• Aucun résultat trouvé

Les connaissances morphologiques : une stratégie pour la lecture de l'adulte dyslexique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Les connaissances morphologiques : une stratégie pour la lecture de l'adulte dyslexique"

Copied!
71
0
0

Texte intégral

(1)

Master

Reference

Les connaissances morphologiques : une stratégie pour la lecture de l'adulte dyslexique

MAZURANIC LE FORT, Aurélie

Abstract

Un pourcentage important de la population suisse présente des difficultés pour lire et comprendre un texte. Or, la maîtrise de la lecture est nécessaire à une bonne intégration sociale et professionnelle. Nous savons que les difficultés des enfants dyslexiques en lecture et dans les habiletés reliées à la lecture persistent à l'âge adulte (Bruck, 1990, 1992).

Toutefois, certains adultes diagnostiqués dyslexiques dans l'enfance sont parvenus à poursuivre des études universitaires, en dépit de leurs difficultés en lecture (Hatcher, Snowling & Griffiths, 2002). L'objectif de ce mémoire est de comprendre la manière dont ces adultes dyslexiques lisent et de repérer les potentielles ressources de leur lecture. Pour comprendre les mécanismes en jeu dans la lecture dyslexique, il est intéressant de comparer les performances d'adultes dyslexiques à celles de participants ayant le même niveau de lecture, soit un groupe d'enfants normo-lecteurs. Nous avons sélectionné deux groupes de participants, appariés en âge de lecture, qui ont effectué des tâches hautement prédictives des compétences en lecture [...]

MAZURANIC LE FORT, Aurélie. Les connaissances morphologiques : une stratégie pour la lecture de l'adulte dyslexique. Master : Univ. Genève, 2009

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:2715

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

Section de Psychologie

Mémoire de Maîtrise universitaire en logopédie

Les connaissances morphologiques : une stratégie pour la lecture de l’adulte dyslexique

Aurélie Mazuranic Le Fort

Directrice de mémoire : Pr. Pascale Colé Jurés : Pr. Pascal Zesiger et Jennifer Martin

Août 2009

(3)

1 Résumé

Un pourcentage important de la population suisse présente des difficultés pour lire et comprendre un texte. Or, la maîtrise de la lecture est nécessaire à une bonne intégration sociale et professionnelle. Nous savons que les difficultés des enfants dyslexiques en lecture et dans les habiletés reliées à la lecture persistent à l’âge adulte (Bruck, 1990, 1992).

Toutefois, certains adultes diagnostiqués dyslexiques dans l’enfance sont parvenus à poursuivre des études universitaires, en dépit de leurs difficultés en lecture (Hatcher, Snowling & Griffiths, 2002). L’objectif de ce mémoire est de comprendre la manière dont ces adultes dyslexiques lisent et de repérer les potentielles ressources de leur lecture.

Pour comprendre les mécanismes en jeu dans la lecture dyslexique, il est intéressant de comparer les performances d’adultes dyslexiques à celles de participants ayant le même niveau de lecture, soit un groupe d’enfants normo-lecteurs. Nous avons sélectionné deux groupes de participants, appariés en âge de lecture, qui ont effectué des tâches hautement prédictives des compétences en lecture (tâches d’habiletés métaphonologiques, d’accès aux représentations phonologiques et de lecture à haute voix), afin de déterminer si les performances observées chez les adultes dyslexiques correspondent ou non à ce que l’on pourrait attendre de leur âge lexique, ainsi que différentes tâches de traitement et de conscience morphologique, afin de vérifier si ces adultes dyslexiques développent des habiletés du traitement morphologique des mots.

Les résultats de notre recherche indiquent que les adultes dyslexiques présentent un retard dans certaines habiletés métaphonologiques, excepté en mémoire à court terme phonologique, où ils sont déficitaires. Sur le plan morphologique, les adultes dyslexiques ne présentent pas de traitement morphologique dans les tâches impliquant la lecture, alors que dans des tâches impliquant la conscience morphologique, ils ont de meilleures performances que les enfants normo-lecteurs. Une discussion de l’ensemble de ces résultats en rapport à la théorie est proposée à la fin du mémoire.

Mots clé : adultes dyslexiques, habiletés métaphonologiques, conscience morphologique, traitement morphologique.

(4)

2 Table des matières

1 Résumé 2

2 Table des matières 3

3 Introduction 6

4 Cadre théorique 7

4.1 Lecture experte et dyslexie 7

4.1.1 Développement de la lecture et la lecture chez l’adulte normo-lecteur 7

4.1.2 Définition de la dyslexie 9

4.1.3 La lecture chez l’adulte dyslexique : les déficits métaphonologiques 10 4.1.4 Les déficits en mémoire à court terme phonologique 12 4.1.5 Les déficits dans l’accès aux représentations phonologique 12 4.1.6 Les déficits des procédures de lecture 13

4.2 Morphologie et dyslexie 13

4.2.1 Qu’est-ce que la morphologie ? 13

4.2.2 Les modèles morphologiques 14

4.2.3 Traitement morphologique chez le normo-lecteur 15 4.2.4 Traitement morphologique chez le dyslexique 16 4.2.5 Conscience morphologique chez le normo-lecteur 17 4.2.6 Conscience morphologique chez le dyslexique 18

4.3 Question de recherche et objectifs 19

5 Partie expérimentale 20

5.1 Participants 20

5.2 Epreuves 22

5.3 Habiletés métaphonologiques 22

5.3.1 Suppression de la 1ère syllabe 22

5.3.2 Suppression du 1er phonème 22

5.3.3 Mémoire à court terme phonologique 233

5.4 Accès aux représentations phonologiques 23

5.5 Habiletés en décodage 23

5.6 Conscience morphologique 24

5.6.1 Décision de suffixation 24

5.6.2 Intrus préfixé 255

5.6.3 Intrus suffixé 25

5.7 Traitement morphologique 26

(5)

5.7.1 Induction de set 266

5.7.2 Fréquence cumulée 27

6 Procédure 27

7 Apparatus 28

8 Résultats 28

8.1 Habiletés métaphonologiques 28

8.1.1 Suppression du 1er phonème et de la 1ère syllabe 28

8.1.2 Mémoire à court terme phonologique 29

8.2 Accès aux représentations phonologiques 30

8.3 Habiletés en décodage 30

8.4 Conscience morphologique 31

8.4.1 Décision de suffixation 31

8.4.2 Intrus préfixé 32

8.4.3 Intrus suffixé 322

8.5 Traitement morphologique 32

8.5.1 Induction de set 32

8.5.2 Fréquence cumulée 344

9 Discussion 35

9.1 Habiletés métaphonologiques 35

9.2 Accès aux représentations phonologiques 37

9.3 Habiletés en décodage 38

9.4 Conscience morphologique 39

9.5 Traitement morphologique 39

10 Bibliographie 43

Annexe I: Suppression de la 1ère syllabe 47

Annexe II : Suppression du 1er phonème : condition CVC 48 Annexe III : Suppression du 1er phonème : condition CCV 49

Annexe IV : Mémoire à court terme phonologique 50

Annexe V : Accès aux représentations phonologiques 51

Annexe VI : Lecture à haute voix de pseudo-mots 52

Annexe VII : Décision de suffixation 53

Annexe VIII : Intrus préfixé 54

Annexe IX : Intrus suffixé 55

Annexe X : Induction de set 56

(6)

Annexe XI : Fréquence cumulée 59

Annexe XII : Questionnaire 61

(7)

3 Introduction

Aujourd’hui, la communication écrite est massivement présente dans notre quotidien et la compétence à déchiffrer, interpréter et utiliser efficacement l’écrit est indispensable. Les difficultés en lecture et en écriture constituent un handicap personnel et social majeur. Des enquêtes épidémiologiques indiquent qu’environ 5% des enfants manifestent une dyslexie (Yule, Rutter, Berger & Thompson, 1974). La dyslexie développementale se définit comme un trouble persistant de l’apprentissage de la lecture en dépit d’un enseignement conventionnel, d’une intelligence suffisante et de conditions socio-culturelles satisfaisantes (Sprenger-Charolles & Colé, 2003). Nous savons que les difficultés en lecture et les habiletés reliées à la lecture des enfants dyslexiques persistent à l’âge adulte (Bruck, 1990, 1992;

Vellutino, Fletcher, Snowling & Scanlon, 2004). Relevons également qu’en Suisse, environ 800'000 adultes (16% des 16 à 65 ans) se trouvent dans une situation d’handicap personnel, social et économique majeur, ne pouvant pas lire et comprendre un texte simple, selon la publication du rapport national sur les compétences de bases des adultes (OFS1, juillet 2006).

