Rekazator : extensions
cyclotomiques et applications
Dans la table de caractères d’un groupe fini, on trouve au moins un zéro sur chaque ligne pour les irreps de degré > 1.
Commençons par un exercice préliminaire :
Exercice 0.1 (Un préliminaire sur les extensions cyclotomiques).
Pour n entier naturel, soit P
nl’ensemble des entiers de 1 à n premiers avec n, et ω ∈ C une racine primitive n-ième de l’unité. On rappelle que le polynôme cyclotomique φ
nest irréductible (et unitaire) sur Q , donc sur Z .
1. Montrer que l’évaluation en ω fournit un isomorphisme de corps Q [X]/(φ
n) → Q (ω). En déduire l’existence, et l’unicité, d’un auto- morphisme ζ
ksur Q [ω], pour tout k de P
n, qui fixe Q et envoie ω sur ω
k.
2. Montrer que k ·P (ω) = P (ω
k) définit une action du groupe multipli- catif ( Z /n Z )
∗sur Q (ω), resp. Z [ω], par automorphismes de corps, resp. d’anneau.
3. Soit α dans Q (ω), resp. dans Z [ω]. Montrer que ζ
k(α) = α pour tout k de P
nsi et seulement si α ∈ Q , resp. α ∈ Z .
On pourra écrire la condition sous la forme d’un système et recon- naître une matrice de Vandermonde.
Soluce
1. Comme φ
n(ω) = 0, φ
nest dans le noyau de l’évaluation, et comme, de plus, φ
nest irréductible dans Q [X], qui est principal, φ
nengendre le noyau. Comme ω est un nombre algébrique, on a Q [ω] = Q (ω), ce qui implique la surjectivité de l’évaluation. L’isomorphisme d’anneaux en résulte, par passage au quotient, et un isomorphisme d’anneaux entre deux corps est un isomorphisme de corps.
L’unicité de ζ
kest claire car ω engendre Q [ω]. Pour l’existence, on
remarque juste que ω
kest aussi une racine primitive n-ième de l’unité,
donc Q [ω
k] est encore isomorphe à Q [X]/(φ
n), d’où un isomorphisme
ζ
kde Q [ω] sur Q [ω
k]. On a clairement Q [ω
k] ⊂ Q [ω], et on déduit l’inclusion inverse par égalité des dimensions, ce qui implique que ζ
kest bien un automorphisme.
2. L’assertion portant sur Q [ω] est claire en utilisant l’unicité de ζ
ket (ω
k)
k0= ω
kk0. Comme ci-dessus, une double inégalité prouve que Z [ω
k] = Z [ω], et il en résulte l’assertion sur Z [ω].
3. La partie « si » est claire, puisque si α est dans Q , on peut le voir comme un polynôme constant (en ω) ; il est donc invariant par ζ
k. Montrons la réciproque dans le cas où α ∈ Q [ω]. On sait que l’on peut écrire α = P
ϕ(n)−1i=0
a
iω
i, a
i∈ Q , puisque le polynôme φ
nest de degré ϕ(n). Le système d’équations ζ
k(α) = α, pour tout k de P
ns’écrit sous la forme
αe = V a,
où e = (1, · · · , 1), a = (a
0, · · · , a
ϕ(n)−1), tous deux écrits en colonnes, et V la matrice de Vandermonde V = (ω
j)
ii,j
, avec 0 ≤ i ≤ ϕ(n) − 1 et j ∈ P
n. Soit e
1= (1, 0, · · · , 0), le premier vecteur de la base canonique.
On a V e
1= e, d’où
V a = αe = αV e
1= V (αe
1).
Comme V est la matrice de Vandermonde des ω
k, k ∈ P
n, qui sont deux à deux distincts, V est inversible et donc, a = αe
1, ce qui entraîne que tout a
i, i 6= 0 est nul. Il vient α ∈ Q .
