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Novembre «Quand les mots perdent leur signification, quand tout peut

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Academic year: 2022

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(1)

Novembre 2012

«

Quand les mots perdent leur signification, quand tout peut être dit et son contraire dans une sorte de tourbillon de la communication, le terrain est propice à toutes les manipulations.

C’est dans ce cadre que se développe une barbarie douce

. (…)

Elle ne laisse guère apparaître le signe d’une agressivité première, n’agit pas par la contrainte externe et la domination. La douceur n’est pas attachée à elle comme un faux-semblant

;

l’

« autonomie »,

la

« transparence »

et la

« convivialité »

sont ses thèmes de prédilection. Elle s’adresse à chacun en n’ayant de cesse de rechercher sa participation, et ceux qui la pratiquent affichent souvent une bonne volonté et un sourire désarmants.

La barbarie douce procède de l’insignifiance et de la manipulation.

».

Jean-Pierre Le Goff – La Barbarie Douce La découverte, 1999

(2)

Sommaire

Avant propos : de la nécessité d’un débat sur les questions de « souffrances au travail » 3

Introduction... 5

I – Des souffrances au quotidien…... 8

I – 1/ Des situations de travail stressantes ... 9

Une surcharge de travail à en être malade... 9

Une perte de sens du travail... 10

Non reconnaissance professionnelle et sentiment d’être dévalorisé... 11

Du sentiment d’être dévalorisé à l’humiliation... 13

I – 2/ Des réorganisations dévalorisantes, humiliantes ... 14

Logiques participatives : de la question de la manipulation... 15

Un management qui joue sur la culpabilisation et la honte... 17

En guise de première conclusion... 19

II – Des pressions exercées au harcèlement, la frontière est étroite... 20

II – 1/ Des pressions au quotidien… ... 20

II – 2/ …au harcèlement... 23

II – 3/ Une administration « rouleau compresseur » ... 24

En guise de conclusion de partie... 28

III – Les modes d’organisation de notre collectivité en question... 29

III – 1/ Une logique managériale qui provoque de la souffrance... 29

De la gestion des « compétences »…... 31

… au management par objectifs... 33

Le recours à l’expertise... 35

Entre devoir de loyauté et devoir d’obéissance » : la soumission ?... 36

III – 2/ Une structure organisationnelle de type psychotique... 38

Pour ne pas conclure…... 41

PISTES SYNDICALES... 43

Souffrances et mal-être... 43

Violences au travail et harcèlements... 43

Un CHS qui s’ouvre aux conditions de travail (CHSCT)... 44

BIBLIOGRAPHIE... 46

ANNEXE 1 : Harcèlement moral – code du travail – janvier 2002... 47

ANNEXE 2 : DITAM de Conflans... 48

(3)

Avant propos : de la nécessité d’un débat sur les questions de « souffrances au travail »

Parce que notre syndicat est de plus en plus sollicité par des agents de notre collectivité qui s’estiment victimes de discriminations, de conditions de travail dégradées, voire de harcèlement, un groupe de travail a été constitué en 2005.

Parce que les témoignages entendus des agents en souffrance sont révélateurs d’un mode d’organisation qui génère lui-même de la souffrance, parce que nous sommes convaincus que dans chacune des situations individuelles relatées par ces agents se joue quelque chose du collectif, le groupe « souffrances au travail » a souhaité inviter les membres du CHS à une réflexion sur ces questions.

L’analyse que nous proposons s’appuie :

- sur des rencontres avec des agents qui, individuellement ou collectivement, viennent exposer et parfois déposer leur souffrance,

- sur les expériences professionnelles des membres du groupe,

- sur des lectures syndicales, alimentées par le collectif fédéral « Santé au travail » animé à l’époque par Jean-Claude VALETTE, psychologue du travail,

- sur des lectures ciblées (voir la bibliographie).

Chaque situation relatée l’est pour étayer l’écrit car il est évident que notre analyse s’est construite, notamment ces dernières années, sur de nombreuses autres. Ces situations sont, de notre point de vue, significatives de ce qui est en train de nous arriver : nous allons, individuellement et collectivement de plus en plus mal…

La somme des situations évoquées ne constitue pas le tout. Depuis le début de l’année 20121, nous accompagnons 28 agents et 6 collectifs de travail « en souffrance » et nous sommes dans l’attente d’une résolution de situation pour 6 autres agents et 2 autres collectifs de travail (actions menées en 2011).

Pour la seule année 2012, ce sont 87 agents rencontrés individuellement ou collectivement, dont 22 pour lesquels nous attendons les réponses promises par notre administration.

Pour les 65 autres, 28 sont actuellement dans l’impasse (absence de perspectives) et pour 25 nous tentons une « médiation » avec les services respectifs. Pour les 12 restants, nous avons bon espoir que la situation évolue positivement …

1 Du 1er janvier au 1er juillet 2012 pour être plus précis, soit sur une période de six mois.

(4)

87 agents pour notre seule organisation syndicale, c’est énorme. Bien sûr, nous sommes loin d’une « majorité » et l’administration ne cesse de nous reprocher de faire des cas individuels des généralités. Ce n’est pas notre intention mais nous considérons :

- qu’aucun agent ne doit souffrir en raison de ses conditions de travail et que l’augmentation sensible du nombre d’agents qui vont mal doit amener notre administration à prendre les mesures pour que ça change.

- que dans la grande majorité des cas, l’analyse nous amène à considérer que ces histoires sont révélatrices d’un mode d’organisation et/ou d’un fonctionnement qui rend malade et c’est bien entendu notre rôle, en tant qu’organisation syndicale, d’alerter notre employeur.

L’analyse que nous proposons est, bien entendu, subjective car c’est à partir de ce que des sujets « en souffrance » ont pu dire de ce qu’ils vivent, ressentent, comprennent, même partiellement, de ce qui leur arrive que nous avons démarré cette réflexion. Et c’est en tant que sujets engagés dans la défense des intérêts collectifs des agents de notre collectivité que nous pouvons, de la place de militants syndicaux que nous sommes, le mieux dire ce que nous comprenons de ce qui est en train de nous arriver à tous dans notre collectivité.

C’est pour signifier clairement notre méfiance des pratiques objectivantes qui envahissent notre organisation que nous insistons sur le caractère subjectif de cette analyse. Car, nous le verrons, ces pratiques à caractère scientifique (scientiste pourrions-nous dire), devenues monnaie courante dans nos services génèrent aussi, selon nous, de la souffrance.

Le point de vue qui est défendu ici ne se veut pas dogmatique, même si le désir de convaincre n’y est pas absent. Nos expériences, nos lectures, nos façons de concevoir notre organisation et les rapports sociaux sont celles de militants syndicaux, engagés certes mais soucieux de (re)nouer le dialogue avec l’employeur sur ces questions de

« souffrances au travail ». Car sur ces questions, nous pensons que ni l’employeur ni les syndicats n’ont d’intérêts, pour le moins conscients, à laisser perdurer des situations provoquant de la souffrance.

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Introduction

Alors que les conditions de travail en matière d’hygiène et de sécurité se sont très largement améliorées depuis la fin du taylorisme, les nouvelles formes d’organisations du travail génèrent une souffrance qui se manifeste, le plus souvent, par un fort sentiment de ne pas être reconnu mais, au contraire, d’être « exploité »2.