Il est donc nécessaire de mettre en place un programme de remédiation ciblé et adapté aux besoins de ceux qui vivent de telles difficultés face à la lecture, et ce dès le plus jeune âge.

Sachant que certains adultes diagnostiqués dyslexiques dans l’enfance sont parvenus à poursuivre des études universitaires, en dépit de leurs difficultés en lecture, l’objectif de notre mémoire est de comprendre comment ces adultes ont réussi à concilier leurs études universitaires avec leurs difficultés de lecture (Hatcher et al., 2002). Pour cela, nous avons comparé un groupe d’adultes dyslexiques avec un groupe d’enfants normo-lecteurs, apparié en âge de lecture, sur des épreuves de procédure de lecture et d’habiletés reliées à la lecture.

Ces deux groupes de participants ont effectué des tâches d’habiletés métaphonologiques et d’accès aux représentations phonologiques, aptitudes fortement prédictives des compétences en lecture et en particulier du décodage, des tâches de lecture à haute voix, ainsi que des tâches impliquant un traitement et une conscience morphologique. Les stratégies de lecture des adultes dyslexiques vont permettre d’identifier leurs habiletés en lecture, qui pourraient, par la suite, servir de base dans la création de nouveaux programmes de remédiation ciblés pour les personnes dyslexiques.

1 Office Fédéral de la Statistique

(8)

4 Cadre théorique

4.1 Lecture experte et dyslexie

4.1.1 Développement de la lecture et la lecture chez l’adulte normo-lecteur La finalité de la lecture consiste à comprendre ce qui est lu. Lire signifie reconnaître les mots écrits et comprendre les phrases dont les mots sont constitutifs (Hoover & Gough, 1990). L’identification des mots écrits est le résultat de l’activation de trois codes : un code orthographique, correspondant à l’identité des lettres et à leur combinaison composant les mots ; un code phonologique, stockant l’identité, la combinaison et l’organisation des phonèmes des mots et un code sémantique, caractérisé par les connaissances conceptuelles nécessaires à la compréhension des mots (Ferrand & Grainger, 1993). On parle de lecture experte lorsque l’identification des mots écrits est quasi-réflexe. La recherche de Guttentag et Haith (1978) illustre parfaitement cette idée d’identification des mots écrits quasi-réflexe. Ils ont prouvé qu’il est impossible d’inhiber la lecture d’un mot dans un dessin. Ces auteurs ont présenté à des enfants et des adultes, des images d’animaux, de meubles et de moyens de transports dans lesquelles était écrit un mot. Les participants devaient dénommer le plus rapidement possible le nom du dessin en faisant abstraction du mot écrit à l’intérieur. Les résultats de cette étude mettent en évidence un temps de réponse notablement affecté par la relation mot-image pour les trois groupes de participants. Ils ont donc pu conclure que l’identification des mots écrits à l’intérieur des dessins se déroule de manière quasi-réflexe ou automatique, en dehors de tout contrôle attentionnel.

La compréhension d’un texte s’effectue sans effort cognitif apparent chez le lecteur expert, parce qu’elle s’appuie sur des mécanismes très rapides et indépendants du contexte, qui lui permettent d’identifier en moyenne cinq mots écrits par seconde (Seidenberg &

McClelland, 1989). Au début, l’identification des mots écrits de l’apprenti lecteur est dépendante du contexte. Mais avec un niveau d’expertise croissant dans l’identification de mots écrits, le recours au contexte diminue sensiblement (Sprenger-Charolles & Colé, 2003).

C’est donc l’efficacité des procédures d’identification des mots écrits largement indépendantes du contexte qui différencie ce lecteur du débutant, de celui qui a des difficultés de lecture, comme l’a montré l’étude de Perfetti, Goldman et Hogaboam, (1979) avec une population d’enfants de 5P. Quant à l’adulte, Forster (1981) a démontré qu’il n’y a pas

(9)

d’influence du contexte sur l’identification des mots écrits dans les situations habituelles de la lecture. En effet, les résultats de son étude ont mis en évidence un effet de disparition de contexte lorsque les mots cibles sont congruents avec le contexte et non prédictibles à partir de celui-ci, ce qui constitue le cas de figure majoritaire en situation de lecture habituelle. Les habiletés de décodage des lecteurs experts leur suffisent donc pour lire les mots sans être assistés par des informations contextuelles.

Dans un système alphabétique comme celui qu’utilise le français écrit, apprendre à lire consiste à développer une identification des mots écrits automatique, en développant deux procédures de lecture. Premièrement, le lecteur peut utiliser une procédure dite sublexicale, consistant à traduire les lettres en sons. Cette procédure d’assemblage est appelée la médiation phonologique. Cette voie sublexicale permet de lire les nouveaux mots, ainsi que les mots réguliers. Mais elle conduit toutefois à produire des erreurs de régularisation sur les items qui ont des correspondances grapho-phonémiques irrégulières. C’est pourquoi il existe une autre procédure dite lexicale (ou d’adressage), qui s’appuie sur les informations issues du traitement visuel du stimulus pour obtenir directement une représentation mentale stockée dans le lexique orthographique (Sprenger-Charolles, Colé, Béchennec & Piquard- Kipffer, 2005). Au départ, l’apprenti-lecteur s’appuie principalement sur la voie sublexicale, mais cette dernière sera progressivement remplacée, au moins partiellement, par la procédure lexicale qui permet un accès plus direct aux mots (Leybaert & Content, 1995).

Ces procédures sublexicale et lexicale sont décrites dans un des principaux modèles influents de l’identification des mots écrits : le modèle à double voie (voir Coltheart, 1978).

L’architecture de ce modèle permet d’identifier les différentes étapes de procédure de lecture par lesquelles le lecteur passe en fonction des mots lus. Ce modèle à double voie préconise deux procédures de lecture différentes en fonction du type de mots présenté : une voie phonologique pour les mots réguliers et les pseudo-mots, exigeant une procédure d’apprentissage des règles grapho-phonologiques, et une voie orthographique pour les mots irréguliers, représentant un accès sémantique direct. Les représentations symboliques de ces mots sont stockées dans des secteurs particuliers de la mémoire.

Pour développer les deux procédures de lecture, préconisées par le modèle à double voie, l’enfant doit d’abord comprendre le principe alphabétique, à savoir que les phonèmes sont représentés par des graphèmes et vice versa. Certaines orthographes sont plus faciles à maîtriser que d’autres, il faut distinguer les orthographes ″transparentes″, dont les

(10)

correspondances entre phonèmes et graphèmes sont régulières, des orthographes plus

″opaques″, comme c’est le cas du français (Jaffré, 2005). Au fur et à mesure que ces correspondances phonèmes-graphèmes sont maîtrisées, on s’attend à ce que l’élève puisse décoder des chaînes de lettres de plus en plus difficiles et qu’il puisse le faire de plus en plus rapidement, de manière automatique (Cormier, Desrochers & Sénéchal, 2006). Mais l’opacité du système orthographique va conditionner l’acquisition ultérieure de la lecture.

L’acquisition de l’identification des mots et du décodage va apparaître de manière plus lente pour les langues à orthographe opaque, comme le français (Seymour, Aro & Erskine, 2003).

Les capacités métaphonémiques, définies par la capacité d’identifier les sons composant les mots parlés de manière consciente et de les manipuler intentionnellement, jouent un rôle important dans l’acquisition de la lecture, car l’apprenti lecteur doit prendre conscience qu’un mot parlé est composé d’unités élémentaires qui sont les phonèmes pour comprendre le principe alphabétique (Ehri, Nunes, Willows, Schuster, Yaghoug Zadeh et Shanahan, 2001). Il doit apprendre les associations graphèmes-phonèmes et doit pouvoir lire les mots en convertissant les graphèmes en phonèmes, selon la médiation phonologique. La médiation phonologique correspond à un socle pour la mise en place de la voie orthographique. L’étude de Share (1999) a montré que le traitement phonologique est une condition nécessaire pour le traitement orthographique. Il a démontré que si on minimise les conditions du traitement phonologique, en réduisant l’exposition des pseudo-mots écrits, on assiste à une réduction de l’apprentissage orthographique. Ziegler et Goswami (2005) confirment ces résultats en indiquant que le développement de la lecture dépend de la conscience phonologique. Ils relèvent que de bonnes habiletés en conscience phonologique caractérisent les bons lecteurs, alors que les moins bons lecteurs ont de faibles habiletés en conscience phonologique. Comme le soulignent Sprenger-Charolles & Colé (2003), l’identification de nouveaux mots écrits par la procédure phonologique permet de créer, via le lexique oral, une représentation orthographique qui sera peu à peu mémorisée, ce qui amènera à une reconnaissance plus directe des mots écrits.

