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Analyse de deux pratiques enseignantes autour de la situation "Qui dira 20 ?" de Guy Brousseau

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Analyse de deux pratiques enseignantes autour de la situation "Qui dira 20 ?" de Guy Brousseau

GUIBERT, Frédéric

Abstract

Le jeu "Qui dira 20 ?" a été mis en scène par Guy Brousseau de sorte qu'il soit le support d'une séquence didactique d'enseignement ou de révision de la division, ou d'une initiation à la réflexion mathématique, s'inscrivant dans le cadre de la théorie des situations didactiques (TDS). La présente recherche a donc pour objet de comparer deux pratiques enseignantes contraintes de mettre en oeuvre cette séquence et d'y relever des divergences et des convergences. Pour ce faire, les notions de transposition didactique, de psychologie ergonomique sont utilisées. Il est également fait appel à la typologie des incidents de Roditi (2005). De ces observations découle une convergence dans la finalité. Dans les deux classes observées le Savoir visé a fini par être livré par l'enseignant, alors qu'il devait être découvert par les élèves. Ceci s'explique par les représentations qu'ont les enseignants de la manière dont l'élève apprend, le niveau de maîtrise mathématique des enseignants et à un conflit d'identité professionnelle.

GUIBERT, Frédéric. Analyse de deux pratiques enseignantes autour de la situation

"Qui dira 20 ?" de Guy Brousseau. Master : Univ. Genève, 2011

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:18135

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Analyse de deux pratiques enseignantes autour de la situation "Qui dira 20 ?" de Guy Brousseau

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA LICENCE MENTION ENSEIGNEMENT

PAR Frédéric Guibert

DIRECTEUR DU MEMOIRE Christine DEL NOTARO

JURY

François CONNE Katia LEHRAUS

GENEVEJUIN 2011

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION

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RESUME

Le jeu "Qui dira 20 ?" a été mis en scène par Guy Brousseau de sorte qu’il soit le support d'une séquence didactique d'enseignement ou de révision de la division, ou d'une initiation à la réflexion mathématique, s’inscrivant dans le cadre de la théorie des situations didactiques (TDS).

La présente recherche a donc pour objet de comparer deux pratiques enseignantes contraintes de mettre en œuvre cette séquence et d’y relever des divergences et des convergences. Pour ce faire, les notions de transposition didactique, de psychologie ergonomique sont utilisées. Il est également fait appel à la typologie des incidents de Roditi (2005).

De ces observations découle une convergence dans la finalité. Dans les deux classes observées le Savoir visé a fini par être livré par l’enseignant, alors qu’il devait être découvert par les élèves.

Ceci s’explique par les représentations qu’ont les enseignants de la manière dont l’élève apprend, le niveau de maîtrise mathématique des enseignants et à un conflit d’identité professionnelle.

(4)

Table des matières

...

Cadre théorique! 4

...

Limitations! 4

...

La didactique et la théorie des situations didactiques! 5

...

Milieu didactique! 7

...

Situation adidactique! 8

...

Topogenèse! 8

...

Une double approche théorique! 8

...

La transposition didactique! 11

...

Une analyse écologique! 12

...

La division euclidienne! 13

...

Méthodologie! 14

...

Qui dira 20 ?! 14

...

Démarche d’observation comparée! 16

...

Dispositif d’observation, transcription et analyse! 17

...

Première transposition didactique! 17

...

Analyses des leçons! 19

...

Analyse 1! 19

...

Enseignant 1! 19

...

Enseignant 2! 21

...

Analyse 2! 24

...

Enseignant 1! 24

...

Enseignant 2! 28

...

Analyse 3! 32

...

Enseignant 1! 32

...

Enseignant 2! 37

...

Analyse 4! 44

...

Enseignant 2! 44

...

Analyse comparative globale! 52

(5)

...

Disparité entre pratique enseignante et théorie didactique! 52

...

Les divergences! 52

...

Les convergences! 53

...

Formation des enseignants! 54

...

Un problème de transposition didactique! 56

...

Conceptions de l’enseignement et des apprentissages! 59

...

Des fiches réparties tout au long de la scolarité qui restent incomprises! 60 ...

Une résistance propre au Savoir! 61

...

Une résistance propre au métier! 62

...

Conclusion! 63

...

Bibliographie! 65

...

Annexes! 66

(6)

Cadre théorique

La présente recherche s’inscrit dans le champ de la didactique des mathématiques. J’envisage en effet, d’analyser comparativement deux pratiques enseignantes. Les enseignants devront mettre en oeuvre la séquence didactique élaborée par Guy Brousseau (1978) basée sur le jeu

«qui dira 20?», permettant notamment aux élèves de découvrir ou redécouvrir la division euclidienne d’une part et de s’initier au raisonnement logique mathématique.

D’un point de vue théorique, ma recherche s’efforcera de comprendre et d’analyser les convergences et divergences entre ces deux pratiques, d’interpréter les incidents survenus à la lumière de la recherche menée sur les pratiques enseignantes en mathématiques d’Eric Roditi (2005) et s’appuie par ailleurs sur la théorie de la transposition didactique (Chevallard, 1991). Naturellement, je me rapporterai aux concepts de la théorie des situations didactiques (Brousseau, 1978), afin de souligner les écarts ou les cohérences des pratiques vis-à-vis de la théorie.!

D’un point de vue épistémologique, je me garderai d’asséner des vérités, mais me bornerai à tester, au sens défini par K. Popper (1934), diverses hypothèses et notamment celles d’Eric Roditi visant à élaborer une typologie de gestion d’incidents et une justification de dérives communes aux deux enseignants par l’inadéquation entre les contraintes temporelles résultant des programmes scolaires et les concepts théoriques didactiques. L’hypothèse est faite par ailleurs que certaines divergences de pratiques s’illustreront et que leur justification réside notamment dans une conception hétérogène des enseignants vis-à-vis des processus psychologiques sous-tendant les apprentissages.

Je vais à présent définir plus clairement les concepts que je viens d’aborder.

LIMITATIONS

Roditi (2005) évoque certaines limites relatives à son sujet d’étude.

L’activité du professeur ne saurait représenter le seul facteur qui détermine l’apprentissage d’un élève. L’hétérogénéité d’une classe en témoigne. Le riche travail de Bernard Charlot, Elisabeth Bautier et Jean-Yves Rochex (1992) contribue à expliquer, par une approche sociologique, que les élèves ne

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reçoivent pas de la même manière le même enseignement : non seulement ils ne rentrent pas en classe avec les mêmes attentes et les mêmes projets, mais encore ils ne donnent pas le même sens au discours de l’enseignant et à ses consignes ni même aux tâches qu’ils réalisent en classe ou à la maison. (pp. 16-17)

Dans la même optique, je n’aborderai donc pas la question des apprentissages sous l’angle des élèves, mais me contenterai d’étudier le pôle enseignant et son articulation avec les savoirs. Toute dimension d’ordre motivationnelle propre au vécu, à la personnalité et au sens donné par les élèves aux contenus ne sera donc pas évoquée notamment.

LA DIDACTIQUE ET LA THÉORIE DES SITUATIONS DIDACTIQUES

En préambule, il convient donc de définir certains concepts auxquels je me rapporterai dans mon analyse. Je ne saurais donc poursuivre mon exposé sans apporter une définition de la didactique et de certains de ces concepts. La didactique est en effet l’étude des questions posées par l’enseignement et l’acquisition des connaissances dans les différentes disciplines scolaires1.

