

35 Cf. Anna Višivanjuk et Juryj Kramar qui s’accordent sur les objectifs, le déroulement et les conséquences de cette opération (Višivanjuk А., « Ukrainizatorskie processy… », op. cit., pp. 167-168, et Kramar Ju. V., « Politika Pol'skogo gosudartva… », op. cit., pp. 85-86).

36 Il était prévu de faire adopter par ce concile les nouveaux statuts proposés par le synode, ceux-là même qui n’avaient pas reçu l’approbation du ministère des Cultes. Tout logiquement, le gouvernement refusa la tenue de l’assemblée, prétextant que ses délégués n’avaient pas été élus de manière démocratique, ce qui risquait d’assurer par avance une majorité au clergé réputé russophile (cf. Svitič A. K., Pravoslavnaja cerkov' v Pol'še …, op. cit., p. 131).

37 Ibidem.

38 Idem, p. 138.

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l’administration civile un plus grand respect des particularismes locaux, notamment religieux. Le principal promoteur de cette politique était le gouverneur de la voïvodie de Volhynie, Henryk Józewski, qui plaidait en faveur de concessions à l’égard des orthodoxes ukrainiens afin d’obtenir leur loyauté vis-à-vis de l’Etat polonais. Il s’agissait de reconnaître à ces communautés un certain degré d’autonomie, ce qui impliquait d’encourager l’« ukrainisation » de la vie ecclésiale à tous les niveaux.39 Ce soutien aux orthodoxes de la Volhynie visait également à empêcher leur rapprochement avec les Ruthènes gréco-catholiques de la Galicie voisine, dont l’activisme en faveur de la reconnaissance d’un Etat indépendant ukrainien était beaucoup plus développé, en témoigne la série d’assassinats de ministres polonais perpétrée, au début des années 1930, par des combattants séparatistes du mouvement clandestin de l’OUN.

Fort de l’appui des autorités locales, les intellectuels orthodoxes de Volhynie cherchèrent à pousser leur avantage. En septembre 1933, ils accueillirent le métropolite Dionizy au monastère de Potchaïv (Počaev), près de Ternopil, par un vaste rassemblement populaire avec des banderoles aux couleurs de l’Ukraine « žovto-blakitnij ».40 Les manifestants qui bénéficiaient de l’accord tacite du gouverneur Józewski exigeaient la suppression des usages liturgiques « moscovites » (« razmoskovlenje », littéralement la « démoscovisation »), la généralisation de la langue ukrainienne dans l’Eglise et la nomination d’un Ukrainien de souche à la tête du diocèse de Volhynie. Des pétitions en ce sens furent adressées par les députés ukrainiens affiliés au « Bloc non partisan » qui soutenait le cabinet Piłsudski à la Diète, tandis que les journaux progouvernementaux commentèrent abondamment ces incidents. Quelques jours plus tard, le ministère des Cultes fit savoir que le métropolite Dionizy, « conformément à la volonté du peuple », devait abandonner son diocèse de Volhynie à un évêque ukrainien (Oleksij Gromadzki), ce qui fut fait d’autant plus facilement que Dionizy, obligé désormais de s’appuyer sur ses adversaires d’hier, les membres du parti pro-russe en perte d’influence, n’était pas de taille à lutter contre le gouvernement et ses alliés ukrainiens.41

L’expérimentation initiée en Volhynie par Józewski avait néanmoins ses limites, car elle dépendait largement de la façon dont les responsables de l’administration appliquaient sur place les consignes en matière de politique ethnique et confessionnelle.42 Si l’expérience fut étendue aux régions de la Polésie et de la Podlasie avec plus ou moins de succès, la prise de conscience nationale

39 Voir Kramar Ju. V., « Politika Pol'skogo gosudartva… », op. cit., pp. 89-91.

40 Idem, pp. 91-92.

41 Cf. Svitič A. K., Pravoslavnaja cerkov' v Pol'še …, op. cit., p. 85.

42 Cf. Gałędek M., « Relations between the Local Administration of the Polish Eastern Territories and Non-Catholic Religious Associations in the Second Republic », in: Zeitschrift für Ostmitteleuropa-Forschung, Marbourg, Herder-Institut, 2013, vol. 62, n° 2, pp. 292-318.