4.1.2 Définition de la dyslexie

Une définition fréquemment adoptée pour la dyslexie est celle de la Fédération mondiale de la neurologie, qui indique que la dyslexie est un trouble durable et persistant d’acquisition de la lecture en dépit de capacités intellectuelles normales, d’un milieu socio- culturel normalement stimulant et d’une scolarisation adéquate (Critchley, 1974). ″Elle

(11)

dépend de déficits cognitifs fondamentaux probablement d’origine constitutionnelle″

(Sprenger-Charolles & Colé, 2003, p. 131). Elle est d’ailleurs souvent une cause d’échec scolaire (Crahay, 2007). Pour poser un diagnostic de dyslexie, deux ans de retard en lecture est le critère le plus souvent retenu. Mais un autre critère peut également être utilisé, il s’agit de l’écart par rapport à la moyenne des performances qui se situent à plus d’1,65 écarts-types de la norme, ce qui correspond aux 5% les plus faibles (Sprenger-Charolles & Colé, 2003).

L’importance pour diagnostiquer une dyslexie est de bénéficier de tests et de normes valides.

Actuellement, le test le plus utilisé dans les pays francophones reste l’Alouette (Lefavrais, 1967), texte de 265 mots que les participants doivent lire à haute voix le plus normalement possible, malgré le fait que ce texte soit dépourvu sens. Le niveau de lecture est calculé en tenant compte de la rapidité et de la précision de l’identification des mots écrits, puis il est transformé en âge lexique (de 6 à 14 ans) que l’on peut ensuite comparer à l’âge chronologique.

Plusieurs études ont démontré que les difficultés de lecture chez les enfants dyslexiques persistaient à l’âge adulte (Bruck, 1990, 1992 ; Vellutino et al., 2004 ; Hatcher et al., 2002). En effet, les adultes dyslexiques ont beaucoup de difficultés à s’affranchir du contexte, car leur identification des mots écrits est peu efficace et ils vont s’appuyer sur le contexte pour deviner et comprendre les mots lus (Bruck, 1990). En effet, ils utilisent massivement le contexte en lecture, car les traitements impliqués dans l’identification des mots écrits sont exécutés de façon très lente et ont besoin d’être assistés par des informations contextuelles (Forster, 1981). Billard, Fluss, Ducot, Warszawski, Ecalle, Magnan, et al.

(2008) ont mené une étude sur les facteurs liés aux difficultés d’apprentissage de la lecture.

L’influence prédominante des aptitudes phonologiques dans l’identification des mots écrits a été reconnue de façon consensuelle. Ces aptitudes phonologiques regroupent la conscience phonologique, la mémoire phonologique à court terme et la dénomination rapide ; elles sont fortement prédictives des compétences en lecture.

4.1.3 La lecture chez l’adulte dyslexique : les déficits métaphonologiques Les capacités métaphonologiques sont définies par la capacité à identifier les unités orales (phonologiques) qui composent les mots parlés et de les manipuler intentionnellement (Gombert & Colé, 2000). Ces capacités métaphonologiques permettent de comprendre le principe alphabétique, puis les correspondances phonèmes-graphèmes, qui est la condition pour utiliser la procédure phonologique, puis par la suite la procédure orthographique. Les

(12)

capacités métaphonologiques font partie des meilleurs prédicteurs longitudinaux de la réussite ultérieure en lecture (Ehri et al., 2001). Pennington, van Orden, Smith, Green &

Haith (1990) ont mené quatre expériences avec des adultes dyslexiques pour tenter d’identifier le principal processus déficitaire dans le développement de la dyslexie. Ils ont démontré que les problèmes dans la conscience phonologique jouaient un rôle spécifique dans le développement de la dyslexie.

Bruck (1992) a relevé des déficits dans la conscience phonologique chez des enfants de 8 à 16 ans qui persistent à l’âge adulte. En effet, les dyslexiques ne parviennent pas à acquérir un niveau de conscience phonologique adéquat par rapport à leur âge. Le déficit d’identification de mots écrits chez les dyslexiques est associé à une correspondance inadéquate entre les graphèmes et les phonèmes. Les résultats de cette étude montrent que les adultes dyslexiques obtiennent de moins bonnes performances, dans des tâches de conscience phonologique, qu’un groupe contrôle d’enfants appariés en âge de lecture. L’étude de Hatcher et al. (2002) a également relevé la persistance, à l’âge adulte, des déficits métaphonologiques qui caractérisent la dyslexie. Ces auteurs ont comparé les habiletés métaphonologiques d’étudiants dyslexiques à un groupe d’étudiants non dyslexiques de même âge chronologique. Les résultats de leur expérience mettent en évidence des différences significatives entre les deux groupes dans des tâches métaphonologiques (tâche de manipulation de phonèmes), en défaveur des dyslexiques qui mettent plus de temps et font plus d’erreurs que le groupe contrôle appariés en âge chronologique. Les problèmes de littéracie des étudiants dyslexiques seraient donc associés avec les déficits dans l’analyse phonologique et les habiletés métaphonologiques.

Vellutino et al., (2004) relèvent que les déficits des habiletés phonologiques, sont la cause probable de la dyslexie, plus qu’un problème visuel, sémantique ou syntaxique. La théorie phonologique postule que les dyslexiques ont un déficit spécifique dans l’identification, la mémorisation et la récupération des sons du langage qui expliquerait les difficultés de lecture des dyslexiques. L’influence prédominante des aptitudes phonologiques dans l’identification des mots écrits a été reconnue de façon consensuelle (Billard et al., 2008).

(13)

4.1.4 Les déficits en mémoire à court terme phonologique

La mémoire à court terme phonologique consiste à retenir une forme phonologique et à pouvoir la manipuler. Pour évaluer la mémoire phonologique à court terme, une tâche souvent utilisée est la répétition de mots ou de logatomes (Sprenger-Charolles et al., 2005).

Pennington et al. (1990) ont relevé de moins bonnes performances chez un groupe d’adultes dyslexiques dans une tâche de répétition de logatomes dans le bon ordre que pour un groupe contrôle en âge lexique (Pennington et al., 1990). Plusieurs auteurs rapportent également que les adultes dyslexiques ont de moins bonnes performances dans les tâches de mémoire à court terme phonologique, notamment en répétition de mots et de logatomes que des adultes normo-lecteurs appariés en âge chronologique (Ramus et al., 2003 et Snowling, Nation, Moxham, Gallagher & Frith, 1997). La tâche de digit span, subtest de mémoire à court terme, tiré de la WAIS-R (Wechsler, 1974), est également moins bien réussie par des adultes dyslexiques que par des adultes normo-lecteurs (Hatcher et al., 2002). Le déficit en mémoire à court terme verbal chez les adultes dyslexiques serait dû, en partie, à un encodage phonologique peu efficient (Pennington et al., 1990). En effet, si les adultes dyslexiques ont des déficits phonologiques, touchant notamment l’identification et la manipulation des sons, la rétention et la manipulation de ceux-ci seront affectées.

4.1.5 Les déficits dans l’accès aux représentations phonologique

Plusieurs études ont montré que les adultes dyslexiques ont également des difficultés à accéder aux formes phonologiques des mots dans le lexique mental (Hatcher et al., 2002 ; Pennington et al., 1990 et Ramus et al., 2003). Hatcher et al. (2002) mettent en évidence des temps de réponses plus lents chez des étudiants dyslexiques comparés à ceux d’un groupe contrôle en âge chronologique dans une tâche de dénomination d’objets. Leurs résultats sont confirmés par ceux de Deacon, Parrila et Kirby, (2006) qui ont mené une étude avec des étudiants universitaires dyslexiques et normo-lecteurs. Les résultats dans une tâche de dénomination rapide (RAN) indiquent que les étudiants dyslexiques mettent plus de temps à dénommer des items que les étudiants normo-lecteurs. Toutefois, comparés à un groupe contrôle en âge lexique, les adultes dyslexiques obtiennent les mêmes performances dans une tâche de dénomination rapide. Cela conduit à penser que l’accès aux représentations phonologiques des mots dans le lexique mental des adultes dyslexiques ne serait pas déficitaire, mais seulement retardé sur le plan développemental (Chiappe, Stringer, Siegel &

Stanovich, 2002).