En outre, l’organisation d’une situation d’enseignement est ordinairement représentée par le triangle didactique ci-dessous :

Les trois sommets de ce triangle présentent les trois pôles de l’enseignement et les côtés du triangles les rapports entre ces pôles. La relation ‘‘savoir-élève’’ montre l’apprentissage de l’élève vis-à-vis d’un savoir ; la relation ‘‘savoir-enseignant’’ illustre la dimension de travail didactique et de transposition de l’enseignant et, enfin, le lien entre ‘‘enseignant et élève’’

montre l’aspect formatif pédagogique.

La conception de la séquence élaborée par Guy Brousseau dans le cadre de sa théorie des situations didactiques change quelque peu ce schéma. En effet, la relation ‘‘enseignant-élève’’

y est modifiée, dans la mesure où le professeur ne doit être qu’un vecteur entre le savoir et l’élève à travers un milieu qu’il crée et qui évolue. On désigne cette évolution du milieu par le terme de mésogenèse.

1http:// fr.wikipedia.org/wiki/Didactique consulté le 17 juin 2011

(8)

Cette relation s’illustre par la médiane partant du pôle enseignant.

L’idée étant que le rôle de l’enseignant n’est pas de transmettre le savoir, mais de faciliter l’apprentissage de ce savoir par l’élève. Il a donc vocation à faire apprendre. Brousseau (1994) qualifie-t-il ainsi la didactique des mathématiques comme «la science des conditions spécifiques à l'acquisition provoquée des connaissances mathématiques». (vingt ans de didactique des mathématiques en France, p. 51)

Cette approche des enseignements et des apprentissages relève d’une conception dite constructiviste dont la définition est la suivante :

Le constructivisme, théorie de l’apprentissage, a été développé, entre autres, par Piaget, dès 1923, en réaction au behaviorisme qui, d’après lui, limitait trop l’apprentissage à l’association stimulus-réponse. L’approche constructiviste met en avant l’activité et la capacité inhérentes à chaque sujet, ce qui lui permet d’appréhender la réalité qui l’entoure. Le constructivisme suppose que les connaissances de chaque sujet ne sont pas une simple "copie" de la réalité, mais une "(re)construction" de celle-ci. Le constructivisme s'attache à étudier les mécanismes et processus permettant la construction de la réalité chez les sujets à partir d'éléments déjà intégrés.2

La théorie des situations didactiques vise donc à ce que les enseignants génèrent des situations propices à faire apparaître un certain savoir à enseigner. Brousseau (2010) écrit dans son cours3 :

le professeur doit susciter et gérer des situations pour faire apparaître des connaissances, de référence ou non. Les connaissances de référence impliquées dans une situation didactique seront appelées « un savoir » les autres : une connaissance. Ce qui explique l’usage insolite du mot « savoir » au pluriel. (p. 4)

2http:// fr.wikipedia.org/wiki/Constructivisme_(psychologie) consulté le 17 juin 2011

3polycopié disponible et consulté sur le site http://guy-brousseau.com/wp-content/uploads/2010/11/8-Propriétés-des-situations-

(9)

Milieu didactique

J’ai évoqué ci-avant la notion de «milieu didactique» et il convient de la définir de façon plus approfondie, dans la mesure où ce concept est primordial dans la théorie des situations didactiques de Brousseau dont la présente recherche ambitionne d’analyser sa mise en oeuvre par des enseignants.

A ce sujet, Brousseau (1998) écrit que :

«D’une manière générale, on peut décrire grâce à l'analyse des systèmes, les situations d'enseignement et les classer à partir des échanges entre les élèves, le professeur et le milieu.» (p.25)

«L’élève apprend en s'adaptant à un milieu qui est facteur de contradictions, de difficultés, de déséquilibres, un peu comme le fait la société humaine. (...) Un milieu sans intention didactique est manifestement insuffisant à induire chez l'élève toutes les connaissances culturelles que l'on souhaite qu'il acquiert.»

(p.59)

«Dans le jeu de l'élève avec le milieu, les connaissances sont les moyens d'appréhender les règles et les stratégies de base, puis des moyens d'élaborer des stratégies gagnantes et d’obtenir le résultat cherché. Dans le jeu du maître avec le système élève - milieu le contrat didactique est le moyen d'établir les règles et stratégies de base puis de les adapter aux changements de jeux de l'élève.» (p. 72)

«La nécessité d'introduire un système milieu dans le jeu didactique de l'élève [...] est une nécessité interne » (p.80)

«Il est nécessaire qu'il y ait, face au joueur, un partenaire, un milieu, une loi de la nature qui s'oppose dans une certaine mesure à ce qu’il obtienne à tout coup le résultat voulu. » (p. 87)

«Le milieu est le système antagoniste du système enseigné, ou plutôt, précédemment enseigné » (p. 93)

« Elle [la représentation] doit inclure et mettre en scène un autre système, distinct du système éducatif et qui représentera « le milieu ». Au fur et à mesure des progrès des élèves, cette représentation culturelle et didactique du milieu sera supposée se rapprocher de la « réalité » et les relations du sujet avec ce milieu devront s'appauvrir en intentions didactiques » (p.93).

« La réponse de l'élève ne doit pas être motivée par des obligations liées au contrat didactique mais par des nécessités adidactiques de ses relations avec le milieu » (p. 94)

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Situation adidactique

On considère qu’une situation didactique doit être vécue par les élèves comme adidactique.

Par ce dernier terme, on entend que la situation, bien que didactique puisque pensée dans une visée d’apprentissage, soit perçue comme une situation aussi proche que possible d’un problème de la vie courante que le savoir visé permet de résoudre. Dans ce genre de dispositif, le maître n’intervient plus comme détenteur du savoir. Autrement dit,

Le maître se refuse à intervenir comme possesseur des connaissances qu'il veut voir apparaître. L'élève sait bien que le problème a été choisi pour lui faire acquérir une connaissance nouvelle mais il doit savoir aussi que cette connaissance est entièrement justifiée par la logique interne de la situation. (Brousseau, 1998, p. 59)

Topogenèse

Ce terme désigne le partage des responsabilités, par rapport au savoir, entre enseignant et élève, et donc leur ‘‘place’’(topos) respective. En effet, dans une conception traditionnelle de l’enseignement, l’enseignant a la responsabilité de transmettre son savoir et les élèves de le recevoir. Autrement dit, le maître parle et l’élève écoute. Cette répartition des rôles est autre dans une conception constructiviste des enseignements/apprentissages. En effet, l’esprit de l’élève n’y est plus considéré comme une cire vierge sur laquelle on viendrait imprimer le savoir (cette ancienne conception empiriste défendue par Condillac (1754) a pourtant la vie dure). Ainsi, l’élève doit prendre en charge la responsabilité de son propre apprentissage.

C’est par l’acte de dévolution que l’enseignant se doit de parvenir à ce transfert de responsabilité. «La dévolution est l'acte par lequel l'enseignant fait accepter à l'élève la responsabilité d'une situation d'apprentissage (adidactique) ou d'un problème et accepte lui- même les conséquences de ce transfert» (Brousseau 1998, TDS, p. 303)

UNE DOUBLE APPROCHE THÉORIQUE

Eric Roditi est chercheur en didactique des mathématiques au laboratoire DIDIREM de l’Université Paris 7. Professeur agrégé de mathématiques en collège et en lycée pendant 15 ans, il est aujourd’hui maître de conférences à l’IUFM du Nord Pas-de-Calais où il est chargé de la formation de professeurs et de formateurs du premier et du second degré.