Maintenant, si α est dans Z [ω], alors, on peut écrire α = P
ϕ(n)−1 i=0a
iω
i, a
i∈ Z , en utilisant la division euclidienne dans Z [X] par φ
n, qui est unitaire
1. Donc, l’assertion sur Z est analogue.
Remarque. Le résultat sur Q provient d’un résultat classique de théorie de Galois : le groupe de Galois de Q (ω) sur Q est le groupe multiplicatif ( Z /n Z )
∗, et donc, les ( Z /n Z )
∗-invariants de Q (ω) sont réduits à Q . Pour l’assertion sur Z , on peut remarquer que les éléments de Z [ω] sont des entiers algébriques, et qu’un entier algébrique dans Q est forcément dans Z .
Exercice 0.2 (Un zéro sur chaque ligne).
Soit une représentation irréductible de caractère χ telle que pour tout g, les χ(g) sont non nuls. Nous allons montrer que le degré de la représentation est alors égal à 1. Soit n l’ordre de G et ω une racine
1. Attention ! L’anneau Z [X ] n’est pas euclidien. Toutefois, la division euclidienne de
Q [X ] d’un polynôme de Z [X] par un polynôme unitaire, reste dans Z [X].
n-ième de l’unité. Pour tout k premier avec n, on notera ζ
k(comme dans l’exercice 0.1), l’automorphisme du corps Q [ω] qui envoie ω sur ω
k.
1. Soit χ un caractère irréductible et g dans G ; on pose N
χ(g) = Q
m∈(Z/nZ)∗
|χ(g
m)|
2. Montrer que N
χ(g) appartient à Z [ω], puis que ζ
kN
χ(g)
= N
χ(g), pour tout k premier avec n.
2. En déduire que N
χ(g) appartient à Z , pour tout g de G.
3. Conclure, en utilisant le fait que la moyenne arithmétique est plus grande que la moyenne géométrique.
Soluce
1. On a : |χ(g)|
2= χ(g)χ(g
−1). Par suite, comme χ(g) ∈ Z [ω] pour tout g, on a : N
χ(g ) ∈ Z [ω].
De plus, on a vu dans l’exercice 0.1, que ( Z /n Z )
∗agit (par bijections !) sur G. Il en résulte que, en posant m
0= mk, que, pour tout k premier avec n,
ζ
k(N
χ(g)) = Y
m∈(Z/nZ)∗
χ(g
mk)χ(g
−mk) = Y
m0∈(Z/nZ)∗
χ(g
m0)
2
= N
χ(g).
2. Encore par l’exercice 0.1, il vient N
χ(g) ∈ Z .
3. On suppose donc que χ(g) 6= 0 pour tout g dans G. On a alors N
χ(g) ≥ 1, pour tout g de G. Donc,
ϕ(n)p
N
χ(g) ≥ 1, où ϕ désigne l’indicatrice d’Euler. Comme la moyenne arithmétique est supérieure à la moyenne géométrique (par concavité du logarithme), il vient
X
m∈(Z/nZ)∗
|χ(g
m)|
2≥ ϕ(n).
Faisons la somme des n termes de gauche, pour tout g de G, qui est donc censée être supérieure à nϕ(n). Par irréductibilité de χ (qui est donc de norme 1), et comme g 7→ g
mest une bijection :
X
g∈G
X
m∈(Z/nZ)∗
|χ(g
m)|
2= X
m∈(Z/nZ)∗
X
g∈G
|χ(g
m)|
2= X
m∈(Z/nZ)∗
X
g∈G
|χ(g)|
2= ϕ(n)n
On a donc en fait une égalité ; on conclut que l’inégalité ci-dessus est, en fait, une égalité, et ce, pour tout g de G.
On a donc, en particulier, égalité pour g = e :
X
m∈(Z/nZ)∗
|χ(e
m)|
2= ϕ(n).
D’où ϕ(n)χ(e) = ϕ(n), c’est-à-dire que le degré de χ est égal à χ(e) = 1.
Voici une autre jolie application de l’exercice préliminaire :
Exercice 0.3 (Condition pour que la table d’un groupe soit dans Z ).
Soit G un groupe de cardinal n. On fait agir le groupe ( Z /n Z )
∗sur G par k · g = g
k.
1. Montrer que l’on définit une action de ( Z /n Z )
∗sur l’espace des fonctions centrales par
k · f : g 7→ f (g
k), k ∈ ( Z /n Z )
∗, g ∈ G.