Paradoxalement, ces nouvelles formes d’organisation ont une visée libératrice. Il n’a jamais été autant question de « participation active » des salariés à la bonne marche de l’entreprise. Le « projet d’entreprise » devient un « projet partagé ». Le sens du devoir est remplacé par la « motivation » de chacun et il est fait appel au « sens des responsabilités ». La fin des « petits chefs » a donné naissance aux « manageurs » davantage soucieux de « transparence » de l’entreprise ou de l’administration,

« d’autonomie » des salariés ou des agents, invitant les salariés – agents à

« participer », à « contribuer », à « négocier » et à inscrire leur travail dans une

« dynamique de projet » collectivement élaboré.

Sous prétexte que le monde change, que l’entreprise ou l’administration doit s’adapter pour faire face à la « complexité », de nouvelles contraintes pèsent sur les salariés – agents, particulièrement visibles dans les modalités d’évaluation qui génèrent insécurité, sentiment de ne pas être reconnus pour le travail effectué, désarroi, souffrance. «

Entre le manageur focalisé sur ses indicateurs de gestion et le technicien qui engage son identité sur la qualité de son travail, le fossé se creuse

»3. Et c’est toujours sous des discours humanistes empruntés au socialisme post-soixante- huit prônant l’autogestion que la « barbarie douce »4 s’installe. «

Les grands mouvements revendicatifs des années 60 – 70 qui, au nom de la nature de l’homme, de son épanouissement et de sa liberté, ont ébranlé le pouvoir vertical et hiérarchique, semblent avoir servi de marchepied à un mouvement libéral

»5.

2 « Les données INSEE montrent que le sentiment d’exploitation est exprimé par plus de 50 % des ouvriers (…), par 40 % des employés et, - chiffre tout à fait impressionnant – par 30 % des cadres supérieurs ». Souffrance au travail : le risque organisationnel. Philippe DAVEZIES, Laboratoire de médecine du travail – Faculté de médecine de Lyon – Octobre 2003

3 Les impasses du harcèlement moral, Philippe DAVEZIES, Travailler n° 11, CNAM, 2004.

4 Jean-Pierre Le Goff, La Barbarie Douce, La Découverte, 1999.

5 Vincent de GAULEJAC et Isabel TABOADA LEONETTI, « La lutte des Places », Desclée de Bower, 1994.

(6)

Nous pouvons dire, avec leurs auteurs, que « la France (est) malade du travail »6. Dans la fonction publique comme dans le privé, nous avons aujourd’hui à faire face à des contraintes qui pèsent lourdement sur les agents : flexibilité, mobilité, surcharges de travail, perte du sens du travail, pratiques discriminantes, individualisation des

« parcours professionnels » provoquant la concurrence et l’isolement des agents… Le coût des services publics est jugé intolérable, l’heure est à la rationalisation. Mais plutôt que d’interroger les modes d’organisation qui représentent un surcoût, les économies se font systématiquement sur le dos des agents : réduction des effectifs entraînant des charges de travail insupportables, congés de longue durée ou arrêts maladie non remplacés, salaires non revus à la hausse, diminution des avantages acquis…

«

Les «

coûts d’organisation

» des systèmes publics – la santé, l’éducation, la défense, la police, les transports, les villes, l’information, l’administration… - sont devenus excessifs, pour des raisons tenant aux modalités d’organisation de ces systèmes. En se développant, ceux-ci se sont complexifiés et les problèmes organisationnels, il est vrai de plus en plus difficiles, ont été de moins en moins maîtrisés ou sont en tout cas loin d’être maîtrisés

»7.

Nous n’échappons pas, dans notre collectivité, à ce malaise généralisé. La France va mal, le travail va mal, la fonction publique va mal et notre collectivité va mal.

Néanmoins, nous ne pouvons pas nous dédouaner de nos responsabilités vis-à-vis des agents en évoquant un contexte global qui nous dépasse. Nous sommes pris dans ce contexte, certes, mais de la place que nous occupons, nous pouvons infléchir cette tendance à un libéralisme outrancier qui fait du travail non plus un outil au service de l’homme mais un outil au service du « marché »8. Et nous ne pouvons échapper à une réflexion de fond sur ce que ces logiques génèrent, notamment dans les relations au travail des agents, tout simplement parce que les situations de souffrance sont telles qu’elles dénotent une incapacité de notre organisation à faire fonctionner notre administration de manière efficace.

Dans un premier temps, nous allons nous arrêter sur ces situations du quotidien qui provoquent stress, angoisses, autant de souffrances qui agissent très directement sur la motivation et la mobilisation des agents et qui peuvent, dans des cas de plus en plus fréquents, provoquer des pathologies psychiques graves.

6 De BANDT Jacques, DEJOURS Christophe, DUBAR Claude, « La France malade du travail », Bayard Editions, 1995

7 Ibid, page 36.

8 Pour notre administration qui ne génère aucun « bien économique », le « marché » est, c’est nous qui le disons, celui du « marketing politique ».

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Dans un second temps, nous nous pencherons sur ce qui relève, de notre point de vue, du « harcèlement » qui, la plupart du temps, nous le verrons, s’inscrit dans une relation bilatérale entre un supérieur hiérarchique et un agent mais qui trouve écho dans un mode de gestion du personnel et une administration qui agit trop souvent comme un rouleau compresseur.

Enfin, en troisième partie, nous aborderons les modes d’organisations qui, selon nous, génèrent par eux-mêmes de la souffrance.

Vous trouverez en fin de document les propositions de la CGT qui ont été faites à l’administration depuis presque 5 ans,

Les agents qui nous ont confié leur(s) bout(s) d’histoire(s) ne nous ayant pas donné l’autorisation d’en faire écho auprès du plus grand nombre, tous les prénoms utilisés sont modifiés et nous n’avons donné aucune indication de lieu permettant d’identifier les personnes concernées, à l’exception de toutes les situations qui ont fait préalablement l’objet d’une information syndicale très large.

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I – Des souffrances au quotidien…

«

La souffrance physique, sociale, psychique trouve son origine dans l’organisation d’un travail qui écarte ou nie systématiquement l’individu, son identité, sa propre conception du travail, ses valeurs, ses espoirs. Le travail est un lieu essentiel de construction de son identité, de son développement personnel où s’élaborent des rapports sociaux.

Mais il peut être aussi à l’inverse, si les conditions de sens et de reconnaissance ne sont pas réunies, une source de souffrance pouvant générer d’autres troubles

» (Frédéric DAYAN, CGT).

Nous avons le sentiment, dans notre administration, d’avoir été pendant longtemps protégés du stress lié à la surcharge de travail. Même si « être surbooké » pouvait décrire des journées de travail bien remplies (quand il ne s’agissait pas d’une expression courante pour dire « ça va »), les agents n’avaient que très rarement l’impression d’être coulés, noyés, perdus. Cela a changé. Cette surcharge ressentie de travail est sans doute à mettre en lien avec l’absence de sens trouvé au travail, même si les analyses des discours entendus ne nous permettent pas de développer davantage cette hypothèse.

Quasiment toutes les histoires évoquées font état d’un fort sentiment de ne pas être reconnu et, pour certains, un sentiment d’être dévalorisés ou même méprisés.

Toutes ces souffrances du quotidien se traduisent par des troubles (alimentaires, du sommeil, de la concentration) et/ou par des pathologies psychiques dont la dépression.

