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Surveillance biologique (tableau I)Les thiopurines sont des immunosuppresseurs de la famille des antimétabolites. Leurs mécanismes d’action principaux consistent à...

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La Lettre du Pharmacologue • Vol. 32 - n° 1 - janvier-février-mars 2018 | 9

DOSSIER

Nouveautés sur l’azathioprine dans les MICI

L. Peyrin-Biroulet

Quelle surveillance pour

les patients sous thiopurines ?

How to monitor IBD patients receiving thiopurine therapies?

M. Serrero*, L. Peyrin-Biroulet**

* Service d’hépato-gastroentéro logie, CHU Nord, Marseille.

** Service d’hépato-gastroentéro- logie, CHU de Nancy.

© La Lettre de l’Hépato-gastro- entérologue 2018;XXI (1, Suppl. 1):9-12.

Les thiopurines, représentées par l’azathioprine et la 6-mercaptopurine, ont fait la preuve de leur efficacité pour les MICI dans de nombreuses indi- cations, et restent d’actualité pour leur prise en charge, malgré les récentes avancées thérapeutiques. Dans la cohorte CESAME (Cancers et surrisque associé aux maladies inflammatoires en France), il a été montré que 40 % des patients recevaient (ou avaient reçu) des thiopurines (1). La surveillance sous thiopurines doit être stricte, au début du traitement, essentiellement pour les complications hématologiques et hépatiques, mais également tout au long du suivi. Elle doit être poursuivie sur le plan dermatologique après l’arrêt du traitement, en raison du risque de cancer cutané non mélanique. Il faut également avoir à l’esprit le surrisque de lymphome, notamment lors de l’intro- duction de thiopurines après 65 ans (1).

Surveillance biologique (tableau I) Les thiopurines sont des immunosuppresseurs de la famille des antimétabolites. Leurs mécanismes d’ac- tion principaux consistent à inhiber la synthèse des bases puriques et à entraîner l’insertion de pseudo- nucléotides (6-thioguanine nucléotides [6-TGN]) dans les molécules d’ADN et d’ARN, conduisant à une apoptose précoce (2). Il a été montré que l’efficacité des thiopurines dépendait du taux de 6-TGN, produit métabolique actif grâce à son action cytotoxique.

L’azathioprine est métabolisée en 6-mercaptopu- rine dans le foie par une voie non enzymatique. Puis, après sa conversion, différentes voies métaboliques compétitives mènent à la formation de 6-TGN, par l’hypoxanthine-guanine phosphoribosyltransférase (HGPRT), et de 6-méthylmercaptopurine (6-MMP), par la thiopurine-S-méthyltransférase (TPMT) [figure].

Le 6-TGN produit s’insère dans l’ADN des leucocytes, à la place des nucléotides, empêchant ainsi la proliféra- tion lymphocytaire (notamment des lymphocytes T), à l’origine de l’effet immunosuppresseur. L’activité de

la TPMT peut aller du déficit complet (rare, 0,3 % de la population générale pour la forme homozygote) à une activité normale (90 % des adultes), ce qui va condi- tionner le taux de 6-TGN et de 6-MMP (métabolite à l’origine de l’hépatotoxicité).

Surveillance hématologique (NFS et plaquettes)

Il faut réaliser une numération formule sanguine (NFS) 1 fois par semaine le premier mois, ce qui permet de dépister une pancytopénie rapide et sévère, souvent en rapport avec un exceptionnel déficit total en TPMT.

Classiquement, on observe une macrocytose et une diminution progressive de 50 % des polynucléaires et des lymphocytes la première année avec, par la suite, une stabilisation. Ensuite, la NFS est surveillée 1 fois par

Tableau I. Surveillance biologique.

