UN NOUVEAU DISPOSITIF DE PERFUSION
POUR L’ÉTUDE DE L’ABSORPTION INTESTINALE IN VITRO
R. ROZEN
W. LOISEL
Station de Recherches sur les Aliments de l’Homme,
Centre de Recherches
agronomiques de Dijon
Institut national de la Recherche
agronomique
SOMMAIRE
Un nouveau
dispositif
permettant laperfusion
in vitro d’anses intestinales isolées est décrit. La circulation duliquide
dans la lumière intestinale se fait en circuit ouvert ; la circulation duliquide
du côté de la séreuse se fait en circuit fermé. Le mouvement des solutions est assuré par une pompe
péristaltique
à débit constant.. INTRODUCTION
I,’étude
des modalités del’absorption
intestinale a fait derapides progrès depuis
la démonstration par FISHER et PASSONS
(i 949 ), qu’il
estpossible
de maintenir enactivité un intestin isolé. Ces auteurs ont décrit le
premier appareil
utilisant unecirculation de solution saline dans une anse intestinale de Rat non
retournée,
et l’ont utilisé pour étudierl’absorption
des sucres et des acides aminés. Cetappareil comprend
deux réservoirs de 100 ml contenant des solutions « muqueuse » et « séreuse ». La circulation des solutions est assurée par des bulles de gaz
(oxygène, carbogène
ouazote selon les
expériences) qui poussent
lesliquides (gas-lift)
et unepression hydrostatique
de 35 cm d’eau. Il en résulte une circulationrapide
de 35 à 45ml/mn,
non
régulière
et difficilement contrôlable. Les deux’circuits « muqueux » et « séreux » sont des circuits fermés . LEE(i 9 6 3 ),
dans une étude sur le rôle des vaisseauxlympha- tiques mésentériques
dansl’absorption
intestinale del’eau,
utilise le mêmedispositif légèrement
modifié : la circulation de la solution « muqueuse » est assurée par une pompe ; la solution « séreuse » ne circule pas.W I SE M A
N
(ig5 3 )
a décrit un autreappareil
deperfusion
intestinale pour ansesisolées,
danslequel
3segments
intestinaux mis enparallèle
sontperfusés
ensemble.Le
principe de fonctionnement
estcependant identique
à celui del’appareil
de FISHERet PARSONS. Diverses
modifications
audispositif
de WisEMnrr ont étéapportées
pardifférents
auteurs, pour des usagesparticuliers. Ainsi,
SMYTH et WHnr,!x( 1953 )
améliorent
l’oxygénation
duliquide
interne etajoutent
un collecteur deC0 2
pourétudier
ladécarboxylation des
acides aminés.S MYTH
et TAYLOR(1 957 ) suppriment
lasolution saline du
côté séreux
afind’étudier
letransport
actif de l’eau : leliquide transporté
est collecté dans un tubeadapté
àl’appareil
de SMYTH etW HALER .
DA R I, IN
GTON et
Q U ASTE L (ig 53 ) ont proposé
un appareil de perfusion plus simple
que les
précédents,
aveclequel
ils ont montré que lesystème respiratoire
dela
mu-queuse intervenait dans le processus
d’absorption
duglucose.
RIKLIS etQ U AST EL (
195
8)
avec le mêmeappareil
ont étudié le rôle dupotassium
dansl’absorption
duglucose.
Tous cesappareils
mettent enjeu
degrandes quantités de liquides, environ
100ml du
côté muqueux et
autant du côté séreux.C
SAKYet THAI,£
(ig6o)
ont mis aupoint
unetechnique simple
d’étude du trans-port
actif duglucose
par l’intestin isolé deCrapaud, technique
danslaquelle
lesvolumes des
compartiments
muqueux et séreux sont très réduits : 14 ml de solution du côté de la muqueuse et 10ml du côté de la séreuse. Un même souci de réduction desvolumes liquidiens mis en jeu
s’observe dans l’appareil
de S AHA G I nN
et coll. (zg6 7 ).
Tous les
dispositifs cités diffèrent
les uns des autres par desdétails,
mais nondans leurs
principes :
i. La circulation
des
solutions salines et assurée par le&dquo;gas-lift.&dquo;
La vitesse decirculation
est extrêmementrapide (de
35 à 45ml/mn),
nonrégulière
et diffici-lement contrôlable.
