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Un peu d'humour en travail social

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Haute École de Travail Social − HES·SO//Valais – Wallis

Réalisé par : Barman Maxime

Promotion : Bach ES 17 PT

Sous la direction de : Darbellay Karine

Sierre le 25.10.2020

Un peu d’humour en travail social

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Remerciements

Je tiens à remercier plusieurs personnes qui ont été présentes lors de la rédaction de ce travail de Bachelor :

• Ma directrice de travail de Bachelor : Madame Karine Darbellay pour son soutien, ses conseils, ses remarques pertinentes et naturellement : son sens de l’humour.

• Toutes les personnes interviewées pour leur disponibilité, leur partage et leur sympathie. Je remercie également leurs institutions respectives qui m’ont permis de réaliser ces interviews. • Merci également à mes fidèles relecteurs, pour leur sens critique et leur temps.

Notes

Afin de faciliter l’écriture et la lecture de ce travail, j’ai fait le choix de ne pas utiliser le langage épicène. Je reste cependant attentif au fait que cette écriture est une démarche importante pour une communication neutre, sans stéréotypes de genre et participe à une société plus égalitaire.

« Les opinions émises dans ce travail n'engagent que leur auteur. Je certifie avoir personnellement écrit le Travail de Bachelor et ne pas avoir eu recours à d'autres sources que celles référencées. Tous les emprunts à d’autres auteurꞏeꞏs, que ce soit par citation ou paraphrase, sont clairement indiqués. Le présent travail n’a pas été utilisé dans une forme identique ou similaire dans le cadre de travaux à rendre durant les études. J’assure avoir respecté les principes éthiques tels que présentés dans le Code éthique de la recherche. Je certifie également que le nombre de signes de ce document (corps de texte, sans les espaces) correspond aux normes en vigueur et enfin le nombre de signes de corps de texte (espaces non comprises) ».

Mots-clefs

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Table des matières

1 Introduction ... 4

2 Choix de la thématique ... 4

2.1 Motivations personnelles ... 4

2.2 Motivations professionnelles ... 4

2.3 Lien avec le travail social ... 4

3 Question de recherche – objectifs – hypothèses ... 5

3.1 Question de recherche ... 5

3.2 Objectifs... 5

3.2.1 Objectifs personnels ... 5

3.2.2 Objectifs professionnels ... 5

3.2.3 Objectifs théoriques et méthodologiques ... 5

3.3 Hypothèses de recherche ... 5

4 Cadre théorique... 6

4.1 Définition de l’humour ... 6

4.2 Du rire à l’humour ... 7

4.3 Une relation triadique ... 8

4.4 Effets de l’humour ... 8

4.5 Classifier l’humour ... 9

4.6 La relation en travail social ... 10

4.7 L’humour dans la relation d’aide ... 11

5 Méthodologie ... 12

5.1 Terrain d’enquête ... 13

5.2 Public cible ... 13

5.3 Échantillon ... 13

5.4 Méthode de récolte de données ... 14

5.5 Entretien exploratoire ... 15

5.6 Enjeux éthiques ... 16

5.6.1 Consentement libre et éclairé du sujet partenaire de la recherche ... 16

5.6.2 Respect de la sphère privée. ... 16

5.6.3 Sources ... 16

6 Présentation et analyse des données... 16

6.1 Hypothèse 1 : L’humour comme outil ... 16

6.1.1 Un outil au service de la relation ... 17

6.1.2 Un outil de communication ... 17

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6.1.4 Discussion de l’hypothèse ... 19

6.2 Hypothèse 2 Le type d’humour et la relation au bénéficiaire ... 19

6.3 Hypothèse 3 : Les limites de l’humour ... 20

6.3.1 Les limites liées au contexte ... 21

6.3.2 Les limites personnelles ... 21

6.3.3 Les limites liées à l’usager ... 22

6.3.4 Discussion de l’hypothèse ... 23

6.4 Synthèse ... 23

7 Pistes d’action et d’ouverture ... 24

7.1 Piste d’action ... 24 7.2 Piste d’ouverture ... 24 8 Bilans ... 25 8.1 Objectifs... 25 8.2 Limites et difficultés ... 25 9 Conclusion ... 26 10 Bibliographie ... 27 11 Annexes ... 0

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1 Introduction

2 Choix de la thématique

2.1 Motivations personnelles

Durant ma recherche de sujet de bachelor, de nombreuses thématiques me sont venues à l’esprit par exemple, la communication non verbale, la communication de crise ou encore le début de relation lors de la première rencontre avec les usagers.