Paramètres Rythme de surveillance

NFS plaquettes 1/sem. pdt 1 mois puis 1/mois pdt 2 mois puis tous les 3 mois Bilan hépatique complet 1/sem. pdt 1 mois puis 1/mois pdt 2 mois puis tous les 3 mois Lipasémie Pas de dosage systématique, uniquement si signes évocateurs Taux de 6-TGN Pas recommandé systématiquement, mais si échec

thérapeutique pour vérifier l’observance et adapter la dose Génotypage et activité TPMT Pas sytématique, à faire en cas de cytopénie sévère

ou de toxicité hépatique

AZA

• En cas de déficit en TPMT : augmentation du taux de 6-TGN avec toxicité hématologique+++

• En cas d’activité TPMT forte : augmentation du taux de 6-MMP avec toxicité hépatique+++

Réaction non 6-MP enzymatique

HGPRT

TPMT

6-TGN

6-MMP

Figure. Métabolisme simplifié des thiopurines expliquant le rapport entre activité de la TPMT et toxicité.

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10 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 32 - n° 1 - janvier-février-mars 2018

Points forts

mois les 2 mois suivants, puis tous les 3 mois tant que le traitement est poursuivi, pour ne pas méconnaître une baisse plus tardive des leucocytes. Les premiers mois, un déficit partiel en TPMT (11 % de la population générale pour la forme hétérozygote) peut entraîner une diminution rapide des leucocytes et des plaquettes.

Bilan hépatique

(transaminases, GGT, bilirubine)

Il est recommandé de surveiller le bilan hépa- tique, au même rythme que la NFS, soit toutes les semaines le premier mois, puis tous les mois pendant 2 mois, puis tous les 3 mois pendant toute la durée de la prescription.

En cas de cytolyse et/ou de cholestase minime d’appa- rition précoce, une régression spontanée est possible.

En cas de persistance, il faut envisager de fractionner ou de diminuer la dose ou, éventuellement, de rem- placer l’azathioprine par la 6-mercaptopurine.

En cas de cytolyse et/ou de cholestase secondaire, il faudra éliminer une infection virale intercurrente : cytomégalovirus (CMV), virus de l’hépatite B (VHB), virus de l’hépatite C (VHC), une iatrogénie (toxicité de la 6-MMP chez les patients, avec une forte acti- vité TPMT), ainsi qu’une rare hyperplasie nodulaire régénérative (HNR), à évoquer surtout en cas de thrombopénie et d’élévation des gamma-GT (GGT).

Le risque de HNR est majoré chez les sujets de sexe masculin avec antécédent de résection du grêle de moins de 50 cm (3).

Génotypage et dosage de l’activité de la TPMT

Le génotypage diminue le risque de complications hématologiques sous thiopurines d’environ 50 %, en dépistant les mutations homozygotes ou hétéro- zygotes. L’absence de déficit en TPMT ne met toutefois pas à l’abri d’un accident hématologique grave, et ne permet donc pas de s’affranchir de la surveillance bio- logique rapprochée en début de traitement, car cer- taines mutations ne sont pas recherchées en routine, seules les 3 mutations principales étant habituelle- ment recherchées (TPMT*2, TPMT*3A et TPMT*3C).

Mesurer l’activité TPMT est plus informatif en isolant

les patients mutés (activité enzymatique basse ou nulle) et en recherchant les patients à fort risque de résistance thérapeutique et de toxicité hépatique (activité très élevée). En France, ces tests (génétique et enzymatique) ne sont pas remboursés et restent à la charge du patient, alors qu’aux États-Unis, afin de se protéger en termes médico-légaux, ils sont effectués de façon quasi systématique. Le consensus ECCO (European Crohn’s and Colitis Organisation) n’a recommandé ni le génotypage ni la mesure de l’acti- vité enzymatique systématique (test coûteux) avant de commencer le traitement. En cas de cytopénie sévère, il est conseillé de faire le génotypage et la mesure de l’activité de la TPMT. En cas de déficit partiel en TPMT, un ajustement de la posologie (reprendre à un quart de dose et éventuellement augmenter jusqu’à une demi-dose sous surveillance biologique stricte) peut suffire, avec une surveillance hématologique stricte. En cas de déficit complet, le traitement doit être interrompu et contre-indiqué.