Le travail s’en trouve plus ou moins gravement affecté et il semble y avoir consensus avec l’employeur sur la nécessité d’agir sur les causes de ces souffrances. Sauf que, très souvent, nos analyses divergent et les moyens mis en place par notre administration nous semblent dérisoires, voire contreproductifs pour enrayer les problèmes.

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I – 1/ Des situations de travail stressantes

Selon l’INRS, ce serait plus d’un salarié européen sur cinq qui souffrirait de troubles de santé liés au stress et ce dans tous les secteurs d’activité9. Les causes du stress sont bien sûr multiples. Nous ne considérerons ici que les témoignages des agents qui évoquent des situations au travail qui leur semblent insurmontables et qui génèrent donc du stress. De toutes les histoires entendues, la surcharge de travail, l’absence de reconnaissance, la perte de sens du travail et les pressions humiliantes / dégradantes exercées sont les principales causes de stress au travail.

Le « stress » s’inscrit aujourd’hui dans notre collectivité, à l’instar de n’importe quel autre collectif de travail, comme inhérent au travail. Il est trop facilement admis que le travail peut générer du stress et qu’il revient à l’employeur d’apprendre aux salariés à le gérer… Cette banalisation du stress peut, à l’extrême, justifier notamment les pressions exercées par les supérieurs hiérarchiques sur les salariés : c’est incontournable et « il n’y a qu’à » apprendre aux salariés à faire avec… Les cadres de notre collectivité subissent eux-mêmes des pressions telles qu’ils ne comprennent souvent pas que leurs subalternes ne parviennent pas à « faire avec » …

Une surcharge de travail à en être malade

Mme C., qui occupait un poste de secrétaire (catégorie C), est en arrêt maladie pour dépression depuis presque trois ans. Elle a « craqué » un jour au travail et s’est effondrée.

Depuis quelques mois pourtant, depuis en fait une énième réorganisation de service entraînant un regroupement d’équipe, l’agent disait pourtant son étonnement à voir la masse de travail augmenter de manière sensible, les coups de fil se multiplier jusqu’à rendre impossible de se concentrer sur une autre tâche, les demandes toujours plus urgentes et stressantes de la part des collègues. Depuis quelques mois également, Mme C. disait ne plus supporter, ne plus y arriver, en avoir « mal à la tête ». La seule réponse apportée était « il faut rationaliser », « je vous demande de compter » alors que Mme C. avait le sentiment de ne plus avoir une minute à elle. Alors, ce jour là, elle a fait une « crise de nerf », obligeant les pompiers à venir la chercher pour l’hospitaliser. Depuis, le travail n’est pour elle que source de souffrance, la renvoyant à sa nullité, son inutilité (c’est elle, bien entendu, qui le dit).

Pour Mme C., comme pour d’autres, la dernière territorialisation de l’action sociale a été « celle en trop ». Personne pour écouter ce qu’elle avait à dire de son impossibilité à faire, non pas ce qu’on lui demandait reconnaît-elle aujourd’hui, mais ce qu’elle croyait qu’on attendait d’elle : « cela n’avait aucun sens !!! ».

9 http://www.inrs.fr/accueil/risques/psychosociaux/stress.html, Stress au travail, privilégier la prévention collective, INRS, avril 2012

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Car dans chacune des réorganisations, ceux qui sont sensés être aux commandes ne tiennent souvent pas le cap et cela se sent. De nombreux témoignages sur l’absence de sens donné aux directions territoriales par exemple sont venus étayer nos propos ces trois dernières années : qui prend les décisions ? À qui faire remonter les problèmes ? Qui fait quoi et où ? Mme C. en convient : il n’y avait pas d’ordre clair, pas d’obligations formelles à faire (ou à ne pas faire), mais la masse de travail à faire et l’absence de directives claires ont eu raison de sa santé : « je me suis sentie totalement nulle, j’avais envie de disparaître ». Et elle s’est sentie fautive de craquer, pas seulement pour l’image qu’elle renvoyait aux autres mais pour le boulot qu’elle laissait aux autres.

Alors elle a bien essayé de reprendre son travail mais elle s’est rendue compte que toute situation connue la mettait dans un état d’angoisse tel qu’elle en avait des frissons, que sa peur était palpable, que ça la paralysait totalement et qu’elle finissait par devenir « quelqu’un sur qui on ne peut pas compter »… Car l’état de stress a ceci de terrible qu’il place l’agent en situation de coupable.

Le sentiment d’être nul, de ne pas y arriver, de ne rien y comprendre lorsque les angoisses apparaissent est celui très largement partagé par les agents qui ont évoqué la perte de sens de leur travail. Par contre, et cela peut se comprendre, lorsque des collectifs de travail témoignent de cette perte de sens, c’est la colère qui l’emporte ce qui évite la culpabilisation…

Une perte de sens du travail

Ce sont principalement les travailleurs sociaux et médico-sociaux qui font état, à de nombreuses reprises, de l’absence de sens trouvé aujourd’hui dans leur travail. Il ne s’agit pas seulement d’un manque de moyens pour aider et accompagner les personnes les plus démunies, bien que celui-ci génère nécessairement du stress et de la souffrance, mais plutôt d’un sentiment de ne pas être entendu, de ne pas être en situation de réfléchir, d’avoir le « nez dans le guidon », de ne pas avoir de réponse à leurs questions… Bref, de se sentir isolés et renvoyés à leur impuissance…

Sébastien, travailleur social, évoque avec précision les conséquences des modifications opérées ces dernières années dans sa fonction et aujourd’hui dans sa fiche de poste. Il s’interroge sur les contradictions à être travailleur social et à exercer un rôle de contrôle, sur la finalité de ses interventions dans la mesure où ce qui est attendu de lui est en décalage profond avec son éthique professionnelle. Sébastien oscille entre dépréciation personnelle et colère.

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Elise, assistante sociale, se sent à ce point « hors du coup » dans son travail et elle en aura tellement honte qu’elle n’osera prendre la parole que lorsqu’elle s’est sentie « glisser ». Et c’est notamment à travers une anecdote qu’elle va pouvoir exprimer son malaise avec beaucoup de pudeur et d’émotions. Sa responsable hiérarchique ne cesse de valoriser une action collective qui, selon Elise, n’a aucun intérêt. Et lorsqu’elle demande quel sens la collègue et le cadre donne à l’action, elle fait l’objet d’une remise en question qui la touche très personnellement. Pendant un moment, fortement bousculée, elle s’est réellement interrogé: n’est-elle pas usée, lassée, cassée, « vieille » comme le laisse entendre ses plus jeunes collègues et sa chef ?

La survalorisation d’actions collectives dans le travail social, d’actions qui se voient, d’actions qui peuvent faire l’objet d’une médiatisation renvoie invariablement ceux qui s’interrogent sur l’utilité de ces actions à un sentiment de ne pas être reconnus, d’être niés dans ce qu’ils font. Interroger sur le sens semble, pour eux comme pour nous, provoquer des manifestations hostiles à leur encontre. C’est ce que nous verrons pour Sébastien et Elise.

L’absence de sens trouvé dans le travail est un élément à prendre en considération dans l’analyse des facteurs de risques psychosociaux en ce sens qu’elle génère un stress qui se traduit par des maladies psychosomatiques nombreuses et variées (mal de dos, douleurs au ventre, troubles du sommeil, etc.).

