CAS CLINIQUE /CASE REPORT
Le synovialosarcome de la plante du pied : à propos d ’ une observation pédiatrique
Synovial Sarcoma of the Foot: a Pediatric Case
S. Salam · F.Z. Elatiqi · B. Yousri · S. Zamiati
Reçu le 9 février 2012 ; accepté le 6 mars 2012
© Lavoisier SAS 2012
Résumé
Le synovialosarcome est une tumeur rare et agres- sive des tissus mous représentant 7 à 8 % des sarcomes malins chez l
’homme. Les membres inférieurs et supérieurs sont les plus atteints, en particulier les régions para- articulaires des grosses articulations. Malgré son nom, le synovialosarcome n
’est pas d
’origine synoviale mais prend naissance à partir des cellules mésenchymateuses ayant une différenciation synoviale. Nous rapportons un cas de syno- vialosarcome de la plante du pied survenu chez une fille âgée de 9 ans et nous rappelons les signes radiologiques permet- tant d
’évoquer le diagnostic.
Mots clés
Tumeur des tissus mous · Synovialosarcome
Abstract
The synovial sarcoma is a rare and aggressive tumor of soft tissues representing 7-8% of malignant sar- coma in humans. The upper and lower limbs are most affec- ted, particularly the para-articular regions of the large joints.
Despite its name, synovial sarcoma does not arise from the synovial membrane but rather from primitive mesenchymal cells. We report a case of synovial sarcoma of the foot occur- red in 9-year-old girl and we recall the radiological signs that suggest the diagnosis.
Keywords
Softs tissus tumors · Synovialosarcome
Introduction
Le synovialosarcome (SS) représente 7 à 8 % des sarcomes malins [1]. Bien qu
’il se manifeste généralement à l
’âge adulte, les adolescents et les enfants représentent 30 % des cas signalés. La tumeur se manifeste souvent par une masse d
’évolution lente. Les membres inférieurs et supérieurs sont les plus atteints, en particulier les régions para-articulaires des grosses articulations. Malgré son nom, le SS ne paraît pas être d
’origine synoviale, mais serait plutôt issu de cellu- les souches multipotentes qui se différencient en structures épithéliales et/ou mésenchymateuses [2].
Nous rapportons une nouvelle observation d
’un synovia- losarcome localisé au niveau de la plante du pied chez une fille âgée de 9 ans et nous rappelons les signes radiologiques permettant d
’évoquer le diagnostic.
Observation
Il s
’agit de l
’observation de R.H. âgée de 9 ans, sans antécédent pathologique particulier qui a consulté pour une masse de la plante du pied droit. Cette masse a été constatée par les parents depuis un an. Elle a augmenté lentement de volume et devenue douloureuse gênant la marche. L
’examen clinique a retrouvé une masse occupant toute la plante du pied droit, ferme mesu- rant environ 100 x 75 x 80 mm. La peau en regard était saine, le reste de l
’examen somatique était normal. Une radiographie du pied droit a montré une masse des parties molles plantaires avec déminéralisation des différentes structures osseuses du pied et de l
’avant-pied (Fig. 1). Une imagerie par résonance magnétique (IRM) a montré un processus tumoral de la plante du pied bien limité de contours polylobés, en hyposignal hété- rogène T1, hypersignal T2 avec des foyers de nécrose et d
’hé- morragie (Figs 2, 3). Ces derniers se traduisaient par des foyers en hypersignal T1 en suppression de graisse (Fig. 1). Il mesurait 12,5cm de diamètre longitudinal sur 8 cm de diamètre antéro- postérieur et 9 cm de diamètre transverse. La masse s
’insinuant
S. Salam (*)
Service de radiologie pédiatrique, CHU Averroes, Casablanca, Maroc
e-mail : salamsiham@yahoo.fr F.Z. Elatiqi · B. Yousri
Service d’orthopédie et traumatologie pédiatrique, CHU Averroes, Casablanca, Maroc
S. Zamiati
Service d’anatomie pathologique, CHU Averroes, Casablanca, Maroc
J. Afr. Cancer (2014) 6:240-243 DOI 10.1007/s12558-012-0234-9
entre les phalanges, avec une lyse osseuse du scaphoïde, du cuboïde, du troisième cunéiforme et du bord postérieur du cal- canéum. Elle refoulait les différents éléments osseux du pied en avant et en dehors et s
’est rehaussée de façon intense et hété- rogène par le gadolinium (Fig. 2). Une biopsie chirurgicale a confirmé le diagnostic d
’un synovialosarcome biphasique.