(14)

4.1.6 Les déficits des procédures de lecture

L’étude de Bruck (1990) a comparé les performances d’étudiants dyslexiques à celles d’enfants normo-lecteurs, appariés en âge lexique, dans une tâche de lecture à haute voix de pseudo-mots. Les résultats mettent en évidence un ralentissement de procédure de lecture chez les dyslexiques, par rapport au groupe contrôle. La lecture des étudiants dyslexiques est lente, caractérisée par des difficultés dans l’identification des mots écrits et une association inadéquate entre les graphèmes et les phonèmes (Bruck, 1990). Le développement de la procédure phonologique, socle de la lecture experte, repose en particulier sur la connaissance des lettres et le développement des capacités métaphonémiques, nécessaires pour comprendre le principe alphabétique. Si les phonèmes sont incorrectement représentés, mémorisés et récupérés, l’apprentissage des correspondances entre les graphèmes et les phonèmes sera affecté (Ramus, Rosen, Dakin, Day, Castellote, White & Frith, 2003). L’étude de Bruck (1992) indique que la médiation phonologique chez les adultes dyslexiques n’est pas mise correctement en place et que leur représentation des phonèmes est dégradée et pas assez précise. Leurs performances à des tâches de conscience phonologique sont semblables à celles d’enfants appariés en âge de lecture (Bruck, 1992). Or, sachant que la médiation phonologique est le socle de la procédure orthographique, la voie orthographique ne va donc pas se construire normalement. De ce fait, les dyslexiques auront des problèmes à mettre en place leur procédure orthographique, nécessaire pour la lecture experte (Share, 1999).

4.2 Morphologie et dyslexie

Les déficits phonologiques qui caractérisent les difficultés de lecture des personnes dyslexiques les contraindraient à développer des stratégies spécifiques pour lire les mots. Ces stratégies pourraient s’appuyer sur des traitements linguistiques bien développés à l’oral (Casalis et al., 2005). La morphologie pourrait devenir un facteur important pour la lecture des étudiants dyslexiques (Reed, 2008). Elbro et Arnbak, (1996) ont proposé l’hypothèse compensatoire morphologique qui prédit que la reconnaissance des morphèmes pourrait être une stratégie compensatoire dans le décodage de mots et la compétence en lecture pour les dyslexiques.

4.2.1 Qu’est-ce que la morphologie ?

La morphologie renvoie à un domaine de la grammaire qui étudie la façon dont les morphèmes se combinent pour former des mots (Colé, Royer, Leuwers & Casalis, 2004). Les

(15)

morphèmes sont les plus petites unités de signification de la langue. On distingue différentes catégories de morphèmes : les racines (″accept-″) et les affixes, morphèmes liés qui ne sont pas des mots et qui peuvent se placer avant la racine (préfixe ″in″ dans l’exemple) ou après la racine (suffixe ″able″ dans l’exemple).

Lorsqu’on parle de morphologie, il est important de distinguer le traitement morphologique (implicite) de la conscience morphologique (explicite). L’objectif de ce mémoire est de se focaliser sur le traitement morphologique chez l’adulte dyslexique. Le traitement morphologique se fait de manière inconsciente. Il s’agit du traitement que la personne fait de la structure morphémique des mots, sans s’en rendre compte, lorsqu’elle identifie des mots écrits. La conscience morphologique est définie par Carlisle (1995) comme la conscience qu’a une personne de la structure morphémique des mots et sa capacité à réfléchir (sur) et à manipuler explicitement cette structure (Colé et al., 2004).

Il existe deux domaines de la morphologie : la morphologie dérivationnelle, dont les affixes modifient la signification du mot, et la morphologie flexionnelle, les suffixes flexionnels étant destinés à marquer le genre, le nombre ou le temps des verbes (Casalis, 2003). En français, certains mots sont mieux caractérisés au niveau morphologique qu’au niveau phonémique. Par exemple, Le mot ″femme″, mot irrégulier sur le plan des conversions grapho-phonémiques, contient la lettre ″e″ pour le phonème /a/ justifié par le lien qu’entretient ce mot avec des mots morphologiquement reliés, tels que ″féminin″, ″féminité″.

Lorsque nous parlerons de morphologie, nous nous intéresserons uniquement à la morphologie dérivationnelle, car les formes dérivationnelles constituent une large proportion des nouveaux mots que les enfants apprennent dans les années d’école primaire. (Nagy &

Anderson, 1984).

4.2.2 Les modèles morphologiques

L’importance de la structure morphologique dans l’organisation du lexique a fait l’objet de plusieurs recherches. Pour ce qui touche à la structure interne des entrées du lexique, les hypothèses proposées prennent place sur un continuum, dont l’hypothèse décompositionnelle (voir Taft & Forster, 1976), et l’hypothèse du listing exhaustif (voir Butterworth, 1983), constituent les deux extrêmes (Marslen-Wilson, 2007). Selon la première hypothèse, les mots complexes seraient encodés dans le lexique sous une forme décomposée avec une représentation séparée pour chaque morphème et des règles de composition

(16)

permettant de les combiner. L’interprétation neurocognitive semblerait opter pour des encodages spécifiques pour chaque mot qui se lieraient en différentes combinaisons dans le cerveau (Marslen-Wilson, 2007). A l’inverse, les modèles de type listing exhaustif postulent que les mots morphologiquement complexes seraient encodés sous une forme unitaire. Les modèles ″hybrides″, à mi-chemin entre ces deux extrêmes, se montrent plus nuancés. Ils supposent une double représentation des mots (décomposée et non-décomposée) et font entrer en jeu différents facteurs tels que le statut lexical (mot/non-mot), la fréquence d’utilisation des mots et des morphèmes, les types de morphème (préfixe/suffixe et inflexionnel/dérivationnel), ou encore la langue (Caramazza, Laudanna & Romani, 1988), ce qui permet d’augmenter les accès au lexique et, de ce fait, les chances de récupérer les mots.

4.2.3 Traitement morphologique chez le normo-lecteur

Les unités morphologiques sont traitées par les adultes normo-lecteurs (Colé, Beauvillain, Pavard, & Segui, 1986 ; Deacon et al., 2002 et Elbro & Arnbak, 1996). Plusieurs travaux ont montré que la structure morphologique des mots contribue à l’identification du mot et à sa compréhension (Elbro & Arnbak, 1996). Par l’utilisation de tâches de décision lexicale, des études ont montré qu’un normo-lecteur décompose les mots complexes en morphèmes, lorsque la structure morphologique du mot complexe est suffisamment saillante (Marslen-Wilson, Tyler, Waksler & Older, 1994). Pour les normo-lecteurs, la structure morphologique des mots facilite l’identification des mots dérivés qui ne présentent pas de changement de la structure orthographique de la base à la forme dérivée (Deacon et al., 2006). Colé et al. (1986) ont mené deux expériences qui prouvent également que les unités morphologiques sont traitées par les adultes normo-lecteurs. Dans leur première expérience, consistant à faire varier la nature de la relation morphologique entre un mot-contexte et un mot-test, partageant ou non les propriétés morphémiques du mot-contexte, les résultats mettent en évidence l’existence d’une différence de traitement du mot-test en fonction des propriétés morphologiques du mot-contexte. Par la suite, les auteurs ont mené une seconde expérience, afin d’examiner la pertinence du rôle de la structure morphologique dans les procédures d’accès au lexique. L’objectif de cette expérience était d’étudier la possibilité d’induire un traitement spécifique d’un mot-test dérivé, par la présentation préalable d’une liste de mots partageant ou pas la même structure morphologique. Les résultats de cette expérience indiquent qu’il est possible d’induire l’attente d’une structure morphologique

(17)

particulière et cela même lorsque les éléments contexte et test ne partagent pas le même affixe.

