OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES SUR LA RÉCOLTE
DU POLLEN PAR LES ABEILLES DANS
« LES GRANDES LANDES » DE LA FORÊT LANDAISE
J.
LOUVEAUXJ.
ALBISETTIStation de Recherches sur l’Abeille et les Insectes sociaux, Bures-sur-Yvette
(Seine
etOise)
SOMMAIRE
Les auteurs ont étudié la récolte du
pollen
par les abeilles dans cc les Grandes Landes » de la forêt landaise, au cours de l’été 1962. Les observations ont été faites en utilisant latechnique
habi-tuelle des trappes à
pollen.
Du
point
de vuequantitatif,
des différences trèsimportantes
ont été notées entre les ruches sédentaires et les ruches amenées en transhumance. Par contre, en raison de l’extrêmepauvreté
variétale de la flore, on ne note que des différences
qualitatives
mineures.On discute de
l’importance
des résultats obtenus sousl’angle
de la nutrition et de l’état sani-taire des colonies.
INTRODUCTION
De
juin
ànovembre,
la Forêt landaise offre aux abeilles une floraison à peuprès
continue d’Ericacées(Erica tetvalix,
Ericacinerea,
Cattunavulgavis) qui jus-
tifie un vaste mouvement de transhumance des ruches des
régions
voisines en vuede l’utilisation d’une miellée
généralement
abondante.Le miel de Callune trouve sur le marché
nord-européen
des débouchésimpor-
tants à des
prix
trèsrémunérateurs,
si bien que saproduction
mérite des recherchesparticulières qui
viennent d’êtreentreprises
dans le cadre de l’I. N. R. A. Ces re-cherches devront se faire dans différentes directions mais ce sont certainement les
problèmes
depathologie
du couvainqui
nécessitent les études lesplus urgentes.
Certes,
lapharmacopée
modernepermet
dans lapratique
de lutter efficacementcontre les
Loques. Toutefois,
si l’on tientcompte
de l’incidenceéconomique
destraitements sur le
prix
de revient du miel(temps passé,
surveillance étroite et sans relâche descolonies),
il est évidentqu’il
serait duplus
haut intérêt de connaîtreavec
précision quels
sont les facteurs d’ordreécologique qui
sontsusceptibles
de favo-riser dans la
Lande
l’extension des maladies du couvain. Parmi cesfacteurs,
lapremière place
revient sans doute aux conditions d’alimentation des colonies. Il esten effet
possible,
sinonprobable, qu’il
existe un lien entre ledéveloppement
des ma-ladies du couvain et l’alimentation des
abeilles,
mais rien nepermet
actuellement d’être affirmatif à cesujet.
C’est en
partant
de ces considérationsqu’il
nous est apparu que, dans un pre- mierstade,
il seraitparticulièrement
intéressant depouvoir
dresser un tableau com-plet
des conditions rencontrées par l’abeille landaise pour son alimentation. Dansce travail
purement préliminaire,
nous exposons le résultat dequelques
observa-tions
susceptibles
de contribuer à une meilleure connaissance des conditions d’exis- tence des colonies d’abeilles au sein de la flore siparticulière
des Landes de Gas-cogne.
MATÉRIEL
ETMÉTHODE
Les observations ont été conduites à Sabres
(Landes)
du 28juillet
1962jusqu’au
début denovembre de la même année. Le rucher
expérimental
se trouve enpleine
forêt de Pins maritimes.Des landes de différents types constituent l’aire de
butinage
desabeilles;
ce sont des landes sèches assez riches à Erica cinerea, Callunavulgaris
et Ulex europaeus, des landes sèches assezpauvres à Calluna vulgaris
et Ericascoparia,
des landes drainées assez riches à Pierisaquilina
etUlex europaeus, des landes humides assez riches à Molini cerulea et Ulex nanus. Notons encore que
Rhamnus frangula
est abondant dans le sous-bois.Au 28
juillet,
la trappe àpollen
a été posée surcinq
ruches constituant deux lots, l’une des des trois colonies transhumantes, l’autres de deux colonies sédentaires. Ces colonies de force très sensiblementéquivalente,
étaient de même race, à savoir la race locale landaise. Les ruches n° 35 et n° 44 étaient deux ruches sédentairesn’ayant jamais quitté
leuremplacement
de Sobres. Parcontre les ruches
A,
B et Z venaient de Chalosse où elles avaientpassé
tout le début de l’année Une fois les trappes mises enplace,
les récoltes depollen
ont été faitesrégulièrement
une oudeux fois par semaine. Le
pollen
était séché à l’étuve à 40°,puis pesé à un gramme près.
L’analyse qualitative
a été faite à Bure-sur-Yvette selon lestechniques déja
décrites par l’un denous
(LouvEnUx, 195 8).
Unc ruche sur bascule
placée
àproximité
immédiate du rucherexpérimental
nous a fournides indications
précises
sur l’évolution de la miellée.Une visite mensuelle de toutes les ruches nous a fourni des éléments
d’appréciation
del’évolution des surfaces de couvain, de miel et de réserves de
pollen.
Ne
disposant pas
d’un postemétéorologique,
nous n’avons pas puprocéder à des
relevés detempérature ou de pluviométrie.
