J. MOSSÉ
INRA Laboratoire d’Etude des Protéines 78026 Versailles Cedex.
Acides aminés de 16 céréales
et protéagineux :
variations et clés du calcul
de la composition
en fonction du taux
d’azote des grain(e)s.
Conséquences
nutritionnelles
En 1988, l’agriculture mondiale
aproduit 1,8 milliard de tonnes de céréales
et environ 0,17 de protéagineux, dont respectivement 53,2 et 6,5 millions de tonnes
enFrance. Dans les pays développés, l’alimentation animale
enutilise près de 90 %. Bien qu’assouplis désormais par la disponibilité des
acides aminés de synthèse, le calcul et la préparation des rations azotées animales n’en requièrent pas moins
uneconnaissance exacte de la
composition
enacides aminés des grain(e)s (1). Or cette connaissance est
encore
très approximative,
carla composition varie
avecle taux d’azote des
grain(e)s qui peut lui-même changer considérablement. Des clés de calcul
sont données qui fournissent la composition précise
enacides aminés
des grain(e)s à partir de simples déterminations du taux d’azote. Ainsi
un
meilleur ajustement des rations est désormais possible qui épargne
de coûteuses analyses et peut entraîner d’appréciables économies.
L’alimentation animale a recours
depuis
desdécennies à des tables de
composition
des ali-ments. Pour les matières azotées,
qui
sont essentiellement constituées deprotéines,
notamment chez les
grain(e)s,
des tables decomposition
en acides aminés ontprogressive-
ment été établies. A
partir
des années 1960 où apparutl’analyse
des acides aminés par chro-matographie
en milieuliquide,
leur détermina- tion gagna enpossibilités
derigueur
et de fiabi-lité au fur et à mesure de l’automatisation de
cette
chromatographie
sur colonne. Une revuede Pion et Fauconneau
(1968)
sur cescomposi-
tions fut suivie par la
parution
d’un ouvrage de la FAO(1970)
où étaient réunies,après
un triplus
ou moinssélectif,
lescompositions
moyennes en acides aminés des aliments les
plus
divers et lesplus
variésqui
soient. De telles données ont été remises àjour
dansplu-
sieurs ouvrages récents
(INRA
1984, 1988, (1) Les céréales produisent des grains qui sont des fruits dont les graines ne sont pas séparables (voir § 1.1. Leslégumineuses et le tournesol praduisenl des fruits dont
on sépare et récolte les graines. Suivant les cas, nous
serons donc conduits à parler de grains, de graines, ou
encore, pour l’ensemble des deux, de grain(e)s.
Résumé
_________________________Les
changements parfois importants
decomposition
en acides aminés desgrain(e)s
sonttoujours
en corrélation avec ceux de leurs taux d’azote. Ils sont décrits par des relations linéaires entre la teneur enchaque
acide aminé et letaux d’azote mises en évidence chez 16
espèces
cultivées pour leursgrain(e)s.
Quelques rappels
sont d’abord faits sur lesgrain(e)s,
leursréserves,
laprotéosyn-
thèse dont elles sont lesiège jusqu’à
maturité, ainsi que sur lesproblèmes
soule-vés par
l’analyse
des acides aminés etl’expression
descompositions.
Les caracté-ristiques
des variations de cescompositions
sontdiscutées,
sur leplan
tant fonda-mental que
pratique : qu’elles
soient dues aux facteurs del’environnement,
à la fumure ou aux conditions culturales ou bienqu’elles
soientd’origine variétale,
ces variations obéissent strictement aux mêmes types de relations linéaires
qui
sont donc définies par deux coefficients déterminables
expérimentalement
pour toutcouple correspondant
à uneespèce
et un acide aminé donnés. Le tableau deces coefficients est donné pour chacune des 16
espèces
et pour chacun des 19 acides aminésanalysables.
Un certain nombre deconséquences
nutritionnellesqui
en découlent sontdiscutées,
enparticulier l’ampleur
des variationsintraspé- cifiques
des acides aminés dans lesprotéines
desgrain(e)s,
les variations compa-rées,
en fonction du tauxd’azote,
des scores nutritionnels parespèce
et entreespèces,
celle du rapportleucine/isoleucine,
ainsi que leschangements
éventuelsdans l’ordre des acides aminés limitants et aussi ceux des coefficients de conver-
sion de l’azote total en
protéines
réelles. En touteoccasion,
la connaissance de lacomposition
en acides aminés des lots degrains
utilisés dans les rations animalesest désormais
beaucoup plus simple
à établir avec uneprécision
et une sécuritéaccrues.