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s’avérant moins forte parmi les Biélorusses,43 elle n’était absolument pas de mise dans la région voisine de Chełm-Lublin, considérée comme historiquement polonaise et donc vouée à redevenir exclusivement catholique. Là, les conflits permanents entre orthodoxes et catholiques autour des lieux de cultes avaient d’ailleurs convaincu les autorités civiles qu’il était de leur intérêt d’éliminer le maximum possible de paroisses orthodoxes.44 En 1929, le gouverneur de la voïvodie de Lublin, Józef Rożniecki, ordonna de raser quatre-vingt-dix-sept églises orthodoxes qui, d’après lui, n’étaient « plus nécessaires ».45 Après l’intervention des députés orthodoxes au Parlement le nombre d’édifices à détruire fut réduit à vingt-trois. Mais le clergé catholique de rite latin profita de cette situation pour relancer, la même année, son plan de confiscation des églises orthodoxes, cette fois-ci en suivant la voie légale, par le biais d’actions en justice.

Cette campagne prit une grande ampleur, au point qu’en moins d’un an, plus de sept cent cinquante dossiers avaient été déposés devant les tribunaux.46 Il est à noter que l’Eglise ruthène grecque catholique se démarqua de cette action dont elle aurait dû pourtant être le principal bénéficiaire. Son primat, le métropolite André Cheptytsky (Szeptycki), refusa de s’associer à une spoliation qu’il jugeait injuste, même s’il s’agissait d’églises prises aux grecs catholiques dans le passé. Il est vrai que, le plus souvent, le clergé latin ne rendait pas les églises aux Ruthènes, ces derniers étant considérés comme les fers de lance du nationalisme ukrainien.47 Face à cette situation, le gouvernement qui n’entendait pas voir déraper l’épineux conflit d’attribution des lieux de culte choisit alors de temporiser, en inscrivant la question à l’agenda des négociations du concordat qu’il préparait avec le Vatican. Comme ces pourparlers n’aboutirent qu’en juin 1939, deux mois avant l’invasion germano-soviétique, autant dire que leurs closes restèrent lettres mortes. Néanmoins, la lenteur de ce processus ne manqua pas d’exacerber les éléments les plus radicaux au sein d’une classe politique polonaise qui, après la disparition de Piłsudski, en 1935, avait tiré un trait sur les rêves de fédéralisme slave et qui, face à la montée des menaces extérieures, s’inquiétait des conséquences que les communautarismes ethnico-religieux faisaient peser sur l’unité nationale.

En effet, après 1935, l’idéal d’une Pologne multiethnique se trouva abandonné au profit d’une assimilation forcée des minorités nationales, notamment dans les territoires de l’Est. Cela se traduisit, entre autres, par une volonté de « polonisation » de l’Eglise orthodoxe et de subordination

43 Cf. Kalina M., « Polonizacja Cerkwi prawoslawnej w województwie białostockim (1918-1939) », in: Białoruskie Zeszyty Historyczne, Białystok, 1995, vol. 2(4), pp. 74-104.

44 Wynot E. D., « Prisoner of History…», op. cit., p. 321.

45 En fait, dans le cadre de la réorganisation du réseau paroissial, les églises de certains villages avait perdu leur rang de paroisse, elles se trouvaient désormais rattachés à la cure d’une localité voisine et c’est précisément ces lieux de cultes que le gouverneur voulait détruire au prétexte qu’ils n’étaient « plus nécessaires ».

46 Wynot E. D., « Prisoner of History…», op. cit., p. 322.

47 Cf. Nivière A., « Le métropolite André Cheptytsky », in: K. Amacher, E. Aunoble, A. Portnov, G. Nivat (dir.), Mémoires divisées, mémoires partagées. Ukraine / Russie / Pologne. Genève, Université de Genève, 2019, p. (à préciser)

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de celle-ci aux intérêts de l’Etat. C’est ainsi qu’en décembre 1935, le Comité pour les affaires des nationalités en vint à définir le rôle de l’Eglise orthodoxe comme « un instrument majeur pour la propagation de la culture polonaise dans les régions orientales du pays »,48 d’où son insistance quant à la nécessité de « poloniser » les acteurs de la vie ecclésiale. Afin de contrecarrer l’affirmation des particularismes locaux qu’ils soient ukrainiens ou biélorusses, l’introduction de la langue polonaise dans les célébrations liturgiques fut encouragée, en particulier dans les paroisses situées en Mazovie et sur les terres biélorusses.