Dans sa recherche, Eric Roditi (2005) présente des outils d’analyse des pratiques enseignantes ainsi que des résultats relatifs à l’enseignement des nombres décimaux et de la multiplication. Attendu que je m’inscris dans la même approche d’analyse que lui, je vais

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notamment utiliser ces outils d’analyse appliqués, cette fois, à l’enseignement de la division ou à une initiation au raisonnement mathématique, à la formulation d’hypothèses, de preuve et éventuellement de théorèmes.

Ainsi, Roditi (2005) imbrique deux approches théoriques dans sa recherche.

Pour étudier les pratiques enseignantes en tenant compte à la fois du quotidien du professeur en situation d’enseignement et de l’apprentissage des élèves, j’ai utilisé une approche double [...] : l’une où les activités du professeur sont analysées en fonction des apprentissages potentiels, et pour laquelle j’utilise le cadre général de la didactique des mathématiques ; l’autre où le professeur est considéré comme un individu en situation de travail, et pour laquelle j’emprunte un cadre théorique à la psychologie ergonomique. (p. 15)

Je considère ce double point de vue pertinent dans le cadre de mes observations, dans la mesure où certaines attitudes ne peuvent s’expliquer comme des réponses les mieux adaptées à un problème d’enseignement. En effet, il est crédible de penser que l’enseignant puisse agir, dans sa pratique enseignante, en tant qu’employé contraint au respect de règles institutionnelles, à une certaine subordination hiérarchique, ou encore en tant que personne nourrissant quelque aspiration personnelle autre que l’envie d’enseigner quelque chose de la meilleure des façons. Le respect des contraintes temporelles et de suivi des programmes en est un exemple classique. Je m’efforcerai donc à prendre en considération, dans mes analyses, le pôle enseignant du système didactique, mais également l’aspect pratique professionnelle de la fonction enseignante. Les contraintes temporelles s’inscrivent dans cette optique métier et peuvent induire des comportements contraires au bon déroulement des apprentissages.

Ainsi, Roditi (2005) dit-il que

Le temps, par exemple, peut expliquer une contradiction globale entre un projet qui laisse potentiellement de l’autonomie aux élèves et une gestion plutôt directive en classe ; il peut être aussi une source de tensions locales, par exemple à la fin d’une séance si le professeur veut conclure avant que les élèves ne quittent la classe ; il peut encore se combiner avec d’autres contraintes : après trois erreurs successives du même élève le professeur peut ‘‘céder’’ et lui donner enfin la bonne réponse pour éviter de créer une situation gênante voire conflictuelle. (p. 28)

En outre, Roditi (2005), dans son étude, a effectué une analyse a priori des diverses publications visant l’enseignement et l’apprentissage potentiel de son objet de savoir (chez lui la multiplication des décimaux). Ainsi écrit-il que

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Les pratiques des professeurs sont étudiées en fonction des apprentissages potentiels des élèves et de l’exercice du métier. Ces deux approches expliquent la nécessité de recourir à des publications variées : pour cerner les enjeux de savoir dont la multiplication des décimaux est l’objet, pour connaître les enseignements possibles de cet objet de savoir, pour saisir les objectifs de l’institution scolaire, et pour comprendre les difficultés d’apprentissage liées à cet enseignement. (p. 29)

Ma recherche n’ira pas si loin, dans la mesure où j’ai contraint les enseignants observés à mettre en oeuvre une séquence issue de la recherche en didactique (et donc à ne pas présenter la technique opératoire), et plus particulièrement des travaux de Guy Brousseau et de sa théorie des situations didactiques. Il s’agissait donc de présenter la division euclidienne à travers une situation modélisée par elle. En effet, Roditi (2005) fait le constat que

En tant qu’opération, la multiplication [valable également pour la division] peut être appréhendée suivant trois aspects : les techniques opératoires permettant le calcul d’un produit [ou d’un quotient et d’un reste dans le cas de ma recherche], ses propriétés algébriques et l’ensemble des situations qu’elle modélise [...] tous les professeurs ont présenté, justifié, voire même démontré la technique opératoire. (p. 174)

Par ailleurs, j’appliquerai à ma recherche les observations faites par Roditi (2005) relatives à la typologie des incidents

Pour définir la notion d’incident, je me réfère au travail de Janine Rogalski (2003), plus précisément à son approche de psychologie ergonomique de l’activité de l’enseignant. L’auteur définit l’incident comme un décalage entre ce qui était prévu et ce qui se réalise : La définition la plus générique d’incident est le fait qu’il y a décalage entre ce qui est attendu de l’action et ce qui se passe effectivement. On réserve en général le terme d’incident aux cas où on évalue que ce décalage est ‘‘négatif’’, et met en question l’atteinte du but visé. L’incident en ce sens générique n’est donc pas l’incident de discipline, mais celui directement lié au contenu de l’enseignement en jeu. (pp. 40-41)

ainsi qu’au mode de gestions de ceux-ci par les enseignants.

A chaque incident qui survient durant le déroulement de la séquence, le professeur intervient, éventuellement il ignore la réaction de la classe. Cette intervention résulte d’un choix. Si un élève commet une erreur, le professeur peut corriger par la réponse exacte ou signaler l’erreur et demander simplement à l’élève de reprendre sa réponse, ou bien il peut faciliter la tâche pour aider l’élève à trouver la réponse correcte attendue. Il peut aussi demander à un autre

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élève de répondre à la question posée. Chacune de ces interventions est une gestion de l’incident survenu durant le déroulement. (p. 42)

Dans son étude, Eric Roditi (2005) identifie six catégories d’incidents que je reprendrai dans ma recherche.

Six catégories d’incidents ont été distinguées à la lecture des narrations, elles vont être présentées et illustrées par des exemples observés dans les classes des professeurs. - Les erreurs (E). J’ai compté dans cette catégorie toute réponse qui n’est pas conforme à celle qui est manifestement attendue en fonction de la tâche. [...] - Les questions ou les propositions (Q). Les élèves posent des questions, ils expriment des propositions de méthodes ou ils introduisent des éléments nouveaux en cours de résolution d’un problème.[...] - Les réponses incomplètes (I). Aux questions du professeur, les élèves proposent parfois des réponses incomplètes ou qui ne sont pas suffisamment argumentées. [...] - Les élèves interrogés qui restent silencieux (S). Lorsqu’un élève qui n’était pas volontaire est désigné pour répondre à une question, il reste parfois silencieux.

[...] - Ce que disent les élèves quand la réponse est hors de leur portée (P).

Certaines questions sont posées alors que le niveau mathématique des élèves est insuffisant pour répondre correctement, parfois les élèves répondent quand même... [...] - Les élèves sont en désaccord mais personne n’a tort (D). Lorsque plusieurs méthodes permettent de répondre, des élèves peuvent proposer chacun une réponse correcte mais exprimer un désaccord. (pp. 41-42)

LA TRANSPOSITION DIDACTIQUE

Je dois également aborder un concept central en didactique, la transposition didactique, qui constituera une clé interprétative de certains échecs observés lors de ma recherche. Elle est ainsi définie par Yves Chevallard (1991) :

Un contenu de savoir ayant été désigné comme savoir à enseigner subit dès lors un ensemble de transformations adaptatives qui vont le rendre apte à prendre place parmi les objets d’enseignement. Le ‘‘travail’’ qui d’un objet de savoir à enseigner fait un objet d’enseignement est appelé la transposition didactique. (p.

