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Le cycle cellulaire : données biologiques et thérapies ciblant les cyclines/CDK

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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017 30

Le cycle cellulaire : données biologiques et thérapies ciblant les cyclines/CDK

Cell cycle: biological data and treatment targeting cyclins/CDKs

O. Trédan

1, 2

, P. Barthelemy

3

, C. Villanueva

4

, L. Teixeira

5

1

Département de cancérologie médicale, centre Léon-Bérard, Lyon.

2

CNRS UMR5286, Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CRCL).

3

Unité d’oncologie médicale, hôpitaux universitaires de Strasbourg, Institut régional du cancer d’Alsace, Strasbourg.

4

Service d’oncologie médicale, centre hospitalier universitaire de Besançon.

5

Centre des maladies du sein, service d’oncologie médicale, hôpital Saint-

Louis (AP-HP), Paris.

R ÉSUM É Summary

» Dans cet article, plusieurs protéines kinases qui participent au processus complexe du cycle cellulaire sont décrites. Le rôle clé des complexes cyclines/CDK dans le contrôle du cycle cellulaire et dans la prolifération anarchique des cellules cancéreuses est examiné . Ces données off rent de nouvelles perspectives pour les traitements anticancéreux. Cependant, les molécules qui bloquent l’activité des kinases du cycle cellulaire ne sont pas susceptibles de cibler spécifi quement les cellules tumorales. Les connaissances actuelles suggèrent que la dérégulation particulière des cyclines/CDK est à prendre en compte afi n de faciliter le développement des nouveaux agents antiprolifératifs. Récemment, les inhibiteurs de CDK4/6 se sont révélés effi caces en combinaison ; ils peuvent être exploités dans divers types de cancer, en particulier dans le cancer du sein.

Mots-clés : Cycle cellulaire – CDK – Cancer.

In this review, several protein kinases that participate in the multifaceted process of the cell cycle will be described. The key role of the cyclins/CDKs complexes in the control of the cell cycle as well as in the anarchic proliferation of cancer cells will be defi ned. This data provides new opportunities for cancer therapy. However, drugs that block the cell cycle kinases activity are unlikely to selectively target tumor cells.

Evidence suggests that specifi c cyclins/CDKs deregulation has to be understood to better develop potential anticancer drugs.

Recently, CDK4/6 inhibitors have proven to be eff ective in combination approaches, which may be exploited in various cancer types, especially for breast cancers.

Keywords: Cell cycle – CDK – Cancer.

U ne des clés de voûte de la propagation des cancers est la prolifération anarchique des cellules néoplasiques : des divisions cel- lulaires dérégulées. En eff et, normalement, la division cellulaire est une succession de processus complexes, chacun contrôlé par des systèmes de molécules régulatrices (stimulant ou inhibant la progression dans le cycle). Il existe donc des points de contrôle du cycle cellulaire et des signaux permettant l’arrêt de la division, par exemple en cas de dommage dans l’ADN. Afi n de passer d’une étape à une autre, des sérine-thréonine kinases appelées cyclin-dependent kinases (CDK) sont activées, notamment grâce à leur interaction transitoire avec leurs protéines parte- naires : les cyclines.

Dans cet article , les mécanismes principaux de la pro- gression dans le cycle cellulaire vont être décrits, et nous insisterons sur le rôle prépondérant des couples cycline/CDK. Leur ciblage s’avère être une nouvelle arme thérapeutique pour les patientes ayant un cancer du sein hormonosensible.

Fonctionnement du cycle cellulaire

Le cycle cellulaire peut être académiquement découpé en plusieurs phases : G1 (gap or growth phase 1), S (DNA synthesis), G2 (gap or growth phase 2) et M, M repré- sentant la mitose proprement dite, avec ses propres phases (prophase, prométaphase, métaphase, ana- phase et télophase). Ce découpage correspond à des événements moléculaires consécutifs, avec des étapes et des zones de transition entre chaque phase du cycle.

De façon simpliste, ces transitions sont contrôlées par des kinases activatrices ou inhibitrices, ainsi que par des destructions protéolytiques de substrats.