Dans ce but, on entreprit de traduire les textes liturgiques slavons en langue polonaise et un manuel de prière pour les soldats de confession orthodoxe fut également édité en polonais. De la même façon, il fut prescrit de tenir les registres paroissiaux partout en polonais, et non plus dans la langue du lieu. Une attention particulière fut accordée à la formation du clergé qui devait désormais obligatoirement maîtriser la langue polonaise pour pouvoir exercer les fonctions d’aumôniers dans les écoles et dans l’armée.49 Enfin, deux jeunes clercs, fraichement émoulus du séminaire, issus tous deux de familles orthodoxes polonaises de souche (Mateusz Siemaszko et Tymoteusz Szretter), furent promus à l’épiscopat, permettant ainsi de rééquilibrer les prélats ukrainiens et non-ukrainiens au sein d’une hiérarchie, toujours présidée par l’inamovible métropolite Dionyzi, cet évêque russe, qui avait un temps durant prôné une orthodoxie ukrainienne, et désormais soutenait une orthodoxie polonaise.50 De fait, la situation du métropolite s’avérait de plus en plus intenable, pris qu’il était entre l’enclume et le marteau, avec d’un côté, des dirigeants polonais qui souhaitaient imposer une « assimilation nationale » et, de l’autre, des extrémistes ukrainiens qui militaient pour un « nationalisme intégral ».

Finalement, c’est en catimini que le gouvernement fit passer, parmi une série de mesures publiées entre deux sessions de la Diète, en novembre 1938, un décret signé du président Mościcki qui, à la place des « Dispositions temporaires » de 1922, venait officiellement régulariser le statut et le mode de fonctionnement de l’Eglise orthodoxe dans le cadre national. Edward Wynot estime que, grâce à ce décret, « l’Eglise orthodoxe finalement devenait un acteur reconnu dans la vie de la Pologne moderne » et qu’ « un rôle officiel lui était attribué par l’Etat dans la politique des

48 Cité par Kramar Ju. V., « Politika Pol'skogo gosudartva… », op. cit., p. 95.

49 Cf. Wynot E. D., « Prisoner of History… », op. cit., pp. 327-328.

50 Récemment, l’historien polonais Stefan Dudra (Université de Zielona Gora) s’est efforcé de réhabiliter la figure, pourtant terne et louvoyante, du métropolite Dionyzi, en montrant que, face aux courants nationalistes tant ukrainien que biélorusse qui cherchaient à instrumentaliser l’Eglise à des fins partisanes, Dionizy estimait que les orthodoxes ne pouvaient survivre dans la Pologne de l’entre-deux-guerres qu’en restant unis et que seule la préservation de la tradition commune héritée de l’ancienne Russie des tsars garantissait la cohésion entre des communautés aussi diverses, tant sur le plan ethnolinguistique que socio-culturel et politique (cf. Dudra S., « Metropolita Dionizy wobec kwestii ukraińskiej i białoruskiej w cerkwi prawosławnej w Polsce w latach 1918-1939 », in: Istoričnij arxiv. Naukovi studiï. Mikolaïv, ČDU im. Petra Mohily, 2012, vol. 8, pp. 28-34).

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nationalités ».51 Pareille appréciation de la portée de ce document paraît pourtant excessive, car, comme le reconnaît lui-même Edward Wynot, le gouvernement était bien « déterminé à garder le contrôle exclusif sur la définition et le fonctionnement de l’Eglise orthodoxe dans le pays ».52, ce qui fait dire à Antoni Mironowicz que « sur la base de ce décret, l’Eglise orthodoxe était très assujettie à l’Etat et à sa politique ».53 Seul vrai changement significatif introduit dans le décret de 1938 par rapport aux dispositions de 1922, mais changement combien significatif, selon nous, le titre de cette Eglise qui était désormais désignée sous le nom d’« Eglise orthodoxe autocéphale polonaise », au lieu d’« Eglise orthodoxe en Pologne ».

Pourtant, la réalité sur le terrain paraissait assez différente, comme le montrent les statistiques. Le recensement national de 1931, le dernier avant la 2e guerre mondiale, faisait apparaître en Pologne 3 762 484 habitants de confession chrétienne orthodoxe, soit 11,8 % de la population totale du pays. D’un point de vue ethnique, ces orthodoxes se répartissaient de la sorte : 40,9 % d’Ukrainiens (1 540 062), 24 % de Biélorusses (903 557), 18,5 % de « tutejszy », littéralement

« gens d’ici, du coin » ou « locaux » (696 397), 13,2 % de Polonais (497 290), 2,8 % de Russes (99 636), 0,6 % d’autres nationalités (25 542).54 Ces chiffres nous interpellent sur deux points.

D’abord, la présence de cette catégorie énigmatique des « tutejszy », sous laquelle avaient pris l’habitude, depuis déjà les enquêtes de l’administration tsariste au XIXe siècle (comme a eu l’occasion de nous le rappeler Daniel Beauvois), de se regrouper des populations locales (ici, pour l’essentiel, ukrainiennes ou biélorusses) qui ne souhaitaient pas apparaître avec une étiquette ethnique précise ou qui n’étaient pas capable de se définir autrement que dans leur cadre territorial immédiat.

