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Pentecôte 2010 : l’homme a «créé» la «vie» ?

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1164 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 2 juin 2010

actualité, info

Pentecôte 2010 : l’homme a «créé»

la «vie» ?

Le célèbre, charismatique (et de ce fait hau­

tement photogénique) biologiste américain John Craig Venter (jcventer@jcvi.org) et son équipe viennent de publier dans les colon­

nes de Science 1 l’acte de naissance de la pre­

mière bactérie vivante (capable de se repro­

duire) et dont le génome a été totalement constitué par synthèse (humaine). L’affaire n’est pas si vieille qui date de la Pentecôte 2010 ; l’affaire est éternelle qui renvoie im­

manquablement à la répartition des rôles entre l’humain et ce divin si proche – ce di­

vin si lointain.

Prodige scientifique sans précédent, pre­

mière démonstration que l’homme peut non seulement maîtriser la vie mais bel et bien la créer de ses propres mains ? Approche de l’Apocalypse ? Ce travail est signé de vingt­

quatre chercheurs travaillant dans les Insti­

tuts J. Craig Venter de Rockville et de San Diego. Manuscrit reçu le 9 avril, accepté pour publication le 13 mai, publié le 21 mai avec, comme il se doit, une rupture de l’embargo fixé par Science par quelques médias par l’odeur alléchés.

Ce travail est intitulé «Création d’une cel­

lule bactérienne contrôlée par une synthèse chimique du génome». «Nous rapportons la

conception, la synthèse et l’assemblage de 1,08 Mb du génome Mycoplasma mycoides JCVI­syn 1.0, numérisé à partir des infor­

mations sur la séquence du génome et sa transplantation dans un Mycoplasma caprico- lum, cellule receveuse, pour créer de nou­

veaux Mycoplasma mycoides, cellules qui sont contrôlées uniquement par le chromosome synthétique, écrivent les auteurs. L’ADN pré­

sent dans les cellules n’est que de l’ADN conçu par synthèse y compris (…) les poly­

morphismes et les mutations acquises au cours du processus de construction. Les nouvelles cellules ont les propriétés phéno­

typiques prévues et sont capables d’autoré­

plication.»

On pourrait sans doute le dire plus sim­

plement : ces vingt­quatre chercheurs amé­

ricains sont parvenus à créer des bactéries dont le patrimoine héréditaire a été construit par synthèse informatique et chimique, bac­

téries qui sont aujourd’hui «naturellement»

capables de se diviser pour se reproduire.

Une vie synthétique en somme. «Il s’agit de la création de la première cellule vivante synthétique au sens où celle­ci est entière­

ment dérivée d’un chromosome synthéti­

que, explique John Craig Venter qui, entre

autres talents, possède celui de vulgariser à merveille ses travaux. Ce chromosome a été produit à partir de quatre flacons de subs­

tances chimiques et d’un synthétiseur, le tout ayant commencé avec des informations dans un ordinateur.» Sans immodestie aucune, Venter qualifie son propre succès d’étape scientifiquement et philosophiquement im­

portante ajoutant qu’un tel résultat «change certainement sa vision de la définition de la vie et de son fonctionnement». Sans s’aven­

turer plus avant dans des considérations de nature religieuse il précise : «Cette approche est en effet un très puissant instrument pour tenter de concevoir ce que nous attendons de la biologie et nous pensons à cet égard à une gamme étendue d’applications.»

La mémoire numérisée garde la trace qu’en octobre 2007 le biologiste américain avait tenu des propos similaires en annonçant «un pas philosophique important dans l’histoire de notre espèce» en annonçant déjà la créa­

tion par synthèse d’un chromosome complet de la bactérie Mycoplasma genitalium sans pour autant parvenir ensuite à lui «insuf­

fler» la vie. Les puristes ou les ennemis de John Craig Venter (il en compte un certain nombre, pour l’essentiel parmi ses confrères) souligneront qu’il ne s’agit pas véritable­

ment encore de la création d’une vie bacté­

rienne. Les bactéries ainsi créées ont certes un génome créé par synthèse humaine mais n’existeraient pas sans une autre bactérie amputée de son propre matériel génétique.

De plus, ils n’ont pas stricto sensu «inventé»

une nouvelle espèce bactérien­

ne mais ont, pour l’heure, copié le génome d’une bactérie exis­

tante.

Il n’en reste pas moins que ces chercheurs fournissent la dou­

ble démonstration que l’on peut créer par synthèse un chromo­

some bactérien mais aussi et surtout que cette création syn­

thétique peut, dans un environ­

nement adéquat, entrer dans le cycle de la vie. On attend dé­

sormais avec le plus grand inté­

rêt les réactions des différen tes autorités religieuses face à un spectaculaire résultat qui, pour certains, rapproche l’homme du divin et, pour d’autres, du dé­

mon.2 En toute hypothèse, cet­

te double démonstration ouvre pleinement les portes à une nou­

velle ère de la science du vi­

vant : la «biologie synthétique», un champ scientifique combi­

nant biologie et ingénierie dans point de vue

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 2 juin 2010 1165

Ce texte a, pour partie, été publié sur le site Slate.fr 1 www.sciencemag.org/cgi/content/abstract/science.

