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Dans aucune des deux tâches impliquant le traitement morphologique, tâches d’induction de set et de fréquence cumulée, les résultats ne mettent en évidence un effet de traitement morphologique chez les adultes dyslexiques. Seul un effet tendanciel de fréquence, au niveau du temps, est relevé dans la tâche de fréquence cumulée, en faveur du groupe d’adultes dyslexiques. Nos résultats infirment donc ceux d’Elbro & Arnbak (1996) indiquant

que les adultes dyslexiques utilisent la structure morphologique du mot pour identifier les mots écrits. Toutefois, les résultats permettent d’observer que le groupe d’adultes dyslexiques commet moins d’erreurs dans les deux tâches que le groupe contrôle et sont plus rapides dans la tâche de fréquence cumulée, mais ne sont aidés ni par la liste inductrice, dans la tâche d’induction de set, ni par la fréquence des mots, dans la tâche de fréquence cumulée. Nous ne relevons pas non plus d’effet de traitement morphologique au sein du groupe d’enfants normo-lecteurs, comme le prédisent les résultats de Colé et al. (2003), qui mettent en évidence une lecture meilleure et plus rapide des items préfixés que des items pseudo-préfixés. Nos résultats invalident également ceux de Colé et al. (1986) indiquant que la présentation d’une liste de mots suffixés facilite l’identification d’un mot de même structure morphologique.

Les résultats obtenus dans la tâche d’induction de set pourraient conduire à se poser la question de savoir si nous pouvons vraiment induire un traitement morphologique selon la méthode que nous avons utilisée. En effet, en induisant une liste, nous ne pouvons pas contrôler le fait que les participants lisent réellement les mots de la liste inductrice, puisqu’ils doivent la lire dans leur tête avant de faire leur décision lexicale. De plus, les mots présentés dans les listes inductrices défilaient très rapidement, peut-être trop rapidement pour des enfants normo-lecteurs et des adultes dyslexiques qui ont besoin de temps pour lire. Nous pouvons donc remettre en question le paradigme d’induction de set. Quant aux résultats de la tâche de fréquence cumulée, il s’agit d’une tâche de décision lexicale, impliquant l’identification des mots écrits. Nous avons constaté que le groupe d’adultes dyslexiques commet moins d’erreurs et est plus rapide que le groupe contrôle apparié en âge de lecture.

Toutefois, aucun des deux groupes n’est aidé par la structure morphologique des mots, car nous ne relevons pas d’effet de fréquence au niveau de la précision. On pourrait penser que la tâche utilisée n’est peut-être pas assez sensible et donc mal choisie pour tenter d’observer un effet de traitement morphologique. En revanche, nous relevons un effet tendanciel de fréquence au niveau du temps. Le fait que les participants aient identifié les mots écrits de haute fréquence légèrement plus rapidement que les mots de basse fréquence pourrait quand même nous amener à penser qu’ils ont bénéficié d’une quelconque aide du traitement morphologique des mots écrits de manière implicite. Toutefois, ces résultats restent à discuter, car nous ne pouvons pas déclarer que les adultes dyslexiques et les enfants normo-lecteurs appariés en âge de lecture utilisent la structure morphologique de manière implicite

pour lire, sur la base d’un effet tendanciel de fréquence. Le traitement morphologique semble donc fragile à tester.

Finalement, pour répondre à la question de notre recherche qui consiste à savoir quelles ont été les stratégies de lecture des adultes dyslexiques pour pallier leurs difficultés de lecture et parvenir à terminer leurs études universitaires, nous pouvons nous appuyer sur les résultats aux tâches de conscience morphologique, seules tâches mettant en évidence de meilleures performances du groupe d’adultes dyslexiques par rapport au groupe contrôle d’enfants normo-lecteurs. La conscience morphologique serait donc préservée chez des adultes dyslexiques. En effet, ils seraient plus aidés que les enfants normo-lecteurs par la structure morphologique dans des tâches morphologiques explicites. Il faut bien différencier le fait que les adultes dyslexiques ont conscience de l’aspect morphologique des mots, mais, selon nos résultats, n’utilisent pas l’aspect morphologique de manière implicite. Nos résultats ne vont pas dans le sens de ceux d’Elbro et Arnbak (1996), indiquant que l’utilisation de la structure morphologique des mots pourrait être une stratégie compensatoire pour l’identification des mots écrits pour les personnes dyslexiques. Toutefois, malgré le fait qu’aucun effet de traitement morphologique n’ait été relevé chez les participants dyslexiques dans les tâches de traitement morphologique impliquant la lecture, il faut souligner que le groupe expérimental commet moins d’erreurs et identifie plus rapidement le mot ou le logatome que le groupe contrôle. Les connaissances morphologiques doivent tout de même jouer un rôle dans les stratégies compensatoires de la lecture chez les adultes dyslexiques.

Toutefois, il ne faut pas généraliser cette affirmation à tous les dyslexiques, mais uniquement à des adultes dyslexiques francophones de haut niveau ayant mené à terme des études universitaires. En effet, les adultes dyslexiques ayant participé à notre expérience ont, pour la majorité, bénéficié d’une rééducation logopédique dans leur enfance et la plupart d’entre eux ont estimé avoir fait des progrès en lecture. Le suivi logopédique, ainsi que la poursuite de leurs études universitaires, leur a sûrement permis de mettre en place des stratégies compensatoires, sur lesquelles ils se sont basés pendant leurs études.

Actuellement, les remédiations de la dyslexie développementale proposées pour les enfants, visent à travailler les compétences déficitaires, à savoir les compétences métaphonologiques, en frayant les procédures normales de la lecture (Hatcher, Hulme &

Ellis, 1994). L’objectif est de tenter de remettre en place les procédures qui ne se sont pas développées normalement, par des entraînements phonologiques. Suite à notre recherche, nous avons mis en évidence les ressources d’adultes dyslexiques, consistant en de bonnes

compétences sur le plan de la conscience morphologique. Il pourrait donc être intéressant d’envisager de nouvelles pistes pour tenter d’aider les dyslexiques à surmonter leurs difficultés en lecture, en s’appuyant sur ce qui n’est pas déficitaire chez eux, à savoir la conscience morphologique, au lieu de continuer d’entraîner les habiletés phonologiques qui sont déficitaires ou retardées. La concentration sur les aspects sémantiques de la morphologie pourrait donc être une aide pour les dyslexiques (Elbro & Arnbak, 1996). Peu de recherches relatives aux effets des entraînements morphologiques chez les dyslexiques existent (Sprenger-Charolles & Colé, 2003). Des recherches longitudinales pourraient donc être conduites pour vérifier les effets de l’utilisation de la morphologie chez des adultes dyslexiques.

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Annexe I: Suppression de la 1

ère

syllabe

Consigne lue par l’expérimentateur :

« Je vais te dire des mots inventés et tu devras enlever un morceau au début. Par exemple, si j’enlève le début de ″pajomi″, Il reste ″jomi″. Qu’est-ce qu’il te reste si tu enlèves le début de

″cobuna″ ? Donner un feedback : il reste ″buna″. Qu’est-ce qu’il te reste si tu enlèves le début de ″parotu″ ? Donner un feedback : il te reste ″rotu″ ».

Liste des pseudomots trisyllabiques de la tâche suppression de la 1ère syllabe.

povidu tokali tipango banidé zofitu kossila buliva rétouda valoté soguté

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