R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
G. M ORLAT
Sur la comparaison entre des intervalles de confiance classiques et bayesiens (cas d’une loi de Laplace- Gauss d’écart type connu)
Revue de statistique appliquée, tome 26, n
o2 (1978), p. 33-35
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SUR LA COMPARAISON
ENTRE DES INTERVALLES DE CONFIANCE CLASSIQUES ET BAYESIENS
(Cas d’une loi de Laplace-Gauss d’écart type connu)
G.
MORLAT
Après
le véritable tir debarrage
déclenché contre les méthodesbayesiennes depuis
un an oudeux,
par nos amis américains et hollandais notamment, dans les colonnes de la Revue de l’Institut International deStatistique,
il nous a sembléque l’article d’André
Vessereau, qu’on
vient delire,
étaitparticulièrement
oppor- tun. Il serait en effet fâcheux de voir l’intérêt despraticiens
de lastatistique
se dé-tourner des méthodes
bayesiennes,
parce que d’éminents statisticiens auront con-damné ces méthodes comme
non-scientifiques.
C’est le résultat d’unelongue pé-
riode de
confusion,
où l’on a vu s’affronter lespartisans
des méthodesclassiques
et ceux des méthodes
bayesiennes
comme si c’était en effet une affaire departi- pris ! (parti-pris philosophique,
seloncertains).
Nous pensons que ce genre de controverse -
qui
n’a pu sedévelopper
queparce que des gens de bonne foi
croyaient
débattre des solutions diversesapportées
au même
problème,
alors que les uns et les autresparlaient (dans
des termes presqueidentiques
etparfois
tout à faitidentiques)
deproblèmes
fort différents - devraitdisparaître prochainement
du sommaire des revues destatistique.
L’article de A. Vessereau devrait contribuer à clarifier la situation.
Cependant,
l’auteur a
joué
ladifficulté,
en choisissant de traiter le cas de la loibinomiale,
oùles
conséquences
des discontinuités de la fonction derépartion
interfèrentquelque
peu avec la confrontation entre solutions
classique
etbayesienne.
Il est vrai que l’im-portance
du modèle binomial dans lesproblèmes
de contrôle dequalité pouvait
assezjustifier
ce choix - mais onpeut
penser que l’étude d’unproblème
similaire dans le cas d’une loi deLaplace-Gauss,
même si ellepeut paraître
un peuplus scolaire,
aidera à
comprendre
cettepartie
de l’article de A. Vessereauqui
concerne la compa- raison"classique-bayesien".
Nous traiterons donc ici du
problème
suivant :on
dispose
d’un échantillon de népreuves indépendantes
d’une loi deLaplace-Gauss,
de moyenne Il inconnue et
d’écart-type vn 0,
0 étant connu(cette
notation estchoisie pour
simplifier
les formulesultérieures).
Revue de Statistique Appliquée, 1978, vol. XXVI, n° 2
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On sait que l’on obtient des intervalles de confiance au seuil a sur li, en con- sidérant les intervalles
classiques :
a
ÀOI./2 désignant
la variablegaussienne
réduitecorrespondant
à la valeur 1- de
lafonction de
répartition.
On sait aussiqu’en
utilisant de telsintervalles,
le niveau de confiance obtenu estégal, quel
quesoit jn,
à 1 - a.Voyons
maintenant comment onpeut
obtenir des intervalles de confiancebayesiens.
dans le sens défini par A. Vessereau. On supposera que la moyenne Jl obéit à une loi deprobabilité
apriori qui
est aussi une loi deLaplace-Gauss
de moyenne
go
et d’écarttype ao.