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2 Pour l’heure, sur ce thème, le Vatican semble marcher sur des œufs.

le but de concevoir et construire de nou­

velles formes du vivant. A ce titre, la publi­

cation de Science restera sans doute comme une étape essentielle qu’il s’agisse de l’amé­

lioration de la compréhension des principes gouvernant la biologie (en pianotant sur la gamme du possible génétique) ou de la cons­

truction (pour commencer) de micro­orga­

nismes accomplissant des fonctions biolo­

giques complexes répondant à diverses ap­

plications dans différents domaines.

John Craig Venter et ses collaborateurs – qui disposent ici d’un bouclier de brevets protecteurs – n’ont bien évidemment pas manqué de vanter les applications environ­

nementales et énergétiques pouvant désor­

mais être envisagées. Ils évoquent notam­

ment la conception d’algues capables de cap­

turer le CO2, principal gaz à effet de serre, ou de produire de nouveaux hydrocarbures

«propres». Ils disent aussi travailler sur des techniques capables d’accélérer la produc­

tion de vaccins et de fabriquer de nouveaux ingrédients alimentaires, des substances chi­

miques ou des bactéries capables de purifier l’eau. Un véritable Eldorado en gestation.

On ne saurait pour autant, et sans faire ici preuve de catastrophisme, masquer l’autre volet de ce progrès. Cette nouvelle maîtrise et cette compréhension du vivant pourraient notamment, si elles n’étaient pas strictement encadrées, conférer un formidable pouvoir de nuisance à certains biologistes en aug­

mentant considérablement la gamme des armes pouvant à l’avenir être utilisées dans le cadre de la guerre biologique ou environ­

nementale. Et plus généralement encore, cette étape majeure de la biologie synthé­

tique nous rapproche à grands pas du mo­

ment où se posera, en des termes concrets, la question fondamentale du «post­humain» : celle de la modification dirigée du génome de l’espèce humaine. Non plus pour y corri­

ger le pathologique mais bel et bien pour

«améliorer» l’existant.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

Robin des Bois

Il y a bien des façons de tuer.

On peut planter un couteau dans le ventre de quelqu’un, lui retirer le pain, ne pas le soigner s’il est malade,

le confiner dans un taudis, le tuer à force de travail,

le pousser au suicide, l’emmener faire la guerre, etc.

Il est peu de choses dans tout cela que notre Etat interdise.

(B. Brecht, Me Ti – Livre des retournements) La présence d’un stagiaire dans la con­

sultation est toujours une expérience très enrichissante. Son regard nouveau sur tout ce qui est devenu routine pour moi, sur ma manière de pratiquer mon métier, sur les problèmes des patients, tout cela est une grande stimulation pour repenser mes attitudes, l’occasion pour une remise en question, un vent frais.

Sophie, étudiante en 5e année, a com­

mencé dans notre cabinet début mai. Dès le premier jour où elle assiste à mes consulta­

tions, je constate à quel point elle est mar­

quée par l’irruption continue du monde réel dans la consultation. Elle rencontre tous ces patients dont la souffrance, la maladie, sont étroitement liées au contexte de leur vie : vic­

times des conditions de travail, des insuffi­

sances du système social, des injustices de notre société, de leurs propres incompé­

tences et imprudences… Soudainement la théorie du «bio­psycho­social» devient réa­

lité palpable.

Madame N. est assise en face de nous deux, en larmes. Elle n’en peut plus. Em­

ployée d’une grande entreprise, ancienne régie fédérale, elle subit les conséquences de la crise : augmentation des cadences, plus de rendement, plus de flexibilité dans les ho­

raires… Un conflit récent avec son supérieur hiérarchique fait finalement déborder le vase.

Une de ces histoires trop bien connues et trop fréquentes ces derniers temps. J’es­

saie de comprendre le contexte, chercher des solutions, je prescris un arrêt de travail pour laisser se décanter la situation et j’orga­

nise un nouveau rendez­vous trois jours plus tard.

Après le départ de la patiente, nous discu­

tons sur son histoire, sur les conditions de travail, sur le droit, sur le burn­out et sur la dépression. J’exprime ma révolte contre ces

situations de plus en plus fréquentes, ma compassion pour Madame N. et ma volonté de l’aider. A ce moment, Sophie sourit et me compare à Robin des Bois, actualité ciné­

matographique oblige. Je suis déconcerté ; comme je n’ai rien du physique de Russell Crowe, je me demande si mon attitude est tellement déphasée. La suite de la discus­

sion me rassure ; Sophie se sent tout autant touchée par les aspects sociaux et aimerait également s’engager sur ce plan, mais elle se sent encore plus impuissante que moi.

Elle réalise à quel point les outils lui man­

quent pour pouvoir être utile aux patients dans leur précarité. Nous tombons d’accord que l’enseignement de la médecine devrait encore davantage sensibiliser au contexte social, du patient et de sa maladie, et que, dans la prise en charge, au­delà des as­

pects purement médicaux, l’apprentissage devrait viser plus de compétences dans ce domaine.

Finalement, la comparaison avec Robin des Bois ne me déplaît pas vraiment, même s’il y a un petit risque d’être ridicule…

… et que dire alors de Don Quichotte ? (post­scriptum de mon collègue Georges Conne).

carte blanche

Pr Thomas Bischoff Médecine interne FMH 1030 Bussigny

Directeur de l’Institut universi­

taire de médecine générale PMU, Lausanne

cobiri@bluewin.ch

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