Ensuite, autre source d’étonnement, le nombre relativement important de Polonais (13,2 %), mais qui, là aussi, recouvre, sans doute, soit la volonté d’affirmer une intégration (qu’elle soit désirée ou imposée), soit le besoin de masquer ses origines réelles. D’ailleurs ce chiffre est contesté par certains historiens polonais. Janusz Zarnowski, par exemple, estime que, dans la réalité, pas plus de 4 % des orthodoxes à l’époque étaient en fait des Polonais de souche.55 Avec un taux de natifs polonais aussi faible, c’était, il faut bien l’admettre, une véritable gageure que d’affirmer

51 Wynot E. D., « Prisoner of History… », op. cit., p. 328.

52 Idem, p. 327.

53 Mironowicz A., « L’Eglise orthodoxe en Pologne au XXe siècle », op. cit., p. 236.

54 Chiffres donnés par Papierzyńska-Turek M., Między tradycją a rzeczywistością…, op. cit., p. 195.

55 Cf. Zarnowski J., Spoleczenstwo Drugiej Rzeczypospolitej 1918-1939. Warszawa: Państwowe Wydawnictwo Naukowe, 1989, p. 375. Les résultats de ce recensement pour les populations des régions orientales se trouvent également discutés chez J. Borzęcki, « Issues of Language and National Identity in the Population Censuses of the Polish-Russian Borderlands : Reexaminations and Comments », in: The Polish Review, Warszawa, vol. 44, n° 1 (1999), pp. 29-46.

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de l’« Eglise orthodoxe en Pologne » qu’elle était devenue une « Eglise orthodoxe polonaise » [c’est moi qui souligne, A.N.]. Cette affirmation n’allait d’ailleurs pas résister aux événements.

Dès 1937-1938, la présence d’orthodoxes dans la région de Chełm-Lublin s’était trouvée à nouveau au centre des préoccupations des autorités, notamment de l’Etat-major qui estimait que

« les intérêts vitaux » du pays exigeaient « l’élimination complète du problème représenté par la minorité ukrainienne » à Chełm et ses environs. L’éradication de cette minorité passait par la destruction de ses lieux de culte et la conversion de ses membres au catholicisme. L’application de ce projet fut confiée à l’armée. A nouveau au prétexte qu’il s’agissait d’anciens biens grecs catholiques, plus d’une centaine d’églises à Chełm, mais aussi en Polésie et en Volhynie, furent confisquées, pour être ensuite détruites ou transformées de force en églises catholiques de rite latin.56 Privés de leurs paroisses, les fidèles orthodoxes n’avaient plus d’autre solution que de prier dans les églises latines, et leur conversion, de gré ou de force, se trouvait dûment constatée.57 Selon Timothy Snyder, ce sont pas moins de 6 225 fidèles orthodoxes de Volhynie qui, sous la pression des autorités civiles polonaises, furent contraints, entre 1938 et 1939, de se convertir au catholicisme romain, tandis que d’autres, plutôt que d’accepter ce choix qui leur était imposé, préférèrent le protestantisme.58

Ces actions de masse, perpétrées de manière coercitive, parfois avec une grande violence, eurent des conséquences désastreuses sur les relations intercommunautaires et sur l’unité nationale, comme le note l’historien polonais Michał Gałędek : « Le programme et les actes qui en résultaient étaient généralement de nature beaucoup plus répressifs car ils visaient à exacerber les tensions et à faire pression pour imposer la polonisation sans tenir compte de la perception négative de la part des populations concernées ».59 Ce qu’Antoni Mironowicz traduit de façon plus explicite : « Des attitudes anti-gouvernementales et anti-polonaises commencèrent à murir au sein de la communauté orthodoxe [dans les régions de Chełm, de la Podlasie et de la Volhynie] ».60

Ces événements ne manquèrent pas d’avoir également des répercussions fâcheuses pour la Pologne sur la scène internationale : d’une part, ces actes qui contrevenaient aux engagements de respects des minorités et des libertés religieuses contribuèrent à ternir l’image de la 2e Reszpospolita dans les opinions publiques européennes ; d’autre part, ils donnèrent du grain à moudre aux

56 Pour les chiffres des lieux de cultes confisquées et détruits en 1937-1938, voir Wynot E. D., « Prisoner of History…», op. cit., p. 328.

57 Cf. Ju. V Kramar qui cite des cas concrets de conversion de force dans des villages de la Volhynie (« Politika Pol'skogo gosudartva… », op. cit., p. 95-99).