L
’échographie abdominale et la tomodensitométrie (TDM) thoracique étaient normales. La malade a eu une amputation transtibiale distale. L
’évolution était marquée par l
’apparition de métastases pulmonaires bilatérales et le décès de la patiente 16 mois après le diagnostic.
Discussion
Le synovialosarcome est une tumeur maligne agressive qui représente 5 à 10 % des sarcomes des parties molles
[1]. Il présente une discrète prédominance masculine (trois hommes pour deux femmes). On le retrouve surtout chez le sujet jeune ; 73 % des cas sont rapportés chez les patients de 20 à 50 ans et 30 % des malades ont un âge inférieur à 20 ans au moment du diagnostic [2]. Un cas de forme néonatale a été décrit [3]. Sa localisation est typiquement décrite comme péri-articulaire, au sein des tendons, des bourses, des capsu- les et des fascias mais, à priori, ce n
’est jamais une tumeur articulaire, bien qu
’elle soit fréquemment classée ainsi [4].
En effet, il s
’agit soit d
’une tumeur de novo à partir de cel- lules mésenchymateuses prenant une différenciation syno- viale, soit de la dérivation d
’éléments synoviocytaires dans les fascias intermusculaires. Quatre-vingt dix pour cent des synovialosarcomes siègent aux extrémités dont 60 % aux membres inférieurs ; les trois sites de prédilection sont le pied, le genou et la cuisse [2,5]. C
’est la tumeur maligne la plus fréquente du pied et de la cheville entre 6 et 45 ans. Les autres localisations possibles sont la tête, le cou, le médias- tin, la paroi abdominale et le rétropéritoine [4]. Moins de 5 % sont en contact avec la synoviale. La taille de la lésion varie surtout en fonction de sa topographie. En fait, les localisa- tions superficielles sont diagnostiquées plus précocement que les localisations profondes [2,5]. Quatre-vingt-cinq pour cent des tumeurs ont une taille d
’au moins 5 cm et 50 % sont au contact de l
’os qui est envahi dans 21 % des cas. Dans 63 % des cas, la tumeur a un épicentre à moins de 7 cm d
’une articulation [4,6]. Cliniquement, la symptomatologie est fruste ; le synovialosarcome se présente le plus souvent comme une masse molle augmentant lentement de volume malgré sa haute malignité, simulant souvent un processus bénin, et devenant progressivement douloureuse [2] ; c
’était le cas chez notre patiente. Les signes de compression vascu- lonerveuse sont plus rares.
Fig. 1 Radiographie (profil) du pied droit montre une masse des parties molles plantaires avec déminéralisation osseuse diffuse
Fig. 2 IRM en T2 montre une masse de la plante du pied en hyper- signal T2 hétérogène qui s’infiltre en intermétatarsien avec lyse corticale
Fig. 3 IRM du pied droit en séquence sagittale T1+ gadolinium : tumeur des parties molles de la plante du pied à limites assez nettes rehaussée par le gadolinium
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La radiographie standard montre une masse des parties molles de densité hydrique, avec des calcifications en son sein dans 35 % des cas. Dans 20 % des cas, l
’os adjacent est atteint, soit sous forme d
’une réponse à la pression avec ostéosclérose, soit sous forme d
’un envahissement osseux avec ostéolyse et érosions corticales dans 20 % des cas [5].
Notre patiente avait une déminéralisation osseuse diffuse sur la radiographie standard.
L
’aspect en échographie est variable pouvant aller d
’une masse hypoéchogène hétérogène assez bien limitée à une masse à large composante anéchogène. L
’aspect échogra- phique peut être trompeur évoquant à tort un kyste ou un hématome et ralentissant ainsi la prise en charge thérapeu- tique [3,6].
L
’IRM représente le meilleur moyen d
’imagerie pour le bilan d
’extension neurovasculaire, osseux, ainsi qu
’au sein des tissus mous [1]. En IRM, l
’aspect du synovialosarcome n
’est pas spécifique mais le diagnostic est évoqué devant une masse des parties molles, bien limitée dans 91 %, qui adhère à un tendon ou à une capsule articulaire [5,6]. La forme est habituellement ronde ou multiloculée [4,7], entourée d
’une pseudocapsule simulant un processus bénin. Le signal de la masse est proche de celui du muscle en T1 et hétérogène en T2. Les synovialosarcomes de petite taille ont généralement un signal homogène évoquant à tort une lésion bénigne ; la présence de lobulations ou de cloisons est un élément évoca- teur du diagnostic, la prise de contraste est non spécifique [8].