1989,
Chung
et Pomeranz1985). Cependant depuis
une dizaine d’années on observe en la matière unetriple
évolution : d’abord la pour- suite de l’accroissement des tonnages degrains
récoltés(et
dévolus enmajeure partie
à l’ali-mentation animale dans les pays
développés) ;
ensuite une
précision
accrue dans le calcul des rations pour animauxd’élevage grâce
aux pro-grès
constants des sciences de la nutrition ; en dernierlieu,
l’amélioration des connaissancessur la
composition
desprotéines
desgrain(e)s.
Que
ce soit à l’échelonplanétaire
ou à l’éche-lon
national,
laproduction
desgrain(e)s,
tantcéréales que
légumineuses
ouoléagineux
necesse de croître comme le montre une compa- raison sur un
septennat
de la moyenne trien- nale 1986-88 avec 1979-81,d’après
les données de la FflO(1989).
Pour lescéréales,
endépit
d’une diminution des surfaces
cultivées,
tantau niveau mondial
(-
2%)
quefrançais (-
5%),
laproduction
estpassée
en 7 ans sur laplanète
de 1,6 à 1,8 milliards de tonnes(+
13,4%)
et, en France, de 46 à 53 millions de tonnes(+
15,4%) grâce
àl’augmentation
desrendements. En matière de
graines légumi-
neuses et
oléagineuses, superficies
et rende-ments ont
augmenté,
laproduction
totale pas- sant de 173 à 215 millions de tonnes au niveau mondial(+ 24 %)
et de 1,5 à 6,5 millions de tonnes au niveaufrançais,
soit unemultiplica-
tion par 4,3.
Parallèlement,
l’évaluation des besoins des animauxdomestiques,
tantmonogastriques (INRA
1984,Henry 1988)
que ruminants(INRA 1988)
marque desprogrès permettant
un affi-nage des calculs des rations et un
ajustement
de mieux en mieux
adapté
àl’espèce
et austade
physiologique
de l’animal consommateur,ajustement
que rendplus
aisél’émergence
desacides aminés de
synthèse.
Le calcul desrations azotées
implique
la connaissance de ladisponibilité
et de ladigestibilité
des acides aminés ainsi que de la nature et du taux d’éven- tuels facteurs antinutritionnels. Mais audépart
il
implique
d’abord la connaissance de la com-position
en acides aminés des alimentsqui,
pour une très
large part,
sont à base de mou-ture de
grain(e)s
ou deproduits
dérivés de cesdernières.
En
regard
desprogrès
réalisés en nutritionanimale,
les données utilisées pour lacomposi-
tion des
protéines
desgrain(e)s correspondent
à des valeurs moyennes et
négligent implicite-
ment les variations existantes. Pour les
grain(e)s
àmaturité,
d’une part on saitdepuis
un siècle que leur taux de matières azotées peut varier dans de
larges proportions
chez uneespèce
ou chez une variété déterminée : dusimple
auquadruple
ou même auquintuple
chez
plusieurs
céréales parexemple.
Cecirevient à dire que la teneur totale en acides
aminés,
sanspréjuger
de lacomposition,
varie dans les mêmesproportions.
Mais cephéno-
mène est en
partie tamponné
par la taille des lots - et donc le nombre considérable - degrain(e)s manipulé(e)s
ouutilisé(e)s
au niveaude
l’exploitation agricole,
des sites destockage,
ou des traitements
industriels,
de sortequ’il
estsouvent oublié ou méconnu. D’autre part, divers auteurs
signalent périodiquement depuis
un demi siècle que la
composition
en acidesaminés des
grain(e)s
d’une mêmeespèce
estsusceptible
de variationsimportantes. Cepen- dant, jusque
vers les années 1970, peu de tra- vaux ont abordé sérieusement etméthodique-
ment cette
question qui
reste encore confusepour
beaucoup
à l’heure actuelle alorsqu’elle
est en
grande partie résolue,
comme se propose de le montrer laprésente
mise aupoint.
Son
objet
est en effet de faire lepoint
des données récentes établies sur lacomposition
en acides aminés desgrain(e)s
et ses variationschez 16
espèces
degrande
culture pour laplu- part (10
céréales et 6légumineuses
ouoléagi- neux).
Unepremière partie
s’arrêtera àquel-
ques
rappels
sur lesgrain(e)s
et leursprotéines.