Les unités morphologiques sont également traitées par les enfants (Colé et al., 2004 ; Marec-Breton, Gombert, & Colé, 2005). L’analyse de la lecture des enfants de première et deuxième année de primaire, en prenant en compte la précision et le temps de la lecture, montre la présence d’effets de la structure morphologique (Marec-Breton et al., 2005). Colé, Marec-Breton, Royer et Gombert, (2003) décrivent une série d’expériences qui montre que dès la première année de primaire, l’apprenti-lecteur utilise ses connaissances sur la structure morphologique des mots pour les lire. Les connaissances morphologiques implicites des enfants seraient suffisamment développées pour être utilisées activement dès les débuts de cet apprentissage. Certaines tâches de traitement morphologique permettent de différencier les niveaux de lecture dès la première année de primaire (Colé et al., 2003). Ainsi, selon les résultats de Colé et al. (2003), les apprentis lecteurs utiliseraient implicitement la structure morphologique des mots pour les lire. Ces auteurs ont constaté que dès la première année de primaire, les items préfixés sont mieux lus et plus rapidement que les items pseudo-préfixés, ce qui suggère que dès le début de l’apprentissage de la lecture, le lecteur tire parti de la structure morphologique des mots qu’il lit. Les résultats de Burani, Marcolini et Stella, (2002) indiquent que dès la troisième année de primaire, les enfants italiens utilisent les informations morphologiques en lecture. En effet, dans des tâches de décision lexicale et de dénomination, les pseudo-mots constitués de racine et de suffixes dérivationnels (ex. ″donn-″

[donna = femme] + ″-ista″) sont nommés plus rapidement et avec moins d’erreurs que les pseudo-mots sans structure morphologique. Les études effectuées sur le rôle de la morphologie dans l’apprentissage de la lecture montrent que dès l’âge de 8-9 ans, ces connaissances sont utilisées dans la lecture (Burani et al., 2002).

4.2.4 Traitement morphologique chez le dyslexique

Les dyslexiques pourraient lire en s’appuyant sur la reconnaissance des unités morphémiques qui composent les mots (Casalis et al., 2005 ; Deacon et al., 2006 et Elbro &

Arnbak, 1996). L’étude de Casalis, Colé et Sopo, (2004) a relevé que toutes les situations dans lesquelles une suite de lettres pouvait être identifiée comme un morphème, étaient facilitatrices pour les dyslexiques, ce qui suggère qu’ils pourraient identifier rapidement les unités morphémiques, et ce, dans les étapes précoces de l’identification de mots écrits.

Deacon et al., (2006) ont mené une étude comparant les performances d’adultes dyslexiques

(18)

de haut niveau et d’adultes normo-lecteurs appariés en âge chronologique dans une tâche de décision lexicale avec des mots et des pseudo-mots dérivés. Leurs résultats indiquent que les temps de réponse du groupe d’adultes normo-lecteurs varient en fonction de la complexité morphologique, alors que les temps de réponse du groupe d’adultes dyslexiques sont inchangés. Ces auteurs mettent donc en évidence l’aspect sémantique de la morphologie qui permettrait aux adultes dyslexiques de haut niveau d’utiliser ces connaissances morphologiques comme une stratégie de lecture. Elbro et Arnbak (1996) ont testé l’hypothèse de l’utilisation de la morphologie chez des adolescents dyslexiques. Ils ont mené deux expériences montrant que les adolescents dyslexiques utilisent la reconnaissance des morphèmes comme une stratégie compensatoire dans la lecture de mots isolés, ainsi que dans des textes cohérents. La première expérience (lecture à haute voix de mots isolés) étudie l’analyse morphologique en tant que stratégie dans le décodage des mots. Leur hypothèse consistait à penser que si la structure morphologique est importante dans le décodage d’un mot, alors les mots à structure transparente devraient être identifiés plus facilement que les mots sans cette structure transparente. Les résultats ont démontré que les adolescents dyslexiques étaient aidés par la transparence morphologique et lisaient les mots morphologiquement transparents mieux et plus rapidement que les mots à structure opaque.

La seconde expérience (lecture à haute voix de textes) consiste en une étude on-line de l’influence de la structure morphologique sur la lecture de textes. Pour rendre le texte visible, le lecteur devait appuyer sur une touche. Plusieurs conditions étaient testées : lettre par lettre, syllabe par syllabe, morphème par morphème, mot par mot et le texte en entier. L’hypothèse prédit que s’il existe une influence positive de la structure morphologique, alors les adolescents dyslexiques devraient lire plus facilement le texte dans la condition morphème par morphème que dans la condition syllabe par syllabe. Les résultats ont confirmé cette hypothèse. En effet, les dyslexiques lisent aussi bien dans la condition morphème par morphème que dans la condition mot par mot et sont relativement mieux aidés par la condition morphème par morphème que le groupe contrôle qui lit mieux dans la condition mot par mot. Les adolescents dyslexiques utilisent donc la structure morphologique du mot comme aide pour identifier les mots écrits.

4.2.5 Conscience morphologique chez le normo-lecteur

Plusieurs études suggèrent un rôle précoce des connaissances morphologiques dans l’acquisition de la lecture, car les représentations morphologiques des mots connus seraient

(19)

fortement liées aux représentations phonologiques apprises précocement et seraient de ce fait activées à chaque fois que les représentations phonologiques correspondantes le sont (Colé et al., 2003). Les jeunes lecteurs ont donc des connaissances de la structure morphologique des mots quand ils lisent et utilisent ces connaissances même dans les tâches dans lesquelles ce n’est pas demandé explicitement (Feldman, Rueckl, DiLiberto, Pastizzo & Vellutino, 2002).

La contribution des connaissances morphologiques à la lecture de mots isolés augmente progressivement jusqu’à l’âge de 11-12 ans (Colé et al., 2004).Les résultats de l’étude de Colé et al. (2004) montrent d’une part que les connaissances morphologiques des apprenti- lecteurs interviendraient d’abord indirectement dans la lecture débutante comme une ″aide lexicale″ à l’identification des mots écrits. Puis, dans un deuxième temps, ces connaissances morphologiques interviendraient de manière explicite dans la lecture, signe d’une expertise dans l’identification des mots écrits (Colé et al., 2004). La conscience morphologique est évaluée par des tâches impliquant la capacité à réfléchir et à manipuler la structure morphémique des mots (Colé et al., 2003). Les tâches utilisées pour évaluer les compétences explicites morphologiques peuvent être des tâches de jugement de relation de mots, de synthèse morphologique, de segmentation morphologique, de production de base ou de dérivé ou encore de production de néologismes dérivés de bases fournies (ex. ″Lampe : une petite lampe est une … ?″). Les facteurs phonologiques ainsi que la transparence sémantique du mot dérivé influencent les performances aux tâches métamorphologiques (Colé et al., 2003). Carlisle (2000) a mis en évidence chez des lecteurs de 3ème et 5ème année élémentaire, une corrélation significative entre la connaissance de la signification des morphèmes composant les mots affixés et leur capacité à identifier et à utiliser leur structure morphologique. La présence d’éléments morphémiques au sein des mots est susceptible d’être prise en compte dès que l’enfant est capable de les identifier, et ce, éventuellement avant même la maîtrise totale de l’utilisation des associations graphèmes-phonèmes (Colé et al., 2003).

4.2.6 Conscience morphologique chez le dyslexique

Plusieurs auteurs ont étudié les connaissances morphologiques chez l’adulte dyslexique. Rubin, Patterson & Kantor (1991) ont relevé des performances dans des épreuves de jugement morphologique d’un groupe d’adultes dyslexiques équivalentes à celles d’un groupe d’enfants de 7 ans. Des études témoignent de compétences en analyse morphologique orale nettement meilleures que ce que ne laissent présager leurs compétences phonologiques

(20)

(Casalis et al., 2004). Bruck (1993) a montré que des adultes dyslexiques avaient de moins bonnes performances que des enfants normo-lecteurs appariés en âge de lecture dans différentes tâches mesurant les habiletés en lecture, excepté pour les tâches impliquant l’épellation de mots morphologiquement complexes, dans lesquelles ils ont des résultats équivalents. Ceci amène à dire que les adultes dyslexiques utilisent les connaissances morphologiques au même titre que des enfants appariés en âge de lecture pour épeler. Deacon et al., (2006) ont exploré le traitement des formes dérivées chez des adultes dyslexiques ayant effectué des études universitaires, dans une tâche de décision lexicale. Leurs résultats indiquent que les adultes dyslexiques ne montrent pas de sensibilité à la morphologie dérivationnelle, contrairement aux adultes normo-lecteurs. Toutefois, ils relèvent la possibilité que des adultes dyslexiques utilisent la morphologie pour produire et épeler des mots dans des tâches sans limite de temps, mais de manière non efficiente. De plus, ils évoquent également la probabilité que ce soit l’aspect sémantique de la morphologie qui permette, spécifiquement, aux adultes dyslexiques d’utiliser cette stratégie morphologique.

