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La collecte du bois de feu au Paléolithique

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Academic year: 2021

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Environnement, Sociétés, Espaces

Le bois dans tous ses états

La collecte du bois de feu au Paléolithique

Isabelle Théry-Parisot (UMR 6130 - CEPAM, Valbonne)

Le bois de feu est un élément essentiel dans le quotidien des sociétés préhistoriques. Pourtant, les modalités d'acquisition et de gestion du combustible « bois », au Paléolithique, sont mal connues. Plus que des résultats d'analyse, nous proposons une réflexion sur c e t aspect de l'économ ie des groupes du Paléolithique moyen et supérieur d'Europe occidentale.

Il est couram m ent admis que la collecte du bois de feu, au Paléolithique, repose essentiellement sur des critères de propriétés combustibles des espèces botaniques. Notre première remarque porte sur le c o n c e p t d 'e sp è ce . Com m e le souligne Lévi-Strauss, ce c o n ce p t doit être utilisé avec précaution car la classification des essences par les préhistoriques faisaient très certainement référence à des usages spécifiques du bois. Par exemple il est possible que deux essences botaniques distinctes aient la m êm e « dénom ination » parce qu'elles servent indistinctement pour le même usage. Les exemples ethnographiques illustrent parfaitem ent ce propos. Les exemples ethnographiques montrent égalem ent la parfaite subjectivité des groupes lorsqu'ils opèrent des choix. Les propriétés combustibles d'une essence ne sont pas toujours le facteur qui déterm ine son utilisation préférentielle. Il serait ainsi spécieux de mettre systématiquement en avant que telle ou telle essence identifiée dans un site Paléolithique a fait l'objet d'un choix en raison de l'idée actuelle que l'on se fait d'un bon combustible. Par ailleurs, la notion de bon combustible doit obligatoirem ent prendre en co m p te la fonction du foyer. Il n'existe pas, en effet, un bon combustible mais une palette d'essences appropriées à des usages spécifiques du foyer.

En théorie, chaque essence, de part ses propriétés, est a d a p té e à une ou plusieurs fonctions du fo ye r paléolithique. Mais, les propriétés combustibles d'une essence ne reposent pas uniquement sur le facteur « espèce » mais égalem ent sur d'autres facteurs qui sont au moins aussi déterminants. Il s'agit de la m orphologie de la bûche, de son taux d'humidité et de son état sanitaire. Ce constat a plusieurs conséquences. D'une part, n'importe lequel de ces facteurs a pu déterminer le choix du bois de feu au Paléolithique. Il est effectivem ent possible de répondre à tous les usages d'un foyer en jouant habilem ent sur la morphologie, létaux d'humidité et l'état du bois en négligeant totalem ent la notion d'espèce. D'autre part, il n'est possible de retenir le facteur « espèce » com m e facteur déterminant qu'à taux d'humidité, é ta t sanitaire et m orphologie équivalents, ce qui implique l'a b a tta g e de bois sain, sur pied puis une période d e séchage.

Ainsi, le choix du bois de feu, au Paléolithique, ne résultait pas nécessairement d'une équation simple entre les propriétés des espèces (sous leur dénomination actuelle) et les fonctions des foyers. Deux m odes de gestion des boisements peuvent être envisagés : gestion du bois sur pied puis stockage du bois, d 'a p rè s les propriétés des espèces ou collecte du bois mort et flotté avec un soin porté à la m orphologie et à l'état physiologique et phénologique du bois. Le choix entre l'une ou l'autre de ces pratiques d e va it être conditionné par plusieurs paramètres parmi lesquels la spécificité de chaque groupe du Paléolithique en termes de moyens, de modes de vie et de milieu était certainement déterminante.

L'outillage lithique ne semble avoir été une « contrainte » pour ia collecte du bois sur pied. Les différents faciès du Moustérien com m e du Paléolithique supérieur offrent tous les outils susceptibles d 'a voir permis l'a b a tta g e du bois sur pied, san s restriction de forme ni de taille. En revanche, l'a b a tta g e du bois a pu être une pratique limitée par les contraintes de séchage. Il faut effectivem ent entre 4 et 30 mois pour sécher du bois fraîchement abattu. Cette durée peut être perçue com m e une contrainte pour un groupe non sédentaire. Toutefois, on peut poser l'hypothèse d'une réelle anticipation et d'un stockage prévisionnel du bois entre deux occupations d'un même site. La question ne réside donc pas tant dans ia possibilité d 'e ffe c tu e r des stocks mais dans l'utilité de le faire sachant qu'il existe, dans un boisement, du bois mort et du bois flotté qui présentent les conditions d'hum idité requises sans stockage et qui plus est, est facile à collecter.