Une autre, à un survol des
problèmes
d’échan-tillonnage
desgrain(e)s
et de ceuxposés
parl’analyse
des acidesaminés, problèmes
trop méconnus de nombreux auteursqui
l’ontprati- quée
peu ou prou. Une troisièmepartie présen-
tera brièvement l’essentiel des résultats
qui
per- mettent désormais deprévoir
par le calcul la teneur degrain(e)s
d’uneespèce
donnée en unquelconque
acide aminé àpartir
de lasimple
connaissance du taux d’azote total. Une der- nière
partie développera plus longuement
lesprincipales conséquences
de tels résultats dupoint
de vue nutritionnel.1 / Quelques rappels
sur
les grain(e)s
1.i / Constitution et réserves des graines
Chacun sait que la
graine correspond
à l’étatultime de l’ovule fécondé - et le fruit à l’état ultime de l’ovaire. La
graine
est en effet l’ex-pression
même du caractèrevivipare
desvégé-
taux
supérieurs
lesplus
évolués(spermaphytes, jadis qualifiés
dephanérogammes).
Commechez les
mammifères,
ce caractère se traduitpar la formation d’un nouvel individu dans l’or-
ganisme maternel, après
fécondation d’ungamète
femelledépourvu
de réserves nutritives.A l’intérieur de son
enveloppe tégumentaire,
lagraine
contient unembryon
et aussid’impor-
tantes réserves nutritives destinées à ce dernier
et formées à
partir
de cellules ou de tissus diffé- rant suivant lestypes
degraines.
Chez les sper-maphytes angiospermes qui
comptent laquasi
totalité desplantes cultivées,
lephénomène
dela double fécondation aboutit à la formation de deux
zygotes quasiment jumeaux.
Leprincipal, diploïde,
est àl’origine
del’embryon qui
don-nera la
jeune plantule.
Le deuxième zygote, tri-ploïde après
fusion d’ungamète
mâle avec deuxgamètes femelles,
aboutit à la formation d’un individuqualifié
d’albumenqui s’hyper- trophie rapidement
en accumulant des réserves. Véritablekamikaze,
il est destiné àêtre tôt ou tard
digéré
parl’embryon jusqu’au
moment où les
premières
racines et feuillespermettront
à lajeune plantule
de devenirautotrophe.
Ainsi, chez les
céréales,
legrain (qui
estbotaniquement
un fruit à cause desenveloppes
externes issues de l’ovaire et adhérant à la
graine)
est constitué à maturité par un minus- culeembryon représentant quelques
% dupoids
dugrain (moins
de 2 % dans leblé),
etpar un
albumen,
riche en amidon surtout et enprotéines
àl’apogée
de sondéveloppement, correspondant
à environ 90 % dugrain.
En
résumé,
alors que chez les mammifères lejeune
animal est alimenté auxdépens
de samère par la
lactation,
chez lescéréales,
lajeune plantule
se nourrit auxdépens
d’un individu frèrequ’elle
consommeintégralement.
Et demême que le lait des mammifères contient des
protéines
dont laprincipale,
voirel’unique fonction,
est de fournir des acides aminés aujeune,
de même lagraine
contient essentielle-ment des
protéines
de réservequi
n’ont, pour laplupart,
pas de fonction connue autre que tro-phique.
Mais au fil del’évolution,
la sélection desprotéines
de réserve desgraines
a étéajus-
tée aux conditions de vie de la
graine
et de laplantule
et non pas aux besoins desprédateurs
que sont les humains et les animaux domesti- ques : comme on le sait,
l’équilibre
des acidesaminés des
protéines
desgraines
estparfois éloigné
desprofils
moyensrequis
pour les mammifères.1.
2 / Azote aminé et azote total
Dans les
grain(e)s,
laquasi
totalité de l’azote(97
à 98%)
est localisée dans les acides aminésqui
sont eux-mêmespratiquement
tous combi-nés au sein des molécules de
protéines (surtout
de
réserve).
Dans cesprotéines,
comme danscelles de tous les êtres vivants, il y a 20
types
d’acides aminésdifférents,
niplus,
ni moins,contrairement à ce
qu’écrivent
encorequelques
auteurs. Les éventuelles modifications chimi- ques des acides aminés ont
toujours
lieuaprès
leurincorporation
dans les chaînesprotéiques
et sont très
exceptionnelles.
Le pourcentage presque
négligeable
d’azotenon
protéique
dans laplupart
desgrain(e)s
àmaturité permet, avec une bonne
approxima-
tion, d’assimiler l’azote desprotéines réelles,
c’est-à-dire celui des acides aminésqui
leursont
incorporés,
à celui des matières azotées totales(aussi qualifiées
deprotéines brutes).