Cependant, une idée discrète m’interpelait de plus en plus et commençait doucement à faire sens pour cette étude : l’humour. En explorant mes ressources personnelles, j’ai réalisé qu’elle était très présente dans mon quotidien. J’ai découvert par exemple que c’était pour moi une façon de créer une relation, de créer du lien social, ou encore d’éluder un éventuel malaise. Ce trait de ma personnalité est également naturellement présent dans ma pratique professionnelle.

Je trouve ce thème pertinent dans le cadre d’un travail de bachelor, car cette question n’a jamais été abordée dans mon cursus académique. Or c’est une réalité du quotidien des travailleurs sociaux. De plus, je trouve intéressant d’explorer cette thématique qui pourrait au premier abord paraître « légère » sous un angle académique et avec rigueur.

2.2 Motivations professionnelles

Je n’arrive pas à imaginer mon futur monde professionnel sans humour. En effet, mes diverses expériences sur le terrain m’ont fait découvrir une vocation, un métier passionnant, sans routine et riche en émotion. Mais également, un métier ou le professionnel travaille avec des usagers qui sont dans des situations de souffrance, de vulnérabilité, de précarité. Un quotidien parfois lourd, où l’humour devient alors « une bouffée d’oxygène » indispensable.

Cette étude est pour moi une chance de découvrir plus en profondeur cette ressource, mais aussi de me confronter à la réalité du terrain. J’espère également qu’elle va contribuer à faire avancer cette thématique dans le champ du travail social.

2.3 Lien avec le travail social

En explorant cette thématique sous le projecteur « travail social », je réalise que l’humour est présent partout ! Que cela soit entre collègues afin de supporter l’insupportable, entre éducateurs et bénéficiaires dans le quotidien ou encore entre bénéficiaires pour exprimer une frustration l’humour occupe une place importante dans les relations sociales.

Paradoxalement, ce même « outil » peut blesser, et détruire le lien social entre les individus. Par exemple en cas de persiflage, d’humour dans de mauvaises situations, de malentendu, etc. Notons également qu’il n’y a pas de manuel de bonne pratique pour « l’humour en travail social ». C’est en effet, à chaque professionnel de questionner la place de l’humour dans son quotidien selon une multitude de facteurs (valeurs de l’institution, valeurs personnelles, contexte, relation, etc.).

Devant cette ambivalence entre réalités du terrain où l’humour est bien présent avec tous les avantages qui en découlent et les risques qu’il peut engendrer, il me semble pertinent d’explorer tous les enjeux qui gravitent autour de cette ressource.

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3 Question de recherche – objectifs – hypothèses

3.1 Question de recherche

« En quoi l’humour peut-il être une ressource dans l’accompagnement en travail social et quelles en sont ses limites ? »

Cette question est le fruit d’un long processus de recherche, de discussion et de lectures scientifiques. Elle constituera le fil rouge de cette étude. Cette question oppose deux grandes idées dans ce travail, l’humour comme facilitateur ou comme frein dans l’accompagnement en travail social. Cette opposition me permet d’explorer cette thématique sous divers angles. De plus, les termes « accompagnement en travail social » ciblent le domaine d’étude. Pour conclure, je suis conscient qu’il est possible que cette question se modifie durant la suite du processus de recherche et d’écriture.

3.2 Objectifs

Afin de m’évaluer tout du long du processus de ce travail de bachelor, je vais fixer des objectifs selon trois thématiques : personnel, professionnel et théorique/méthodologique.

3.2.1 Objectifs personnels

D'un point de vue personnel, mon premier objectif est de m’investir pleinement dans un travail de

recherche. Cela représente un défi pour moi, car c’est la première fois que je réalise une recherche

d’une telle envergure. Connaissant mes zones de progression, je me fixe également comme objectif de respecter les délais et organiser mon travail de manière efficiente.

