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Aliment bio/Aliment sain

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524 Environ Risque Sante–Vol. 17, n° 5, septembre-octobre 2018

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doi : 10.1684/ers.2018.1223doi : 10.1684/ers.2017.1223

Aliment bio/Aliment sain

vant même de se pencher sur la défi nition d’un ali- ment « bio », interrogeons-nous sur celle d’un ali- ment « sain ». La première exigence pour qualifi er de sain un aliment est qu’il ne rende pas malade ; s’il contribue à un bon état de santé c’est encore mieux.

Prenons deux exemples : les champignons sauvages et le vin.

Les champignons sauvages sont-ils des aliments sains ? L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environ- nement et du travail (Anses) a identifi é une liste de 146 cham- pignons comestibles qu’il faut savoir distinguer des vénéneux, capables d’envoyer une tablée à l’hôpital. Il convient égale- ment de les consommer frais, cuits suffi samment longtemps afi n de détruire les micro-organismes pathogènes et certaines toxines thermosensibles. Il est également recommandé de ne pas consommer plus de 200 g de champignon par semaine pour un adulte et d’éviter de les ramasser dans les zones polluées [1]. Dans ces conditions, les champignons peuvent être considérés comme des aliments sains participant aux apports « fruits et légumes » (au sens nutritionnel) d’un régime alimentaire équilibré et n’appor- tant ni risque aigu toxique ou infectieux ni risque à long terme. Et si la traditionnelle omelette aux champignons est partagée avec plaisir après une belle promenade en forêt, cet aliment participe au « bien-être » cher à la défi nition de la santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)1.

A contrario les breuvages alcoolisés ne peuvent être considérés comme des aliments sains. L’intérêt d’une faible consommation d’alcool est retoqué par les experts [2]. Les consommateurs d’al- cool ne devraient pas dépasser 10 verres standards (un verre stan- dard contenant environ 10 g d’alcool) par semaine et pas plus de deux par jour pour les hommes et les femmes, sachant que le risque absolu vie entière de mortalité attribuable atteint le taux de 1 % pour un verre et demi par jour « vie entière » chez les femmes. Le vin ne peut être considéré comme un aliment sain, il peut toutefois être certifi é bio.

En effet, un aliment bio (organic food en anglais) correspond à une obligation de moyens et non de résultats écologique ou sanitaire.

La certifi cation bio engage à respecter les équilibres écologiques, tend à l’autonomie des producteurs, à privilégier l’observation des

cultures et des animaux, à limiter voire interdire le recours aux produits chimiques de synthèse (engrais, pesticides, antibiotiques), à proscrire les OGM et l’utilisation de boues de station d’épura- tion, à s’appuyer sur des techniques de recyclage des matières organiques (fumiers, compost) et de rotations des cultures, à favo- riser le bien-être des animaux, à ne sélectionner que des additifs et auxiliaires alimentaires autorisés, à bannir l’irradiation des ali- ments et impose la traçabilité des produits. Pour avoir la dénomi- nation « produit issu de l’agriculture biologique », il faut obtenir un certifi cat prouvant le respect d’un cahier des charges détaillé mettant en œuvre les réglementations européennes et le Codex Alimentarius2. Les coordonnées du certifi cateur agréé et accrédité du dernier opérateur qui est intervenu sur le produit doivent être accessibles au consommateur.

L’Anses s’est interrogée sur les conséquences du point de vue aussi bien nutritionnel que sanitaire de ce mode de production en combi- nant groupes de travail, comités d’experts spécialisés, relations avec des instances européennes et internationales, analyses scientifi ques, documents des services de contrôles et de la fi lière biologique fran- çaise [3]. Ces constats complètent ceux du rapport de 2000 sur la sécurité et la qualité du bio réalisé lors de la 22e conférence euro- péenne de la Food and Agriculture Organization (FAO).