2. La circulation de la solution muqueuse
(et
de la solution séreusequand
elleexiste)
se fait en circuitfermé,
c’est-à-dire que le mêmeliquide
vient au contact del’intestin
plusieurs fois ;
la concentration desproduits
étudiés varie donc à tout instant.3
. Sauf dans le
dispositif
de CSAKYetT HALE ,
lesegment
intestinal utilisé est enposition
verticale. Les anses ont de r8 à 2o cm delong ;
lapression
varie donc du hauten bas de l’anse de
façon importante. Or, S MY T H
et TAyr,oR( 1957 )
ont montré que l’accroissement de lapression hydrostatique provoquait
des variations dansl’absorp-
tion de
l’eau.
Pour ces diverses
raisons,
nous avons mis aupoint
un nouvelappareil
en tenantcompte
des réalisationsdéjà
existantes..
Les principes qui
nous ontguidé
sont les suivants :- les circulations des solutions « muqueuse » et « séreuse » sont
indépendantes
l’une de l’autre et
contrôlées
en permanence ;- le circuit «
muqueux
» est un circuit ouvert, une pompeapportant
à l’intérieur del’anse
une solution de concentration définie et constante ; leperfusat
est recueillià la sortie de l’anse de
façon continue.
Le circuit « séreux » est un circuitfermé,
cequi
assure la
concentration
des corpsabsorbés ;
- la vitesse
d’évacuation
est très lente du côté « muqueux » et au contrairerapide
du côté « séreux », afind’assurer
unebonne homogénéisation
de la solution« séreuse &dquo; ;
;- l’anse intestinale utilisée est en
position
horizontale.DESCRIPTION DU DISPOSITIF
La
figure
i donne un schéma del’appareil.
Un tube de verre A de 20cm de
long
et i cm dediamètre,
ouvert aux 2extrémités,
est man- chonné ; dans le manchon circule trèsrapidement
de l’eau à 37°. Ce tube estpercé
de 3orifices :- l’un central
(0)
de 2 cm dediamètre,
- deux latéraux
(E
etE’)
de 0,3cm de diamètre.Un segment d’intestin
grêle
de rat de 20 cm delong
environ, non retourné, canulé aux deux extrémités(I
etI’)
estplacé
dans le tube A et fixé par 2 bouchons._ _
Avec des tubes en tygon calibrés
(tubes
« Technicon»)
on forme deux circuitsindépendants .
- un circuit externe
(pour
la solution « séreuse»),
fermé :- un circuit interne
(pour
la solution « muqueuse o) ouvert ;20ml de solution « séreuse » sont introduits
rapidement
en 0. Une pompepéristaltique
P àdébit constant
(modèle Technicon)
établit la circulation des fluides.La
gazéification
des solutions « séreuse » et « muqueuse » est assurée par la pompe P et des mélan- geurs en verre M(modèle Technicon).
Ces solutions sont « débullées » en Dlet D,juste
avant leurentrée dans le tube A. Les « débulleurs « D, et D, servent
également
au contrôle despressions hydro- statiques
à l’intérieur et à l’extérieur de l’anse intestinale(h).
La
prise
des échantillons àanalyser
se fait par la canule de sortie de l’anse intestinale I’ en cequi
concerne leliquide
« muqueux », par l’orifice 0 en cequi
concerne leliquide
« séreux ». Pour modi-fier le moins
possible
leliquide
séreuxqui
circule en circuit fermé, laprise
d’essai est de o,2 ml toutes les io minutes.ESSAIS
PRELIMINAIRES
En vue
d’étudier
ultérieurement les modalitésd’absorption
duglucose
par l’in-testin grêle,
nous avons faitquelques expériences portant
sur lavitesse
dedisparition
du
glucose
dans lalumière intestinale.
A. ―
Technique opératoire
Un rat de 250g
environ,
àjeûn depuis
24h,
estdécapité.
Unsegment
dejéjunum
de 20 cm de
long
environ estprélevé
selon latechnique classique (D AR r, I rr GTON
etQuAS2!I&dquo; I953 ),
il estrapidement nettoyé
avec une solution deKrebs-Ringer
bicar-bonatée et non
glucosée.
Les canules sont fixées aux deux extrémitésde l’anse,
le toutest
placé
à l’intérieur dutube,
et rattaché au circuit deperfusion.
Il fautprendre
soinde
respecter
le sensphysiologique
d’écoulement desliquides dans l’intestin, afin
d’éviter toutanti-péristaltisme.
Entre la mort del’animal
et l’introduction du seg- mentintestinal dans l’appareil,
il s’écoule 5à minutes
aumaximum.