3.2.2 Objectifs professionnels

Mon premier objectif au niveau professionnel est d’approfondir mes connaissances dans les

thématiques qui seront traitées dans ce travail. Ces nouvelles connaissances viendront enrichir ma

pratique et mon identité professionnelles. Mon second objectif est de découvrir comment l’humour

est utilisé par les éducateurs sociaux afin d’enrichir ma boîte à outils.

3.2.3 Objectifs théoriques et méthodologiques

Concernant mes objectifs théoriques/méthodologiques, le premier est de comprendre la place de

l’humour, ses objectifs et ses limites en travail social. Le second est d’explorer la manière dont l’humour influence les relations entre les travailleurs sociaux et les bénéficiaires.

Pour conclure, j’aimerais également respecter les règles d’éthique, d’écriture et de récolte de

données en vigueur lors de l’écriture de ce travail.

3.3 Hypothèses de recherche

Hypothèse 1 : l’humour est utilisé comme un outil dans le quotidien des travailleurs sociaux.

Cette première hypothèse repose sur mes expériences professionnelles, mais également sur des auteurs tels que Joris (2010). En effet, dans son enquête auprès de quatorze travailleurs sociaux en 2010 de nombreux témoignages soulignent l’utilisation de l’humour comme un outil dans leur quotidien. Par exemple, l’humour est utilisé pour prendre de la distance dans une situation ou encore pour éviter des situations de violence.

Hypothèse 2 : la relation avec le bénéficiaire a une influence sur le type d’humour que le travailleur

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Dans l’étude de Joris (2010), certains témoignages soulignent l’importance de considérer la relation avec le bénéficiaire avant de faire de l’humour. Charaudeau (2006) relève également l’importance de la relation entre le locuteur de l’acte humoristique et le destinataire. Pour faire un lien avec ma pratique professionnelle, j’ai souvent pu observer que j’adapte mon type d’humour en fonction de différents facteurs comme le contexte ou encore le type de relation. En effet, je ne vais certainement pas faire de l’ironie lors d’une première rencontre, au risque que mes intentions soient mal interprétées.

La deuxième partie de l’hypothèse relève l’importance de la prise en considération de l’interlocuteur dans une situation humoristique. Cette prise en considération se situe selon moi à deux niveaux. Le premier concerne la personne de manière générale par exemple son âge, ses valeurs, sa culture. Nous pouvons imaginer qu’une personne âgée ne sera pas sensible au même humour qu’un enfant. Donc, on ne rigole pas des mêmes choses selon les personnes. Le deuxième niveau est la disponibilité de la personne au moment de l’acte humoristique. En effet, selon Joris (2010), il est nécessaire que les travailleurs sociaux « estiment l’état émotionnel de la personne afin de décider si oui ou non, ils vont utiliser l’humour », mais également de sa capacité à « être en relation » (Joris, 2010, p. 64).

Hypothèse 3 : L’humour a des limites et il y a des sujets dont on ne peut pas rire.

En effet, malgré la bonne volonté du locuteur certaines thématiques n’ont pas toutes le même « degré d’acceptabilité sociale » (Charaudeau, 2006, p. 24). Selon Charaudeau (2006), ce sont généralement des thématiques jugées sacrées par la société, par exemple la mort, l’enfance, le handicap. Nous touchons ici à ce que les auteurs appellent « l’humour noir » et qui pose la question des limites de l’humour, mais également de son contexte d’utilisation. Par exemple, le film « Intouchable » des réalisateurs Olivier Nakache et Éric Toledano (2011) joue brillamment avec cette limite en abordant des thématiques sensibles avec sérieux et légèreté.

Afin de faire le lien avec le travail social, nous pouvons identifier un champ de tension entre la possibilité « théorique » de rire de tout et la réalité des situations sérieuses. Partant de cette hypothèse, il est intéressant d’investiguer le terrain afin de comprendre comment se positionnent les professionnels.