38)

Il existe donc un savoir mathématique préexistant et différent de celui à enseigner, lui-même différent de celui réellement enseigné. A ce sujet Chevallard (1991) écrit que «le savoir-tel- qu’il-est-enseigné, le savoir enseigné, est nécessairement autre que le savoir-initialement- désigné-comme-devant-être-enseigné, le savoir à enseigner.» (p. 15)

(14)

Il convient de préciser qu’à chaque transposition, le savoir perd une partie de sa substance ; le savoir enseigné étant donc partiellement dénaturé. Certains savoirs, et en particulier la division, peuvent donc faire l’objet de diverses transpositions didactiques et ces savoirs transformés pourraient ne plus être identifiés par les élèves comme issus du même savoir à enseigner. Ainsi, dans le cadre de la division, je fais l’hypothèse que les élèves ne soient plus capables de la reconnaître sous sa forme dans la séquence didactique de Brousseau, pourtant plus proche du savoir non transposé à mon sens, en raison de son éloignement avec le savoir

‘‘division’’ traditionnellement enseigné.

De plus, dans la classe, les savoirs enseignés sont tributaires de ce qu’il convient de nommer la transposition interne que l’on désigne également par le terme de contrat didactique.

Les conséquences de cette transposition du point de vue de l’enseignement/apprentissage sont relatives, entre autres, à ce que les didacticiens nomment temps didactique et temps d’apprentissage. En effet, ces deux temps ne coïncident pas, particulièrement pour des élèves déclarés en difficulté : ils sont perçus pour beaucoup d’entre eux comme étant “en retard” par rapport au programme.

Le savoir de la classe est censé “avancer” en raison des décisions qui ont été prises au niveau des concepteurs des programmes et des moyens d’enseignement. En partant de ce postulat, on comprend que les savoirs sont “programmables”. Le temps didactique est pensé comme linéaire : les objets sont considérés comme progressifs, cumulatifs et irréversibles. C’est une douce utopie.

Une analyse écologique

Dans son étude, Eric Roditi (2005) se propose d’effectuer une analyse de la transposition didactique à l’épreuve de l’exercice du métier.

Dans le contexte d’une étude de pratiques enseignantes, une analyse de la transposition didactique doit prendre en compte les contraintes institutionnelles, notamment de curriculum et de temps. [...] Les professeurs conçoivent donc un enseignement qui s’intègre dans le programme complet de l’année scolaire. Une analyse de type écologique, fondée sur la théorie d’Yves Chevallard (1994), permettra une étude préalable de cette intégration. (p. 31)

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LA DIVISION EUCLIDIENNE

En mathématiques, et plus précisément en arithmétique, la division euclidienne ou division entière est une opération qui, à deux entiers naturels appelés dividende et diviseur, associe deux entiers appelés quotient et reste. Initialement définie pour deux entiers naturels non nuls, elle se généralise aux entiers relatifs4.

Ce savoir constitue donc un objet d’enseignement inscrit au programme du deuxième cycle de l’enseignement primaire. Les élèves doivent donc apprendre l’algorithme permettant la résolution de divisions euclidiennes, mais également pouvoir, dans un second temps, mobiliser ce savoir de manière à résoudre des situations problématiques. L’institution fait donc le choix d’enseigner ce savoir en allant de la technique opératoire aux problèmes. Roditi (2005) définit cette approche dans le cadre de son étude sur l’enseignement de la multiplication des décimaux ainsi :

la multiplication des décimaux est éventuellement rendue nécessaire par l’étude de situations multiplicatives puis, indépendamment de ces situations étudiées, une méthode de calcul du produit est laissée, au moins partiellement, à la charge de l’élève qui doit la découvrir, la formuler et éventuellement la justifier. Enfin la multiplication est utilisée pour résoudre des problèmes. (p. 63)

Le plan d’étude romand5 (CIIP, 2010) donne en outre sa propre version de la définition de la division et de la division euclidienne :

Division : la division permet de trouver : 1. la mesure de chaque part lors de partages égaux (« division de partage ») ; 2. le nombre de parts de mesure donnée qui entrent dans une quantité fixée («division de contenance»); 3. le rapport de deux grandeurs (exprimées dans la même unité de mesure) ou de deux nombres (comparaison) ; 4. une grandeur à partir d’une autre (une longueur à partir d’une aire, une aire à partir d’un volume,...) dans des situations de produits de mesures; 5. la valeur unitaire dans des situations de proportionnalité ; 6. une nouvelle grandeur correspondant au rapport de deux grandeurs de natures différentes (vitesse, densité de population,...).

Division euclidienne : opération qui consiste, à partir de deux nombres naturels D (dividende) et d (diviseur), à déterminer deux nombres naturels q (quotient) et r (reste) tels que D = d x q + r avec r < d. (p. 59)

4http:// fr.wikipedia.org/wiki/Division_euclidienne consulté le 17 juin 2011 53_PER_2C_BROCHURE_MSN_SHS.pdf version électronique du PER cycle 2

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Méthodologie

QUI DIRA 20 ?

La méthode d’observation et d’analyse de la présente recherche se base sur une séquence d’enseignement réalisée et décrite par Guy Brousseau (1978). Celle-ci repose sur un jeu baptisé «qui dira 20 ?», se pratiquant à deux joueurs ou équipes confronté(e)s l’un(e) à l’autre, et dont le but est de parvenir à dire le nombre «20» au terme d’une suite de nombres énoncés et obtenus par une série d’additions successives. Il est ajouté comme contrainte que seuls les nombres 1 ou 2 peuvent être additionnés au nombre précédemment dit par l’adversaire. Par exemple, si le premier joueur décide d’additionner 2 à 0, alors il dit «2». Son adversaire pourra ensuite additionner 1 ou 2 et donc dire «3» ou «4». C’est alors à nouveau à l’autre joueur de jouer et d’additionner 1 ou 2 au nombre précédemment dit par l’adversaire (3 ou 4) et ainsi de suite.

Naturellement, il existe diverses manières d’aborder ce jeu. La stratégie de base consiste à joueur en choisissant le nombre à ajouter de façon aléatoire. La partie sera ainsi remportée de façon hasardeuse par l’un ou l’autre des joueurs. Ce n’est évidemment pas cette situation qui nous intéresse.

Toutefois, au fil des parties jouées, des joueurs vont rapidement observer que celui disant

«17» remporte systématiquement la partie. D’autres élèves comprendront peut-être qu’il convient de dire «14», afin de nécessairement pouvoir dire «17» et s’assurer la victoire. Bien entendu, ce raisonnement ne peu pas être fait par le maître à la place de l’élève et chaque enfant aura besoin de plus ou moins de temps pour parcourir le chemin de la réflexion.

Par la suite, nous devrions donc passer de la stratégie de base hasardeuse à une stratégie plus aboutie et déterministe visant à énoncer une suite de nombres constituant une série mathématique. En outre, les élèves pourront découvrir que les nombres de cette série se retrouvent en procédant par une succession de soustractions du même nombre (en l’espèce de «3») à partir du nombre final assurant la victoire (ici «20»).