Notre administration a tendance à minimiser les effets du stress sur l’agent et à rechercher les causes des pathologies liées au stress dans les fragilités personnelles de l’individu. Ceci a pour conséquence directe une faiblesse, voire l’inexistence de mesures de prévention du stress dans notre collectivité.

Non reconnaissance professionnelle et sentiment d’être dévalorisé

Très souvent, nous entendons les agents, qui viennent nous dire leur mal-être, évoquer un manque de reconnaissance. Dans la forme la plus aiguë de leur mal-être, ils ont alors le sentiment d’être discriminés. Et souvent, lorsque nous prenons le temps de les écouter, lorsque nous parvenons à organiser des rencontres avec leur responsable hiérarchique, nous retrouvons ce qui fonde ce sentiment de discrimination (et c’est souvent d’ailleurs un fait effectivement discriminant).

Sébastien est éducateur spécialisé depuis maintenant 20 ans dans notre collectivité. Il travaillait auparavant pour une association. Il doit son arrivée à la forte insistance de son supérieur hiérarchique actuel qui, considérant le professionnalisme de Sébastien (alors partenaire), disait combien la collectivité aurait à gagner à l’embaucher. Sébastien cumulait quelques 15 années de travail dans le privé. Sans doute mal conseillé, il intégrera la fonction publique en tant que titulaire et renoncera donc à la reconnaissance de ces 15 années de travail dans le même domaine d’activité pourtant que celui qu’il intégrait.

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Pendant toutes ces années, Sébastien interrogeait régulièrement son responsable hiérarchique sur ses possibilités d’évolution dans la collectivité et se satisfaisait de sa réponse : « statutairement ce n’est pas possible maintenant, il faut attendre ». Sauf qu’à attendre, il a constaté que la plupart de ses collègues directs, arrivés après lui au conseil général, se voyaient proposer des postes à responsabilités et naturellement obtenir une promotion, soit par voie de concours, soit par promotion interne. Sébastien décide alors de se révolter, sans doute dans ce contexte particulier d’une énième réorganisation dont la conséquence directe est une absence de reconnaissance du métier dans l’exercice de la fonction qu’il occupait jusqu’alors. En deux mots : sa fonction devenait purement administrative alors qu’il est travailleur social. Son désir de reconnaissance devient alors d’autant plus prégnant qu’il est vital, pour lui, de se réorienter. Et compte tenu de l’évolution des métiers du travail social, aucun poste d’éducateur ne saurait lui convenir, d’autant qu’il a acquis de nombreuses compétences qui, jusque là, lui étaient reconnues et qui relèvent, pour la plupart, d’une fonction de la catégorie A. Pour Sébastien, l’enjeu n’est pas tant de

« gagner plus » (quoiqu’à quelques années de la retraite, cela ne soit pas négligeable) que d’avoir un travail intéressant, qui ait du sens, qui lui permette de s’épanouir et de mettre en action toutes les compétences acquises ces dernières années, mais étouffées ces derniers mois.

Depuis sa « révolte », Sébastien fait les frais de remises en question : « pour qui te prends tu ? », « tu n’es qu’un faire-valoir », etc. Des termes utilisés « avec humour » selon son responsable hiérarchique mais qui blessent, d’autant qu’ils sont là pour signifier clairement le refus de celui-ci d’accorder le moindre espoir à Sébastien de promotion interne. Sébastien devrait donc se contenter de regarder passer tous les postes intéressants donnés à ses collègues, voir sur les tableaux d’avancement le nom de ses collègues apparaître… Et lui de devoir se taire et attendre… Godot10 ?

Cette absence de reconnaissance ressentie s’appuie bien sur un fait objectif : alors qu’à son arrivée dans la collectivité, il était fait mention d’un déroulement de carrière (d’autant que Sébastien quittait un poste à responsabilités, mieux payé), non seulement rien ne lui est proposé mais les meilleurs plans sont proposés à des collègues plus jeunes, moins expérimentés. Les raisons paraissent obscures puisque, rendez-vous pris avec ses supérieurs hiérarchiques, ses qualités professionnelles sont largement soulignées…

Nathalie, travailleur social, exerce depuis 12 ans un travail de coordinatrice. Depuis 12 ans, nous relevons, lors des différentes réorganisations et territorialisations des services, l’incohérence du calibrage de son poste, toujours en catégorie B. Nathalie a obtenu le concours de conseiller socio-éducatif mais, mal renseignée, elle en perdra le bénéfice l’année suivante.

Nathalie est très attachée à son poste qu’elle a construit, pour lequel elle a investi énormément de temps et d’énergie, même si des périodes de doute l’ont envahie ces deux dernières années.

10 « En attendant Godot » est une pièce de théâtre de Samuel Beckett. Deux vagabonds vont attendre Godot qui leur a donné rendez-vous et leur a fait une promesse. Godot, qu’on ne verra pas, va charger un commis de reporter de jour en jour ce rendez-vous. Nous ne saurons jamais qui est Godot ni ce qu’il avait promis. Mais son annonce vont laisser nos deux vagabonds dans l’espoir de jours meilleurs… indéfiniment…

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Fin 2011, son poste est enfin calibré en catégorie A. Nathalie a quelques chances de pouvoir passer à la promotion interne… Mais cette année, il n’y en aura pas. Et il est fort à parier qu’il n’y en aura pas ces prochaines années, l’heure n’étant plus à l’embauche de conseillers socio-éducatifs. Autrement dit, 12 ans de luttes pour faire reconnaître l’iniquité de son poste en catégorie B et quand enfin l’administration en convient, Nathalie ne peut plus prétendre au bénéfice de son concours et ne peut même pas espérer la promotion interne.

La reconnaissance professionnelle ne passe pas systématiquement par une revalorisation des fonctions et un avancement de carrière. Mais si Sébastien et Nathalie en sont là aujourd’hui, c’est aussi parce que notre système est profondément injuste : des agents, très souvent beaucoup plus jeunes qu’eux obtiennent des postes valorisés et valorisants et ont un déroulement de carrière royal alors que l’un et l’autre ont trimé pendant des années, ont été reconnus pour leur activité sans que la moindre gratification ne leur soit accordée. C’est, pour Sébastien et Nathalie, un épisode de

« forte déprime », avec un sentiment persistant de se faire avoir, de s’être laissé berner qui va déclencher leur réaction.

Notre administration est-elle en capacité de reconnaître l’agent dans ses compétences ? Malgré un dispositif de « gestion des compétences », beaucoup d’agents savent l’iniquité des promotions internes dans notre collectivité. Des exemples comme ceux de Sébastien et Nathalie, nous aurions pu en prendre bien d’autres ; Sébastien et Nathalie ont ceci de commun que leur situation, à un moment donné, leur a semblé insupportable, insurmontable et a altéré leur santé.

Jérémy, travailleur social, nous interpelle pour comprendre ce qui justifie l’avancement de jeunes collègues au grade d’ATSE principal alors qu’après 14 ans de carrière et trois remaniements de son poste pour satisfaire aux exigences de son service, il ne l’obtient pas.

Jérémy a de la rancœur. La colère, mais aussi un profond sentiment d’injustice le laissent déprimé. Il n’en veut pas à ses collègues avec qui il entretient de bonnes relations, mais à l’administration qui, en accordant cet avancement à quelqu’un de beaucoup plus jeune dans l’administration, vient lui signifier clairement que son travail à lui vaut moins que le travail de cette collègue.