L’Anses s’est efforcée de comparer les produits bio et non bio du point de vue nutritionnel. Premier constat : l’insuffi sance du corpus disponible. Sont toutefois notés un taux de teneur sèche supérieur pour les légumes bio, une plus faible teneur en pro- tides des céréales bio contrebalancée par un meilleur équilibre en acides animés et, pour les produits animaux, une tendance à une moindre teneur en lipides avec une proportion plus impor- tante d’acides gras insaturés. Si rien de bien probant n’est à rele- ver sur les taux de vitamines, des teneurs supérieures en fer ou magnésium des légumes bio sont mises en évidence mais consi- dérées insignifi antes en termes de contribution aux apports. En revanche certains phytomicroconstituants, qui pourraient partici- per aux avantages sanitaires des fruits et des légumes, sont plus élevés dans les produits bio. De plus, le bio favorise des pratiques de traitements des aliments intéressantes du point de vue nutri- tionnel comme la panifi cation au levain ou un moindre raffi nage

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1« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infi rmité » (préambule à la Constitution de l’OMS, 1946).

2 Le Codex Alimentarius, ou « code alimentaire », est un ensemble de normes, de lignes directrices et de codes d’usages adoptés par la Commission du Codex Alimentarius, créée par la Food and Agriculture Organization (FAO) et l’OMS afi n de protéger la santé des consommateurs et de promouvoir des pratiques loyales en matière de commerce de denrées alimentaires.

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des farines qui augmentent la teneur en vitamines, en fi bres, en minéraux et donnent des aliments moins hyperglycémiants (index glycémique moindre).

L’Anses s’est également posé la question des risques sanitaires liés aux micro-organismes et leurs toxines : bactéries, virus et parasites. Peu de données et rien de robuste. Le moindre recours aux traitements allopathiques des animaux et aux conservateurs de synthèse, l’utilisation plus importante de fumiers comportant des micro-organismes dont certains tels que le Clostridium Botu- linum secrétant de redoutables toxines, soulèvent la question d’une augmentation du risque des maladies liées. Au fi nal, les experts notent que le risque viral lié à l’épandage de boues de sta- tion d’épuration est écarté car il est banni en agriculture bio, que la réduction en agriculture bio de l’alimentation bovine issue de l’ensilage et la promotion de l’herbe et du foin pourraient dimi- nuer le risque lié à Escherichia Coli O157. Aucune différence n’est prouvée en termes de contamination aux mycotoxines – dont l’afl atoxine hépatotoxique et cancérigène – et ce, en dépit de la réduction d’utilisation des fongicides. Ces contaminations sont infl uencées par de très nombreux facteurs et restent à sur- veiller pour tous les modes de production. Ce qui pourrait aug- menter le risque de parasitose serait un contact plus important avec la faune sauvage des élevages avec accès au plein air, ce qui n’est pas l’apanage exclusif du bio. Les restrictions en termes d’utilisation de thérapeutiques effi caces pourraient aussi affai- blir la maîtrise de ces risques, mais cet impact n’est pas mesuré actuellement, et il faudrait aussi pouvoir prendre en compte les risques pour la santé humaine de l’émergence et la dissémina- tion de germes résistants aux antibiotiques.

Les animaux élevés en plein air sont aussi plus exposés, que ceux élevés en espaces confi nés, aux contaminations environnementales telles que les dioxines et les radionucléides, sauf si les végétaux proviennent de zones contaminées. Les risques liés aux contami- nations chimiques sont plus faciles à objectiver, car il est possible de mesurer ces composés dans les aliments. Les produits bio sont pratiquement exempts de résidus de produits phytosanitaires, se démarquant nettement des produits de l’agriculture convention- nelle, même si la rémanence des produits dans l’environnement peut constituer une source de contamination. Les légumes bio sont aussi moins riches en nitrates, or ils sont classés cancérigènes probables par le Centre international de recherche sur le cancer

(CIRC)3. Cette réduction est jugée d’autant plus intéressante par l’Anses qu’il est conseillé à la population d’augmenter sa consom- mation de fruits et légumes et que la marge dose d’exposition/dose journalière admissible est étroite. La réduction et la limitation du nombre des additifs et auxiliaires autorisés ne peuvent aussi que diminuer leur nombre et concentration dans les denrées. Quant aux antibiotiques utilisés pour favoriser la croissance des animaux, ils sont prohibés depuis 2006 dans l’Union européenne pour tous les modes de production. Cet usage est en revanche toujours auto- risé en Amérique du Nord et du Sud et en Asie. Si les antibiotiques à visée thérapeutique sont très limités en élevage biologique, il est à noter que les substances d’origine naturelle – par exemple, huiles essentielles –, utilisées dans ce type de production, ne sont pas bien défi nies, ni en termes d’effi cacité ni pour ce qui concerne les risques pour le consommateur, l’environnement ou l’utilisateur.