Deacon et al. (2006) proposent l’hypothèse de l’utilisation de la stratégie morphologique compensatoire chez les dyslexiques, investiguée par Elbro et Arnbak (1996), tout en invitant d’autres chercheurs à explorer cette stratégie morphologique. Les lecteurs dyslexiques présenteraient donc des compétences morphologiques préservées.

L’utilisation de la morphologie chez les enfants dyslexiques est un thème qui a été soulevé à plusieurs reprises, moyennant des résultats divergents. Selon Leong (1989), les temps de réaction dans des tâches de production morphologique sont les meilleurs prédicteurs des habiletés de lecture et d’épellation. Bryant, Nunes et Bindman (1997) ont montré que les enfants dyslexiques ont des performances plus faibles dans des tâches de conscience morphologique que des enfants de même âge chronologique du groupe contrôle, mais meilleurs que des enfants de même âge lexique.

4.3 Question de recherche et objectifs

L’objectif de ce mémoire est de comprendre comment des adultes dyslexiques ont pu poursuivre leurs études à l’université, malgré leurs déficits en lecture. Ces adultes ont dû lire et comprendre une quantité importante de textes, exigés par l’université dans un temps imparti, alors qu’ils ont d’importantes difficultés au niveau du décodage des mots écrits. Ils ont dû mettre en place des stratégies pour pallier leurs difficultés de lecture et parvenir à terminer leurs études universitaires.

(21)

Nous avons tenté de déterminer si les effets observés chez les adultes dyslexiques correspondent ou non à ce que l’on pourrait attendre de leur âge lexique. Si les adultes dyslexiques ont de moins bonnes performances que le groupe contrôle d’enfants normo- lecteurs, leurs habiletés en lecture sont considérées comme déficitaires, car leurs performances sont moins élevées que celles attendues pour leur âge de lecture. Si au contraire, leurs habiletés en lecture sont semblables à celles du groupe contrôle, leurs performances sont associées à un retard de développement, car elles correspondent à celles attendues pour leur âge lexique. De plus, si nous relevons dans le groupe d’adultes dyslexiques, des performances préservées dans les tâches impliquant la conscience et le traitement morphologique, cela pourrait conduire à réfléchir à un programme de remédiation de la lecture se basant sur les aspects morphologiques des mots, plutôt que sur les aspects phonologiques, comme c’est le cas actuellement.

Nous avons comparé un groupe expérimental d’adultes dyslexiques francophones ayant effectué des études universitaires avec un groupe contrôle d’enfants francophones normo-lecteurs, apparié en âge de lecture dans diverses tâches évaluant les procédures d’identification des mots écrits, les habiletés associées à la lecture, ainsi que le traitement et la conscience morphologique. Nous avons comparé les résultats des participants à des tâches d’habiletés métaphonologiques, incluant la conscience phonologique, la mémoire à court terme phonologique et l’accès aux représentations phonologiques dans le lexique mental (RAN), à des tâches de décodage, au moyen de lecture à haute voix de pseudo-mots, ainsi qu’à des tâches morphologiques implicites et explicites.

5 Partie expérimentale 5.1 Participants

La population de cette étude comprend deux groupes : un groupe d’adultes dyslexiques, suisses et français, sélectionnés par le biais d’annonces affichées dans les universités de Genève, d’e-mails pour les étudiants de l’université de Savoie (Chambéry et Annecy) et de journaux (Matin Bleu), ainsi qu’un groupe d’enfants apprentis normo-lecteurs sélectionnés dans diverses écoles en Suisse et en France. Par un questionnaire, nous avons récolté différentes données anamnestiques sur chaque participant, afin de contrôler notamment qu’ils soient tous monolingues et sans trouble cognitif ni sensoriel (voir annexe XII).

(22)

Le groupe expérimental se compose de 21 adultes (10 femmes et 11 hommes), âgés de 21 à 47 ans (moyenne = 30,2 ans ; écart-type = 7,6 ans) et de formation supérieure (universitaire). Parmi ces adultes, seize ont reçu le diagnostic de dyslexique durant leur enfance et un à l’âge de 39 ans. Le test de lecture de l’Alouette (Lefavrais, 1967), nous a permis de mesurer l’âge lexique de ces participants (moyenne = 11,3 ans ; écart-type = 1,7 ans) et de nous assurer qu’en dépit d’une intelligence normale leur âge de lecture est inférieur à 2 ans ou plus par rapport à celui attendu pour leur âge chronologique, comme le stipule le critère principal du diagnostic de la dyslexie (voir tableau I).

Le groupe contrôle se compose de 21 enfants (10 filles et 11 garçons) apprentis normo-lecteurs de niveau primaire (de 3P à 6P ; moyenne = 11,4 ans ; écart-type =1,8 ans), qui, en plus des critères globaux susmentionnés ne souffrent ni de troubles langagiers ni de problèmes en lecture. Afin que l’on puisse effectuer des comparaisons entre ces deux groupes, les enfants sélectionnés sont appariés au groupe d’adultes dyslexiques selon leur pays d’éducation, leur sexe et leur âge de lecture – donné par l’Alouette – à plus ou moins 10 mois de différence. Précisons également que l’âge de lecture de ces enfants correspond à une différence maximum de 12 mois par rapport à leur âge chronologique. Seul un participant a 17 mois de différence entre son âge chronologique et son âge de lecture2.

Tableau I : Moyennes (et écart-types) de l’âge chronologique et lexique du groupe dyslexique et du groupe contrôle

Age chronologique (ans) Age lexique (ans) Groupe dyslexique 30.2

(7.6)

11.3 (1.7)

Groupe contrôle en âge lexique

11.4 (1.8)

11.3 (1.7)

Le quotient intellectuel des deux groupes a été contrôlé au moyen d’une tâche d’intelligence non verbale, afin de s’assurer que tous les participants ont une intelligence dans la norme. Les participants devaient ainsi avoir des performances au-dessus du 10ème percentile. Les Progressives Matrices Standard (Raven, 1998) ont été administrées au groupe d’adultes dyslexiques et les Coloured Progressive Matrices (Raven, 1956) au groupe contrôle d’enfants. A noter que seul un participant du groupe contrôle d’enfants normo-lecteurs a atteint le percentile 5.

2 Participant gardé en raison de ses performances dans les normes dans les autres tâches.

(23)

5.2 Epreuves

Les participants ont passé un ensemble de tâches afin de mesurer leurs habiletés métaphonologiques, l’accès aux représentations phonologiques, leurs habiletés en décodage, leur conscience morphologique et leur traitement morphologique.

5.3 Habiletés métaphonologiques

Toutes les épreuves citées ci-dessous sont issues de la batterie EVALEC (Sprenger- Charolles, Colé, Béchennec & Kipffer-Piquard, 2005), une batterie informatisée de tests sur la lecture et les compétences associées, permettant d’évaluer les performances d’identification des mots écrits en tenant compte de la précision et du temps de latence des réponses.

5.3.1 Suppression de la 1ère syllabe

Cette tâche consiste à supprimer la première syllabe d’un pseudo-mot trisyllabique.

Le participant entend le pseudo-mot dans un casque audio et doit le répéter à voix haute en ôtant la première syllabe. Chaque participant entend 10 items. Il entend par exemple

″cobuna″ et doit dire ″buna″ (voir annexe I).

5.3.2 Suppression du 1er phonème

Cette tâche consiste à supprimer le premier phonème d’un pseudo-mot tri- phonémique. Le participant entend le pseudo-mot dans le casque et doit le répéter à voix haute en supprimant le premier phonème. Parmi les 24 pseudo-mots, 12 sont de structure Consonne-Voyelle-Consonne (CVC), et 12 sont de structure Consonne-Consonne-Voyelle (CCV, groupe consonantique). Par exemple, le participant entend ″fur″ et doit dire ″ur″ (tâche CVC) ou entend ″bro″ et doit dire ″ro″ (tâche CCV) (voir annexes II et III).

Etant donné que de nombreuses études ont mis en évidence les déficits persistants chez les adultes dyslexiques en habiletés phonologiques (Bruck, 1990, 1992), nous nous attendons à ce que les adultes dyslexiques aient de moins bonnes performances en temps et en précision que le groupe contrôle d’enfants appariés en âge de lecture.

(24)

5.3.3 Mémoire à court terme phonologique

Les participants entendent des pseudo-mots dans un casque qu’ils doivent répéter les uns après les autres. Ces 24 pseudo-mots sont composés de 3 à 6 syllabes. Une cotation quantitative attribue le point lorsque le participant répète correctement le pseudo-mot, tandis qu’aucun point n’est attribué en cas d’erreur, d’une réponse incomplète ou d’une réponse absente. Les temps de réaction sont également relevés. Par exemple, le participant entend

″talbulo″ et doit répéter ″talbulo″ (voir annexe IV).