Taux de 6-TGN

Classiquement, le traitement par azathioprine est débuté à 2-2,5 mg/kg en monothérapie et à 1-1,5 mg/kg pour la 6-mercaptopurine. Comme il existe un effet dose-dépendant, il est en fait pré- férable de commencer l’azathioprine à 2,5 mg/kg. Le dosage du taux de 6-TGN est proposé en cas d’échec du traitement par thiopurines pour rechercher un sous-dosage (< 250 pmoles) nécessitant une esca- lade, en général par paliers de 25 mg (4). Plusieurs études ont montré qu’un taux de 6-TGN au-delà d’un seuil de 235 à 275 pmoles était corrélé à l’ef- ficacité thérapeutique. Cela permet également de dépister les patients non observants et ayant un peu de mal à l’avouer, ce qui est relativement fré- quent après plusieurs années de traitement. Enfin, en cas de complications, ce taux peut en expliquer le mécanisme et éviter une contre- indication définitive.

Il faut également noter que l’objectif actuellement admis pour le taux de 6-TGN en combo thérapie avec l’infliximab est aux alentours de 125 pmoles, ce qui correspond en pratique à une dose d’aza- thioprine de 1-1,5 mg/kg. Ce dosage permet de diminuer la production d’anti corps anti-infliximab et d’optimiser l’efficacité du traitement (5).

» Qu’elles soient utilisées en mono- ou combothérapie, les thiopurines restent un traitement incontournable dans les MICI.

» La surveillance biologique doit être hebdomadaire le premier mois du traitement, mensuelle les 2 mois suivants, et trimestrielle tant que le traitement se poursuit.

» En raison du risque de cancers non mélaniques, la surveillance dermatologique doit être maintenue, même après l’arrêt du traitement.

» Les thiopurines peuvent être prescrites pendant la grossesse.

» Sous combothérapie et après 65 ans notamment, le risque de lymphome est augmenté.

Mots-clés

Thiopurines MICI Toxicité Cancers

Highlights

»Thiopurines, either used in monotherapy or combotherapy are still essential for IBD therapy.

»Biological monitoring has to be once a week on first month then every month on 2 next months and every 3 months during treatment.

»Because of non melanoma skin cancers risk, dermatologist follow-up has to be once a year even after stopping treatment.

»Thiopurines therapy is safe during pregnancy.

»After 65 years old and combotherapy use increase lymphoma risk.

Keywords

Thiopurines IBD Toxicity Neoplasia

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La Lettre du Pharmacologue • Vol. 32 - n° 1 - janvier-février-mars 2018 | 11

DOSSIER

1. Beaugerie L, Brousse N, Bouvier AM et al. Lymphopro- liferative disorders in patients receiving thiopurines for inflam- matory bowel disease: a prospec- tive observational cohort study.

Lancet 2009;374:1617-25.

2. Karran P. Thiopurines, DNA damage, DNA repair and the- rapy-related cancer. Br Med Bull 2006;79-80:153-70.

3. Vernier-Massouille G, Cosnes J, Lemann M et al. Nodular rege- nerative hyperplasia in patients with inflammatory bowel disease treated with azathioprine. Gut 2007;56:1404-9.

4. Cuffari C, Hunt S, Bayless T. Uti- lisation of erythrocyte 6-thiogua- nine metabolite levels to optimise azathioprine therapy in patients with inflammatory bowel disease.

Gut 2001;48:642-6.

5. Yarur AJ, Kubiliun MJ, Czul F et al. Concentrations of 6-thio- guanine nucleotide correlate with trough levels of infliximab in patients with inflammatory bowel disease on combination therapy. Clin Gastroenterol Hepatol 2015;13:1118-24.

6. Dubinsky MC. Azathioprine, 6-mercaptopurine in inflam- matory bowel disease: phar- macology, efficacy, and safety.

Clin Gastroenterol Hepatol 2004;2:731 43.

7. Axelrad JE, Roy A, Lawlor G, Korelitz B, Lichtiger S. Thiopu- rines and inflammatory bowel disease: Current evidence and a historical perspective. World J Gastroenterol 2016;22:10103-17.