58 Snyder T., « The Causes of Ukrainian-Polish Ethnic Cleansing 1943 », in: Past and Present, Oxford, Oxford University Press, 2003, n° 179, p. 231-232.

59 Gałędek M., « Relations between the Local Administration…», op. cit., p. 315.

60 Mironowicz A., « L’Eglise orthodoxe en Pologne au XXe siècle », op. cit., p. 237.

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machines de propagande allemandes et soviétiques qui, à la veille de l’attaque commune contre la Pologne, cherchaient à faire basculer de leur côté les nationalistes ukrainiens. Mais c’est surtout quelques années plus tard, durant la 2e guerre mondiale, que les résultats de cette campagne, menée au nom de « la propagation des valeurs et des traditions polonaises », se firent sentir en Volhynie où l’on assista à un déferlement d’exactions et de meurtres de masse, commis par les bandes armées des partis nationalistes ukrainiens contre les populations civiles polonaises (et juives, accessoirement).61

Pour conclure, je dirai que, dans sa quête d’une identité nationale, l’Eglise orthodoxe dans la Pologne de l’entre-deux-guerres connut trois phases successives, contradictoires et conflictuelles.

Elle fut d’abord une Eglise russe, associée à l’ancien occupant et combattue comme telle par les dirigeants de la nouvelle Pologne. Puis, afin de se distancer de ce passé encombrant et de l’image négative qu’il véhiculait, elle chercha à se donner une connotation ukrainienne, mais cette nouvelle orientation, confuse et fluctuante, ne fit qu’envenimer de profondes tensions internes, tout en favorisant l’émergence de fortes revendications en faveur d’une véritable Eglise ukrainienne.

Voulant désormais entraver la progression du nationalisme ukrainien, tant parmi les Ruthènes grecs catholiques de Galicie que parmi les orthodoxes de Volhynie, le gouvernement décida de réagir, à partir du milieu des années 1930, en cherchant dorénavant à promouvoir l’Eglise orthodoxe sous une forme nationale, « polonisée », alors même qu’il ne disposait pas, dans ces régions, des ressources suffisantes, ni juridique ni humaine, à l’application d’une véritable politique d’intégration nationale. Cette ligne de conduite, pour le moins maladroite et contradictoire, s’avéra par conséquent largement inefficace et elle contribua à définitivement figer les orthodoxes du pays dans une attitude dans l’ensemble plutôt négative à l’égard de l’Etat polonais, et même, dans certaines régions, hostile à toute présence polonaise.

Ainsi, durant ses vingt années d’existence, la 2e République se trouva confrontée à de graves difficultés dans sa politique vis-à-vis de sa minorité de confession orthodoxe, difficultés qu’elle s’avéra incapable de surmonter. Quant à l’Eglise orthodoxe polonaise, elle ne résista pas à l’invasion du pays en 1939 et subit le même sort que l’Etat, ses diocèses situés sur les territoires annexés à l’Union soviétique se virent rattachés au patriarcat de Moscou, tandis que les paroisses de Varsovie et des environs furent soumises à l’autorité d’un évêque russe émigré dont le siège était à Berlin.

61 Timothy Snyder, notamment, reconnaît que la politique de conversions au catholicisme menée par le gouvernement polonaise entre 1938 et 1939, a contribué à « [préparer], dans une certaine mesure, les Ukrainiens de Volhynie à la revanche », tout en considérant qu’il s’agit là d’un élément de moindre importance par rapport aux autres facteurs (politiques, idéologiques et ethniques) qui ont plus fortement exarcerbé les tensions entre communautés pendant l’occupation soviétique (1939-1941) et durant les années de guerre (1941-1943) (« The Causes of Ukrainian-Polish Ethnic Cleansing… », op. cit., p. 232).

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Bref, on était revenu à la situation de départ, avec des structures ecclésiales de nature exclusivement russe. L’invasion de l’URSS deux ans plus tard, puis sa victoire sur l’Allemagne nazie allaient néanmoins ensuite complètement rebattre les cartes.62

Antoine Nivière Université de Lorraine CERCLE EA 4372

62 Pour la situation, très confuse et fluctuante, de l’orthodoxie dans la partie Est de l’Europe (Pologne, Biélorussie, Ukraine occidentale) sous l’occupation allemande durant la 2e guerre mondiale, voir notamment Škarovskij M.V., Nacistskaja Germanija i Pravoslavnaja Cerkov'. M., Izdatel'stvo Krutickogo Podvorja, 2002, pp. 113-185 et 338-470 ; pour la période de l’après-guerre, on se reportera à l’étude plus générale de Wynot Edward D., The Polish Orthodox Church in the Twentieth Century…, op. cit., pp. 57-112.

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