Les autres signes évocateurs du diagnostic sont : la présence d
’une composante hémorragique (40 %) des cas, des niveaux liquide-liquide (10 à 25 % des cas) et l
’existence de trois intensités de signal en T2 avec saturation du signal de la graisse (sang, liquide, fibrose ou calcifications) [5,9]. Notre patiente avait des niveaux liquide-liquide, une lyse osseuse par contiguïté et des zones de triple signal. Le seul intérêt du scanner est de mieux détecter les calcifications tumorales, le plus souvent périphérique, présentes dans 30 % des cas et évocatrices du diagnostic ainsi que l
’atteinte osseuse par extension locale sous forme d
’érosion ou d
’ostéocondensa- tion [10]. Enfin, la TDM permet de rechercher les localisa- tions secondaires [11,12]. Par ordre décroissant, il s
’agit de métastases pulmonaires, cutanées, hépatiques, osseuses et cérébrales [13].
Histologiquement, il existe quatre sous-types morpholo- giques de synovialosarcome : la forme monophasique à cel- lules fusiformes, monophasiques à cellules épithéliales, biphasiques et peu différenciée à cellules rondes [8,10].
Parmi ces formes, la forme monophasique à cellules fusifor- mes est la plus fréquente suivie de la forme biphasique qui comme la forme monophasique à cellules épithéliales, comporte une composante épithéliale représentée essentiel- lement par des éléments glandulaires. La forme peu différen- ciée est plus rare (20 %) constituée par des cellules rondes très monomorphes ou à tendance fusiforme.
L
’immunohistochimie met en évidence un marquage pré- férentiel par la cytokératine et la vimentine et, dans les cas difficiles, une étude cytogénétique objective la translocation spécifique du synovialosarcome t (X ; 18) (p 11.2 ; q 11.2).
Cette translocation est secondaire à la production par la tumeur d
’une transcriptase polymérase reverse [12].
Le traitement du synovialosarcome est fondé sur une résection chirurgicale large passant à distance de la lésion, associée à un traitement adjuvant avec une radiothérapie locale [8,12]. Une marge de résection de 5 cm est recom- mandée et semble représenter le facteur de pronostic le plus significatif dans la prévention des récidives locales [8,9].
La radiothérapie est indiquée en cas d
’exérèse incomplète ou des récidives locales et permet d
’éviter une amputation [8]. Le rôle de la chimiothérapie reste controversé [13].
Le pronostic des synovialosarcomes est mauvais, dominé par les récidives locales et surtout les métastases précoces dans 50 % des cas, notamment pulmonaires, mais également gan- glionnaires et osseuses [13,14]. Le taux de survie à 5 ans est de 50 à 65 % et de 20 à 50 % à 10 ans. Le grade histologique est le facteur pronostique le plus significatif statistiquement pour le risque métastatique et l
’évolution avec une diminution signi- ficative du taux de survie à 5 ans, de 80 % à 50 % pour les tumeurs de grade III ou de haut grade [15,16] ; les autres élé- ments de mauvais pronostic sont : l
’âge supérieur à 25 ans, la taille supérieure à 5 cm, la localisation proximale, l
’invasion de l
’os et des éléments vasculonerveux, le caractère peu diffé- rencié à l
’examen histologique, la chirurgie incomplète et la récidive locale [11,17]. Par contre, le caractère mono ou bipha- sique ne semble pas être un facteur pronostique [15].
Conclusion
Le synovialosarcome est tumeur des parties molles très agressive et à haut risque métastatique. C
’est une tumeur trompeuse par certains de ses aspects cliniques et morpho- logiques qui peuvent orienter vers la bénignité [2]. L
’IRM, bien que non spécifique, est indispensable pour orienter le diagnostic, dégager des critères pronostiques et pour assurer le suivi post-thérapeutique. Le traitement est essentiellement chirurgical associé à une chimiothérapie ou à une radiothé- rapie lorsque l
’exérèse est incomplète [18]. Le pronostic est mauvais avec une survie globale à 5 ans de 55 %.
Liens d’intérêts :
S. Salam, F.Z. Elatiqi, B. Yousri et S. Zamiati déclarent ne pas avoir de liens d
’intérêts.
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