L’azote non
protéique
desgrain(e)s
est surtout constitué par des acidesnucléiques. Quant
àl’azote des acides aminés
présents
à l’état libre etqui
sont presqueuniquement
de typeprotéi-
que, il avoisine
quelques
millièmes de l’azote total et se trouve d’ailleurspris
encompte
dans lesanalyses
d’acides aminés desgrain(e)s.
1.
3 / Irréversibilité de la synthèse
des protéines de réserve
et interdépendance des taux
de chacun des acides aminés
Au cours de la maturation des
graines,
au furet à mesure de leur
importation
àpartir
de laplante
mère ou de leursynthèse in
situ, lesacides aminés sont immédiatement
incorporés
dans les chaînes des molécules deprotéines.
En outre, très
rapidement,
lamajeure partie
deces
protéines
est constituée par desprotéines
de réserve
qui
sontsynthétisées
defaçon
irré- versiblejusqu’à
lamaturité,
sansjamais
subir dedégradation
ni de catabolisme. Aussi,comme les 20 acides aminés
protéiques
sonttous liés les uns aux autres dans les chaînes
polypeptidiques
desprotéines,
leurs taux d’ac- cumulationdépendent obligatoirement
les unsdes autres et par suite
également
de leur totalqui,
à une constanteprès, correspond
au tauxd’accumulation des
protéines
ou encore à celuide l’azote total. Il en résulte que les teneurs finales de chacun des acides aminés dans la matière sèche des
graines
ainsi que celle N de l’azote total sontinterdépendantes.
Endépit
deson
évidence,
c’est là unpoint
trèsimportant
que
beaucoup
d’auteurs ont ou bien cru décou-vrir comme un résultat
expérimental,
ou mis endoute,
ou encore leplus
souventignoré.
L’accumulation de l’azote dans les
graines
résulte ainsi presque exclusivement de celle des acides aminésqui
se combinent dans lesprotéines
de réserve. Pour des raisons de sim-plicité d’expression,
il estcependant
commodede considérer le
pourcentage
N d’azote de lamatière sèche des
graines
comme une variableindépendante
et d’étudier les relations entre NDans les
grain(e)s,
laquasi-totalité
del’azote est
localisée
dans les acidesaminés,
eux-mêmespratiquement
tousinclus dans des
protéines.
et la teneur Ai de la matière sèche en
chaque
acide aminé i
(en
g pour 100 g de matièresèche),
c’est-à-dire les fonctionsA;(NJ
dans lagraine
mûre, dans la mesure où ce sont des fonctionssimples
àdécrire,
cequi
est le cas :on verra
plus
loin que les corrélations entre Aiet N sont
parfaitement
linéaires.2 / Sur l’échantillonnage et
sur
l’analyse et l’expression
des compositions
en
acides aminés
2.
1 / Echantillonnage des lots
de grain(e)s et des moutures
La caractérisation des variations de
composi-
tion en acides aminés avec le taux N d’azote chez les
grain(e)s requiert
lerespect
deplu-
sieurs conditions relatives à l’intervalle de variation de N
impliqué ;
à l’effectifapproprié
d’échantillons soumis à
l’analyse,
tant au seind’une même variété
(génotype constant)
queparmi
toute une gamme degénotypes
d’uneespèce donnée ;
auxprécautions
àprendre
lorsde la mouture des
grain(e)s (précongelées)
ainsique pour les
prélèvements
des différentes ali-quotes
de mouture pour les diversesanalyses chimiques (Mossé
et al 1985,1987).
Il est defait que
parmi
les innombrablespublications
sur les
compositions
en acides aminés desgrain(e)s
paruesdepuis près
de 30 ans, cesdiverses conditions ne sont
jamais réunies,
àl’exception
dequelques
travaux comme ceuxd’Eppendorfer (1975,
1977,1978).
Les corrélations linéaires mises en évidence entre Ai et N sont évidemment d’autant
plus
fiables que les taux d’azote N s’étendent pour
chaque espèce
sur l’intervalle leplus large
pos- sible. Or les échantillons lesplus
pauvrescomme les
plus
riches en azote sontprécisé-
ment les
plus
rares et lesplus
difficiles à trou-ver au sein des récoltes effectuées au niveau des
exploitations.
Comme le montre lafigure
1,ces intervalles sont tels que pour chacune des 16
espèces étudiées,
l’échantillon leplus
richecontenait entre 2 et 4,5 fois
plus
d’azote total que leplus
pauvre,cependant
que les autreséchantillons avaient des taux d’azote
régulière-
ment échelonnés entre les deux extrêmes.