Transition G0/G1

Pour commencer “artifi ciellement” la description des

séquences du cycle cellulaire, il est logique de mention-

ner la sortie de la cellule de la période de quiescence (G0)

et sa progression dans la phase G1. À la fi n de cette

phase G1, avant la transition G1-S, la cellule doit passer

un point de contrôle (point de restriction) dépendant

(2)

Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017 31 Figure 1. Diff érentes étapes de l’initiation du cycle cellulaire, en réponse à des signaux mitotiques (2).

MAPK RAF

RAS

PI3K

AKT

Cycline D

Cycline D Cycline D

Cycline D

Cycline D

CDK4/6 CDK4/6

CDK4/6

CDK4/6

CDK4/6 CDK4/6

Cycline D Cycline D

Cycline D

Dégradation par le protéasome

Cytoplasme

GSK3β

(Ub)

n

Récepteur

à l’estrogène Estrogène

p16 Complexe inactif

FOXM1

FOXM1

E2F

P P PP PP P

Cycline E CDK2 Rb

Rb E2F Rb E2F

Transcription de gène dépendant de RE

Passage du point

de contrôle G1 Inactivation de Rb

Expression de gènes associés à la phase S et à la transition G2/M

Échappement à la sénescence

Facteur de croissance/récepteur tyrosine kinase

Déplétion de p16

P P

P

naires à activité tyrosine kinase, par exemple) et des signaux antiprolifératifs (voie du transforming growth factor-beta [TGFβ], par exemple) convergent vers les protéines impliquées dans cette transition G1-S.

Transition G1/S

Sous la pression des signaux promitotiques, les cyclines D (D1, D2 et D3) [1] s’accumulent et forment des couples avec les kinases CDK4 ou -6 (fi gure 1) . Il y a schématiquement 2 voies pour la transition en phase G1-S impliquant les CDK4/6.

✓ Dans la voie classique, les couples cyclines D/CDK4 ou -6 phosphorylent partiellement la protéine Rb1 sur diff é- rents résidus (3) . En eff et, au cours de la phase G1, la pro- téine Rb1 est hypophosphorylée et couplée au facteur de transcription E2F pour réprimer son activité (fi xation au domaine de transactivation) [4] . C’est la phosphorylation

phosphoryle à nouveau Rb1, réduisant complètement son pouvoir inhibiteur sur E2F, et permettant encore plus de libération d’E2F pour poursuivre la transcription et la synthèse de cyclines. Il s’agit donc bien d’une autoac- tivation du cycle cellulaire. La cycline A2, se couplant aussi avec CDK2, favorise la poursuite de la synthèse de l’ADN et la transition phase S-G2 (fi gure 3, p. 32) [7] . Les éléments nécessaires à la synthèse de l’ADN sont contrôlés essentiellement par 2 kinases : CDC7 et CDK2.

✓ Dans la voie alterne, il semblerait exister une acti- vation précoce des CDK2 indépendante des étapes initiales via les couples cyclines D/CDK4/6. Les CDK2 peuvent ainsi se coupler aux cyclines E mais également aux cyclines D, phosphorylant Rb1. Les mécanismes conduisant à une activation de CDK2 précoce en cours de phase G1, indépendamment des CDK4/6, sont mal connus actuellement.

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Figure 2. Processus d’activation de la transcription des gènes du cycle cellulaire par mise en jeu du couple cycline D/CDK4/6 (qui inhibe Rb et libère le facteur de transcription E2F).

Cycline D

Programme transcriptionnel

Rb

Rb

E2F

E2F CDK4/6

Ciclib

P P

CAK Cdc 25

Gènes du cycle cellulaire : CCNE1, CCNA2, CCNB1, CDK2, CDK1 Gènes de la réplication : MCM2, MCM3, MCM5, MCM7, CDT1, CDC6 Gènes de la mitose : CDC20, PLK1, MAD2L1, CCNB1

ATP

Cycline D

CDK4/6 P

Figure 3. Initiation et progression dans le cycle cellulaire : rôle de Rb et des couples cycline/CDK (6).