Un calcul assezclassique permet
de trouver la loi deprobabilité
aposteriori
de li,compte
tenu de la connaissance d’un échan- tillon de moyenneempirique
x.On trouve que c’est une loi de
Laplace-Gauss,
de moyenne :
et
d’écart-type :
On note que si la distribution a
priori
de J1 est uniforme sur la droite réelle(cas
limite obtenu en faisant tendre03C30
versl’infini) -
alors la distribution aposte-
riori de J1 a pour moyenne x et pourécart-type
a.Un intervalle de confiance
bayesien
au seuil a sera aisément défini comme :et on constate
(c’est
un résultat bienconnu) qu’il
coïncide avec l’intervalle de confiance au sensclassique
dans le cas d’une distribution apriori
uniforme.Sinon, lorsque
la distribution apriori
est une loi deLaplace-Gauss
(jn a 0)’
onpeut
étudier comment varie le"degré
de confiance"(selon
la termino-logie
d’A.Vessereau)
enfonction duparamètre
li(pour
une valeur x de la moyenne d’unéchantillon).
Ce
"degré
de confiance"s’exprime
par laprobabilité P(I ;
jn .a)
attachée àl’intervalle 1 dans une loi
gaussienne
deparamètres M
et a. Il est maximum pour li= 03BC1,
et tend vers zérolorsque 03BC
tend versplus
ou moins l’infini. Mais il esttoujours
inférieur à 1 - a,puisque
a esttoujours plus grand
queal.
C’est là unfait
qui n’apparaissait
pas dans l’étude des intervalles de confiance sur leparamè-
tre de la loi binomiale car le
phénomène qu’il exprime
étaitquelque
peu camouflé par les discontinuités de la "courbe en dents de scie". Or cephénomène peut
sur-prendre,
et mêmeapparaître
commeparadoxal :
comment un intervalle de confian-ce
bayesien, correspondant
à undegré
de confiancetoujours
inférieur à 1 - a,quel
Revue de Statistique Appliquée, 1978, vol. XXVI, n° 2
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que soit Il,
peut-il
êtrecompatible
avec undegré
de confianceprécisément égal
1 - a
lorsque Il
varie aléatoirement dans sa loi deprobabilité
apriori ?
Ce
paradoxe
n’estqu’apparent,
et pourl’expliquer,
il faut revenir à lasingi-
fication du modèlebayesien.
Dans ce
modèle, 03BC
et -9 sont deuxquantités
aléatoires et ne sont pasindépen-
dantes.
On établit sans difficulté leur loi
jointe, qui
est une loi deLaplace-Gauss dont
les
paramètres
sont :moyenne de
écart-type
demoyenne de
écart-type
decoefficient de corrélation
Donc,
les intervalles de confiancebayesiens, qui
sonttoujours plus
étroits que les intervalles de confianceclassiques, peuvent cependant
conduire au même coef-ficient de
confiance,
parcequ’ils
sont "mieuxplacés",
à cause de la corrélationentre g et x
qui
vient d’être mise en évidence :lorsque
g estgrand,
x à toutes leschances d’être
grand
lui aussi !(et
donc aussi03BC1 centre
de l’intervalle deconfiance).
Que
conclure ? Contrairement à certaines apparences, les intervalles de con- fianceclassiques
et les intervalles de confiancebayesiens
ne fournissent pas des solutions différentes au mêmeproblème,
mais bien les solutions deproblèmes
trèsdifférents. Si la moyenne y de notre loi de
Laplace-Gauss
doit être tirée au sort,une fois pour toutes, dans sa loi a
priori (jn ao) -
et que l’on soit amené ensuiteà tirer des échantillons dans cette loi de moyenne g, et à construire des intervalles de
confiance,
alors seuls les intervalles de confianceclassiques peuvent
nouspermet-
tre d’obtenir directement un niveau de confiance a. Si au contraire
chaque
échantil-lon dérive d’une loi de moyenne M tirée au sort dans la loi a
priori (et
defaçon
in-dépendante)
alors les intervallesbayesiens correspondront
réellement à un niveau de confiance a. On voit bienqu’on
traite là deuxproblèmes
fort différents... et que, selon la conclusion d’A.Vessereau,
"tous les outilsqu’offre
lastatistique
nesont pas
adaptés
à toutes les situationsqui
seprésentent
à l’utilisateur".Revue de Statistique Appliquée, 1978, vol. XXVI, n° 2