(17)

Par conséquent, les nombres gagnants pour le jeu «qui dira 20?» en ayant le droit d’additionner «1» ou «2» sont :

-3 -3 -3 -3 -3 -3

20 17 14 11 8 5 2

Le fait que des élèves découvrent toute ou partie de cette stratégie soustractive constitue un succès, dans la mesure où il s’agit d’une démarche réinvestissant la soustraction dans un processus adidactique. En effet, l’utilisation de la soustraction n’est en aucun cas suggérée par le dispositif et les élèves mobilisent la soustraction en tant qu’opération inverse de l’addition dans le but de gagner la partie.

Cela dit, cette stratégie, si elle est valide quelles que soient les variables du jeu, n’est efficace que lorsque le nombre à dire pour gagner est relativement petit. En effet, si l’on change la variable didactique pour transformer le jeu en «qui dira 100 ?», «qui dira 468 ?» ou «qui dira n ?», alors la stratégie soustractive s’avère couteuse en temps et risquée en terme d’erreur vu le nombre d’opérations à réaliser.

Ainsi, certains élèves parviendraient peut-être à élaborer un théorème plus abouti, permettant de trouver rapidement, en une seule opération, le premier nombre de la série gagnante. Cette stratégie optimale met en oeuvre la division euclidienne où le dividende correspond au nombre final à dire pour gagner (20, 100 ou 468 suivant le jeu), le diviseur à ce que l’on appelle le pas (ici 3, car l’élève peut additionner des nombres n < 3), et le reste le premier nombre6 gagnant de la série. Ainsi, pour les trois variantes du jeu, nous établissons les séries suivantes :

20 20-3=17 17-3=14 14-3=11 11-3=8 8-3=5 5-3=2

20/3 = 6 reste 2 20/3 = 6 reste 2 20/3 = 6 reste 2 20/3 = 6 reste 2 20/3 = 6 reste 2 20/3 = 6 reste 2 20/3 = 6 reste 2

100 100-3=97 97-3=94 ... 10-3=7 7-3=4 4-3=1

100/3 = 33 reste 1 100/3 = 33 reste 1 100/3 = 33 reste 1 100/3 = 33 reste 1 100/3 = 33 reste 1 100/3 = 33 reste 1 100/3 = 33 reste 1

468 468-3=465 465-3=462 ... 9-3=6 6-3=3 3-3=0

468/3 = 156 reste 0 468/3 = 156 reste 0 468/3 = 156 reste 0 468/3 = 156 reste 0 468/3 = 156 reste 0 468/3 = 156 reste 0 468/3 = 156 reste 0

6Si le reste est égal à zéro, alors il convient de laisser l’adversaire commencer, comme dans «qui dira 468 ?»

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En effet, si la multiplication permet de réaliser en une seule opération une succession d’additions du même terme, la division permet de soustraire en une opération une succession de soustractions du même terme.

La séquence a donc pour visée de faire découvrir aux élèves toutes ou parties des stratégies précitées en aménageant un milieu didactique adéquat. Le jeu tel que je l’ai exposé en fait partie, mais il ne saurait être suffisant. En effet, la séquence est pensée également d’un point de vue chronogénétique et topogénétique. Les élèves endossent tour à tour le rôle d’expérimentateur, de théoricien et de contradicteur tout au long de la séance. En outre, la progression des apprentissages, bien qu’il s’agisse du point qui posera problème, est également pensée. Pour plus de détails quant au déroulement prévu de la séquence, je vous invite à vous référer au canevas figurant dans la partie annexe (annexe 8).

DÉMARCHE D’OBSERVATION COMPARÉE

Ma démarche de recherche consiste donc en la comparaison de deux pratiques d’enseignants de classes de même niveau (double degré 5P-6P) et d’un nombre d’élèves comparable, ayant à disposition le canevas précité (annexe 8) et à qui j’avais préalablement donné une description du jeu «qui dira 20 ?» et de sa règle. En outre, j’ai effectué quelques parties avec lesdits enseignants, afin d’exemplifier le déroulement d’une partie. Par ailleurs, j’ai répondu à toute question relative à la règle du jeu, à ses variantes didactiques (Qui dira n ? avec un pas de m), ainsi qu’aux visées d’enseignement/apprentissage qu’il permet selon la théorie des situations didactiques de Brousseau (révision ou approche originale de la division euclidienne et/ou initiation à une démarche de recherche d’hypothèses et à l’élaboration de théorèmes).

Cette première phase du dispositif achevé, les enseignants étaient libres d’évaluer librement le temps nécessaire à l’application de la séquence, ainsi que les objectifs d’apprentissage visés. Je précise à ce sujet que j’ai proposé aux deux enseignants de revoir à la hausse le temps prévu, dans la mesure où il me semblait qu’ils sous-estimaient ce facteur. Quant aux objectifs d’apprentissage, l’un des enseignants s’est fixé comme but d’amener les élèves à émettre des théorèmes relatifs au jeu, mais pas d’atteindre la stratégie optimale utilisant la division euclidienne. L’autre a visé un objectif plus ambitieux, dans la mesure où il s’est efforcé de faire découvrir aux élèves la stratégie optimale précitée.

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Les deux séquences menées dans les classes observées se sont déroulées ainsi :

Lundi mardi jeudi vendredi Total

Classe 1 Classe 2

16 minutes 30 minutes 32 minutes néant 78 minutes

33 minutes 48 minutes 48 minutes 51 minutes 180 minutes On observe donc une grande différence de temps accordé à la séquence, ce qui se justifie par les attentes plus ou moins ambitieuses des enseignants vis-à-vis de leurs élèves. En outre, cette différence reflète sans doute un degré variable d’adhésion de l’enseignant-e au principe didactique sous-tendu par la séquence, à savoir une conception socio-constructiviste des apprentissages.

DISPOSITIF D’OBSERVATION, TRANSCRIPTION ET ANALYSE

D’un point de vue pratique, j’ai observé en recourant à une capture vidéo des séances dispensées en classe. La caméra a été placée à l’arrière de la classe, de façon à ce que son champ visuel soit le plus large possible tout en assurant une discrétion relative (dos aux élèves, mais face à l’enseignant-e).

Dans la mesure où l’objet de la présente recherche se porte sur les pratiques enseignantes, j’ai focalisé l’objectif de la caméra sur l’enseignant-e.

Ensuite, une transcription écrite du film a été réalisée en distinguant les interventions des élèves et de l’enseignant et en isolant les éléments propre à l’organisation du milieu. Ces transcriptions ont fait alors l’objet d’une première analyse plus fine présentée sous la forme d’une narration commentée (une première analyse). Enfin, sur cette base, j’ai relevé des divergences, mais surtout des convergences entre ces deux pratiques enseignantes et en ai tiré quelques constats.

PREMIÈRE TRANSPOSITION DIDACTIQUE

J’aimerais apporter un éclairage supplémentaire quant à la manière dont j’ai présenté le jeu

«Qui dira 20 ?» et la séquence didactique imaginée par Brousseau s’y rapportant. En effet, j’avais prévu de distribuer un canevas rédigé par Brousseau lui-même (cf. annexe 8) et décrivant de façon relativement précise le déroulement du dispositif au sein d’une classe. Je me suis donc efforcé de ne pas trop commenter la manière dont je concevais le dispositif ainsi que les objectifs d’apprentissage y relatifs. Néanmoins, il ne m’était pas possible de ne pas

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répondre aux interrogations des enseignants. Je ne peux donc pas exclure que mes commentaires, issus de ma perception des savoirs en jeu et donc d’une première transposition didactique, n’aient influencé la perception des savoirs des enseignants. Ce point pourrait constituer un biais dommageable aux conclusions de cette recherche, si je n’avais pas pris soin de ne plus m’entretenir avec les enseignants jusqu’à la fin de mes observations. Ainsi, j’ai présenté la séquence didactique au mois de février et je n’ai ensuite plus contacté les enseignants jusqu’à mon arrivée dans leur classe la deuxième semaine d’avril.