Notre organisation syndicale ne cesse d’alerter l’administration sur le risque de désinvestissement des professionnels qui vivent comme une profonde injustice les notes et donc les avancements de grade. Ce que nous pouvons certifier, c’est qu’en gratifiant les uns, l’administration déprécie les autres.

Du sentiment d’être dévalorisé à l’humiliation

Elise est travailleur social depuis de nombreuses années et elle est en conflit avec sa supérieure hiérarchique depuis l’arrivée de celle-ci il y a environ un an.

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Elise a de l’expérience et n’est pourtant pas du genre à la ramener. Mais lorsque sa supérieure veut lui imposer ses façons de penser, Elise ne s’y résout pas… Sa supérieure alors n’a de cesse de vouloir qu’Elise change de secteur d’intervention, remettant directement en cause son professionnalisme, ironisant sur le fait qu’elle soit là depuis longtemps, imposant une conception totalement arbitraire : « je pars du principe que les travailleurs sociaux devraient changer de poste tous les 5 ans ! », ceci dit de manière péremptoire. Ces humiliations verbales du quotidien sont reprises par deux collègues d’Elise, plus jeunes. Elise aurait pu faire office de « bouc émissaire » dans une équipe et dans un service qui ont du mal à fonctionner.

Elise a été vraiment mise en difficulté lorsqu’elle a interrogé l’équipe et la responsable sur la mise en place d’une « action expérimentale ». Cette action, largement valorisée, est menée par une collègue qui s’est vu accorder du temps. L’équipe, déjà en difficulté d’organisation en raison de nombreux temps partiels, perd alors un mi-temps d’assistante sociale (non remplacé). Elise ose des questions car pour elle, cette action n’a aucun sens : alors que la méthodologie de projet en service social veut qu’on parte des besoins des usagers pour monter des actions collectives, cette expérimentation ne tient, selon Elise, qu’aux convictions personnelles de l’agent qui la monte. Ses interrogations lui ont valu des remises en cause personnelles…

Elise a failli craquer complètement. Après les « qu’ais-je fais pour mériter ça ? » du début, elle a pris conscience que les attaques répétées visant très clairement son intégrité pouvaient être regardées comme une manière, pour une jeune professionnelle

« chef », d’asseoir son autorité. Manière maladroite, pouvant générer davantage de violence si Elise n’y avait pas été vigilante, mais qui dénote en même temps le peu de cas que l’administration fait des nouveaux « manageurs » largués sur un territoire sans aucun bagage autre, parfois, que la confiance qui leur est témoignée en les nommant sur ces postes…

Le risque serait d’appréhender ces exemples que comme relatifs à une relation entre un « chef » et un agent. Mais des situations plus collectives montrent qu’il s’agit là d’un vrai problème organisationnel et managérial.

I – 2/ Des réorganisations dévalorisantes, humiliantes

La question de l’organisation du travail nous a amené, à de nombreuses reprises, à interroger l’administration. Il s’agit d’abord de l’organisation générale du travail : les nombreuses restructurations qui ont jalonnées nos histoires professionnelles ces 15 dernières années ont provoqué des souffrances que la CGT a tenté d’interroger et de dénoncer… sans grand succès… L’incompréhension entre la CGT et l’administration réside certainement dans cette croyance forte de notre employeur que pour réussir le changement, il faut « frapper fort » en misant sur le fait que les agents, après une première période de « mal-vivre », s’adapteront.

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Or chacune des restructurations a laissé sur le carreau des agents qui, dans le meilleur des cas, se sont réfugiés dans une attitude passive et ont témoigné depuis de leur manque d’entrain pour leur travail, épuisés11. Pour ceux-ci, la question du sens ne se pose plus : ils attendent soit un rebond, soit la retraite…

Pour d’autres, moins nombreux heureusement, le « burn out » est tel qu’ils sont en arrêt maladie et, pour ceux qui parviennent encore à sortir la tête de l’eau, nous tentons de faire reconnaître ce « burn out » comme maladie professionnelle.

A l’occasion de ces (ré)organisations du travail, la CGT a particulièrement dénoncé le caractère manipulatoire des « démarches participatives » qui, dans le cadre du projet d’administration dernièrement, ont laissé des traces qu’il sera difficile d’effacer. Sans doute le contexte de crise (qui, par de nombreux aspects, est lui-même devenu un objet de manipulation pour faire accepter aux agents l’inacceptable) a-t-il rendu plus évident encore le caractère manipulatoire de ce type de démarches : il a fallu accélérer le processus de territorialisation alors même que les agents n’ont pas eu le temps de débattre (et donc d’intégrer) ni de la question du sens de cette nouvelle territorialisation, ni de son organisation.

Là encore, l’administration est restée muette sur les nombreuses questions que les professionnels ont posées, misant sans doute sur le temps pour que la houle passe…

aveugle et sourde aux incompréhensions, à la sidération parfois qu’elle a provoquée et aux souffrances qu’elle a générées…

Logiques participatives : de la question de la manipulation

Les agents des Equipes Territoriales Insertion sont invités à créer des groupes de travail courant 2010 en vue de proposer un référentiel métier de « référent territorial insertion » et un référentiel métier de « secrétaire territorial insertion ». Les échanges ont été, du point de vue des participants, riches et ont abouti à des propositions concrètes.

L’administration, s’appuyant, nous dit-elle, sur ces échanges, a élaboré des fiches métiers en y introduisant des éléments jamais discutés et pourtant provoquant des changements importants.

Ainsi la fonction de « référent territorial insertion », jusque là exercée par des ATSE est désormais ouverte à des rédacteurs et d’autres salariés (sans doute de droit privé, l’équivalence de métier n’étant pas possible dans la fonction publique).

11 « (L’épuisement professionnel) est un syndrome d’épuisement physique et émotionnel qui conduit au développement d’une image de soi inadéquate, d’attitudes négatives au travail ave perte d’intérêt dans ce que l’on réalise » (Frédéric DAYAN, CGT).

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Pour les participants, un point de débat permet effectivement à l’administration de certifier qu’elle a pris en compte les échanges dans le groupe de travail ; s’inquiétant de l’évolution de leur métier, des travailleurs sociaux se sont interrogés : « à quoi ça sert d’employer des travailleurs sociaux pour ne faire qu’un boulot de contrôle des prestataires ? ». Propos détourné de son contexte et pris en otage par une administration qui justifie son choix en évoquant alors « l’intérêt d’un travail pluri-professionnel ».

Autrement dit, les travailleurs sociaux qui ont composé le groupe de travail, dont les conclusions ne permettent en rien d’ébaucher le moindre scénario concernant l’ouverture à d’autres professionnels de leur fonction, auraient « fortement contribué », nous affirme-t- on du côté de la DRH, à l’élaboration d’une fiche métier dont ils contestent pourtant fermement certains termes…

Plus grave : les secrétaires ont fait le même exercice et cela a abouti… à la requalification d’une partie de leur fonction sans que les secrétaires en poste et qui ont participé à la réflexion ne puissent prétendre à ces nouveaux postes… Autrement dit : les secrétaires auraient largement contribué à dévaloriser leur travail !