M

G1

G2 P S

P P

P P P

P

P P P

Sortie de quiescence

G0

Cip-Kip Cip-Kip

Facteurs de croissance

CDK4 et CDK6 CYCD

RB RB

RB RB

CYCE CYCE

CYCA

CDK2

CYCA CDK2 CDK1 CDK1 CYCB

INK4

Feedback positif

Entrée dans la phase S

Signal activateur Signal inhibiteur E2F

E2F

des couples cycline B/CDK1 (appelés aussi CDC2) se forment et s’accumulent. Les kinases Wee1 et Myt1 (kinases inhibitrices) phosphorylent ce complexe (sur les 2 résidus Thr-14 et Tyr-15), et le maintiennent ainsi inactif (fi gure 4) [9] . C’est l’activation de cette grande quantité de complexes cycline B/CDK1 qui marque l’en- trée dans la phase M (mitose). Cette activation dépend de multiples mécanismes, en commençant par l’inhibi- tion des kinases Wee1 et Myt1 et la déphosphorylation par les phosphatases CDC25 des 2 résidus (Thr-14 et Tyr-15), levant ainsi leur action inhibitrice sur le couple cycline B/CDK1.

Mitose

La mitose est alors un enchaînement d’événements chromosomiques et du fuseau microtubulaire : conden- sation des chromosomes, redistribution de la tubuline, duplication des centrosomes, assemblage du fuseau, rencontre des microtubules et des kinétochores, et, enfi n, cytokinèse. L’activité du complexe cycline B/CDK1 intervient dans la condensation des chromosomes et dans les principaux phénomènes impliqués dans leur séparation (CDK1 phosphoryle plusieurs dizaines de substrats) [10] . C’est la protéolyse de la cycline B et, donc, la chute d’activité de CDK1 qui achève la mitose en déclenchant la cytokinèse (activation de la sépa- rase, décondensation des chromosomes et reformation de l’enveloppe nucléaire). La ségrégation des chro- mosomes est médiée par le complexe APC/C (ana- phase-promoting complex/cyclosome) et par certains cofacteurs comme CDC20. Les cyclines B et A sont des cibles d’APC/C afi n d’éteindre l’activité de CDK1.

Par ailleurs, d’autres kinases interviennent, dont les kinases Plk (polo-like kinases) et les kinases aurora. Plk1 phosphoryle la cohésine, qui peut alors être dégradée (détruite par une caspase), ce qui permet la séparation des chromatides. Le rôle de l’aurora A, au niveau des pôles du fuseau mitotique, est de permettre la matu- ration des centrosomes, leur séparation et la mise en place du fuseau. L’aurora B est située le long des chro- mosomes, le plus souvent au niveau du centromère pour permettre la cytokinèse (fi gure 5) [11] .

Contrôle du cycle cellulaire

Les couples cyclines/CDK s’associent dans une période de temps relativement courte (liée à une dégradation rapide via l’ubiquitination des cyclines), ce qui limite la durée de l’activité kinase . De plus, l’activation et l’inac- tivation des CDK sont sous le contrôle d’une balance phosphorylation/déphosphorylation, la phosphoryla- Transition G2/M

En phase G2, le complexe cycline A/CDK1 est parti-

culièrement actif. En fi n de phase G2, le monomère

CDK1 est présent, et, avec la synthèse importante de

cycline B (parallèle à la dégradation des cyclines A),

(4)

Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017 33 Figure 4. Mécanismes de contrôle des cassures de l’ADN impliquant les couples cyclines/CDK.

Lésion de l’ADN Cassure double brin

ATR

CHK2

Wee1 CHK1

PLK1

Aurora A

Cycline CDC25

Claspine

p53

p21

Myt ATM

Dégradation

Séquestration CDK

APC/C

14-3-3

l’action des couples cyclines/CDK (appelée en général cyclin-dependent kinase inhibitors [CKI] ) , dont font partie les inhibiteurs de CDK4 (appelés inhibitors of cdK4 [INK4]), et les inhibiteurs de cyclines/kinases ( CDK interacting protein/kinase inhibitory protein [CIP/KIP]) [tableau] .

La famille INK4 comporte 4 protéines similaires, p15

INK4B

, p16

INK4A

, p18

INK4C

et p19

INK4D

, toutes inhibant principa- lement CDK4 et 6 (et peu les autres CDK) [12] . Pour l’exemple le plus connu, p16

INK4A

est codé par le gène CDKN2A (gène suppresseur de tumeur) ; son expres- sion est induite par de nombreux processus, comme la sénescence ou la voie du TGFβ. De plus, lorsqu’il existe une perte de fonction de la protéine Rb1, il existe paral- lèlement une surexpression de p16

INK4A

.