Plutôt que
d’appliquer
unetechnique
peu fiable à ungrand
nombred’échantillons,
il estplus
efficaced’analyser
avec le maximum deprécisions
un nombre modéré d’échantillons.Aussi l’effectif moyen de ces derniers était-il voisin d’une
vingtaine
parespèce.
Deplus,
dans la mesure du
possible,
entre lequart
et lamoitié des échantillons d’une
espèce
donnéecorrespondait
à la même variété(avec
desphé-
notypesdifférents,
au moins pour le tauxd’azote),
les autrescorrespondant
à toute unegamme de variétés
(donc
degénotypes
diffé-rents). J.
2.
2 / Analyse des acides aminés :
iquelques rappels et précisions
Les
analyses
d’acides aminés se raréfientactuellement et sont - momentanément - presque
démodées,
surtout euégard
à la lour-deur et au coût
important
deséquipements requis
etpeut-être
encoreplus
du travail labo- rieux etingrat
nécessaire pour les mener à bien. Aussiquelques rappels
élémentaires à leursujet peuvent-ils
être salutaires.Rappelons qu’il
n’existe pas decomposition complète
en acides aminéspubliée
dans la lit- térature pour desmélanges
ou desproduits biologiques (sauf
pour desprotéines parfaite-
ment pures dont la
séquence
a pu être détermi-née).
Aucune n’inclut la totalité des 20 acides aminés etbeaucoup
sontpartielles,
n’en don-nant
parfois qu’une quinzaine.
On a pu pour- tantapprocher
deprès
la détermination des 20 acides aminés dans les résultatsqui
sont relatésici.
La méthode la
plus éprouvée,
tant pour desprotéines
pures que pour desmélanges
denombreuses
protéines
inclus au sein de pro- duitsbiologiques,
consiste dans unehydrolyse
dans de l’acide
chlorhydrique
concentré provo-quant
la libération des acidesaminés,
suivie d’uneséparation
de ces derniers(par
chromato-graphie
sur colonne de résineéchangeuse
d’ions en milieu
liquide), puis
de leurdosage quantitatif.
Orl’hydrolyse chlorhydrique
n’estpas sans inconvénient. Elle détruit en effet le
tryptophane,
altère souvent les deux acides aminéssoufrés,
transformel’asparagine
enacide
aspartique
et laglutamine
en acidegluta- mique (tableau 1).
Deplus,
sérine,thréonine, tyrosine
et histidine sontrapidement hydroly-
sées mais
fragiles,
une fois libérées en milieuchlorhydrique,
tandis que valine et isoleucinesont stables à l’état libre mais lentes à être
hydrolysées.
Devant cet état defait,
la solution consiste à doser : letryptophane après
unehydrolyse spéciale
en milieualcalin ;
les sou- frésaprès
unehydrolyse chlorhydrique précé-
dée d’une
oxydation performique produisant
des dérivés
stables ;
le total des deuxamidés, asparagine plus glutamine,
par unehydrolyse chlorhydrique ménagée ;
lequatuor
desfragiles
vite
libérables, après
unehydrolyse
courte(15 h) ;
le binôme des stables lentementlibérés, après
unehydrolyse longue (48 h) ;
tous lesautres acides aminés
après
unehydrolyse
dedurée
classique (24 h).
Tous les détails de cestechniques
sont décrits ailleurs(Mossé
et al1987).
De la sorte, ce sont sixhydrolyses
diffé-rentes
auxquelles
ont été soumis tous les échantillons de laplupart
desespèces
exami-nées ici. En
comparaison,
laplupart
des résul-tats
publiés
résultent d’une seulehydrolyse (environ
24h), parfois
doublée d’une autre pour les soufrés. L’utilisation de 6hydrolyses
différentes
présente plusieurs
avantages. Outre les déterminations individuelles des 16 acides aminés autres que le quatuorasparagine,
acideaspartique, glutamine,
acideglutamique,
onobtient pour ce quatuor 3 données fournissant les 3 totaux
partiels
suivants :asparagine
+glu-
tamine
(par
l’azoteamidé) ; asparagine
+ acideaspartique, abrégé
Asx(=
Asn +Asp)
et dosésous forme d’acide
aspartique ;
etglutamine
+acide
glutamique, abrégé
Glx(= Gln
+Glu)
etdosé sous forme d’acide
glutamique.