Lorsque ces agents, de catégorie C, exercent avec professionnalisme leur métier de secrétaire et qu’au détour d’une réorganisation, une partie de leur travail est jugée comme relevant de la catégorie B… qu’à cela ne tienne, l’administration découpe en

« tâches » le travail et les secrétaires en poste doivent céder aux nouveaux secrétaires d’un grade supérieur toute la partie de leur travail la plus intéressante, la plus valorisante… Et accompagner les nouveaux professionnels dans leur prise de fonction ! Pour « reconnaître » les compétences acquises, il est concédé aux secrétaires de garder trois « tâches » de leur choix…. Faisant fi de l’aspect condescendant de cette mesure, fi de l’humiliation ressentie à voir leur travail réduit à des tâches techniques, fi de l’impact émotionnel d’une telle procédure. Elles auraient dû réussir le concours !!!! Mais fallait-il encore que l’administration, pour l’une accepte sa demande de formation (depuis deux ans refusée pour « raisons de service », l’agent exerçant seule sur deux postes), pour les autres qu’elles le réussissent sachant que la chance de l’avoir du premier coup est infime… l’administration n’ayant pas prévu d’examen professionnel pour la circonstance…

Lorsque la CGT interpelle l’administration et évoque la violence faite aux agents, le discours imparable est le suivant : vous, défenseurs des statuts, comment osez-vous réclamer aujourd’hui que des agents de catégorie C puissent postuler sur des postes en catégorie B ? Sauf que nous avons dénoncé cette violence faite aux agents lors du CTP durant lequel il a été question de ce nouveau calibrage de poste ; nous ne pouvons pas admettre, en quelque circonstance que ce soit, que des agents fassent les frais d’une réorganisation imposée et il y a des manières de respecter les statuts tout en permettant à ces agents de continuer à faire ce qu’ils savent très bien faire…

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Mais l’administration, pour cette catégorie d’agents, refuse d’entendre quoique ce soit, prétextant que la nouvelle répartition des compétences entre les secrétaires de catégorie C et les secrétaires de catégorie B imposera à ces dernières de « nouvelles compétences » jamais exercées jusqu’alors par celles qui assuraient pourtant pleinement, à les écouter, l’ensemble des compétences inscrites dans la fiche de poste des futurs rédacteurs…

La manipulation est manifeste dans cette situation, mais nous pourrions faire la même démonstration pour de nombreuses autres sollicitations de « participation des agents ».

La dernière en date concerne les agents de la DITAM de Conflans en Jarnisy qui ont tenté de lutter contre le projet de déménagement à la MDD d’Homécourt. S’ils déménagent, c’est certain, ils vont perdre en conditions de travail et qualité des relations (voir en annexe 2 le tract de la CGT).

Alors que les agents de la DITAM sont opposés à ce projet de déménagement, ils sont invités à participer à des groupes de travail, non pas pour envisager le « pour » et le

« contre » du projet, tel que cela avait été promis en décembre 2010, mais pour contribuer à la réussite du déménagement.

Leur refus de participer fait alors l’objet de sarcasmes de la part de la directrice de territoire (« vous vous plaignez ? Mais allez voir à Arcelormittal ! »), de remarques qui les blessent de la part de la Directrice Générale Adjointe (« puisque vous refusez de participer aux groupes de travail, ne venez pas vous plaindre ensuite ! » ou encore « votre refus est la marque d’un manque de respect de vos collègues déjà en place à la MDD ! »), de critiques de notre Président du Conseil Général qui les tient pour responsables, par leurs propos qu’il juge

« déplacés », du climat dégradé existant sur le territoire de Briey… Un comble lorsqu’on sait que le climat délétère à la maison du département est une des raisons qui explique la résistance des professionnels à déménager !

La pire des violences sans doute, si tant est que nous puissions la graduer, est celle que rajoute notre employeur en nous rendant coupables de la situation qui génère notre souffrance… Et cela devient pratique courante.

Un management qui joue sur la culpabilisation et la honte

« Vous vous plaignez ? Mais allez voir chez Arcelormittal ! ». Chacun de ceux à qui cette remarque était adressée ont « entendu » : « vous n’avez pas honte ? ». Outre le sous-entendu outrageant de cette réflexion faite par une directrice de territoire à une équipe particulièrement bousculée par un projet de déménagement dont elle ne veut pas, ce propos est révélateur, de notre point de vue, de pratiques managériales particulièrement culpabilisantes.

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Et il y a de quoi devenir schizophrènes lorsque, d’un côté, il nous est demandé plus que jamais de « participer », de contribuer à un projet d’ensemble (d’administration, de direction, de service) et que le moindre écart de penser provoque humiliations, discriminations de la part du manageur.

Ce qui est dénoncé par l’équipe de la DITAM de manière récurrente dans la situation évoquée, c’est l’absence totale de concertation sur un projet qui pourtant les concernait au plus haut point. Ce qui est interrogé fortement par cette même équipe, c’est l’absence de sens à ce projet. A la question « pourquoi ? », la seule réponse est

« parce que nous l’avons décidé »… Cette absence de sens donné est insupportable car, dans le sens commun, « changer » implique un « mieux », un « meilleur » et cela suppose alors d’avoir fait le bilan de l’existant pour se projeter dans ce « mieux » et ce

« meilleur ». Le « mieux » et le « meilleur » pour l’agent ou l’équipe pouvant être contradictoire avec celui des dirigeants mais au moins un échange aurait permis de répondre à la question du « pourquoi ? ».

Et pourtant, il avait été demandé à ces agents de participer à une réflexion sur les avantages et les inconvénients du déménagement. Sauf qu’après une première réunion dont l’ordre du jour concernait clairement cet objet et devait permettre d’éclairer la décision qui allait être prise, la seconde avait pour objectif de réfléchir aux conditions rendant possible le déménagement. Sans qu’à aucun moment, malgré les interrogations des agents concernés, la décision du déménagement n’ait fait l’objet d’une explication.

La seule fournie deux ans plus tard par la directrice de territoire était celle-ci : ce projet s’inscrit dans le projet d’administration et la décision ne relève pas de sa compétence…

Le sentiment d’avoir été manipulés dominera alors d’autant que le projet a été

« enterré » deux ans et que les agents ont appris de manière totalement impromptue qu’ils allaient déménager rapidement… Personne ensuite pour entendre leur colère, leur désarroi, leurs angoisses et personne pour répondre au « pourquoi ». Au lieu de quoi leur résistance, qui agace parce qu’elle dure, parce qu’elle s’organise, va faire l’objet de propos vexatoires, humiliants, outrageants parfois. Ils vont être accusés d’irrespect vis-à-vis d’autres collègues, de détérioration d’un climat pourtant déjà profondément délétère avant leur implication dans leur mouvement de lutte, jusqu’à l’insulte suprême : « vous n’avez pas honte de vous révolter alors qu’à deux pas de chez vous il y a ce que vivent les salariés d’Arcelormittal Florange et leurs familles ? ».

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En guise de première conclusion

Selon les situations, les agents réagissent différemment aux « pressions » et parfois aux « humiliations » ressenties et/ou réelles. Dans la très grande majorité des situations connues, c’est la démotivation professionnelle qui l’emporte : les agents, lassés par les pressions et/ou les humiliations, finissent par trouver les moyens d’en faire le moins possible. Mais nous constatons une forte tendance au « burn out » qui se traduit notamment par un dégoût du travail, une forte déprime voire une dépression.