Références bibliographiques

>>>

Surveillance clinique (tableau II) Tolérance

Les réactions d’intolérance (5 à 10 % des cas) sur- viennent essentiellement dans le premier mois et peuvent inclure : fièvre, arthralgies, myal- gies, éruption cutanée (y compris un érythème noueux), malaise général, hypotension, nausées, vomissements, diarrhée et pancréatite aiguë (6).

Ces 2 dernières complications sont à souligner et à expliquer aux patients car elles peuvent leur faire croire, à tort, à une poussée de leur maladie. Les pancréatites aiguës surviennent dans 3 % des cas, et toute douleur abdominale évocatrice doit faire réaliser, en urgence, une lipasémie pour documenter une contre-indication définitive aux thiopurines.

L’arrêt du traitement doit être immédiat et défi- nitif : il permet alors la disparition complète des symptômes, le plus souvent sans séquelles. Il faut également signaler aux patients la possibilité de troubles digestifs intenses dans moins de 1 % des cas, avec diarrhée profuse et douleurs abdominales.

Dans certains cas, on peut tenter d’utiliser la mer- captopurine en remplacement de l’azathioprine, car elle peut être tolérée environ 1 fois sur 2 – sauf en cas de pancréatite, bien entendu.

En raison de leur effet immunosuppresseur, les thio- purines augmentent le risque infectieux, notam- ment en cas d’association avec les corticoïdes. Il a été montré un risque plus élevé d’infections virales – CMV, virus d’Epstein-Barr (EBV), virus varicelle- zona (VZV) – en relation avec l’effet apoptotique prédominant sur les lymphocytes T, mais également d’infections bactériennes (dont les mycobactéries), fongiques et parasitaires (7).

Surveillance dermatologique : cancers non mélanocytaires

Les données de la littérature concernant l’utilisation des thiopurines après transplantation retrouvent un risque plus élevé de cancers cutanés non mélaniques, du type carcinome spinocellulaire (contrairement à ce qui est observé dans la population générale, où les carcinomes basocellulaires sont plus fréquents) [8].

Les données d’une récente méta-analyse chez les patients ayant une MICI ont estimé le surrisque à 2,3 sous thiopurines, avec plus de carcinomes baso- cellulaires. L’effet carcinologique des thiopurines est alors attribué à l’augmentation des mutations génétiques induites par les UVA et à l’augmentation

de la production de ROS (Reactive Oxygen Species) dans les cellules épithéliales cutanées. Cela implique de sensibiliser les patients à la nécessité de suivre strictement les règles de protection solaire et d’éviter une exposition excessive. De plus, la sur- veillance dermatologique régulière (rythme déter- miné par le dermatologue en fonction des facteurs de risque de chaque patient, comme le type de peau, etc.) combinée à l’autosurveillance doit être pour- suivie, même après l’arrêt des thiopurines, puisque le surrisque persiste tout au long de la vie (9). En revanche, d’après le consensus ECCO de 2015 relatif aux néoplasies, le risque de mélanomes n’est pas augmenté sous thiopurines (8).

Surveillance gynécologique

Lors de transplantations d’organe, l’utilisation de thiopurines est également associée à un surrisque de cancer du col utérin lié à l’Human Papillomavirus (HPV). Les études recherchant à mettre en évidence un lien entre le rôle des immunosuppresseurs et l’augmentation du risque du cancer du col sont dis- cordantes (8). Cependant, le principe de précaution nous impose de rappeler à nos patientes la nécessité d’un suivi gynécologique annuel avec frottis tous les 2 ans – ce qui est finalement recommandé pour la population générale. Cette attitude fait partie des recommandations de suivi dans le consensus ECCO (8). Il est également vivement conseillé de suivre les règles de vaccination contre le HPV chez ces patientes.

Grossesse

La fiche RCP du Vidal® indique : “L’azathioprine est tératogène chez l’animal. L’azathioprine et ses métabolites traversent le placenta. Dans l’espèce humaine, des centaines d’observations de gros- sesses exposées permettent d’écarter, à ce jour, Tableau II. Surveillance clinique.