Bien entendu aucun produit, qu’il soit bio ou conventionnel, n’est à l’abri d’une malveillance ou malversation, même si la certifi - cation est exigeante, comme cela a été le cas pour la séquence

« fi pronil dans les œufs » de l’été 2017 [4].

Que conclure ? En replaçant la consommation des aliments bio et non bio dans une perspective d’apports nutritionnels globaux, en l’état actuel des connaissances, les différences semblent trop faibles pour pouvoir infl uencer la santé si ce n’est via les pratiques de préparation des aliments et une plus forte concentration en phy- tomicronutriments. La différence la plus spectaculaire reste leur moindre contamination aux produits de synthèse dont les cock- tails sont incriminés dans de nombreuses pathologies [3]. Quant au versant « bien-être » de la santé humaine, les propriétés organo- leptiques des aliments bio versus non bio sont estimées marginales ou peu étudiées, cependant manger bio apporte au consommateur la satisfaction de favoriser la préservation de l’environnement, de contribuer à un meilleur bien-être animal et au développement de pratiques plus économes en ressources, mais aussi à une moindre exposition des agriculteurs et éleveurs à des substances synthé- tiques. Si toutefois les contrôles sont à la hauteur des exigences.

Face au défi cit de connaissances, les épidémiologistes sont convo- qués : qu’ils apportent des éléments tangibles sur l’intérêt du bio pour la santé humaine en comparant les mangeurs de bio aux non-mangeurs de bio ! Pas si simple. Baudry et al. [5] ont cherché à identifi er les « mangeurs de bio » de la cohorte Nutrinet-Santé et ont repéré cinq clusters de consommateurs :

3 Ainsi que les nitrites et si ingérés dans des conditions favorables à une nitrosation endogène.

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– faible apport énergétique, faible consommation d’aliments bio et forte prévalence d’apports inadéquats en nutriments ; – gros mangeurs d’aliments conventionnels avec des apports éle-

vés en acides gras saturés et cholestérol ;

– consommation élevée d’aliments bio et qualité nutritionnelle du régime alimentaire relativement adéquate ;

– forts consommateurs d’aliments bio dont 14 % de végétariens ou végétaliens, qualité nutritionnelle élevée du régime alimen- taire et faible prévalence d’apports inadéquats pour la plupart des vitamines, exceptée la B12 ;

– consommateurs modérés d’aliments bio, apport particulière- ment élevé en protéines et en alcool, faible qualité nutrition- nelle du régime.

Ces résultats sont importants pour les études qui voudraient inves- tiguer l’impact sanitaire de la consommation d’aliments bio. Il faudrait aussi prendre en compte l’origine des aliments conven- tionnels, le statut socioprofessionnel, le niveau d’activité phy- sique, le tabagisme notamment, pour espérer distinguer un impact sanitaire spécifi que au « manger bio ». Du pain (bio de préfé- rence ?) sur la planche !

Sylvaine Ronga-Pezeret Évaluatrice de risques sanitaires, Service des études médicales d’EDF Médecin nutritionniste, DASES Centre de santé

de la ville de Paris sylvaine.ronga@edf.fr

Références

1. Anses. Avis de l’Anses lié à un projet d’arrêté relatif aux variétés comestibles de champignons de culture et sauvages. 2017. https://www.anses.fr/fr/system/fi les/

ERCA2015SA0180.pdf

2. Santé publique France, INCA. Avis d’experts relatif à l’évolution du discours public en matière de consommation d’alcool en France. 2017.

3. Anses. Note de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relative à une demande d’appui scientifi que et technique (AST) relatif aux risques pour la santé humaine liés à la présence de fi pronil dans des œufs destinés à la consommation. 2017. https://www.anses.fr/fr/

system/fi les/AUT2017SA0178.pdf

4. InVs. Pesticides. 2017. http://invs.santepubliquefrance.fr//fr/Dossiers-thematiques/

Environnement-et-sante/Pesticides

5. Baudry J, Touvier M, Allès B, et al. Typologie de mangeurs basée sur la consommation d’aliments conventionnels ou bio : résultats de l’étude de cohorte NutriNet-Santé. Br J Nutr 2016 ; 116(4) : 700-9.

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