D’autrepart une heureuse coïncidence fait
qu’aspara- gine
et acideaspartique
ont la même massemolaire,
à 1 daltonprès,
etqu’il
en est demême pour
glutamine
et acideglutamique :
ceci
permet
de dresser des bilanspondéraux
fournissant le
poids
total des acides aminés oucelui de leurs résidus
(voir
leur définition auparagraphe suivant).
Deplus
la connaissance de l’azote amidé permet la détermination du total de l’azote des acides aminés et autorise à dresser des bilans azotés,précieux
comme indices de laqualité
desanalyses
et commeinformation pour
calculer,
parexemple,
le véri-table coefficient de conversion de l’azote en
protéines (Mossé 1990). Enfin,
comme divers acides aminés peuvent être déterminés àpartir
deplusieurs
deshydrolysats obtenus,
des recoupements sontpossibles qui
accroissent la fiabilité desdosages.
Rappelons
enfin que les déterminationsquantitatives
obtenues avec desanalyseurs
par-tiellement automatisés sont
toujours
étalonnéesgrâce
à des solutions standards(des
20 acidesaminés à l’état
libre)
achetées dans le com- merce maisqui
sontparfois
inexactes. En outre divers facteurs peuvent entraîner une dérive desréponses
desanalyseurs
au cours du temps.Aussi la
reproductibilité
et l’exactitude des résultatsprésentés
ont-elles étésystématique-
ment contrôlées par des
analyses périodiques d’hydrolysats (stockés
pour unelongue
duréeau
congélateur
sous formed’aliquotes)
de 2protéines
decomposition rigoureusement
connue
(lysozyme
d’oeuf depoule
et sérumal-bumine
humaine)
et d’unepréparation
au labo-ratoire d’une farine
délipidée
desoja.
2.
3 / Expression des compositions
en
acides aminés
Il y a une
vingtaine
defaçons
différentesd’exprimer
unecomposition
en acides aminéset une bonne dizaine d’entre elles sont
répan-
dues dans la littératurescientifique
ou techni-que, ce
qui
nesimplifie guère
lescomparai-
sons.
Une
composition s’exprime
par un ensemble derapports
ou dequotients
dont le numérateurcorrespond
à unequantité
d’acide aminé(ou
derésidu d’acide aminé, comme
expliqué
un peuplus loin)
et ledénominateur,
soit à une quan- tité deproduit biologique,
soit à unequantité
d’azote ou de
protéine(s),
soit encore à la quan-tité totale d’acides aminés
(ou
derésidus)
retrouvés par
analyse.
Le numérateur peut être
exprimé
enpoids
d’acide aminé
(le plus
souvent en g,parfois
enmg)
ou en nombre de moles ou encore enpoids
d’azote de l’acide aminé, ce
qui représente déjà
àquatre possibilités.
Unecinquième correspond
au
poids
de résidu d’acide aminé. Eneffet,
dans touteprotéine,
les acides aminés sont enchaînés linéairement les uns aux autres etreliés par des liaisons
peptidiques
dont la for- mation entraîne la perte d’une molécule d’eau : l’enchaînement de n acides aminés successifs entraîne la perte de ii-1 molécules d’eau. Le nombre n est suffisammentgrand
dans lamoyenne des
protéines
pour assimiler n-1 à net admettre que le
poids de(s) protéine(s) analy- sée(s)
estégal
à la somme despoids
des résidus d’acides aminés.L’expression
en g de résiduspour le numérateur est donc
beaucoup plus
Les
compositions
enacides
aminés ont t été déterminées surdes échantillons
représentant
unelarge
gammede
taux d’azote : selonl’espèce,
l’échantillon leplus
riche econtenait de 2 à 4,5 fois
plus
d’azote quel’échantillon
leplus
pauvre.
Pour les
grain(e)s
d’une
mêmeespèce,
la teneur de la matière sèche en
chaque acide
aminéest reliée linéairement au taux d’azote : une
augmentation du
taux d’azote des
grain(e)s correspond
à une accumulation
des protéines de
réserve
dont la composition
estconstante.
réaliste que celle en g d’acides aminés. Et contrairement à ce que croient
beaucoup
d’au-teurs, 100 g de
protéines correspondent,
nonpas à 100 g d’acides aminés, mais pour les pro- téines des
grain(e)s,
parexemple,
à 116 ± 1 g d’acides aminés.Pour le
dénominateur,
lesexpressions
lesplus
usitéescorrespondent
à unpoids
dematière sèche du
produit biologique (hg
oukg),
à un
poids
d’azote(g, hg
oukg),
à unpoids
deprotéines
réelles ou bien souvent à unpoids
très
approximatif
deprotéines
conventionnelles(protéines brutes)
obtenu enmultipliant
lepoids
d’azote par un « coefficient de conver- sion » : la valeur de 6,25(qui
revient à admettreimplicitement
que lesprotéines
brutes contien-nent 16 %
d’azote)
est universellementadoptée
par les nutritionnistes, mais d’autres valeurs
plus
faibles(souvent 5,7)
sont utilisées par les chimistes céréaliers. Le troisième typed’expres-
sion du
dénominateur,
en total d’acides aminés retrouvés, parexemple, équivaut
àexprimer
lescompositions
en fractionspondérales (%
ou%o).