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Analyses des leçons

ANALYSE 1

Enseignant 1

L’organisation spatiale de la classe pourrait être qualifiée de «traditionnelle», dans la mesure où la place de l’enseignant est située à proximité du tableau noir, qui lui-même fait face à l’ensemble des élèves. Ces derniers sont installés à des pupitres individuels faisant face au tableau noir et organisés en rangées et en colonnes parallèles.

La séquence d’enseignement est initiée en précisant aux élèves qu’une activité de mathématiques sera menée tout au long de la semaine (cf. annexe 1, 0:39). Par ailleurs, il est précisé qu’il s’agira d’un jeu (cf. annexe 1, 2:48). Dès lors, l’enseignant prend en charge l’explication de la consigne en exemplifiant le début d’une partie imaginaire (cf. annexe 1, 2:48). Ensuite, l’enseignant illustre l’activité en jouant devant la classe avec un élève.

Toutefois, il est remarquable que l’enseignant et l’élève jouent à «qui dira 20?» de façon exclusivement orale (cf. annexe 1, 3:25). Aucune trace de la partie n’est en effet laissée par écrit. Nous verrons par la suite que cette approche est spécifique à cette classe et qu’elle pourrait constituer un facteur non négligeable dans les différences observées au niveau de la progression des apprentissages au sein des deux classes comparées.

Cette première étape réalisée, l’enseignant se réfère au canevas préalablement distribué (annexe 8) et suit scrupuleusement le déroulement de la leçon telle que l’a décrite Guy Brousseau. Ainsi, l’enseignant demande aux élèves de se réunir par groupe de deux et de jouer quelques parties. Toutefois, l’enseignant précise que le choix du partenaire n’est pas libre (chaque élève doit jouer avec son voisin) en justifiant cette décision par un souci de ne pas perdre de temps (cf. annexe 1, 4:28); et qu’ils peuvent s’aider d’une feuille de brouillon.

En outre, l’enseignant attire l’attention des élèves sur le fait qu’il existerait un moyen de jouer et de gagner qui ne relève pas du hasard (cf. annexe 1, 7:32). Ces trois éléments sont remarquables. Premièrement, le temps à disposition pour la mise en oeuvre de la séquence était plus important que celui réellement utilisé, et le choix du partenaire n’est pas un facteur de perte de temps. Ce choix relève certainement de préoccupations liées au maintient d’une certaine rigueur disciplinaire au sein de la classe et à une volonté de proposer une activité

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cadrée. A ce sujet, le fait que des activités soient structurées est sans doute bénéfique pour nombre d’élèves et spécialement ceux présentant des difficultés d’apprentissage.

Malheureusement, un tel dispositif didactique repose sur une démarche de recherche et nécessite donc d’accorder une autonomie et une liberté importantes à l’apprenant. Ceci est donc incompatible avec un enseignement trop structurant.

En outre, la consigne implique que les élèves ne doivent pas changer de partenaire. Cette décision réduit naturellement le dynamisme qu’un tournus aurait généré en confrontant de façon plus assurée un élève jouant au hasard à un autre qui entreverrait quelque stratégie. De plus, le nombre d’élève étant impair, l’enseignant doit assurer le rôle de partenaire d’un des élèves et ne peut donc observer le déroulement des diverses parties. Ce point est capital, dans la mesure où l’enseignant ne peut apporter la moindre régulation en cas, par exemple, d’incompréhension de la consigne. A ce sujet, peu ou prou d’élève ont fait usage de la feuille de brouillon évoquée.

Cela m’amène à évoquer le deuxième point de la consigne suggérant l’usage d’une feuille de brouillon. Si la pertinence du recours à l’écrit dans la séquence didactique imaginée par Brousseau repose sur le fait qu’il soit possible pour l’élève de déduire des hypothèses par l’observation de ces traces, il n’est pas suffisant de proposer, dans une consigne orale, ce recours à l’écrit ; même si ladite feuille a été distribuée. En effet, la partie jouée à titre d’exemple par l’enseignant et un élève n’a pas été faite par écrit, mais oralement, ce qui empêche la plupart des élèves d’imaginer en quoi cette feuille de brouillon pourrait constituer une aide. Les traces écrites sont également un élément majeur de la séquence, car elles permettent à l’enseignant de vérifier a posteriori le déroulement des parties. Enfin, si l’enseignant donne un exemple d’usage de la feuille de brouillon, il recommande aux élèves d’y représenter le déroulement des parties sous forme de traits tels qu’utilisés lorsque des scores sont comptabilisés pour un jeu sportif (cf. annexe 1, 7:01). Il n’est pas certain qu’une telle orientation soit judicieuse, car l’observation d’une partie figurée par des traits n’est pas susceptible de permettre aux élèves de relever, par exemple, l’importance du nombre dix- sept. De plus, la transcription de «17» en «)+Yî;ryy +H- 1l » ne constitue pas un gain de temps.

Enfin, la suggestion, par l’enseignant, de l’existence de stratégies (cf. annexe 1, 7:32) permettant de gagner va a l’encontre de l’idée même de l’apprentissage par des situations problèmes. En effet, Brousseau voulait notamment éviter les interactions entre l’enseignant et l’élève, mais a imaginé son dispositif de sorte que l’élève construise ses savoirs en se

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confrontant au milieu didactique mis en place par l’enseignant (ici la situation de jeu entre pairs).

Il est intéressant de constater que l’enseignant, une fois cette étape de jeu par deux achevée, demande aux élèves s’ils ont compris quelque chose (cf. annexe 1, 14:35). Néanmoins, il lui est impossible de savoir ce qui a été réellement compris par l’ensemble des apprenants. Certains ont peut-être relevé que le nombre «17» assure le gain de la partie, d’autres que «14» mène aussi à la victoire, tandis qu’un autre enfant aura trouvé la suite complète de nombres gagnants ou qu’un dernier sera persuadé que le hasard gouverne à la destinée de la partie.

C’est ici, après quinze minutes environ, que l’enseignant décide d’interrompre la leçon (cf.

annexe 1, 15:53). L’intégralité de la séquence se déroulant en une semaine, le fait d’effectuer des séquences courtes est intéressant. Toutefois, il aurait été possible d’aborder la suite du dispositif, à savoir la constitution de groupes de réflexion, afin que tous les élèves puissent entrevoir le but d’une telle démarche.

Enseignant 2

L’organisation spatiale de la classe diffère du schéma classique dans la mesure où les élèves sont installés à des pupitres disposés en deux «C» concentriques. Cette propriété permet aux élèves de se voir durant les périodes de mise en commun, mais cela libère également des espaces libres qui seront utilisés durant la séquence. Le bureau de l’enseignant est quant à lui disposé de façon similaire à celui de l’enseignant de l’autre classe.

