Enoncé A346 (Diophante) Les entiers partageux
Un entier naturel k-partageux est le plus petit entier qui a exactement k diviseurs positifs y compris 1 et lui-même. On désigne par s(k) le terme général de la suite S des termes k-partageux. Les premiers termes sont s(1) = 1, s(2) = 2, s(3) = 4, s(4) = 6, . . .
Q1 Déterminer les plus petites valeurs de k telles que les entiers k- partageux correspondants sont respectivement divisibles par 5, 7, 11, 13.
Q2 Démontrer que l’équation s(k) = 10ka une solution et une seule enk.
Q3 Un entier n quelconque étant fixé à l’avance, démontrer qu’on sait toujours trouver deux termes consécutifs s(k) et s(k+ 1) de la suite S tels que le premier dépasse nfois le second. Application numérique : n= 1000000.
Q4 Démontrer ques(2n) divise s(2n+1) pour tout n≥0.
Solution de Jean Moreau de Saint-Martin
Question 1
Le nombre de diviseurs d’un entiernest le produit des quantités 1 +ei, où ei est l’exposant du facteur premier pi dans la décomposition de n. Pour que n ayant k diviseurs soit s(k), il est nécessaire (et non suffisant) que lespi soient les premiers nombres premiers (p1= 2,p2= 3,p3= 5, . . .) et que la suite des exposantse1, e2, e3, . . .soit décroissante au sens large.
Un s(k) multiple de 5 aura une décomposition 2a·3b·5c· · ·avec a≥b≥ c≥. . .
Avecc= 1, les premières séquences d’exposantsa, b, c sont
1,1,1 donnant k = 8, n = 30, mais k = 8 pour la séquence 3,1 donnant n= 24 ; la suppression du dernier facteur conduit à doubler la contribution à kd’un autre facteur pe, passant àp2e+1; cela réduit le nombre dès lors que le facteur abandonné> pe+1.
2,1,1 donnantk= 12,n= 60,k= 12 pour la séquence 3,2 donnantn= 72 et la séquence 5,1 donnantn= 96, mais 60<72<96. En effet, les facteurs pe+1 sont ici 8 et 9, >5.
On trouve ainsis(12) = 60 premier multiple de 5, puis de la même façon s(32) = 840 premier multiple de 7 (séquence d’exposants 3,1,1,1), s(96) = 27720 premier multiple de 11 (séquence d’exposants 3,2,1,1,1), s(240) = 720720 premier multiple de 13 (séquence d’exposants 4,2,1,1,1,1).
Remarque. Une autre approche de la décroissance des exposants envisage des exposants non entiers ; fixant le nombre des facteurs premiers, on ob- tients(k) par une minimisation sous la contrainte due àk, avec la méthode du multiplicateur de Lagrange. Les quantités 1 +ei sont inversement pro- portionnelles aux lnpi.
On en tire, si lespi sont en nombrem, avecAetGmoyennes arithmétique et géométrique des lnpi, le minorant de s(k) exp(mGm
√
k−mA).
Il reste à s’approcher de cette solution avec des exposants entiers. Par exemple, pour k = 18, on obtient les minorants de s(18) 131072 = 217 pour m = 1, 273,9. . . pour m = 2 (à comparer à 288, cf. question 2), 150,2. . . pour m = 3 (à comparer à 180), 133,1. . . pour m = 4 (non réalisable en exposants entiers, k étant le produit de 3 facteurs premiers seulement).
Question 2
Le termes(k) cherché fait partie des entiersnayantd(n) =n/10 diviseurs, dont font partie 2 et 5, avec une séquence d’exposants telle qu’en ont les entiers k-partageux.
Soit n= 2a·3b·5c· · ·,k= (a+ 1)(b+ 1)(c+ 1)· · · a≥b≥c≥1 car 5 divisen. Cas à examiner :
2.1 nadmet un diviseur premier >5. Alors ce diviseur≥7 divisek, donc un des facteurs a+ 1, b+ 1, . . . eta+ 1≥7.
n/d(n) est le produit de 2a/(a+ 1)≥64/7, 3b/(b+ 1)≥3/2, 5c/(c+ 1)≥ 5/2,pd/(d+ 1)≥7/2 soit
n/d(n)≥(64/7)(3/2)(5/2)(7/2) = 120>10 : cas à écarter.
2.2 n, sans diviseur premier > 5, est multiple de 25. Alors 5 divise k, et a+ 1≥5. En outre b≥c≥2.
n/d(n) est le produit de 2a/(a+1)≥16/5, 3b/(b+1)≥3, 5c/(c+1)≥25/3, et
n/d(n)≥(16/5)(3)(25/3) = 80>10 : cas à écarter.
2.3 Doncc= 1. Supposonsb >2, alorsa+ 1 = 2a−2·3b/(b+ 1) est multiple de 9,a≥8.
n/d(n) est le produit de 2a/(a+1)≥256/9, 3b/(b+1)≥27/4, 5c/(c+1) = 5/2, et
n/d(n)≥(256/9)(27/4)(5/2) = 480>10 : cas à écarter.