En ce qui concerne la famille CIP/KIP, il existe 3 pro téines : p21

CIP1

, p27

KIP1

et p57

KIP2

. Ces protéines sont régulatrices de toutes les kinases CDK, mais peuvent avoir un eff et inhibiteur ou activateur, en fonction des complexes protéiques considérés. Pour simplifier , CIP/ KIP stabilise le complexe cycline D/CDK4 et permet sa translocation dans le noyau ; en revanche, il inhibe CDK2. Le complexe cycline D/CDK4/6 stabilisé favorise l’expression du complexe cycline E/CDK2, qui lui-même inhibe (par phosphorylation) CIP/KIP, formant ainsi une boucle de contrôle négative (figure 3) . La protéine p27

KIP1

, phosphorylée par le complexe cycline E/CDK2, est détruite par le protéasome après ubiquitination (par Skp1/Skp2), ce qui permet l’entrée en phase S (13) . La synthèse de l’ADN peut aboutir à des dommages qui sont repérés par des points de contrôle spécifi ques.

Deux kinases sont importantes dans ce contrôle : ATM (ataxia telangiectasia mutated) et ATR (ATM- and Rad3-related) . La première est activée par les coupures double brin, la deuxième est activée par les erreurs de réplication. ATM et ATR phosphorylent les kinases Chk2 et Chk1. Chk2 et Chk1 phosphorylent à leur tour

ATM et ATR qui inactivent CDC25, aboutissent donc à l’inhibition de CDK1 et à l’arrêt du cycle (14) .

De plus, ATM phosphoryle la protéine MDM2, ce qui a pour eff et d’inhiber son interaction avec le facteur de transcription p53. Ainsi, p53 est libéré et il est à son tour phosphorylé par ATM ou par Chk2, ce qui renforce sa stabilité (les phosphorylations réduisent son ubiquiti- nation et sa dégradation). La quantité de p53 augmente et son activité transcriptionnelle augmente en paral- lèle, induisant la transcription du gène de la protéine p21

CIP1

. L’expression de p21

CIP1

induit une inhibition de CDK2 et 1, bloquant ansi le complexe cycline E/CDK2 (fi gure 4) [15] .

Le processus mitotique comporte également un point de contrôle d’assemblage du fuseau mitotique : SAC (spindle assembly checkpoint), qui permet de corriger Tableau. Protéines contrôlant la progression dans le cycle (CKI).

Famille INK4

(inhibiteurs de CDK4) p15

INK4B

p16

INK4A

p18

INK4C

p19

INK4D

Famille CIP/KIP

(inhibiteurs de cyclines/kinases) p21

CIP1

p27

KIP1

p57

KIP2

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(5)

Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017 34

Figure 5. Implication des kinases PLK (polo-like kinases) et des kinases Aurora dans le cyle cellulaire.

Phase S

Aurora A

Aurora B

Prométaphase Anaphase

Prophase

Télophase

Séparation des centrosomes

Dissociation des cohésines le long des bras des chromosomes

Attachement

des kinétochores Assemblage du fuseau mitotique

Élongation du fuseau central

Cytokinèse

Dommages

de l’ADN Entrée

en mitose

Maturation des centrosomes

Duplication des centrosomes

Entrée

en phase S PLK3

PLK3

PLK4

PLK4 PLK2

PLK2

PLK1

PLK1 PLK1

Mitose

G2 G1

les anomalies d’attachement des kinétochores aux microtubules. Il s’agit d’une voie de signalisation impli- quant aurora B, et d’autres protéines comme MAD1 (mitotic arrest defi cient protein 1) , MPS1 (monopolar spindle 1) ou BuB (budding uninhibited by benzimidazole) , pour inactiver APC/C.

Les kinases du cycle cellulaire comme cible thérapeutique

Étant donné le rôle prépondérant des kinases du cycle cellulaire dans les mécanismes de prolifération des cellules cancéreuses, et la surexpression/déré- gulation de plusieurs d’entre elles dans les tumeurs, de nombreux agents à visée anticancéreuse ciblant

ces kinases ont été développés. Ainsi, des inhibiteurs pan-aurora kinase, des inhibiteurs spécifi ques de l’au- rora kinase A (MLN8054, MLN8237, ENMD2076), et des inhibiteurs spécifi ques de l’aurora kinase B (AZD1152, GSK1070916) ont été testés, mais sans grand succès pour l’instant. De même, des agents bloquant Plk1 ont été développés (BI2536, BI6727, GSK461364, HMN241, ON01910), mais l’inhibition de Plk1 a des conséquences trop pléiotropiques pour être clinique- ment intéressante (6) .