4 Cadre théorique

Afin de débuter, voici le plan de ce cadre théorique. Ce chapitre s’articule en trois parties complémentaires : l’humour, la relation en travail social et enfin l’humour dans la relation d’aide. Pour commencer, je vais définir de manière approfondie l’humour en passant par sa définition, ses effets et enfin nous verrons une manière de classifier. Ensuite, nous nous intéresserons à la relation en travail social pour enfin traiter du sujet de l’humour dans la relation d’aide.

4.1 Définition de l’humour

Humour : comique, moqueur, ironique, thérapeutique, noir, etc. le nombre de termes qui gravitent autour de l’humour illustre bien la complexité à définir ce terme pourtant courant. En effet, de nombreux auteurs comme notamment Freud, Nietzsche, Bergson, Bouquet ont proposé des essais de définition au regard de leur champ de compétence (philosophie, sociologie, psychologie, etc.). Pour cette définition, nous nous concentrons principalement sur les apports de Brigitte Bouquet, Jacques Riffault (2010) et Marie-France Patti (2017) sans pour autant oublier les recherches de tous leurs prédécesseurs. En préambule, notons la subtile proposition de Daniel Sibony : « définir l’humour

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n’aidera pas ceux qui en manquent à en avoir, mais ne devrait pas déranger ceux qui en ont » (Sibony, 2009, p. 35).

C’est au XVIIe siècle, en Angleterre, que l’humour fait sa première apparition dans le dictionnaire pour définir « une disposition à la gaité » (Patti, 2017, p. 16). Ce terme a traversé les époques, les cultures et les pays en prenant tour à tour des définitions différentes. Notons également que « la société a toujours posé des limites à l’humour en fonction de ses valeurs idéales, de la morale et de son seuil de tolérance à la critique et à la liberté » (Patti, 2017, p. 17). Ce début de définition nous relève l’importance du contexte dans lequel l’humour est utilisé. Par exemple, l’humour misogyne ne fait certainement pas l’unanimité dans la communauté féministe, car il entre en contradiction avec certaines valeurs.

Pour continuer, Bouquet et Riffault (2010) nous proposent une liste de « traits constants » dans la littérature sur ce sujet qui résume bien la portée et la complexité de l’humour : « langage et moyen d’expression, forme de liberté de pensée, posture intellectuelle, voire philosophique, phénomène ludique et convivial, créateur de liens… » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 22). Nous pouvons mettre en lumière ces « traits constants » avec le début de notre définition. En effet, nous pouvons facilement imaginer que « la société a toujours posé des limites » devant une ressource aussi puissante qui permet de critiquer celle-ci. Prenons pour témoin Molière, Voltaire ou encore Coluche, qui chacun à leur façon, remettaient en question leurs contemporains.

Pour conclure, les auteurs rajoutent que « la valeur de l’humour serait multidimensionnelle et ses divers bénéfices seraient physiques, psychologiques, sociaux et cognitifs » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 22). Ces quelques caractéristiques qui sont mises en évidence dans cette définition nous montrent la richesse et l’importance de cette ressource tant pour l’individu que pour le collectif. Elles seront développées plus en profondeur dans la suite de ce travail.

4.2 Du rire à l’humour

Bien que ces deux notions soient intimement liées, il est nécessaire de faire la distinction pour la suite de cette étude. Selon Bouquet et Riffault (2010), « le rire est un terme généraliste qui englobe moult notions et définit différentes réalités » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 13). C’est cette multitude de définitions et de réalités qui rend ce terme si compliqué à définir. Par exemple, le rire peut venir d’une situation, d’une moquerie, d’une blague, d’un trait d’humour, d’une nervosité, etc. Notons que le rire englobe également des aspects biologiques et sémiologiques qui ne seront pas traités dans ce travail. Profondément ancré dans toutes les sociétés, le rire « est un mode de communication permettant l’affirmation de soi et ayant une fonction de sociabilité » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 13). Ce mode de communication peut témoigner d’une multitude de tendances telles que « la bienveillance, l’autosuffisance, l’hostilité, la dérision (Smadja,1993 cité par Bouquet & Riffault, 2010, p. 13). Le rire peut donc exister en l’absence d’humour. Nous pouvons prendre pour exemple le ricanement moqueur qui inspire l’hostilité et la dérision. Tout comme l’humour, le rire est un phénomène socioculturel. Il est « prescrit, autorisé ou prohibé selon les sujets (en fonction de l’âge, du sexe, du statut social), le cadre socioculturel, l’objet du message, les émetteurs » (Bouquet & Riffault, 2010, pp. 13-14).