Son avantage est de faciliter lescomparai-
sons
d’analyses
dont les rendements ne sont paségaux.
Son inconvénient estd’empêcher
lecalcul des rendements des
analyses qui
sont unprécieux
indice de fiabilité. Enpareil
cas, lespublications
sérieusesindiquent
par ailleurs les rendements desanalyses.
Dans le
présent article,
lescompositions
sontexprimées
sous deux formesprincipales :
en gde l’acide aminé i, soit dans 100 g de matière sèche des
grain(e)s (A,),
soit dans 16 g d’azote total desgrain(e)s (C,).
On adéjà désigné plus
haut par Nle
pourcentage
d’azote de la matière sèche desgrain(e)s.
De sorte que par définitionon a la relation :
Si élémentaire que soit cette remarque ou cette
relation,
elle semble avoir été absente del’esprit
de laplupart
despublications
en lamatière.
3 / Relations entre composition
en
acides aminés
et taux d’azote des grain(e)s
3. / Linéarité entre les variations des taux A i d’acides aminés et du taux N d’azote
Les travaux
qui
sont à la base des résultats relatés ici ontpermis
de montrer que, pour cha-cune des 16
espèces
étudiées et pour chacun des 20 acides aminésprotéiques,
les fonctionsA
;
(N),
ou si l’onpréfère,
lesrégressions
de Aien fonction de N sont strictement linéaires et donc de la forme :
Les coefficients de corrélation sont voisins de l’unité et
correspondent
souvent à des niveauxde
signification
de l’ordre de 10’’(Mossé
etHuet
1990).
Les coefficients a, etb, rapportés
dans le tableau en annexe avec les coefficients de corrélation r,
(après multiplication
par 1000)
nedépendent
que de l’acide aminé i et del’espèce impliqués
etcela,
dans leslarges
inter-valles de variation de N
représentés
sur lafigure
1. En d’autres termes,quelles
que soient les conditionsd’environnement,
de culture oude fumure
(méthodiquement explorées
parEppendorfer
1975,1978)
etquel
que soit legénotype,
à un taux d’azote N donné corres-pond
unecomposition
en acides aminés et une seule et vice versa.En vérité, dans les
grain(e)s mûr(e)s
et d’étatsanitaire
convenable,
les variationsintraspécifi-
ques de
composition
en acides aminés ont unetriple origine : analytique, phénotypique
etgénétique (Mossé
et Huet1990).
Il estpossible
de démontrer que la
principale
cause des varia-tions mentionnées dans de nombreuses don- nées de la littérature
scientifique
est un artefactdû à
l’imprécision
destechniques analytiques
mises en oeuvre.
Moyennant
desprécautions analytiques
surlesquelles
leprésent
article ainsisté
beaucoup,
la seule sourceimportante
des variations decomposition
est d’ordrephé- notypique,
se traduisant surtout par une varia- tion du tauxglobal
desprotéines (c’est-à-dire
de
N),
mais aussi,corrélativement,
par deschangements
decomposition qui peuvent
atteindre de l’ordre de 100 % pour la teneur encertains acides aminés.
Quant
aux variations decomposition d’origine génotypique,
elles sontindéniables,
comme entémoignent,
par exem-ple,
leschangements
intervariétaux deprofil électrophorétique
desprotéines
de réserve desgraines,
mais elles sontquantitativement négli- geables
et inférieures aux seuils de détection destechniques d’analyse
d’acides aminés lesplus
élaborées.3.a / Signification de la linéarité de A i (N)
surle plan fondamental
La linéarité des fonctions
A i (M
peut êtreinterprétée
comme le résultat d’un mécanisme relativementclassique
de larégulation
de laprotéosynthèse.
Il est semblable à celui mis enévidence par Nomura
(1984)
pour lasynthèse
des 52
espèces
moléculaires deprotéines
imbri-quées
dans la structure des ribosomes bacté- riens. Cetteprotéosynthèse
est en effetrégulée
essentiellement au niveau de la
transcription
desgènes
de structure, de tellefaçon
que les 52types de chaînes
polypeptidiques impliquées
soient
synthétisées
dans lesproportions
idoinessans excès ni manque d’aucune d’entre elles.