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Environnement, Sociétés, Espaces

Les modalités d'acquisition e t de gestion du bois de feu ont pu être « déterminées » par la fonction des sites paléolithiques : colle cte opportuniste de bois mort dans les sites spécialisés occupés ponctuellem ent par des petits groupes et gestion du bois sur pied avec stockage prévisionnel dans les sites d'habitats. C ette hypothèse se vérifie dans certains sites, com m e à la C om bette (Moustérien), halte de chasse, où la c o lle c te du bois mort est attestée.

La biomasse disponible, qui a beauco up varié au cours du Paléolithique, a pu égalem ent avoir une incidence sur les pratiques de ia collecte. Certains auteurs pensent, par exemple, que plus la biomasse était faible, moins la collecte était sélective mais les nombreuses études anthracologiques de sites paléolithiques ne le dém ontrent pas. Par ailleurs, l'utilisation d'autres combustibles que le bois est souvent corrélée avec une pénurie de bois. Or, des études récentes ont montré que ce tte relation entre une faible biomasse et l'utilisation d'os ou de lignite, par exemple, n'était pas systématique et qu'il existe dans certains sites une gestion différenciée des combustibles, sans rapport avec des contraintes de type environnementales.

À travers la collecte du bois de feu s'exprime la spécificité du Paléolithique en termes de moyens, d e milieux e t de besoins. Avant toute chose la collecte du bois répond certainem ent à des besoins spécifiques à chaque groupe humain. Il paraît alors vain de construire un m odèle qui serait généralisable à l'ensem ble des sites du Paléolithique : parce que le Paléolithique n'est pas un continuum technique ni culturel ; parce que l'environnement lui même a subi de nombreuses modifications structurales, en termes de végétation ; p a rc e que chaque site présente sa propre spécificité et chaque groupe sa propre identité.

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Environnement, Sociétés, Espaces

Discussion

Quelques questions portèrent sur la part m éthodologique de l'étude, notam m ent relative à la longue période chronologique et culturelle couverte (M.-C, Marinval) et la mise en oeuvre de nombreuses expérimentations (d'ailleurs développées dans la partie m éthodologique du d o cto ra t d'I. Théry). Ce dernier aspect fut abordé à l'occasion d'un échange général sur la question de l'usage de l'os com m e com bustible (l'os frais est-il un bon combustible ? quels sont les avantages de c e tte matière ? A. Bridault). D'autres questions concernèrent la matière première ligneuse : l'humidité est-elle un facteur contraignant (A. Bridault) ? A-t-on une idée de la grosseur des bois utilisés com m e combustible (A. Billamboz) ? Usage du bois mort, sec, flotté, du lignite ; exemples de décortication annulaire (M.-C. Marinval, H. Guiot). Le choix du com bustible fut donc, à l'instar de l'intervention, mis en rapport avec la spécificité des sites et les modalités de la co lle c te : type de com bustible en fonction d'une activité précise (discussion générale) ; quelle spécificité pour le foyer d'os de l'Abri Pataud (S. Thiébault) et pour les sites du Bassin parisien qui ne révèlent aucun outil présentant des traces d'usage du bois (C. Karlin) ?

Enfin, l'accent fut mis sur une caractéristique de la dém arche d'I. Théry : la prise de recul par rapport à notre grille de lecture culturelle (C. Karlin); ce qui donna l'occasion de revenir à plusieurs reprises sur l'usage d'informations issues du dom aine ethnographique. Selon les cultures, il y a effectivem ent des actes plus ou moins « autorisés » vis-à-vis de l'environnement et, au-delà de ce que l'on peut retrouver, existe la variété des com portem ents fa ce à c e t environnement (choix de bois mort pour respecter l'environnement, partage des tâches selon les sexes, problèm e de transport et de distance) : tout d é p e n d de la relation de l'humain à son milieu (C. Karlin).

Références

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