La séquence est initiée en précisant qu’une activité sera menée sous forme d’un jeu s’appelant

«Qui dira 20 ?». L’enseignant n’indique pas aux élève qu’il s’agit d’une séquence de mathématiques et il explique brièvement la règle du jeu oralement (cf. annexe 2, 0:00). Très rapidement, celle-ci est illustrée sous la forme d’un exemple de partie disputée entre un élève et l’enseignant au tableau noir (cf. annexe 2, 1:33). Cette phase permet de stabiliser certains éléments de la règle, comme la disposition formelle écrite d’une part et le fait d’écrire le sous- total plutôt que le chiffre ajouté. Cette partie est jouée tout en étant commentée par l’enseignant (cf. annexe 2, 2:14). A cet égard, la séquence se déroule selon les préconisations de Brousseau dans la mesure ou l’élève est confronté à une situation (la suite de nombres) et ses actions font l’objet d’un feed-back de l’enseignant.

Le fait de pratiquer le jeu en même temps que de donner la consigne a pour but d’assurer que les règles intériorisées par l’enfant, sont bien les mêmes que celles

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données par le professeur : l’action réduit l’ambiguïté du message en introduisant des rétroactions. (Brousseau, G., 1998, p. 30)

Il est à noter que l’enseignant décide de ne pas jouer au hasard (cf. annexe 2, 2:04), mais qu’il adopte au contraire la stratégie gagnante d’emblée. Il est difficile de savoir si cette option est susceptible de constituer un biais dans la séquence, mais il n’est pas exclu qu’un élève décide de reproduire la démarche de l’enseignant sans pour autant avoir compris la stratégie.

Cela étant, bien que l’enseignant, comme le préconise Brousseau, effectue une partie contre un élève au tableau, il ne laisse ensuite pas deux élèves jouer l’un contre l’autre face à la classe. En effet, la phase suivante du dispositif, à savoir les parties entre pairs commencent immédiatement (cf. annexe 2, 4:58) et l’on est en droit de se demander si l’ensemble des élèves ont réellement intégré la règle. En effet, la phase d’explication de la consigne nécessite que les élèves passent par l’action afin que la règle soit intégrée. Le milieu pourra alors leur apporter un feed-back indispensable à la déconstruction des conceptions initiales des élèves par rapport à la règle. Ce processus de rétroaction, comme je l’ai mentionné ci-avant, se manifeste déjà lors de la partie jouée entre l’enseignant et l’élève, toutefois une autre partie jouée sur le même schéma, mais entre pairs aurait été pertinente.

Sans transition, l’enseignant demande donc aux élèves de disputer plusieurs parties en changeant régulièrement de partenaire ; le choix de ce dernier étant laissé au libre choix des élèves (cf. annexe 2, 4:58). Par ailleurs, une trace écrite de chaque partie laissée dans le cahier de mathématique est imposée. S’engage alors la phase suivante de la séquence où les enfants, jouant l’un contre l’autre, sont placés en situation d’action. La suite de nombres précédant l’action de l’enfant étant considérée comme la situation au sens de la théorie des situations didactiques. La pertinence de jouer plusieurs parties face à d’autres joueurs permet aux élèves de confronter leurs stratégies et, cas échéant, de l’accepter ou de la rejeter en fonction de l’efficacité constatée ou non en fonction des rétroactions du milieu (le gain ou la perte d’une partie). Cette démarche est appelée par Brousseau (1998) comme «dialectique de l’action».

En général, une stratégie est adoptée en rejetant intuitivement ou rationnellement une stratégie antérieure. Une stratégie nouvelle est donc mise à l’épreuve de l’expérience. Elle est acceptée ou rejetée suivant l’appréciation portée par l’élève sur son efficacité, cette appréciation peut être implicite.

(Brousseau, G., 1998, p. 33)

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Nous sommes donc pleinement en accord avec le dispositif théorique, bien que le temps accordé à cette phase ait été d’approximativement neuf minutes, alors que Brousseau en prévoyait quinze à vingt dans son dispositif (cf. annexe 8). Je reviendrai sur cette problématique du temps par la suite, car elle est sans doute un facteur important conduisant à l’échec ou à la réussite du dispositif et elle s’est illustrée à différent degré au sein des deux classes observées.

Ensuite, l’enseignant passe à la phase suivante du dispositif sans effectuer d’allusion quant à l’émergence ou non de stratégies (cf. annexe 2, 15:41). La classe est dès lors partagée en deux équipes et l’enseignant explique la règle régissant cette organisation. Ainsi, lorsque le champion d’une équipe, nommé par l’enseignant, remportera une victoire contre celui de l’autre équipe, alors il rapportera un point à son équipe. De plus, l’enseignant précise, et en ce sens il varie du dispositif théorique, qu’entre chaque partie les équipes pourront se réunir et discuter d’éventuelles stratégies (cf. annexe 2, 16:02). L’enseignant apporte donc une réponse partielle au problème en sous-entendant qu’il existe une stratégie. En effet, selon le canevas fourni à l’enseignant, cette nécessité de discuter de stratégies devrait émaner des élèves eux-mêmes (cf. annexe 8).

Un élément central de toute situation didactique étant que l’enseignant interfère le moins possible dans la situation. Il ne devrait en principe que décrire les règles de la situation et ne jamais donner d’indication susceptible d’être découverte par l’élève en agissant face à cette situation.

Cette phase commence donc par un duel entre un élève de chaque équipe sélectionnés par l’enseignant (cf. annexe 2, 17:02) ; la partie servant de situation tant pour les élèves au tableau que pour les élèves à leur place qui doivent confronter leur propre stratégie à la situation (le déroulement de la partie). La manifestation de ce dernier phénomène réside dans les bruits et réactions des élèves à leur place. Cette situation permettra ensuite de nourrir, en principe, les discussions relatives aux stratégies gagnantes entre les membres des équipes. Il est intéressant d’observer que l’enseignant veille à ce que les nombres écrits par les joueurs soient également oralisés (cf. annexe 2, 17:48), de sorte que les élèves puissent non seulement voir le déroulement de la partie, mais également l’entendre. Une fois la partie achevée, les élèves sont invités par l’enseignant à se réunir en groupe aux extrémités de la classe (cf.

annexe 2, 20:40). A ce sujet, l’agencement de l’espace est particulièrement propice, car deux lieux opposés dans la classe sont libres et permettent aux élèves de discuter sans que l’autre groupe ne les entende. Par ailleurs, l’enseignant circule auprès des groupes, ce qui lui permet

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d’évaluer l’état des stratégies élaborées (cf. annexe 2, 21:20). Cela lui permet notamment de réguler le temps nécessaire à cette phase, mais aussi de veiller à ce que les élèves en avance sur les autres dans la compréhension du problème ne mobilisent pas la parole. Il ne s’agit en effet pas qu’un élève dispense un cours frontal à ses camarades.

Enfin, dans un second temps, les élèves se réunissent à leur place et deux champions sont sélectionnés par l’enseignant pour s’affronter au tableau noir. L’enseignant précise alors à nouveau que désormais les autres membres de l’équipe ne sont plus autorisés à parler ou à émettre quelque commentaire que ce soit (cf. annexe 2, 24:26). Seuls les moments de discussion collectifs autorisent la communication entre élèves. Deux parties successives sont jouées en changeant naturellement de joueurs à chaque fois et les scores sont notés au tableau noir. A ce stade, les deux parties ont été remportée par une équipe et l’enseignant décide de réunir les équipes afin de permettre aux joueurs de comprendre les raisons de leur victoire ou de leur défaite (cf. annexe 2, 26:26). Ensuite, deux nouvelles parties sont jouées avant de clore la leçon jusqu’au lendemain (cf. annexe 2, 27:53). Il est à noter que le dispositif figurant sur le canevas fourni à l’enseignant (annexe 8) précisait que six à huit parties devaient être jouées et que l’enseignant n’en a fait jouer que quatre.