La voie cycline D −CDK4/6−p16−Rb est également très souvent dérégulée, offrant donc une cible thérapeutique de choix. Dans le programme lyon- nais ProfiLER, proposant une caractérisation molé- culaire large dans différents modèles tumoraux, nous avons mis en évidence des altérations de cette voie chez 16 % des patients (amplifications du gène de la cycline D1, délétions homozygotes du gène de p16, ou bien amplifications des gènes codant pour les CDK) [16] . La cycline D1 est en effet surexprimée dans de nombreux types tumoraux. Les transloca- tions t(11;14) des lymphomes du manteau abou- tissent ainsi à une surexpression de la cycline D1 (17) . Par ailleurs, une activation anarchique de CDK1 a été mise en évidence dans de nombreuses tumeurs, souvent associée à une surexpression de la cycline B1, et parfois corrélée à un mauvais pronostic. De plus, CDK2, CDK4 ou CDK6 présentent des activations aberrantes (le plus souvent à type d’amplification, les mutations étant rares) dans de nombreux cancers.

Il a donc été développé de nombreux inhibiteurs des CDK, à commencer par des inhibiteurs pan-CDK.

L’agent le plus connu est le flavopiridol , mais son activité antitumorale était limitée et sa toxicité non négligeable. Il est donc apparu logique de cibler spécifiquement CDK4/6 et, ainsi, d’“épargner” CDK2 afin que les cellules normales puissent poursuivre des cycles pseudo-normaux.

Trois inhibiteurs de CDK4/6 (ciclib ou CDKi) ont, à ce jour, un développement clinique avancé. Le palbociclib (PD-0332991), le ribociclib (LEE011) et l’abémaciclib (LY2835219) présentent des IC

50

assez similaires en ce qui concerne l’inhibition de CDK4 et CDK6 (2 à 11 nM pour CDK4, et 10 à 39 nM pour CDK6). En revanche, en ce qui concerne CDK2, les IC

50

sont assez variables entre ces 3 molécules (entre 504 nM pour l’abémaciclib et

>10 000 pour le palbociclib), ce qui pourrait expliquer

en partie les diff érences en termes de mode d’adminis-

tration et de toxicités (17) . Dans les études précliniques,

il est apparu nettement que ces traitements n’étaient

effi caces que dans les lignées cellulaires exprimant la

protéine Rb1. Le traitement par CDKi aboutit donc à un

(6)

Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017 35 En monothérapie, les CDKi présentent une activité

modeste, ne dépassant pas 20 % de réponses objec- tives. Ils sont donc majoritairement développés en association avec d’autres thérapies. Ainsi, des essais cliniques sont en cours et testent des associations de CDKi avec des chimiothérapies, de la radiothérapie et des thérapies ciblant notamment les voies de transduction du signal (PI3K/AKT/mTOR ou RAS/

RAF/MEK), ou les inhibiteurs des récepteurs tyrosine kinase (particulièrement HER2). Des combinaisons de CDKi avec des immunothérapies sont également en cours d’évaluation. Les développements cliniques les plus avancés se situent dans le domaine des cancers mammaires et des cancers bronchiques. Dans les cancers du sein, le rationnel biologique pour réa- liser des associations ciclib + hormonothérapie est fort. En effet, les lignées cellulaires positives pour les récepteurs hormonaux (RH+) peu proliférantes et peu sensibles à l’hormonothérapie présentent fréquem- ment des anomalies de la voie cycline D–CDK4/6–p16 (notamment des amplifications de CCND1 et/ou des surexpressions de la cycline D1) [17] . Au contraire, les lignées cellulaires “basal-like” présentent de façon prépondérante des amplifications des cyclines B1 et E1. De plus, les traitements par tamoxifène ou inhibiteurs d’aromatase aboutissent à un arrêt du cycle cellulaire en phase G1, par une diminution d’expression de la cycline D1 (en effet, le récepteur aux estrogènes α [REα] induit la transcription de la cycline D1) et une augmentation de l’activité des inhibiteurs de CDK2 : p21

CIP1

, p27

KIP1

. Il existe donc un effet additif des combinaisons ciclib + hormono- thérapie, notamment après exposition préalable à une hormonothérapie, puisque la prolifération des cellules cancéreuses dépend alors particulièrement du couple cycline D/CDK4.

