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Quand tout va mal, traquer la cible !

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 3 - juillet-août-septembre 2017 132

C a s c l i n i q u e

Quand tout va mal, traquer la cible !

In desperate cases, find a target!

I. Gataa*, A. Valent*, A. Mekki**, L. Digue***, C. Dupin****, Z. Al Najjar*, N. Labaied*, O. Casiraghi *

Observation

Nous rapportons le cas d’une femme de 54 ans, tabagique, présentant depuis 6 mois une tuméfaction du palais, non douloureuse, sans dysesthésie ni problèmes dentaires.

Une biopsie réalisée en 2014 a permis de poser le diag- nostic de carcinome adénoïde kystique (CAK). Sur le plan clinique, la tuméfaction est sous-muqueuse, centropala- tine. Il n’y a pas de ganglion palpable. Le bilan radiologique retrouve une tumeur ovoïde de 40 mm, palatine, allant jusqu’à la limite du palais mou, avec lyse osseuse palatine centrale et du plancher des sinus maxillaires (fi gure 1) . La classifi cation TNM était T3N0M0 lors du diagnostic.

La patiente bénéfi cie d’une maxillectomie moyenne bila- térale avec reconstruction avec un lambeau de péroné.

L’examen de la pièce opératoire montre une tumeur de 40 mm bombant sous la muqueuse du plancher des fosses

nasales, sans l’ulcérer. À l’examen microscopique, cette tumeur forme dans sa majeure partie un nodule sous- muqueux dans le palais dur, envahissant massivement l’os maxillaire, bien limité par une pseudo-capsule fi breuse (fi gures 2A, 2B) . Dans ce nodule, les cellules tumorales sont agencées en lobules de grande taille, au centre parfois nécrotique . On note de rares structures tubulaires et cri- briformes très évocatrices du CAK. Les cellules tumorales sont de petite taille, basophiles ; leur cytoplasme est peu abondant, et leur noyau, ovale régulier, à chromatine claire avec de petits nucléoles. Les atypies et l’anisonucléose sont très modérées, mais l’ indice mitotique est très élevé (50 mitoses sur 1 0 champs à fort grossissement [CFG] ). On n’observe pas d’envahissement périnerveux ni endovas- culaire au sein de ce nodule.

Autour de ce nodule, on note, dans la muqueuse sino- nasale, une composante carcinomateuse d’aspect dif- férent, constituée de grandes cellules au cytoplasme abondant, clair ou éosinophile (fi gures 2B, 2C) . Cette composante se présente, d’une part, sous une forme intra-épithéliale, parfois pagétoïde, colonisant l’épithé- lium de surface et les canaux excréteurs des glandes sous-jacentes ; d’autre part, sous une forme infi ltrante, agencée en petits amas, avec par endroits un aspect de diff érenciation épidermoïde. Ces foyers sont asso- ciés à des images d’envahissement endovasculaire et périnerveux.

Nous concluons à un CAK d’architecture essentiellement solide, avec une exérèse chirurgicale de type R1. Le trai- tement est complété par une radiothérapie adjuvante.

En 2016, la patiente présente une baisse de l’acuité visuelle gauche, révélant une récidive tumorale siégeant au niveau de l’os planum et de la partie antérieure de la selle turcique, à proximité du chiasma et du canal optique gauche. Les possibilités thérapeutiques sont soit une radiothérapie, avec un risque de perte oculaire et des chances de guérison limitées, soit un traitement médical par chimiothérapie.

Au vu du faible arsenal thérapeutique disponibile, nous réalisons une étude immunohistochimique élargie. Les cytokératines AE1/AE3, CK5/6 et CK7 sont positives dans la très grande majorité des cellules tumorales.

L’immunomarquage par l’anti- antigène épithélial membranaire (EMA) met en évidence des formations glandulaires dans les massifs solides de ce carcinome.

*Département de bio- logie et pathologie médicales, Gustave- Roussy Cancer Campus –

Grand Paris, Villejuif.

**Service de radiologie, Gustave-Roussy Cancer Campus – Grand Paris, Villejuif.

***Service d’oncologie médicale, CHU Saint-André, Bordeaux.

****Service de radio- thérapie, hôpital du Haut- Lévêque, Pessac.

Figure 1. IRM montrant une tumeur palatine, avec lyse osseuse palatine centrale et du plancher des sinus maxillaires.

Figure 2. A) Partie centrale formée de massifs solides basophiles envahissant l’os. B) Tumeur formée de 2 composantes, 1 centrale nodulaire et une1 périphérique trabéculaire et pagétoïde.

C) Composante périphérique trabéculaire. (Coloration à l’ hématoxyline + éosine + safran.)

A B C

0132_COO 132 17/10/2017 12:03:57

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 3 - juillet-août-septembre 2017 133

Quand tout va mal, traquer la cible !

Les marqueurs myoépithéliaux sont négatifs. La tumeur est c-Kit+ (95 % l’expriment selon une intensité +++), EGFR−+, p53−, NUT−, chromogranine− et synaptophy- sine−. La p16 n’est surexprimée que dans la composante périphérique à grandes cellules d’aspect intra-épithé- lial et pagétoïde (figure 3A). La recherche d’un papillo- mavirus humain de haut risque (c’est-à-dire 16, 18 ou 33) par hybridation in situ est négative. L’immunomarquage HER2 est hétérogène, avec, dans la composante péri- phérique, un marquage complet de forte intensité (type 3+), et, dans les 70 % restants de la composante tumorale, un marquage plus faible, de type 2+ (figure 3).