Nous empruntons au Bulletin mensuel de lamétéorologie
nationale les
données générales
concernant les conditionsclimatiques
de l’été 1962 dans les landes(Poste
d’observation de Mont-de-Marsan)(tableau
i.)RÉSULTATS 1
0
)
Résultatsquantitatifs.
. La
figure
i regroupe les donnéesquantitatives
recueillies sous forme de cour-bes cumulatives. En gros, on constate
d’importantes
récoltes depollen jusque
vers le 15
septembre puis
des récoltes minimesjusqu’au
ionovembre.
Annales de l’Abeille. - 1963.
io novembre. Il
estparticulièrementintéressant
de noter que les ruches sédentaires ontfait des récoltes
beaucoup plus importantes
que les ruches transhumantes(Nous
discuterons
plus
loin les raisonsapparentes
de cephénomène). Toutefois,
l’alluregénérale
des courbes de récolte est peu différente d’une ruche àl’autre ;
seul le tauxde récolte varie.
2 0
)
Résultatsquantitatifs.
L’examen
qualitatif
des récoltes met en évidence deuxphénomènes (fig. 2 ).
Le
premier
est l’extrêmepauvreté
enespèces visitées ;
le second est la relative uniformité des récoltes d’une ruche à l’autre. Enjuillet
et enaoût,
onpeut
dire que le Maïs constitue la seule source depollen
ou àpeut près.
Il est pro-gressivement remplacé
par la Callunequi
fournit ensuite la presque totalité depollen récolté,
le lierre mis àpart.
DISCUSSION
Il convient avant tout de mettre bien en évidence le caractère assez anormal de l’année
19 6 2
dupoint
de vueclimatique.
Le tableau i met en évidence un déficitpluviométrique important
et destempératures
moyennes au-dessus de la normalependant
toute lapériode
considérée. Dès le moisd’août,
la lande apris
unaspect
brûlé et les colonies ont cessé de trouver du nectar dans les fleurs ainsiqu’en
témoi-gne la courbe de
poids (fig. 3 )
de la ruche sur bascule. L’étendue du couvain a étéen baisse constante et
régulière
dans toutes les ruches dejuillet
à novembre. De 10à 12 cadres de couvain en
juillet,
les colonies sont retombées à 7 cadres au 15 aoûtet à 3 cadres au 2o
septembre.
Pour toutes ces
raisons,
on nepeut
donc pas considérer l’année19 6 2
commeentièrement
normale,
surtout àpartir
du 15 août où le déficitpluviométrique
s’estfait
particulièrement
sentir. Cette réservefaite,
on nepeut
pas ne pas êtrefrappé
par le caractère vraiment
spécial
del’approvisionnement
des ruches enpollen
dansla Lande. Les seuls
pollens
accessibles àpartir
dejuillet
sont despollens
considérésgénéralement
comme peu attractifs pour les abeilles. On sait parexpérience
que le Maïs n’est visité avec intensitéqu’en période
de disette etlorsqu’aucune
autreplante
n’offre unpollen plus
attractif. Il en va de même pour la Callune dont lepollen
n’est pour ainsi dire pas récolté en dehors des zones où sa floraisonreprésente
la seule source de
pollen
accessible aux abeilles. On note par contre l’absence totalede
pollens
dePapillionacées,
Rosacées et Crucifèresqui
constituent d’ordinaire unélément essentiel de l’alimentation des abeilles.
Le fait que les colonies transhumantes aient récolté
beaucoup
moins depollen
que les colonies sédentaires
s’explique
par le fait que les ruches venues de Chalosseétaient
abondammentapprovisionnées
enpollen
alors que les ruches sédentaires n’avaient pas de réserves. En finjuillet,
il y a deux cadrespleins
depollen
dansles ruches
A,
B et Z. Par contre, les ruches 35et 44 n’ontpratiquement
pas depollen stocké
et vivent aujour
lejour.
On est donc amené à penser que lespollens
offertspar la lande étant dans leur
grande majorité
despollens
peuattractifs,
les abeilles transhumantes ont vécu sur leurs réserves. Aucontraire,
les ruches sédentairesse trouvant en état de
disette,
ont dûs’approvisionner
de force sur les seules sourcesexistantes, quelle
que soit leur valeur alimentaire.Il serait
prématuré
d’établir un lien direct entre le caractère anormal des récoltes depollen
dans la lande et ledéveloppement
des maladies du couvain mais onne
peut s’empêcher
de penserqu’une
alimentation aussidéséquilibrée
que celle quenous avons mis en évidence ne
peut
que contribuer à diminuer la résistance des larves auxattaques
microbiennes.Reçu pour
publicalion
en mai 1963.SUMMARY
PRELIMINARY OBSERVATIONS ON POLLEN GATHERING BY BEES IN THE « GRANDES LANDES !>
OF THE LANDES FOREST
The authors have studied
pollen gathering by
bees in the « Grandes Landes n of the Landesforest,
during
summer 1962.They
have used the usual method ofpollen-traps.
Important quantitative
differences were noted between fixed and moved hives. On the otherhand,
only slight qualitative
differences were noted, due to the small number of varieties of the flora.The
importance
of these results is discussed asregards
nutrition and health of the colonies.R!F!R!?!TCE BIBLIOGRAPHIQUE
LorvE.9ux J. r958. Recherches sur la récolte du 1>ollen par les abeilles. Thèse, 206. p.