En début de traitement

• Intolérance digestive

• Éruptions, céphalées, fièvres, myalgies, arthralgies... (5 à 15 % des malades)

• Pancréatite aiguë : éviction définitive de l’AZA et de la 6-MP Au long cours

• Surveillance cutanée : pendant toute la durée du traitement et à poursuivre après l’arrêt

• Surveillance gynécologique : consultation annuelle et frottis tous les 2 ans

• Vaccinations : grippe, pneumocoque (contre-indication des vaccins vivants)

• Risque de cancer et de lymphome à apprécier en fonction de l’âge, du sexe et de la durée d’exposition au traitement

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12 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 32 - n° 1 - janvier-février-mars 2018

Quelle surveillance pour les patients sous thiopurines ?

DOSSIER

Nouveautés sur l’azathioprine dans les MICI

8. Annese V, Beaugerie L, Egan L et al. on behalf of ECCO; Euro- pean Evidence-based Consensus:

Inflammatory Bowel Disease and Malignancies; J Crohns Colitis 2015;9:945-65.

9. Peyrin-Biroulet L, Khos- rotehrani K, Carrat F et al.

Increased risk for nonmelanoma skin cancers in patients who receive thiopurines for inflam- matory bowel disease. Gastro- enterology 2011;141:1621-28.

10. Coelho J, Beaugerie L, Colombel JF et al. Pregnancy outcome in patients with inflammatory bowel disease treated with thiopurines: cohort from the CESAME Study. Gut 2011;60:198-203.

11. Kanis SL, de Lima-Kara- giannis A, de Boer NKH, van der Woude CJ. Use of thiopurines during conception and pregnancy is not associated with adverse pre- gnancy outcomes or health of infants at one year in a prospective study. Clin Gastro enterol Hepatol 2017;15:1232-41.

12. Beaugerie L, Brousse N, Bouvier AM et al. Lymphopro- liferative disorders in patients receiving thiopurines for inflam- matory bowel disease: a prospec- tive observational cohort study.

Lancet 2009;374:1617-25.

13. Beaugerie L. Lymphoma: the bete noire of the long-term use of thiopurines in adult and elderly patients with inflammatory bowel disease. Gastroenterology 2013;145:927-30.

14. Kotlyar DS, Lewis JD, Beau- gerie L et al. Risk of lymphoma in patients with inflammatory bowel disease treated with azathio- prine and 6-mercaptopurine: a meta-analysis. Clin Gastro enterol Hepatol 2015;12:847-58.

15. Lemaitre M, Kirchgesner J, Rudnichi A et al. Association between use of thiopurines or tumor necrosis factor antagonists alone or in combination and risk of lymphoma in patients with inflammatory bowel disease.

JAMA 2017;318:1679-86.

>>> l’hypothèse d’un risque malformatif de l’azathio-

prine sur le fœtus.” Les données de la cohorte CESAME n’ont également retrouvé aucun signal négatif lors de l’utilisation des thiopurines pendant la grossesse (10). Cela a été confirmé dans une étude récente de cohorte prospective, où il n’a pas été retrouvé d’association entre l’utilisation de thiopurines pendant la grossesse et le risque d’avortements spontanés, de malformations fœtales, de complications obstétricales ni d’effets indésirables particuliers chez les nourrissons avec un suivi de 1 an après la naissance (11). D’ailleurs, le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) ne recommande pas l’arrêt du traitement s’il est “nécessaire à l’équilibre maternel”. Il est simplement souligné un risque accru d’infections maternofœtales à CMV en cas de poursuite du traitement. Par précaution, l’allaitement n’est pas officiellement recommandé, mais il faut savoir que la quantité de produit passant chez l’enfant via le lait est très faible (moins de 0,6 % de la dose maternelle), et les risques pour lui sont probablement nuls.