La FISH (hybridation in situ fluorescente) de HER2 montre 2 populations différentes : la composante péri- phérique (3+) présente une forte amplification du gène HER2 (ratio HER2/cen17 = 10,0 avec 20 à 40 copies de HER2), le restant de la tumeur présentant une amplifica- tion faible de HER2 (ratio à 2,8 avec 6-12 copies de HER2) [figure 3]. Enfin, la FISH de MYB montre un réarrangement de ce gène dans toutes les cellules tumorales, avec sépa- ration des signaux 5’/3’, délétion en 5’ et amplification en 3’ (figure 3). Le dia gnostic finalement retenu est donc celui de CAK, avec transformation de haut grade, HER2+.

Une chimiothérapie à base de carboplatine + vino- relbine en association avec du trastuzumab est ins- taurée, et il y a amélioration clinique dès la première cure (disparition des céphalées, régression modérée du ptosis droit et amélioration de l’acuité visuelle). Le dernier bilan radiologique pratiqué en 2017 montre des lésions stables.

Discussion

Le CAK est une tumeur maligne rare d’évolution lente, d’agressivité locale, atteignant notamment les nerfs crâniens et la base du crâne. La prise en charge théra- peutique repose, pour les stades localisés, sur la chirurgie et la radiothérapie adjuvante. Dans les stades localement avancés, une radiochimiothérapie à base de sels de pla- tine est possible, en association ou non avec le cétuxi- mab (1). Une chimiothérapie est proposée aux patients dont l’atteinte est métastatique ou récidivante : mono- thérapie par cisplatine, laquelle obtient une réponse complète dans 15 à 40 % des cas, ou polychimiothérapie à base de cisplatine, laquelle obtient la stabilité de la maladie dans 40 à 50 % des cas (2). La caractérisation moléculaire a permis d’élargir les options thérapeutiques.

L’expression de c-Kit est présente dans 90 % des CAK (3) ; celle de l’EGFR est variable. L’imatinib, inhibiteur de tyro- sine kinase ciblant c-Kit n’a pas permis, seul, d’avoir de réponse objective, mais la combinaison cisplatine + ima-

tinib offre une stabilisation (dans 19 cas sur 28) ou une réponse partielle (dans 3 cas sur 28) [4]. Le cétuximab, anti-EGFR, a, lui, permis une stabilité de la maladie de plus de 6 mois chez l’ensemble des 23 patients traités (5).

D’autres thérapies ciblées (lapatinib, sunitinib, géfitinib et bortézomib) ont été testées, sans augmentation du taux de réponse objective.

La surexpression ou l’amplification du gène HER2 concerne environ 38 % des patients présentant un CAK (6). Elle est souvent associée à des formes de “CAK avec transformation de haut grade” et aggrave le pro- nostic. Une étude de phase II menée en 2003 a testé l’efficacité du trastuzumab chez 14 patients présentant une tumeur avancée des glandes salivaires HER2+ (dont 2 cas de CAK). Le temps médian avant progression a été de seulement 4,2 mois (6). La réponse au traitement, dans notre cas, ne peut être attribuée au seul trastuzu- mab, en raison de son association avec d’autres molé- cules cytotoxiques. Néanmoins, elle soulève la question de la recherche du statut HER2 en cas de CAK, afin de permettre d’adapter l’arsenal thérapeutique. ■

Figure 3. A) Surexpression de p16 dans la composante périphérique. B) FISH MYB (signal vert : extrémité 5’, signal rouge : extrémité 3’) : réarrangement du gène MYB dans l’ensemble de la tumeur (encadré : cellules normales avec fusion des signaux).

Composante périphérique montrant : une surexpression 3+ de HER2 (C) , avec forte amplifica- tion du gène HER2 (signal rouge) [D] . Composante centrale : E) de score HER2 2+, F) avec faible amplification du gène.

1. Hitre E, Budai B, Takácsi-Nagy Z et al.

Cetuximab and platinum-based chemo- radio- or chemotherapy of patients with epidermal growth factor receptor expressing adenoid cystic carcinoma: a phase II trial. Br J Cancer 2013;1117-22.

2. Licitra L, Cavina R, Grandi C et al. Cisplatin, doxorubicin and cyclophosphamide in advanced salivary gland carcinoma. A phase II trial of 22 patients. Ann Oncol 1996;7:640-2.

3. Holst VA, Marshall CE, Moskaluk CA, Frierson HF Jr. KIT protein expression and analysis of c-kit gene mutation in adenoid cystic carcinoma. Mod Pathol 1999;956-60.

4. Ghosal N, Mais K, Shenjere P et al. Phase II study of cisplatin and imatinib in advanced salivary adenoid cystic carcinoma. Br J Oral Maxillofac Surg 2011;49:510-5.

5. Locati LD, Bossi P, Perrone F et al.

Cetuximab in recurrent and/or metastatic salivary gland carcinomas: a phase II study.

Oral Oncol 2009;45:574-8.

6. Haddad R, Colevas AD, Krane JF et al.

Herceptin in patients with advanced or metastatic salivary gland carcinomas. A phase II study. Oral Oncol 2003;39:724-7.

R é f é r e n c e s

A B

C D

E F

I. Gataa déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Les coauteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

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