Dès
que l’intestin est enplace, la
solution en contact avec la séreuse estintroduite
parl’orifice
central dutube. Il s’agit
de 20 ml de solution deKrebs-Ringer,
bicar-bonatée,
danslaquelle
onajoute
duglucose
defaçon
à obtenir une concentration de 5millimôles par litre. Dans le cas
présent,
la même solution estperfusée
du côtémuqueux de la
paroi
intestinale.La
gazéification
des solutions est assurée par ducarbogène (5 p. 100 CO 2 , 95
p. 100 0,.)
La pompe est mise en
marche ;
on attend 5 minutes pourl’équilibration
de toutle
système,
lespremières gouttes
deliquide
«muqueux
»ayant traversé l’intestin
sontrejetées,
et letemps
« zéro » del’expérience
commence. Nous notonstoujours
letemps
écoulé entre la mort de l’animal et cetemps
« zéro ».S’il dépasse
I5à
I9 mn, nousn’effectuons
pasd’expérience.
B. ―
Application
àl’étude
del’absorption
duglucose
Une vitesse de circulation de 10
ml/h
duliquide
« muqueux » a été choisieaprès quelques expériences préalables qui
nous ont montré quel’absorption
d’eau par l’intestin est relativementindépendante
de la vitesse deperfusion lorsque
celle-civarie de 10à 40
ml/h.
En dessous de 10m/h l’absorption
d’eau diminue.L’augmen-
tation de la vitesse de
perfusion
provoquela desquamation
decellules
intestinales et du mucusabondant dans
leperfusat recueilli.
La circulation du
liquide
« séreux » esttoujours
de 600ml/h.
En
plaçant
des deux côtés de laparoi
intestinale une solutionidentique
deKrebs-Ringer bicarbonaté,
contenant duglucose
en concentrationscroissantes,
nous avons étudié la
disparition
duglucose
de la lumière intestinale.Le
dosage
duglucose
est effectué par latechnique enzymatique
à laglucose
oxy-dase ( 1 ) modifiée pour stabiliser la
coloration (GU IDOTTI , COLOMBO
et FOA(i 9 6i).
Le
calcul
de laquantité disparue
se fait de la manièresuivante :
A =
quantité
deglucose (en ( L M)
offerte en 5mn(concentration
Xdébit).
B =
quantité
duglucose (en yM)
retrouvée dans leliquide
muqueuxpendant
le même
temps (concentration
Xquantité
deliquide
recueilli à la sortie del’anse).
Glucose
disparu
duliquide
muqueux en 5 mn : A ― B.Les mesures sont faites toutes les 5minutes
pendant
40 minutes. Les résultats sontreprésentés
dans lafigure
2.(’) Réactif des Laboratoires Biotrol, Paris.
On voit que, si à basse concentration
( 5 !tM/ml)
la vitessed’absorption
estconstante dans le
temps,
aux concentrations moyennes(jusqu’à
30!tM/ml)
cettevitesse
d’absorption
tend à diminuer avec letemps.
Dansl’hypothèse
d’untransport
teur de
glucose
de natureenzymatique (CRANE, ig6o)
ces courbess’expliquent
parune saturation
progressive
dutransporteur.
Aux très fortes concentrations
(6 0 [1.M/ml)
unphénomène complexe
semble inter-venir dans le
transport
duglucose.
CATIER( 19 6 5 )
faisantingérer
des solutions deglucose
à des chiensporteurs de
fistulesintestinales,
observeégalement qu’aux
fortesconcentrations
(supérieures
à 4g!,M/1) l’absorption
ne suitplus
la loi de Michaelis-Menten.
L’absorption passive, dépendant uniquement
de la concentration intra- luminale duglucose,
sembleprimer sur l’absorption
activedépendant
dutransporteur.
Ceci
peut s’interpréter
soit comme un débordement des processus derégulation
del’absorption
duglucose,
soit comme laconséquence
de modificationsmorphologiques (gonflement
etélargissement
des pores et de lamembrane) qui permettraient
un accroissement de la diffusion
(C ATI E R , 19 65).
Nous
dirons,
pourconclure, qu’il
est nécessaire de choisirsoigneusement
laconcentration du
glucose,
etprobablement
de tous les corps absorbésactivement,
selon letype
de recherche que l’on se propose d’effectuer.Reçu
pourpublication
en mars19 6 9 .
SUMMARY
A NEW APPARATUS FOR THE a IN VITRO &dquo; STUDY OF INTESTINAL ABSORPTION
A new apparatus for the in vityo perfusion of isolated intestinal loops is described. The fluid
circulating in the intestinal lumen is in an open circuit ; the fluid circulating on the serosal surface is in a closed circuit. The fluids are kept circulating using a peristaltic pump.
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