Sur le plan théorique, la majorité des études montre que les adultes dyslexiques ont des déficits dans les tâches de mémoire à court terme phonologique. De ce fait, nous nous attendons à ce que les adultes dyslexiques aient de moins bonnes performances en temps et en précision que le groupe contrôle d’enfants appariés en âge de lecture.

5.4 Accès aux représentations phonologiques

Nous avons administré un test de dénomination rapide, le Rapid Automatic Naming (RAN, une épreuve tirée de la batterie EVALEC), impliquant des items très fréquents, pour évaluer la rapidité d'accès aux représentations phonologiques dans le lexique mental. Le participant doit dénommer le plus rapidement possible la couleur de 48 rectangles, (jaune, gris, bleu, blanc, rouge, vert) (voir annexe V ou dans EVALEC pour une meilleure description). L’expérimentateur relève les erreurs ainsi que le temps mis par chaque participant. Préalablement, nous avons vérifié qu’aucun participant ne soit daltonien ou ait des problèmes de vision.

Dans cette épreuve, nous faisons l’hypothèse que les deux groupes fonctionnent de manière équivalente, à savoir que les temps de dénomination ne diffèrent pas significativement, comme l’ont déjà démontré Chiappe et al. (2002). En effet, la dénomination rapide ne serait pas déficitaire mais retardée, chez les adultes dyslexiques.

5.5 Habiletés en décodage

La lecture de pseudo-mots nous permet d’évaluer exclusivement des capacités de décodage du participant car il ne peut faire des inférences ou « deviner » la suite ou la fin du mot dont il s’agit ; il est donc obligé d’utiliser ses connaissances de correspondance grapho- phonémique. Dans cette tâche, il voit apparaître à l’écran 40 pseudo-mots (20 courts, unisyllabiques [moyenne du nombre de lettres = 4,7 ; écart-type = 0,57] et 20 longs, bi ou

(25)

trisyllabiques [moyenne du nombre de lettres = 8,15 ; écart-type = 0,81]), les uns après les autres, et doit les lire à voix haute dans un micro, le plus rapidement possible. Avant chaque mot, une étoile apparaît au centre de l’écran, indiquant le point de fixation sur l’écran. Dès que la réponse du participant est donnée, l’item suivant apparaît. L’expérimentateur juge de l’exactitude de la lecture en cliquant sur un boîtier. Le bouton de droite indique que le pseudo-mot est correctement lu et celui de gauche que le pseudo-mot est lu de manière incorrecte. Par exemple, le participant voit sur son écran : ″blife″ et doit lire à haute voix

″blife″ (court) ou ″acribion″ et doit lire à haute voix ″acribion″ (long) (voir annexe VI).

Nous nous attendons à ce que le groupe d’adultes dyslexiques mette plus de temps et fasse plus d’erreurs dans le décodage de pseudo-mots que le groupe contrôle, dans la mesure où la lecture de pseudo-mots nécessite uniquement l’utilisation de la voie phonologique qui est le plus souvent déficitaire chez les dyslexiques. De plus, nous faisons l’hypothèse que les pseudo-mots courts seront mieux lus et plus rapidement que les pseudo-mots longs pour les deux groupes de participants et nous nous attendons à ce qu’il y ait un effet d’interaction entre la longueur et les groupes, à savoir que le groupe d’adultes dyslexiques aura de moins bonnes performances en temps et en précision pour lire les pseudo-mots longs que les pseudo-mots courts par rapport au groupe contrôle d’enfants normo-lecteurs.

5.6 Conscience morphologique

Avant de commencer les tâches de conscience morphologique, il est primordial d’expliquer clairement ce que signifie un mot suffixé ou un mot préfixé, en donnant un exemple précis.

5.6.1 Décision de suffixation

Dans cette tâche, les participants entendent dans le casque des mots suffixés ou pseudo-suffixés et doivent décider, en cliquant sur le boîtier si le mot présenté est suffixé ou non. Chaque participant va entendre 48 mots (24 bisyllabiques et 24 trisyllabiques), appariés en fréquence totale (moyenne = 0.77) pour l’oral et partageant les mêmes suffixes. Ainsi, le participant entend le mot ″courgette″ et doit indiquer à l’aide du boîtier que ce mot est suffixé (main dominante). Il peut aussi entendre le mot ″aigrette″ et doit indiquer que ce mot n’est pas suffixé (main non dominante) (voir annexe VII).

(26)

5.6.2 Intrus préfixé

Dans cette tâche, les participants vont entendre plusieurs listes de trois mots dans le casque. Deux mots pseudo-préfixés et un mot préfixé, commençant tous de la même manière.

Les participants entendent 36 items, dont 12 intrus préfixés, tous bimorphémiques, appartenant à la même catégorie grammaticale (voir annexe VIII). Ils doivent juger, parmi ces trois mots, lequel est préfixé. Ils doivent écouter les trois mots, puis attendre de voir apparaître une croix au centre de l’écran de l’ordinateur, avant de donner leur réponse. Cette dernière déclenche la présentation de l’item suivant. Ainsi, le participant cliquera sur le bouton numéroté ″1″, ″2″ ou ″3″ en fonction de la place de l’item qui lui semble préfixé. S’il entend les mots suivants dans le casque : ″dégel″, ″dédain″, ″débit″, il doit dans ce cas appuyer sur la touche ″1″, car c’est le premier mot entendu qui est le mot préfixé, les deux autres étant pseudo-préfixés.

5.6.3 Intrus suffixé

Cette tâche se déroule de la même manière que la précédente, à l’exception que les participants doivent repérer l’item suffixé parmi la liste de trois mots se terminant de la même manière.

Comme pour la tâche précédente, les participants entendent 36 items, dont 12 intrus suffixés, tous bimorphémiques, appartenant à la même catégorie grammaticale (voir annexe IX). Dans les listes présentées, il n’existe qu’un seul item suffixé parmi trois. Si le participant entend dans le casque les mots suivants : ″aisselle″, ″gamelle″, ″tourelle″, il doit dans ce cas appuyer sur la touche ″3″, car c’est le troisième mot entendu qui est le mot suffixé, les deux autres étant pseudo-suffixés.

Dans les trois tâches de conscience morphologique, nous faisons l’hypothèse que les dyslexiques vont avoir de meilleures performances en temps et en précision que le groupe des enfants appariés en âge de lecture. En effet, si l’on se base sur l’hypothèse morphologique, les dyslexiques auraient des compétences morphologiques préservées et s’appuieraient sur la reconnaissance des unités morphémiques qui composent le mot (Elbro & Arnbak, 1996).

(27)

5.7 Traitement morphologique 5.7.1 Induction de set

Dans cette tâche, les participants doivent effectuer une décision lexicale sur une cible précédée d’une liste inductrice de 6 mots. Nous avons constitué trois groupes de listes inductrices : un groupe composé de mots suffixés, un groupe de mots pseudo-suffixés et un groupe de mots monomorphémiques. Chacun de ces groupes comprend 24 listes inductrices de 6 mots et 72 items cibles : 36 mots suffixés de basse fréquence (moyenne du nombre de lettres

= 7,44 ; écart-type = 2,12), sélectionnés sur la base de la fréquence Manulex (moyenne = 1,44 ; écart-type = 1,32) (Lété, Sprenger-Charolles & Colé, 2004) et sur la base de leur fréquence lexicale (moyenne = 1.60 ; écart-type = 1,25) et 36 pseudo-mots. Les cibles sont les mêmes dans chaque groupe de listes inductrices. Elles sont donc testées dans les trois conditions d’induction. Chaque participant voit apparaître à l’écran 72 listes inductrices (24 suffixées, 24 pseudo-suffixées et 24 monomorphémiques), composées chacune de 6 mots, et 72 items cibles, présentés de manière contrebalancée, de sorte que chaque participant ne voie qu’une fois le mot cible dans une seule des trois conditions inductrices. La tâche se déroule de la manière suivante : chaque participant voit apparaître à l’écran une liste inductrice de 6 mots qu’il doit lire dans sa tête. Ensuite, il entend un son très court et voit s’afficher une croix au centre de l’écran annonçant le point de fixation. Puis, une cible apparaît à l’écran et il doit décider s’il s’agit d’un mot ou non. De même que pour toutes les tâches où le participant répond lui-même à l’aide du boîtier, la main dominante est associée au bouton ″mot″, tandis que la main non dominante est associée au bouton ″non-mot″. Par exemple, dans une liste inductrice suffixée, le participant doit lire dans sa tête : chimique-lanceur-routier-paiement- forestier-imitable, puis voit apparaître une croix et la cible : quolan (voir annexe X).