Or chez les
grain(e)s,
si on compare deux échantillons d’une mêmeespèce,
l’un pauvre,l’autre riche en
protéines,
avec des taux d’azoterespectifs
Ni et N2(> N1) l’équation (2)
mon-tre que la
quantité
de l’acide aminé i dans 100 g de matière sèche seraA I (NI)
dans lepremier
échantillon etA i (N2)
dans le deuxième. Donc dans 100 g de matièresèche, quand
laquantité
d’azote total augmente de N2-N1 et les pro- téines brutes de
16(N2-N1)
g, laquantité
d’acide aminé i augmente de
A;(N2J-A;(N1J
g. Ilen découle que dans le
supplément
de pro- téines brutes accumulées dans le deuxième échantillon par rapport aupremier,
la concen-tration de l’acide aminé i,
exprimée
en g pour 16g d’azote
estégale
à :quantité qui
n’est autre que la pente ai(au
coef-ficient 16
près)
de la droite derégression
entre Ai et N. Comme a, est une constante caractéris-
tique
del’espèce
et de l’acide aminéimpliqués,
il en résulte que,
lorsque
l’on passe degrain(e)s
pauvres à des
grain(e)s
riches enprotéines,
lacomposition
en acides aminés dusupplément
de
protéines déposées
dans lesgrain(e)s
estconstante
quels
que soient les taux d’azote N1 et N2. Or cesupplément
necomporte pratique-
ment que des
protéines
de réserve. Ceci veut dire que,quel
que soit le taux deprotéines
desgrain(e)s mûr(e)s
del’espèce considérée,
toutes lesespèces protéiques qui
composent ces pro- téines de réserve sontsynthétisées
dans lesmêmes
proportions mutuelles,
exactementcomme pour les
protéines
des ribosomes bacté- riens.Les
compositions
en acides aminés desespèces
moléculairesqui
composent les pro- téines de réserve sont loin d’être toutesconnues. Mais celles des
principales
famillesde
protéines
de réserve sont connues et diffè-rent souvent de
façon importante.
Ceci permet de déterminer laproportion
de ces familles ausein des
protéines
de réserve. Parexemple,
chez le maïs, les
protéines
de réserve dugrain
contiennent une
proportion
deprolamines (les zéines)
double de celle desglutélines (Mossé
etal
1986)
alors que chez lesorgho
laquantité
deprolamines
n’est que 1,5 fois celle desgluté-
lines dans les
protéines
de réserve(Mossé
et al1988).
En outre la linéarité des fonctions
A;(NJ
sug-gère
que tout se passe comme si lacomposition
en acides aminés des
grain(e)s
résultait dumélange
de deux groupes deprotéines :
desprotéines
fonctionnellescorrespondant
à lamachinerie cellulaire de la
graine,
d’une part,et des
protéines
de réserve, d’autre part(Mar-
tens et Bach Knudsen
1980).
3.
3 / Conséquences pratiques
La connaissance des coefficients a, et
b,
rap-portés
dans le tableau en annexe pour lesprin- cipales espèces
cultivées pour leursgrain(e)s
permet, par unsimple dosage
de l’azote d’unquelconque
lot degrain(e)s
d’une de cesespèces,
d’en calculerrapidement
lacomposi-
tion
quelle
quepuisse
êtrel’hétérogénéité
de celot. Pour des rations nécessitant un
profil
déter-miné d’acides aminés, elle permet aussi,
parmi
diversmélanges
de deux ouplusieurs
lots d’es-pèces différentes,
deprévoir
les combinaisonsd’espèces,
celles des taux d’azote et les propor- tionsrespectives
des lotsapprochant
au mieuxle
profil requis.
Si les teneurs
(A,)
desgrain(e)s
en acidesaminés varient linéairement avec N, il n’en est
pas de même des concentrations
(G)
des acidesaminés des
protéines
brutes(ou
matières azo-tées
totales) exprimées
en g pour 16 g d’azote.La combinaison des relations
(1)
et(2)
donne :Cette relation montre que les fonctions
C,(NJ
sont du second
degré
etreprésentées
par dessegments d’hyperboles équilatères (figure 2)
ayant pourasymptote
verticale l’axe des ordon- nées C; et pour asymptote horizontale unedroite d’ordonnée
égale
à 16 a, : on retrouve icile fait que
quand
N augmente, lacomposition
en acides aminés de la