2.4 Supposons 1 = c≤b= 1. Alors 3 divise a+ 1 = 3m. On a n/d(n) = 5·23m−3/m, et il faudraitm= 23m−4, qui est impossible ; 23m−4> mpour m≥2.
2.5 Donc c = 1, b = 2, puis 2a/(a+ 1) = 4/3 d’où a = 2, n = 180, d(n) = 18, seule solution de n= 10d(n).
Reste à vérifier que s(18) = 180, correspondant à la séquence d’exposants 2,2,1. Les autres entiers à 18 diviseurs sont 288 (séquence 5,2), 768 (sé- quence 8,1) et 217, tous >180 =s(18).
k= 18 est la seule solution de l’équation s(k) = 10k.
Question 3
Si k est premier, s(k) = 2k−1. Choisissons k premier avec k+ 1 riche en diviseurs, ce qui permet de répartir les exposants de façon à réduire la valeur de 2a·3b·5c· · ·
Par exemple, prenons k = 2111 ; 2112 = 26 ·3 ·11 a 28 diviseurs. La décomposition (très fruste !) 2112 = 64·33 donnes(2112)≤263·332<2115 car 38 <213. Ainsis(2111)/s(2112)>22110−115, nombre de 601 chiffres.
De manière générale, dans la suite des nombres premiers, on a pi+1 <
2pi ≤p2i. Un nombre àf g diviseurs peut être construit avec la séquence d’exposants f −1, a, b, c, . . .où a, b, c, . . .est la séquence définissant s(g).
Alorss(f g)≤2f−1(s(g))2.
An donné, prenonsg quelconque >1, etf g−1 premier (il en existe une infinité, théorème de Dirichlet) avec f assez grand pour que 2f g−f−1 >
n(s(g))2. Comme alorss(f g−1) = 2f g−2, le résultat demandé est obtenu.
Par exemple, avecn= 105,g= 4, s(g) = 6, 23f−1 >36·105, 3f−1≥22, f ≥8,f = 8 donnes(31)/s(32) = 230/840>106 >105.
Question 4
Si k= 2n, les exposants 1 +ei sont des puissances de 2 ; soitei = 2f −1, ei+1 = 2g−1.
Supposons f ≥g+ 2 ; si je remplace la séquence . . . , f, g, . . . par. . . , f − 1, g+ 1, . . ., l’exposant de pi est diminué de 2f−1, l’exposant de pi+1 est augmenté de 2g, et le logarithme du nombre étudié est diminué de 2f−1lnpi−2glnpi+1 > (2f−1 −2g+1) lnpi ≥ 0, car pi+1 < p2i. De ce fait une séquence où f ≥g+ 2 ne peut fournir un entier 2n-partageux.
La séquence des “exposants d’exposants”. . . , f, g, . . .est donc décroissante au sens large avec différence limitée à 1 d’un terme au suivant. Une telle séquence est complètement décrite par les rangs i1 > i2 > . . . > im où ei > ei+1. Le nombre de facteurs premiers de s(2n) est i1, l’exposant de p1 = 2 est e1 = 2m −1, et n = Pij. L’exposant 2r−1 s’applique aux facteurs premiers pi tels que ir+1< i≤ir.
Passons à s(2n+1) =N0, à comparer àN =s(2n). Dans la liste des indices ij des changements d’exposant, qui décritN0, au moins un est strictement supérieur à l’indice de même rang décrivant N, puisque la somme passe de n àn+ 1.
Si c’estir, examinons le nombre oùirest réduit de 1. Alors quepir a, dans N0, l’exposant 2r−1, son exposant dans le nouveau nombre est 2r−1−1, et le nouveau nombre est N0/q, où q estpir à la puissance 2r−1.
N0/q a 2n diviseurs, s’il diffère deN, il est> N.
Dans N, pir a un exposant 2s−1. On obtiendra un nombre ayant 2n+1 diviseurs en multipliant N parpir à la puissance 2s, soitN q0. Observons ques≤r−1 carir est supérieur à l’indice de même rang dans la séquence de N.
Si N q0 n’est pas N0, il lui est strictement supérieur et N q0 > N0 > N q, q0 > q,s > r−1, contradiction qui prouve la propriété de l’énoncé.
Réciproquement N0 =N q, obtenu à partir deN =s(2n) en prenant pour qle plus petit (rvariant de 0 àm, en référence aux indicesij de la séquence de N) des nombrespir+1 à la puissance 2r−1.
A partir de n = 0, les rapports s(2n+1)/s(2n) sont 2, 3, 22, 5, 7, 32, 11, 13, 24, 17, 19, 23, 52,29, . . ., soit en ordre croissant les nombres premiers aux puissances 1, 2 ou puissance de 2.