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Conscience morphologique .1 Décision de suffixation

Les analyses statistiques montrent une différence significative (t(40) = 2.25, p<.05) entre les deux groupes concernant le temps, en faveur du groupe d’adultes dyslexiques. Au niveau de la précision, les analyses statistiques montrent une différence significative (t(40) = 4.77, p<.001) entre les deux groupes. Le groupe d’adultes dyslexiques fait moins d’erreurs que le groupe contrôle (voir tableau VI).

8.4.2 Intrus préfixé

Les analyses statistiques montrent une différence significative, au niveau de la précision entre les deux groupes (t(40) = 2.85, p<.01), les dyslexiques commettant moins d’erreurs que le groupe contrôle (voir tableau VI).

8.4.3 Intrus suffixé

Les analyses statistiques montrent une différence significative, au niveau de la précision, entre les deux groupes (t(40) = 3.32, p<.001), les dyslexiques commettant moins d’erreurs que les contrôles en âge lexique (voir tableau VI).

Tableau VI : Moyennes (et écart-types) en temps et en précision des groupes contrôle et expérimental dans la tâche de décision de suffixation, d’intrus préfixé et d’intrus suffixé

Epreuves Dyslexiques Contrôles âge

lexique

Précision (% erreurs) 20.9

(7)

*** 33.1 (10.1)

Intrus préfixé Précision (% erreurs) 13.1

(10.4)

** 23.8

(13.8)

Intrus suffixé Précision (% erreurs) 17.5

(12.3)

*** 31 (14)

* résultat significatif (p<.05) ; ** résultat significatif (p<.01) ; *** résultat significatif (p<.001)

Les résultats de ces trois tâches confirment notre hypothèse prédisant que le groupe d’adultes dyslexiques aurait de meilleurs résultats au niveau de la précision (et en temps pour la tâche de décision de suffixation) que le groupe contrôle.

8.5 Traitement morphologique 8.5.1 Induction de set

Les données ont été traitées afin que tous les temps de latence inférieurs à 300ms soient éliminés, puis, ces temps de latence ont été lissés. Pour chaque participant, les temps situés à plus de 2 Ecarts Inter-Quartile (EIQ) au dessus de la valeur quantile d’ordre 0.75 (3ème quartile) ou en dessous de la valeur quantile d’ordre 0.25 (1er quartile) ont été éliminés.

Moins de 5% de la totalité des temps sont concernés par ce lissage. A noter que le mot

cambrure″ a été ôté de la liste, en raison de problème de familiarité ; le taux de réussite de cet item étant de seulement 42.9%.

Une ANOVA a été effectuée ayant pour facteurs les groupes (dyslexiques/contrôle âge lexique), l’induction (monomorphémique/suffixée/pseudo-suffixée) et les listes (liste1/liste2/ liste3).

Concernant le temps, nous nous sommes assurés qu’il n’y avait pas d’effet de liste, ni d’interaction avec les autres facteurs d’intérêt (effet de liste (F(2, 36) <1, ns) ; interaction groupe/liste (F(2, 36) = 1.04, ns) ; interaction induction/liste (F(4, 72) <1, ns) et interaction induction/groupe/liste (F(4, 72) <1, ns)).

Les analyses statistiques ne montrent pas non plus d’effet significatif de groupe, ni d’induction (effet de groupe (F(1, 36) <1, ns), effet de l’induction (F(2, 72) = 1.61, ns), ni d’interaction significative induction/groupe (F(2, 72) <1, ns).

Concernant la précision, nous nous sommes assurés qu’il n’y avait pas d’effet de liste, ni d’interaction avec les autres facteurs d’intérêt (effet de liste (F(2, 36) <1, ns ; interaction groupe/liste (F(2, 72) <1, ns) ; interaction induction/liste (F(4, 72) <1, ns) et interaction induction/groupe/liste (F(4, 72) <1, ns)). Mais les analyses statistiques montrent un effet de groupe significatif (F(1, 36) = 6.24, p<.05), le groupe de dyslexiques faisant moins d’erreurs que le groupe contrôle. Par contre, il n’y a pas d’interaction induction/groupe (F(2, 72) <1, ns) (voir tableau VII).

Tableau VII : Moyennes (et écart-types) en temps et en précision des groupes contrôle et expérimental dans la tâche d’induction de set, en fonction de la liste inductrice.

