1026 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 9 mai 2012
actualité, info
Métamorphose :
Un printemps agité pour les médecins de fa
mille, parcouru de frémissements, tout en bourgeonnements malgré gelées, averses et bise noire… Travaillés dans leurs racines, perplexes face aux changements annon
cés, ils hument le vent, certains optimistes et déjà engagés dans de nouvelles pratiques ou de nouveaux combats, d’autres plus scep
tiques, inquiets et découragés… En cours, de profonds changements, des courants violents dont nul ne sait où ils nous mèneront et si même nous par
viendrons à garder un cap dans nos co
quilles de noix !
Je referme la porte. A l’abri dans ce lieu où le rituel de la consultation se perpétue sans trêve, c’est à peine si je perçois le vent des temps nouveaux.
Elise a 16 ans, le visage caché derrière un maquillage trop parfait, de grands yeux interrogateurs et consulte pour des maux de ventre… elle ne peut dissimu
ler les fines traces d’incisions parallèles qui décorent étrangement ses deux avantbras. Je connais son histoire fa
miliale éclatée dont elle me livre avec prudence sa version douloureuse.
Médecins de famille, juste un terme pour qualifier ce que nous faisons au quotidien. Un terme juste qui décrit notre enracinement dans la communauté, nos liens durables avec ses membres, des plus âgés aux plus jeunes, des plus fa
vorisés aux plus démunis, traversant décen
nies et générations, notre disponibilité à l’égard de tous, en tout lieu et dans toutes circons
tances, notre engagement social dans un ordre du monde qui produit souffrance et in
justice et dont nous assumons la désespé
rante charge de réparation. Dans la com
plexité du monde moderne, peuton sérieu
sement imaginer la médecine sans médecins de famille ?
Paradoxe actuel de la médecine générale qui, au moment de retrouver fierté, dignité et reconnaissance, (chez nombre de médecins elles n’ont jamais été perdues), voit son nom disparaître peu à peu au profit d’autres dési
gnations, un nouveau titre académique (ou
persiste heureusement le terme général) et sa pratique traditionnelle bousculée par le renouveau qu’imposent les réalités démo
graphiques, les changements culturels, struc
turels et technologiques d’une société en mutation accélérée.
Le lent et difficile bouleversement qui dé
roule sans cesse son cortège d’exigences pèse sur tous au point même que la dispari
tion de la médecine générale a pu être évo
quée. Mais ce changement incontournable correspond clairement au désir de la plupart
des jeunes médecins : ils ne veulent pas, dans leur majorité, reprendre et perpétuer l’ancienne pratique. Ils inventent et explorent de nouvelles voies. Dans toutes les régions fleurissent des projets innovants, se bâtis
sent des cabinets médicaux de groupe, des maisons de la santé, des centres de soins qui associent les divers partenaires dans des formes inédites 1 et constitueront les noyaux de nouveaux réseaux sanitaires. La méde
cine générale que l’on croyait à bout de souffle et sur laquelle les médias lançaient déjà des fleurs en forme de couronne frémit et s’ébroue. C’est à une métamorphose que l’on assiste et les jeunes médecins de famille en sont les acteurs principaux ! Existetil meilleure raison d’espérer ?
1 Le Forum «DevenirGénéraliste» dont la 3e édition s’est déroulée en février 2012 à St Maurice a montré de fa
çon remarquable le dynamisme de la nouvelle méde
cine générale.
carte blanche
Dr Jacques Meizoz Rue de l’Hôpital 11 1920 Martigny
Jacques.meizoz@vtxnet.ch
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