Dernièrement, 2 larges essais de phase III, dans le cancer du sein métastatique en première ligne de traitement, portant sur des patientes ayant des tumeurs RH+/HER2 − et ayant rechuté après hormono- thérapie adjuvante ou métastatique d’emblée, ont évalué l’association inhibiteur d’aromatase + inhibiteur de CDK4/6. L’étude PALOMA-2 a testé l’association létrozole + palbociclib (contre létrozole + placebo) : le hazard-ratio (HR) est de 0,58 (IC

95

: 0,46-0,72), et il est observé une amélioration statistiquement signifi ca- tive et cliniquement pertinente de la survie sans pro-

signifi cative et cliniquement pertinente de la SSP, qui est de 14,7 mois dans le groupe placebo et qui n’a pas encore été atteinte dans le groupe ribociclib (avec un suivi médian de plus de 15 mois) [20] . Ces 2 études sont donc tout à fait concordantes, et ces 2 nouveaux traitements feront donc partie de notre arsenal théra- peutique dans les mois qui viennent. En situation de deuxième ligne, le palbociclib a également une indica- tion : l’essai PALOMA-3 a testé l’association palbociclib + fulvestrant ; le HR est de 0,46 ( IC

95

: 0,36-0,59 ), avec une amélioration statistiquement signifi cative de la SSP, qui passe de 4,6 mois dans le groupe placebo à 9,5 mois dans le groupe palbociclib.

Possibles mécanismes de résistance aux inhibiteurs de CDK4/6

Il n’a pas été possible jusqu’à ce jour de mettre en évi- dence des biomarqueurs prédictifs de la réponse aux inhibiteurs de CDK4/6 (Rb1, Ki67, CDKN2A ou CCND1 ). En revanche, des données précliniques peuvent expliquer les éventuelles résistances à ces nouveaux traitements.

Ainsi, dans des lignées cellulaires présentant des résis- tances au palbociclib, il existe des pertes de la protéine Rb1 ou des surexpressions de la cycline E1 (amplifi ca- tions du gène CCNE1 ). Or, comme nous l’avons décrit ci-dessus, la cycline E1 s’associe avec CDK2, initiant la phase S et poursuivant la phosphorylation de Rb1 pour la progression du cycle. L’inhibition de CDK4/6 devient ainsi inopérante dans les tumeurs ayant une amplifi cation des cyclines en aval telles que les cyclines A2 (21) . La surexpression de Myc ainsi que les pertes de p27

KIP1

ou de p21

CIP1

ont également été identifi ées dans des lignées cellulaires résistantes au palbociclib.

L’activation par la voie alterne pourrait être à l’origine de résistances primaires. De plus, dans des lignées cel- lulaires présentant des résistances à l’abémaciclib, il a été montré qu’il pouvait exister une amplifi cation de CDK6 (22) , aboutissant aussi à une résistance aux inhibiteurs spécifi ques.

Conclusion

Les mécanismes moléculaires impliqués dans le cycle cellulaire sont connus depuis le début des années 1990

0035_COO 35 13/04/2017 09:30:00

(7)

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et de nombreuses molécules les inhibant ont déjà été testées à des fi ns antitumorales . Mais ce n’est qu’après 2005 que les premiers inhibiteurs de CDK ont été évalués chez l’homme (6) . À peine 10 ans plus tard, les inhibiteurs de CDK4/6 s’imposent comme un traitement incontour- nable dans le cancer du sein et pourraient s’imposer

à court terme dans d’autres modèles tumoraux. Il est probable que de nouvelles associations de thérapies ciblées comprenant les ciclib voient le jour dans les années à venir, ce qui nécessiterait une sélection des patients sur des profi ls moléculaires spécifi ques (voie cycline D–CDK4/6–p16–Rb, notamment). ■

O. Trédan déclare avoir des liens d’intérêts avec Pfi zer, Novartis, Roche, AstraZeneca.

Les coauteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

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