2. Soit χ un caractère de G. Montrer, avec les notations de l’exer- cice 0.1, que χ(g
k) = ζ
kχ(g)
, puis, que χ est invariant par ( Z /n Z )
∗si et seulement si χ est à valeurs dans Z .
3. Montrer que la table de caractères de G est à valeurs dans Z si et seulement si pour tout k dans ( Z /n Z )
∗, et pour tout g dans G, g
ket g sont dans la même classe de conjugaison.
Pour la partie « seulement si », on pourra noter δ
hla fonction caractéristique de la classe de conjugaison de h, et montrer l’égalité k · δ
gk= δ
g.
Soluce
1. Tout d’abord, g
kest bien défini puisque, par Lagrange, g
n= e. Si g et h sont dans la même classe de conjugaison, alors il en est de même de g
ket h
k. Donc, si f est une fonction centrale (i. e. passe aux classes de conjugaison), alors k · f est également une fonction centrale.
Reste à montrer les axiomes de l’action. L’élément neutre 1 fixe effec- tivement f. De plus,
kk
0· f(g) = f(g
kk0) = f (g
k0)
k= k · f(g
k0) = k · k
0· f(g) . 2. Tout d’abord, χ(g) est une somme de valeurs propres λ
ipour l’action de
G, donc, une somme de puissances de ω, où ω est une racine primitive n-ième de l’unité. On a, en particulier, χ(g) ∈ Z [ω]. De plus, χ(g
k) est la somme des λ
ki. On a donc χ(g
k) = ζ
kχ(g)
, pour l’automorphisme
ζ
kconstruit dans l’exercice 0.1.
Il est donc clair que si χ est invariant par ( Z /n Z )
∗, alors χ(g) est invariant pour l’action de ( Z /n Z )
∗; il est donc entier, par l’exercice 0.1 3), et la réciproque est claire.
3. Si, pour tout k dans ( Z /n Z )
∗, g
ket g sont dans la même classe de conjugaison pour tout g, alors, comme χ est une fonction centrale, on a k · χ = χ. Ainsi, par la question qui précède, χ est à valeurs dans Z . Montrons la réciproque. Tout d’abord, nous allons montrer, selon l’in- dication proposée, que k · δ
gk= δ
g. On a vu que ( Z /n Z )
∗agissait sur G et que cette action passait aux classes de conjugaison. Si h est dans la même classe de conjugaison que g, alors k · δ
gk(h) = δ
gk(h
k) = 1, puisque h
kest dans la même classe de conjugaison que g
k. De plus, si h
kest dans la même classe que g
k, alors, (h
k)
k0= h est dans la même classe que (g
k)
k0= g, où k
0est l’inverse de k dans ( Z /n Z )
∗. Donc, par la contraposée, si h et g ne sont pas dans la même classe de conjugaison, h
kn’est pas dans la même classe que g
k, et donc k ·δ
gk(h) = δ
gk(h
k) = 0, ce qui prouve bien l’égalité k · δ
gk= δ
g.
On suppose (par la contraposée), que g
ket g ne sont pas dans la même classe de conjugaison. Or, k · δ
gk= δ
g, ce qui prouve que l’action de ( Z /n Z )
∗sur les fonctions centrales n’est pas triviale. Comme les ca- ractères irréductibles engendrent l’espace des fonctions centrales, on obtient qu’il existe un caractère irréductible χ tel que k · χ 6= χ. Encore par l’exercice 0.1, ce caractère ne peut avoir toutes ses valeurs dans Q , et en particulier, il ne peut pas avoir toutes ses valeurs entières.
Exercice 0.4 (Intégralité des caractères de S
n).
Montrer, à l’aide de l’exercice 0.3, que la table des caractères de S
nest à coefficients entiers pour tout n.
Soluce D’après l’exercice 0.3, il suffit de montrer que, si k est premier avec n!, alors g
kest dans la même classe de conjugaison que g, c’est-à-dire, que g
ket g ont même partition associée pour la décomposition en cycles disjoints.
Or, si g se décompose en Q
i
σ
i, g
kse décompose en Q
i