Liste inductrice Dyslexiques Contrôles âge lexique Monomorphémique Temps (ms) 948.3

(353.6)

Pseudo-suffixée Temps (ms) 959.4

(385.2)

1054.3 (560.9)

Précision (% erreurs) 3.2 (5.6)

8.2 (12.8)

De ce fait, notre hypothèse, prédisant un effet du traitement morphologique des mots écrits plus important chez les adultes dyslexiques, ainsi qu’une meilleure sensibilité à la structure morphologique que le groupe contrôle, est infirmée, car il n’y a pas d’effet d’induction, ni d’interaction groupe/induction.

8.5.2 Fréquence cumulée

Les données ont été traitées afin que tous les temps de latence inférieurs à 300ms soient éliminés, puis, ces temps de latence ont été lissés. Pour chaque participant, les temps situés à plus de 2 Ecarts Inter-Quartile (EIQ) au dessus de la valeur quantile d’ordre 0.75 (3ème quartile) ou en dessous de la valeur quantile d’ordre 0.25 (1er quartile) ont été éliminés.

Moins de 5% de la totalité des temps sont concernés par ce lissage. Trois mots (″balisage,

oiselier et historiette″) ont été supprimés de la liste, en raison de problème de familiarité.

Les paires correspondantes ont également été ôtées, il s’agit des mots ″balayage, cocotieret pendulette″. Les analyses statistiques ont donc été calculés sur 9 items au lieu de 12, pour tous les participants.

Une ANOVA a été effectuée ayant pour facteurs les groupes (dyslexique/contrôle âge lexique) et les fréquences (basse/haute).

Concernant le temps, les analyses statistiques montrent un effet de groupe significatif (F(1, 40) = 11.30, p<.01), les dyslexiques mettent nettement moins de temps à effectuer leur décision lexicale que le groupe contrôle. De plus, on relève un effet tendanciel de fréquence (F(1, 40) = 3.47, p = .07), mais pas d’interaction groupe/fréquence (F(1, 40) <1, ns).

Concernant la précision, les analyses statistiques montrent également un effet de groupe significatif (F(1, 40) = 9.14, p<.01). En effet, le groupe d’adultes dyslexiques fait moins d’erreurs que le groupe d’enfants appariés en âge de lecture. Par contre, nous n’observons pas d’effet de fréquence (F(1, 40) <1, ns), ni d’interaction groupe/fréquence (F(1, 40) <1, ns) (voir tableau VIII).

Tableau VIII : Moyennes (et écart-types) en temps et en précision des groupes contrôle et expérimental dans la tâche de fréquence de famille.

Dyslexiques Contrôles en âge lexique

Basse fréquence Temps (ms) 922.7

(238.5)

Haute fréquence Temps (ms) 887.4

(212.1)

Ces résultats indiquent que le groupe d’adultes dyslexiques identifie plus rapidement les mots et fait moins d’erreurs quelle que soit la fréquence (haute vs basse) par rapport au groupe contrôle. Concernant le temps, notre hypothèse n’est que partiellement confirmée, car nous n’observons qu’un effet tendanciel de la fréquence en faveur du groupe expérimental.

Concernant la précision, les résultats infirment notre hypothèse, car nous n’observons pas d’effet significatif de la fréquence en faveur du groupe des adultes dyslexiques.

9 Discussion

L’objectif de ce mémoire est de comprendre quelles sont les procédures compensatoires développées par des adultes dyslexiques qui ont été étudiants à l’université pour concilier leurs difficultés de lecture et l’activité universitaire. Notre intérêt s’est porté sur la manière dont ces adultes lisent et leurs potentielles ressources de lecture et habiletés reliées à la lecture.

Nous avons comparé les performances d’un groupe d’adultes francophones dyslexiques avec celles d’un groupe d’enfants normo-lecteurs, apparié en âge de lecture, dans des épreuves d’habiletés métaphonologiques, d’accès aux représentations phonologiques, de conscience et de traitement morphologique, ainsi que d’habiletés en décodage.

9.1 Habiletés métaphonologiques

Afin de comparer les habiletés en lecture des deux groupes de participants, nous leur avons administré des tâches d’habiletés métaphonologiques, consistant à supprimer la première syllabe ou le premier phonème d’un mot, dans une condition CVC et une condition

CCV. Dans la tâche de suppression du premier phonème, dans la condition CVC, les deux groupes de participants plafonnent en terme de précision.

Une explication possible à l’obtention de ce résultat à la tâche de suppression de phonème pourrait résulter de la facilité des tâches présentées, vu le taux élevé de bonnes réponses. D’autre part, les résultats obtenus sont contraires aux résultats relevés dans les études anglophones qui indiquent un déficit en conscience phonologique chez les adultes dyslexiques (Bruck, 1992). Cela conduit à penser que l’impact de la transparence de l’orthographe joue un rôle important dans le développement des habiletés phonologiques (Seymour et al., 2003). En effet, le français est une langue plus transparente que l’anglais, bien qu’elle soit classée dans les langues opaques sur le plan de l’orthographe (Jaffré, 2005).