ANALYSE 2

Enseignant 1

Cet enseignant ayant choisi d’effectuer une première leçon plus courte que celle observée dans l’autre classe, l’avancement du dispositif n’est par conséquent pas identique à celui de l’autre classe. Il est à noter que cette volonté a pour première conséquence qu’il est indispensable de consacrer plus de temps pour recontextualiser la leçon par rapport à ce qui a déjà été abordé précédemment. De ce fait, il ressort que l’enseignant consacre près de quatre minutes (sur les trente de la leçon) à remettre les élèves dans le contexte en suggérant cette fois qu’il ne s’agit pas de jouer au hasard (cf. annexe 3, 2:00 à 3:23). Ce dernier point est remarquable, car le dispositif ne préconise pas de suggérer cet état de fait, mais suppose au contraire que les élèves le découvrent d’eux-mêmes. Cette attitude n’est pas rare chez les enseignants et traduit à mon sens leur peur que l’avancement des apprentissages, la chronogénèse, ne se fassent pas, de manière incorrecte ou trop lentement. Cela suppose que l’enseignant peut contrôler directement ces apprentissages par son action. Cette conception est antagoniste à la théorie des situations didactiques et à la conception des apprentissages chez Brousseau. En effet, tout le dispositif théorisé consiste à mettre les élèves dans une

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situation les contraignant, par leurs actions, à construire leurs connaissances relatives à un savoir visé. Ainsi, toute intervention trop injonctive de l’enseignant contrecarre cette démarche. Par la suite, l’enseignant explique la phase suivante du jeu, à savoir la confrontation en équipes. L’enseignant partage donc la classe en deux équipes et précise qu’il appellera un membre de chacune d’elles pour représenter son équipe dans un duel (cf. annexe 3, 3:51). Toutefois, il n’est pas précisé immédiatement que les autres membres des équipes n’ont pas le droit d’intervenir en cours de partie. C’est pourtant un élément crucial du dispositif, car c’est uniquement pour cette raison que les élèves se doivent de discuter au sein des équipes. En effet, le champion de chaque équipe n’étant pas connu à l’avance, il est impératif que tous ses membres soient au clair avec la stratégie gagnante. La discussion a dès lors un double intérêt. Premièrement elle favorise l’apprentissage de tous les enfants et pas seulement celui des «meilleurs», car le groupe voudra s’assurer que chacun ait parfaitement intégré les stratégies d’une part et les élèves en difficulté auront moins peur d’exprimer leur incompréhension entre pairs que s’ils devaient s’exposer au jugement de l’ensemble de la classe et de l’enseignant. Par ailleurs, cette discussion devrait permettre l’émergence de stratégies nouvelles. Le conditionnel est ici utilisé, car l’émergence d’idées nouvelles est possible lors de discussions à l’intérieur de groupes de pairs à la condition qu’il en résulte un conflit socio-cognitif. Malheureusement, l’émergence d’un tel conflit n’est pas automatique.

Dans le cas présent, la discussion se doit d’être justifiée par l’enseignant. Celui-ci va d’ailleurs s’y employer en interrogeant la classe quant à l’utilité d’une telle discussion (cf.

annexe 3, 4:17). De façon prévisible, les réponses des enfants sont données afin de satisfaire les attentes supposées de l’enseignant ; on est en plein dans ce qu’on appelle le contrat didactique (les élèves souhaitent répondre aux attentes supposées de l’enseignant). Ainsi, un élève avance que l’intérêt d’une telle discussion est d’apprendre à jouer avec les autres (cf.

annexe 3, 4:46), à savoir une compétence purement sociale, le vivre ensemble, louable, mais très éloignée des préoccupations didactiques de notre dispositif. D’autres élèves, n’ayant pas compris la consigne répondent que cela force les élèves à s’entendre pour décider comment jouer (cf. annexe 3, 4:52). Cette intervention a ainsi pour mérite d’illustrer le fait que la consigne n’était pas comprise et permet à l’enseignant de réguler en précisant la règle.

Un autre élément remarquable est que la discussion précède la première partie. Or, le dispositif suppose que les élèves sont particulièrement attachés à expliquer la raison pour laquelle ils ont perdu. De ce fait, sans doute aurait-il été plus judicieux de faire jouer une première partie avant de permettre la discussion au sein des groupes. Cela est d’autant plus

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vrai que les équipes n‘ont ensuite plus aucune fois l’occasion de se réunir. En effet, suite à cette discussion initiale, plusieurs parties s’enchaînent, avant de passer à la phase suivante du dispositif, le jeu de la découverte.

J’ai en outre observé une particularité singulière dans le fait que toute partie jouée ne l’est que de façon orale (cf. annexe 3, 9:28). Il y a éventuellement un intérêt à cela dans l’entrainement au calcul mental que cela induit, mais aussi au fait qu’une certaine concentration est indispensable au suivi du déroulement d’une partie. Toutefois, l’inconvénient de cette démarche résulte du fait qu’il n’est plus possible de se référer ultérieurement aux anciennes parties. En effet, il est très probable que tous les enfants ne remarquent pas la suite de nombres gagnante immédiatement, mais qu’elle se révèle à eux ultérieurement. Cela constitue donc un écart significatif avec le dispositif didactique initial.

Il est intéressant d’imaginer une explication au fait que deux des points fondamentaux du dispositif didactique n’ont pas été respectés, à savoir l’absence d’injonction et de transmission directe du savoir par l’enseignant et le recours à des discussions intra-groupe pour que la construction du savoir se fasse à travers des interactions entre pairs et la réflexion métacognitive. Je tenterai d’apporter des éléments de réponse de façon plus aboutie par la suite, mais je dirais d’emblée qu’une pédagogie mise en oeuvre à travers des situations didactiques implique une certaine conception des enseignements et apprentissages. Cette théorie est à mon sens incompatible avec une approche traditionnelle où l’enseignant a le rôle de transmetteur de savoir, mais elle s’appuie en réalité sur une conception socio- constructiviste de l’enseignement. L’élève doit ainsi apprendre par lui-même et l’enseignant ne peut qu’agir sur le milieu, afin que celui-ci contraigne autant que possible l’élève à apprendre. A mon sens, si la conception traditionnelle de l’enseignement «fonctionne» avec quelques enfants, elle se montre inefficace face aux élèves en difficulté.

En outre, l’une des difficultés que les élèves rencontrent face à la situation didactique de «qui dira 20 ?» est de parvenir à déterminer s’il faut commencer la partie et, si oui, par quel chiffre pour gagner. Ce problème est évincé par l’enseignant qui décide que l’élève fille commence et ajoutant «les dames d’abord !» (cf. annexe 3, 13:40). Cette dernière remporte ensuite la partie en énonçant la série complète de nombres gagnants. Ici encore, le déroulement de la partie n’est pas fixé par écrit et, quand bien même l’élève gagnante aurait trouvé la totalité des nombres gagnants, ce qui n’est pas certain pour les premiers, il y a fort à parier que ce n’est pas le cas pour une partie des élèves de la classe. La partie suivante, l’enseignant décide à nouveau qui commencera et, cette fois encore, l’élève ayant débuté remporte la partie.

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