Le burn out est aujourd’hui reconnu comme consécutif du travail et pourtant, là encore, l’employeur minimise sa portée et ses origines,

Ce qui marque profondément les militants syndicaux que nous sommes, c’est cette inaptitude de l’administration, d’une part, à anticiper les situations stressantes, d’autre part, à reconnaître les souffrances des agents. Et lorsque les agents résistent, ils sont trop souvent l’objet de propos humiliants, dégradants, mettant en cause leur intégrité professionnelle, ce qui est particulièrement révoltant. Dans toutes les situations relatées, les agents, malgré leur résistance, n’ont jamais porté atteinte à l’intérêt public. Ils ont toujours su faire la preuve de leur attachement à leur mission, à leur travail, au service public. Qu’est-ce qui a donc poussé l’administration et, pour être plus précis, les directeurs impliqués à autant de violence ?

Cette difficulté à reconnaître que le travail génère du stress et que certaines situations de souffrance pourraient être évitées, si tant est qu’elles soient qualifiées comme telles, explique en partie pourquoi, dans notre collectivité, nous avons autant de difficulté à évoquer, avec l’administration, les situations de harcèlement moral !

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II – Des pressions exercées au harcèlement, la frontière est étroite

Les souffrances manifestées par des agents qui se disent harcelés ne relèvent pas toutes d’un harcèlement, même si c’est souvent le terme employé pour signifier au mieux les « maux » auxquels ces agents ont à faire face. A moins d’accepter une définition plus large du harcèlement moral12 qui intégrerait le « harcèlement institutionnel »13.

II – 1/ Des pressions au quotidien…

Il est très difficile, dans les rencontres avec des agents isolés, de faire la distinction entre « pressions » quotidiennes et « harcèlement », ne serait-ce parce que l’intention de nuire de la part de celui qui fait pression (ou celui qui harcèle) n’est pas évidente.

Aussi, c’est à travers deux interventions de notre syndicat en direction de deux équipes de travail que nous pouvons mieux cerner les effets des injonctions paradoxales, voire contradictoires, des pressions, des vexations qui, bien que ne se retrouvant pas sous le label « harcèlement », sont de véritables violences faites aux agents.

Une équipe de cadres sur un territoire alerte la CGT après un « dernier évènement en date » qui met le feu aux poudres. Le directeur adjoint qui encadre l’équipe, en CDD, est très directement menacé de « faute » et d’insuffisance professionnelle et donc d’un arrêt anticipé de son contrat de travail. La rencontre entre l’équipe et le syndicat met l’accent très vite sur des pratiques de management du directeur de territoire qui font souffrir, jusqu’à des crises d’insomnie pour certains, des larmes après certaines réunions, un épuisement psychologique et physique.

12 Voir en annexe les textes législatifs relatifs au harcèlement moral.

13 Dans un article « Harcèlement moral » (juin 2002), le Docteur Hélène MONTERA distingue trois types de harcèlement :

- le harcèlement individuel qui est l’œuvre du pervers et/ou qui fait suite à la dégradation d’une situation conflictuelle,

- le harcèlement institutionnel qui relève d’une technique de gestion du personnel : mise en concurrence ou/et besoin d’uniformisation et refus des individualités,

- le harcèlement stratégique utilisé pour contourner les procédures légales de licenciement, ou pour se débarrasser de quelqu’un dans un service, ou/et pour maintenir un collectif en nommant un « bouc émissaire ».

Source : http://www.anmtph.fr, Dr Hélène Montera

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Tous les cadres de l’équipe sont d’accord : il faut que ça cesse. Les faits relatés sont explicites : le directeur impose quelque chose, puis dira le contraire le lendemain en accusant un cadre de ne « jamais rien comprendre ! ». Il se permet d’aller voir les agents sans avertir leurs responsables hiérarchiques respectifs et de dénigrer ceux-ci dans les propos tenus alors. Il tiendra pour responsables les cadres (et un en particulier) de la non avancée d’un

« dossier » dont ce cadre n’est pourtant pas responsable. Il humiliera régulièrement l’un ou l’autre en réunion. Il conviendra lui-même qu’il ne comprend strictement rien au travail social, que ce n’est pas son problème, mais qu’il veut que le travail social évolue (pourquoi ? pour quoi ? là n’est pas son problème). Il ne se passera plus une réunion sans que les cadres en présence ne se sentent humiliés, sans que le directeur ne soit pris dans des contradictions permanentes (ordres et contre-ordres notamment). La santé de deux membres de l’équipe principalement nous inquiète au point d’alerter immédiatement le CHS car nous considérons qu’il y avait danger.

Après des mois d’attente, une enquête interne est menée, chacun est écouté, le directeur adjoint partant est remplacé par un autre qui va jouer un rôle de médiateur, le directeur de territoire aura compris, semble-t-il, qu’il ne pouvait pas continuer à manager de la même manière… la situation est apaisée aujourd’hui. Mais il a fallu se battre pour faire reconnaître que l’administration ne pouvait pas rester sourde à cette souffrance. Il a fallu rappeler la loi pour imposer l’enquête…

Dans cette situation, il est clair que le directeur incriminé, lui-même sous pression pour mettre en œuvre des politiques publiques qui ont du mal à « prendre » sur son territoire, exerce des pressions car il tient pour « responsables – coupables » les responsables de missions de l’absence d’avancée de dossiers jugés politiquement sensibles. Ce directeur, qui n’a aucune idée des enjeux qui pèsent sur les professionnels de terrain, qui n’a aucune histoire professionnelle qui lui permettrait d’en savoir quelque chose, ne peut donc pas comprendre les raisons qui font que ces dossiers n’avancent pas. Et cela, d’ailleurs, ne lui importe pas, il attend des résultats14

Les propos parfois humiliants, vexatoires, violents tenus par ce directeur à certains membres de l’équipe de direction peuvent trouver leur explication dans une attitude, hélas, typiquement humaine : il est insupportable pour un individu d’être mis face à ses contradictions, encore davantage lorsqu’il est « chef ». Il fait alors facilement porter la responsabilité des contradictions sur les autres « qui n’y comprennent jamais rien ».

Cela n’excuse en rien la violence de ses propos mais permet d’interroger l’idéologie organisationnelle du « management » qui amène ou autorise ce genre d’attitudes.

Sur un autre territoire, une équipe nous interpelle car « rien ne va plus ». Depuis que l’équipe a déménagé à la maison du département, les relations avec le directeur de territoire sont telles qu’elles provoquent un stress important et que le travail est menacé.

14 Nous verrons en 3ème partie la question relative au « management ».

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Les faits relatés montrent que l’ambiance de travail est particulièrement délétère et que celle-ci tient très clairement aux agissements du directeur et que les ordres / contre- ordres du directeur présentent un risque de disqualification de l’équipe auprès des partenaires (comme, par exemple, l’ordre du directeur de mettre en place une action d’envergure qui, sans aucune explication, sera annulée par ce même directeur au dernier moment alors que l’équipe était déjà engagée auprès de nombreux partenaires).

Les professionnels de l’équipe sont excédés. Il faut absolument que ça change… La CGT alerte donc le CHS(CT) et sera accusée d’envenimer les relations professionnelles sur ce territoire. Le DRH ne comprendra pas qu’il n’ait pas été interpellé avant l’alerte ou, à défaut, le directeur départemental ou le directeur général des services en tant que responsable hiérarchique du directeur de territoire.

Concernant le directeur du service départemental, il était au courant depuis longtemps de la situation puisqu’à plusieurs reprises il avait été amené à adopter une stratégie de contournement du directeur pour faire avancer des projets…

Interpeller le DRH sur ce territoire, nous l’avions déjà expérimenté. Ce fut un vrai désastre et l’équipe en avait déjà entendu parler. La CGT était entièrement d’accord avec l’équipe : faire intervenir le DRH ne pouvait que présenter des risques accrus.