D’ailleurs, dans les tâches de suppression de syllabe et de phonème, les correspondances entre les graphèmes et les phonèmes sont très régulières, ce qui a sûrement joué un rôle facilitateur tant pour les enfants normo-lecteurs que pour les adultes dyslexiques. Aucun processus de lecture n’entrait en jeu dans cette tâche, il suffisait d’écouter attentivement les suites de sons prononcés et de les répéter en éliminant soit le premier phonème, soit la première syllabe, en fonction de la consigne donnée. Troisièmement, il faut noter l’importante différence d’âge chronologique entre les deux groupes de participants, malgré le fait qu’ils soient apparentés en âge de lecture, et de ce fait la différence d’éducation et de niveau d’expérience face à la langue française. Bien que les adultes dyslexiques présentent des problèmes sur le plan de la lecture, ils ont été exposés plus longtemps à la langue écrite et orale que le groupe d’enfants et ont effectué de plus longues études impliquant le langage écrit, ce qui leur a laissé du temps pour développer des stratégies compensatoires, en tant qu’étudiants universitaires.

Toutefois, bien que nous n’ayons pas relevé de déficit en conscience phonologique chez les adultes dyslexiques, les résultats de l’épreuve de mémoire à court terme phonologique mettent en évidence un déficit chez le groupe d’adultes dyslexiques. En effet, leur taux de bonnes réponses est plus faible que celui du groupe contrôle d’enfants, signalant que leurs performances sont moins bonnes que celles attendues, compte tenu leur âge lexique.

Ces résultats confirment ceux de Pennington et al. (1990), qui relèvent également un déficit en mémoire de travail phonologique chez les adultes dyslexiques, dans une tâche de répétition de logatomes. Notons toutefois, que les deux groupes ne se différencient pas sur le temps mis pour effectuer la tâche.

Pour la tâche de mémoire à court terme phonologique, les pseudo-mots choisis étaient plus complexes que ceux utilisés dans les tâches de conscience phonologique, car ils comportaient de trois à six syllabes. L’augmentation des syllabes en cours de tâche a rendu l’épreuve plus sensible. La théorie phonologique postule que les dyslexiques ont un déficit spécifique au niveau de la représentation, du stockage et/ou de la récupération des sons (Ramus et al., 2003). Il est alors logique de penser que plus les mots comportent de syllabes, plus la tâche va être difficile pour les adultes dyslexiques. Les résultats obtenus vont donc dans le sens de cette théorie, à savoir que les adultes dyslexiques ont des difficultés à écouter, puis retenir des pseudo-mots, afin de les répéter. Le déficit en mémoire à court terme verbal chez les adultes dyslexiques serait dû, en partie, à un encodage phonologique peu efficient (Pennington et al., 1990). Le fait que le groupe d’adultes dyslexiques n’ait pas mis plus de temps que le groupe contrôle d’enfants, comme le prédit l’expérience de Pennington et al.

(1990), pourrait expliquer leurs faibles taux de bonnes réponses. On peut penser que les adultes dyslexiques ont répondu trop vite à la tâche, par rapport à leur niveau de mémoire à court terme phonologique. Peut-être que s’ils avaient pris plus de temps pour répondre, ils auraient fait un peu moins d’erreurs.

9.2 Accès aux représentations phonologiques

Dans la tâche de dénomination rapide, les deux groupes plafonnent au niveau de la précision et les résultats indiquent que les deux groupes ne diffèrent pas au niveau du temps mis pour dénommer les couleurs. Ces résultats confirment donc ceux de l’étude de Chiappe et al. (2002), qui mettent en évidence un retard sur le plan de l’accès aux représentations phonologiques et non un déficit.

Le fait que les deux groupes plafonnent pourrait s’expliquer par la facilité de la tâche.

La tâche utilisée implique une mise en relation et une automatisation du couplage entre les représentations visuelles et phonologiques (Castel, Pech-Georgel, George & Ziegler, 2008).

Ayant contrôlé que tous les participants connaissaient bien le nom des couleurs présentées dans la tâche, il nous semble plausible que les groupes de participants plafonnent sur le plan de la précision, sachant que la dénomination correcte et stable des couleurs est envisagée vers 4 à 6 ans (Gérard, Bilinsky & Dugas, 1989). Quant au temps mis pour effectuer cette épreuve, on relève que le groupe d’adultes dyslexiques présente un retard, puisqu’ils mettent un temps semblable à celui du groupe contrôle, apparié en âge lexique. Ces résultats suggèrent que l’accès aux représentations phonologiques dans le lexique mental ne représente

pas une composante nécessaire des difficultés en lecture observées chez les dyslexiques.