Dans cette épreuve, nous nous attendons à ce qu’il y ait une identification plus rapide de la cible suffixée lorsqu’elle est précédée d’une liste inductrice suffixée, par rapport à une liste monomorphémique ou pseudo-suffixée, pour les deux groupes. De plus, nous nous attendons à ce qu’il y ait un effet du traitement morphologique des mots écrits plus important chez les adultes dyslexiques, sachant qu’ils ont eu une plus grande exposition à l’écrit, et une plus longue utilisation de la langue. Selon la littérature, les dyslexiques pourraient lire les mots en s’appuyant sur la reconnaissance des unités morphémiques qui les composent et utiliseraient la structure morphologique de ceux-ci comme aide pour la lecture (Elbro &

Arnbak, 1996).

(28)

5.7.2 Fréquence cumulée

Dans cette tâche de décision lexicale, les participants doivent juger si la suite de lettres présentées à l’écran constitue ou non un mot de la langue française. Le participant répond à l’aide du boîtier : sa main dominante indiquant qu’il pense que les lettres présentées forment un mot et son autre main s’il pense qu’elles ne forment pas un mot. Les items apparaissent successivement sur l’écran et ce n’est qu’après avoir donné la réponse, que l’item suivant apparaît. Chaque participant voit apparaître à l’écran 144 suites de lettres trisyllabiques. Parmi ces items, 72 sont des pseudo-mots (de 7 à 11 lettres), 48 sont des mots mono-morphémiques (de 7 à 11 lettres) et 24 sont des mots suffixés, (12 de basse fréquence cumulée [moyenne nombre de lettres = 9,33 ; écart-type = 2,12 ; moyenne fréquence de surface Manulex = 0,40 ; écart-type = 0,33 ; moyenne fréquence cumulée Manulex = 11,68 ; écart-type = 15,05] et 12 de haute fréquence cumulée [moyenne nombre de lettres = 9,08 ; écart-type = 1 ; moyenne fréquence de surface Manulex = 0,35 ; écart-type = 0,4 ; moyenne fréquence cumulée Manulex = 247,51 ; écart-type = 232,9]), appariés sur des suffixes semblables. Par exemple, le participant voit apparaître sur l’écran : ″bijoutier″ et à l’aide du boîtier, il doit indiquer qu’il s’agit d’un mot (basse fréquence) ou il voit apparaître sur l’écran : ″ourladin″ et doit indiquer qu’il s’agit d’un pseudo-mot (voir annexe XI).

Dans cette tâche également nous nous attendons à ce que les adultes dyslexiques fassent une meilleure utilisation du traitement morphologique des mots écrits pour lire que le groupe contrôle. Nous nous attendons à ce que les deux groupes reconnaissent plus rapidement les mots de haute fréquence cumulée par rapport aux mots de basse fréquence cumulée, avec un effet plus marqué chez les adultes dyslexiques par rapport au groupe contrôle, car ils ont une plus longue expérience à l’exposition de l’écrit, ainsi qu’une plus longue utilisation de la langue que le groupe d’enfants. Selon la littérature, les dyslexiques s’appuieraient sur la reconnaissance des unités morphémiques qui composent les mots et utiliseraient la structure morphologique du mot comme aide pour lire (Elbro & Arnbak, 1996).

6 Procédure

La passation s’est déroulée en deux sessions d’une durée d’environ une heure chacune. Un intervalle d’une semaine au minimum a été maintenu entre les deux séances. Les participants ont été testés individuellement dans un local calme.

(29)

Lors de la première session les épreuves suivantes ont été effectuées : l’Alouette, la mémoire à court terme phonologique, la suppression de la 1ère syllabe, la suppression du 1er phonème, le RAN, l’induction de set et le questionnaire, nous permettant de récolter des données anamnestiques.

Lors de la deuxième session les épreuves suivantes ont été proposées: les Matrices de Raven, la fréquence de famille, la lecture à haute voix de pseudo-mots, la tâche de décision de suffixation, la tâche d’intrus préfixé et la tâche d’intrus suffixé.

7 Apparatus

Les tâches informatisées ont été présentées sur un ordinateur de marque DELL, avec le logiciel e-prime pour les tâches suivantes : MCT phonologique, la suppression de la 1ère syllabe, la suppression du 1er phonème, le RAN, l’induction de set, la fréquence de famille, la lecture à haute voix de pseudo-mots, la tâche de décision de suffixation, la tâche d’intrus préfixé et la tâche d’intrus suffixé.

Nous avons utilisé un écran d’ordinateur de 15 pouces, un casque branché à l’ordinateur, un microphone, un boîtier-réponse à cinq touches et une souris.

8 Résultats

8.1 Habiletés métaphonologiques

8.1.1 Suppression du 1er phonème et de la 1ère syllabe

Dans toutes les tâches de conscience phonologique (voir tableau II), les analyses statistiques ne montrent pas de différence significative ni en temps, ni en précision entre les deux groupes (t(40) < 1, ns) pour toutes les comparaisons. De plus, nous observons un effet plafond au niveau de la précision dans la tâche de suppression du premier phonème.

(30)

Tableau II : Moyennes (et écart-types) en temps et en précision du groupe contrôle et du groupe expérimental dans les tâches de conscience phonologique.

Epreuves Dyslexiques Contrôles âge

lexique

Temps (sec) 28.5

(6.8)

29.6 (5.9) Suppression de la 1ère

syllabe

Précision

(% de bonnes réponses)

90.5 (9.2)

87.6 (22.1)

Temps (sec) 25.3

(4.5)

26.7 (6.3) Suppression du 1er

phonème (CVC)

Précision

(% de bonnes réponses)

99.2 (2.5)

96 (6.8)

Temps (sec) 32.6

(8.1)

34 (7.7) Suppression du 1er

phonème (CCV)

Précision

(% de bonnes réponses)

76.2 (18.1)

70.6 (18.4)

Les résultats infirment donc nos hypothèses, qui prédisaient de moins bonnes performances en temps et en précision du groupe de dyslexiques par rapport au groupe contrôle.

8.1.2 Mémoire à court terme phonologique

Concernant le temps total mis pour effectuer cette tâche, les analyses statistiques montrent une différence non significative (t(40) < 1, ns) entre les deux groupes. Nous observons cependant une différence significative (t(40) = 2.42, p<.01) entre les deux groupes concernant le pourcentage des bonnes réponses (précision): le groupe contrôle d’enfants ayant significativement plus de bonnes réponses que le groupe d’adultes dyslexiques (voir tableau III). Notons que quatre pseudo-mots ont de faibles taux de réussite (″pédonuratilé″ et

″vafitaludéro″ à 9.5% de réussite et ″rutadilérac″ et ″pubagoritélu″ à 16.7%). Malgré ces faibles taux, nous avons décidé de garder ces pseudo-mots, puisqu’ils ne pénalisaient pas un groupe en particulier, à savoir qu’on retrouve le même taux d’échec pour les enfants normo- lecteurs que pour les adultes dyslexiques. Ces taux peuvent s’expliquer par un biais de

Références

Documents relatifs

L’enseignant pose la question aux élèves : « Qu’avez‐vous compris de cette histoire », il intervient un minimum et note les réponses des élèves. L’enseignant lit aux

• Repérer les phrases dans un texte court à l’aide d’indices : majuscules, point, point d’exclamation, point d’interrogation. • Ranger et catégoriser

Vandaag vertrekken we naar de laatste Vlaamse provincie: de provincie Limburg en haar hoofdstad Hasselt. 1) Drie toeristische plaatsen in Hasselt.. Hasselt is de hoofdstad

Dans cette étude, nous proposons une analyse des pauses silencieuses (nombre et type de pauses, durée des pauses) dans deux conditions de production (lecture et parole

Elle l’a laissé seul une heure, et elle doit nettoyer tout le sol.. Qu’a fait le petit chien pour mettre Emilie

Bruner compléta ces observations et fit remar- querque s'il est vrai que la mémoire à courtterme ne peut retenir que le « nombre magique de sept éléments », condenser les

 Prendre des notes À LA FIN DE LA LECTURE afin de faciliter la compréhension et la mémorisation (fin de paragraphe, de chapitre ou du texte). Le faire simultanément à la

[r]