Par ailleurs, nous avions envisagé une alerte au Directeur Général des Services en tant que responsable hiérarchique du directeur de territoire. Mais là encore l’équipe n’était pas confiante : le directeur de territoire se gaussait suffisamment haut de ses relations amicales avec le DGS et du soutien du Vice Président référent du territoire pour craindre que l’affaire soit étouffée. Nous étions, là encore, d’accord avec l’équipe.

Restait alors, pour seule alternative, l’alerte au CHS(CT) et la décision a été largement mûrie. Le DRH accusera le syndicat d’avoir manipulé l’équipe et fragilisé ses membres, deux d’entre eux étant en CDD… Nous avions heureusement évoqué ce risque (de pression faite sur les personnes en CDD) avec l’équipe, la sanction étant tombée pour l’un d’entre eux qui ne s’est pas vu renouveler son contrat (l’autre ayant recherché et trouvé un emploi en dehors de la collectivité avant la fin de son contrat).

Concernant cette situation, il conviendrait de la mettre en lien avec de nombreuses autres pour comprendre que la personnalité du directeur de territoire est ici très clairement mise en cause. Ce qui est étonnant, c’est l’absence de réaction manifeste de la part de l’administration qui pourtant « sait ».

Dans l’une et l’autre de ces situations, l’administration, après avoir tenté de culpabiliser notre syndicat qui aurait mis les deux équipes dans des situations

« dangereuses » en pratiquant des alertes au CHS, a tenté de diviser les équipes : interrogations de chacun des membres notamment sur leurs relations avec leur responsable et les relations entre eux, ce qui a abouti à une minimisation des problèmes rencontrés dans la mesure où ils n’étaient ramenés qu’à des anecdotes. Avec d’ailleurs peu de considération pour ces « anecdotes du quotidien » qui, reliées les unes aux autres, reliées aux problèmes déjà relatés sur ces territoires pouvaient, à travers le prisme de l’analyse, permettre une bonne compréhension de ce qui était en train de se passer. Au lieu de quoi la conclusion fait figure d’une pantomime : tout juste est-il reconnu des relations « conflictuelles » mais rien de bien méchant…

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Sans doute notre administration n’est-elle pas prête à entendre la souffrance parfois extrême d’agents pour qui travail est synonyme de violences et à reconnaître les pratiques managériales honteuses.

II – 2/ …au harcèlement

Même si les effets des « pressions » exercées, quelles qu’en soient la nature et la raison, peuvent être aussi destructeurs pour la personne qui les subit que le harcèlement, celui-ci est jugé particulièrement odieux et peut faire l’objet de condamnations au pénal. Ce qui le distingue des pressions exercées c’est :

- son caractère humiliant, vexatoire et répétitif - centré sur un individu

- avec une intention manifeste de nuire à l’agent, la visée étant souvent de « le mettre à genoux » ou de le faire partir.

Valérie est rédactrice sur un territoire. De retour d’un congé parental, elle qui avait toujours eu de bonnes appréciations de son responsable, apprend qu’elle est devenue l’élément indésirable sur le territoire… Sans doute parce que son remplaçant, auxiliaire, avait eu les faveurs de son supérieur hiérarchique… Quoiqu’il en soit, Valérie a vécu un véritable enfer. Humiliations répétées, propos dégradants tenus à d’autres la concernant…

Valérie a eu jusqu’à la consigne de compter les petites cuillères et les tasses, soi-disant pour organiser l’espace « convivialité » de la maison du département…

Les comportements déplacés de la part de son supérieur hiérarchique ont été, dans un premier temps, jugés comme tels par le Directeur des Ressources Humaines à qui nous avons demandé un arbitrage. Mais, seconde réunion en présence de Valérie et la descente aux enfers est organisée : toutes les lacunes de Valérie sont pointées comme des fautes. Tous les actes posés par sa supérieure, qui s’avèrent très franchement discriminants, sont justifiés par des incompétences de l’intéressée et, comble du mauvais goût, la santé de la supérieure se serait dégradée du fait des agissements de Valérie. La seule alternative alors est que Valérie quitte son poste… ce qu’elle a, courageusement et heureusement pas fait.

Les agissements durent, mais il semblerait que Valérie ait au moins acquis quelque chose dans cette histoire : elle ne se laisse plus aussi facilement impressionner.

Dans cette dernière situation, l’administration pourrait être reconnue comme fautive d’avoir non seulement « laissé faire » le harceleur mais surtout de lui avoir donné raison. Mais sans doute mise-t-elle sur sa propre impunité dans la mesure où rares sont les agents encore en poste qui vont porter plainte contre leur employeur.

Ce qui continue à rester obscur pour nous, c’est la manière de faire de l’administration : l’agent victime de tels agissements devient responsable – coupable : ses défauts, ses imperfections, ses « fautes » parfois sont mises en évidences,

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analysées de manière à justifier les pratiques de celui qui harcèle. L’administration semble systématiquement donner raison au harceleur et aggrave la situation en dévalorisant, humiliant, discriminant parfois le harcelé.

A une reprise, nous avons eu un élément de compréhension par la directrice adjointe des ressources humaines de l’époque. Dans une situation de harcèlement, elle a alors clairement affirmé que, selon elle, dans tout conflit, il y avait 50 % de responsabilité de part et d’autre.

Cette hypothèse selon laquelle toute situation de harcèlement serait entendue par le DRH comme une simple situation conflictuelle dans laquelle, « comme dans toute situation de conflit, c’est du 50 / 50 » est celle qui permet le mieux de comprendre ce que se joue dans la « résolution du conflit » en question : que chacun reconnaisse sa part de responsabilité et le conflit est résolu ! Outre le fait que toutes les situations conflictuelles ne se valent pas et que le harcèlement ne peut pas être appréhendé comme un simple conflit, tout acte de harcèlement doit faire l’objet d’une intervention autoritaire : il faut le faire cesser, c’est la loi.

II – 3/ Une administration « rouleau compresseur »

Ce qu’il y a de particulièrement insupportable pour nous, militants syndicaux accompagnant des agents victimes d’actes de discrimination ou de harcèlement, c’est les propos, attitudes et actions de l’administration pourtant chargée de protéger ces agents de ce type d’agissement. L’impuissance de l’administration, nous pouvons à la limite la comprendre, mais son acharnement à démontrer que l’agent est responsable de ce qui lui arrive, non !

Frédérique est travailleur social. En gros conflit avec sa supérieure hiérarchique qui dans un premier temps exerce des pressions sur elle jusqu’à, dans un second temps, avoir des pratiques de harcèlement caractérisées, elle en tombera malade. L’administration, à l’écoute du harceleur, va tout faire pour démontrer que le problème réside dans le fait que Frédérique refuse toute remise en cause, ce qui placerait son supérieur dans une position délicate.

Frédérique obtiendra la reconnaissance de l’imputabilité au service de sa dépression. Là encore, l’administration va déployer des moyens pour d’abord convaincre la commission de réforme de la responsabilité de Frédérique dans ce qui lui arrive, allant jusqu’à remettre en cause la possibilité, pour un médecin expert et psychiatre, d’établir ce lien de causalité entre la maladie pourtant psychique de l’intéressée et son travail. Accusant également le médecin de partialité.

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