D’ailleurs, Wolf, Bally et Morris (1986) ont démontré qu’à partir de l’école primaire, seule la dénomination rapide des chiffres et des lettres continue de prédire le décodage. Nous pouvons penser que la dénomination rapide des couleurs ne serait donc pas une composante nécessaire des difficultés en lecture.

9.3 Habiletés en décodage

Dans la tâche de lecture à haute voix de pseudo-mots, les deux groupes de participants se comportent de la même manière par rapport au temps mis pour lire les pseudo-mots. Ils lisent plus facilement et plus rapidement les pseudo-mots courts que les pseudo-mots longs.

Ces résultats infirment les résultats de Bruck (1990), relevant des temps de lecture de pseudo-mots plus lents pour les étudiants dyslexiques, comparés à un groupe d’enfants, appariés en âge lexique. On pourrait penser que les adultes dyslexiques n’auraient donc pas un déficit dans le décodage de pseudo-mots, mais un retard, puisque leurs performances sont semblables à celles attendues compte tenu de leur âge lexique.

Dans notre expérience comparant un groupe d’adultes francophones dyslexiques de haut niveau et un groupe contrôle en âge de lecture, le déficit en lecture de pseudo-mots qui caractérise la dyslexie chez l’adulte anglophone n’a pas été relevé. Toutefois, nous devons rester prudents sachant que leurs performances n’ont pas été comparées à un groupe contrôle d’âge chronologique. Ces résultats pourraient être expliqué par le fait que la langue française est plus transparente que la langue anglaise. Or, nous savons que les correspondances grapho-phonémiques des langues transparentes (ou semi-opaque, comme le français) sont plus régulières (Jaffré, 2005). De plus, les adultes dyslexiques ont une plus longue expérience et une plus grande familiarité avec les mots écrits que le groupe contrôle d’enfants. Rappelons également que parmi les 21 adultes dyslexiques ayant participé à notre expérience, seize ont reçu le diagnostic de dyslexiques dans leur enfance et ont bénéficié d’une rééducation logopédique et quinze estiment avoir progressé. La rééducation en logopédie a dû se baser sur les habiletés phonologiques et le décodage, comme le sont la majorité des rééducations actuelles, ce qui les a sûrement aidés dans la tâche de lecture à haute voix de pseudo-mots.

9.4 Conscience morphologique

Dans les trois tâches de conscience morphologique, les adultes dyslexiques ont des performances meilleures, au niveau du temps et de la précision, que le groupe contrôle d’enfants, appariés en âge lexique.

Ces résultats pourraient être reliés au fait que les adultes dyslexiques ayant effectué des études universitaires ont été exposés à la langue orale et écrite plus longtemps que les enfants normo-lecteurs et ont de ce fait une plus grande familiarité avec l’aspect sémantique des mots, ainsi qu’un lexique plus étendu. Cela conduit à penser que l’aspect sémantique de la morphologie permet aux adultes dyslexiques d’obtenir de bons résultats dans des tâches impliquant la conscience morphologique (Deacon et al., 2006). De plus, selon la littérature, les dyslexiques pourraient avoir des habiletés morphologiques préservées, contrairement à leurs habiletés phonologiques (Casalis, Colé & Sopo, 2004). Nos résultats le confirment, puisque le groupe d’adultes dyslexiques a de meilleures performances que le groupe contrôle dans les tâches de conscience morphologique, alors que leurs performances dans les tâches d’habiletés phonologiques sont équivalentes à celles des enfants normo-lecteurs appariés en âge de lecture. L’utilisation de l’aspect morphologique des mots pourrait donc être une stratégie compensatoire pour les dyslexiques, comme l’évoquent Elbro et Arnbak (1996).

Rappelons que le français a une orthographe dite ″opaque″, gouvernée par la phonologie et la morphologie. Certaines irrégularités sur le plan phonologique sont tout à fait régulières sur le plan morphologique (Elbro & Arnbak, 1996). Ceci pourrait expliquer pourquoi la morphologie serait une aide dans l’identification des mots écrits chez les dyslexiques francophones. Comme l’évoquent Deacon et al. (2006), l’aspect sémantique de la morphologie permettrait aux adultes dyslexiques d’utiliser ces connaissances morphologiques comme une stratégie de lecture, car les morphèmes sont de bons indicateurs de la signification des mots.

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