Risque de lymphome

La caractérisation des syndromes lymphoprolifé- ratifs diagnostiqués chez les patients suivis pour une MICI a permis de mettre en évidence 3 types de lymphome associés à l’utilisation des thiopu- rines (12). Le premier est représenté par les lym- phomes “post-transplant like”, assimilés à ceux diagnostiqués chez les greffés et qui peuvent se développer chez tout patient avec une infection chronique latente à l’EBV présente après un contact avec le virus, soit, en pratique, la majorité des adultes de plus de 30 ans séropositifs pour l’EBV.

Le deuxième type est le lymphome postmononu- cléose infectieuse, qui survient exclusivement chez les hommes jeunes à la suite d’une primo-infection sous thiopurines. Ce risque fait d’ailleurs préférer le méthotrexate aux thiopurines en cas de néces- sité d’un immunosuppresseur chez les hommes jeunes séronégatifs pour l’EBV. Enfin, le troisième est le lymphome T hépatosplénique, entité rare mais fatale qui survient principalement chez les hommes de moins de 35 ans ayant reçu des thio- purines en association avec des anti-TNF pendant plus de 2 ans (13). Dans une méta-analyse fondée sur 18 études réalisées sur des patients atteints de MICI, le surrisque relatif moyen de développer un lymphome sous thiopurines était multiplié

par 4,5 (IC95 : 2,8-7,2), allant de 2,4 (IC95 : 1,5-3,9), dans les 8 études en population, à 9,2 (IC95 : 5,0- 16,7), dans les 10 études en centre de référence (14) [le risque étant estimé en calculant le ratio standar- disé d’incidence correspondant au rapport entre le nombre de cas observés et celui de cas attendus].

Ce risque ne devenait significatif qu’au bout de 1 an de traitement. Les hommes avaient un risque relatif plus élevé que les femmes (RR = 2, p < 0,05). Les patients de moins de 30 ans avaient le risque relatif le plus élevé de développer un lymphome, compara- tivement aux patients du même âge sans thiopurine.

Et les patients de plus de 50 ans avaient le risque absolu le plus élevé (1/377 cas par patient-année).

De plus, une étude récente fondée sur les données du Système national d’information interrégimes de l’Assurance maladie (SNIIRAM) [15] a montré que l’utilisation des thiopurines en monothérapie était autant à risque que celle des anti-TNF seuls.

En revanche, la combothérapie augmentait ce risque d’un facteur 2,5 (15). Par ailleurs, un âge de plus de 65 ans, le sexe masculin, la maladie de Crohn (versus RCH) et la consommation de tabac étaient des facteurs de risque indépendants de survenue de lymphomes (15). Dans la cohorte CESAME, ce risque est également augmenté au-delà de l’âge de 65 ans, mais semble toutefois réversible à l’arrêt du traitement (1).

Conclusion

Les thiopurines font encore aujourd’hui partie de l’arsenal thérapeutique. Les règles de prescription et de surveillance relatives à leur utilisation doivent être connues. La surveillance clinicobiologique est étroite, notamment pendant le premier trimestre du traitement, période où les risques d’intolé- rance ainsi que de complications hématologiques et hépatiques sont les plus importants. En France, pour le moment, il n’est pas recommandé de réa- liser systématiquement le génotypage et le dosage de l’activité de la TPMT. Le risque augmenté de cancer cutané non mélanique doit faire réaliser un suivi dermatologique régulier. Les thiopurines peuvent être maintenues sans crainte pendant la grossesse. Enfin, en raison du risque de lymphome, il faut éviter la prescription de thiopurines chez les patients de plus de 65 ans et chez les hommes jeunes séronégatifs pour l’EBV. En cas de nécessité de mise en place d’un traitement immunosuppres- seur chez ces patients, il faudra alors privilégier le

méthotrexate.

M. Serrero déclare avoir des liens d’intérêts avec Ferring, Takeda, Janssen, Hospira. L. Peyrin- Biroulet déclare avoir des liens

d’intérêts avec HAC Pharma, MSD, Takeda, Janssen, AbbVie, Pfizer, Biogaran, Celltrion, Samsung (honoraires).

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