Tout comme l’humour, de nombreux auteurs se sont intéressés à la thématique du rire selon leurs champs de compétence (sociologie, éthologie, psychologie, etc.). Essayer de résumer pourrait faire l’objet d’une étude à part entière. Nous reprendrons donc uniquement les grandes idées d’un auteur contemporain. Selon Sibony (2010), le rire « mobilise ou fait vibrer une coupure intérieure qui nous travaille ; entre l’intime et le social, le visible et le caché, la loi normale et la parole inspirée qui risque

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de la subvertir » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 15). Cette citation relève la complexité des mécanismes du rire, à la fois interne et externe, influencé par le social, mais tout de même subversif. Pour continuer, nous retiendrons la proposition de différenciation suivante « Nous appellerons « rire », l’extériorisation physique et plus précisément vocale qu’engendre un événement qui présente d’une manière ou d’une autre, un aspect comique » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 16). Selon les auteurs, la notion « comique » est utilisée pour reprendre toutes les « formes causales du rire » par exemple l’ironie, la blague, etc.

En conclusion, nous pouvons dire qu’il est difficile de différencier le rire de l’humour notamment en raison de la multitude de termes et de phénomènes qui entrent dans le champ du rire. De plus, le rire et l’humour sont étroitement liés, car bien souvent l’humour donne naissance au rire et vice versa. Enfin, nous retiendrons le rire comme un effet causal de l’humour.

4.3 Une relation triadique

Pour continuer, l’humour est une relation triadique entre trois protagonistes (Charaudeau, 2006, p. 22). La première personne qui intervient dans cette relation est le locuteur. C’est celui qui « à l’intérieur d’une situation de communication produit l’acte humoristique » (Charaudeau, 2006, p. 22). Par exemple, cet acte pourrait être une boutade dans une conversation, un dessin dans une revue ou encore une blague dans une chronique radio. La problématique que rencontre le locuteur est celle « de sa légitimité de ce qui l’autorise à produire l’acte humoristique » (Charaudeau, 2006, p. 22). Il doit en effet tenir compte de plusieurs composants tels que « la nature de son interlocuteur », « la relation qui s’est instaurée entre eux » ainsi que « des circonstances dans lesquelles il est produit » (Charaudeau, 2006, p. 22). Nous pouvons facilement imaginer qu’une blague sur une thématique sensible n’aura pas le même effet à une veillée funéraire qu’au bar du coin.

Le second protagoniste est le destinataire de l’acte humoristique, celui-ci peut être complice, dans ce cas il sera « appelé à renter en connivence avec le locuteur » (Charaudeau, 2006, p. 23) ou victime. Dans le cas où le destinataire est victime, donc la cible, trois choix s’offrent à lui. La première solution est de répliquer, par exemple par une autre blague. La seconde est d’acquiescer et donc accepter de rire. Enfin, le destinataire peut feindre l’ignorance et faire la sourde oreille (Charaudeau, 2006, p. 23). Pour continuer, le dernier élément est la cible. C’est le sujet sur lequel porte l’acte humoristique. Cela peut-être des personnes ou groupes de personnes « dont on met à mal le comportement psychologique ou social en soulignant les défauts ou les illogismes dans ses manières d’être et de faire au regard d’un jugement social de normalité » (Charaudeau, 2006, p. 23). Mais cela peut également être une situation, fruit du hasard, dont on cherche à mettre en évidence le caractère singulier et cocasse. Pour finir, cela peut également être « une idée, opinion ou croyance, dont on montre les contradictions voire le non-sens » (Charaudeau, 2006, p. 24). Pour illustrer ce dernier point, lors d’une discussion dans un groupe, la cible d’une blague pourrait être une décision d’un protagoniste que le locuteur de l’acte humoristique trouve illogique. Son objectif est donc de relever au groupe cette incohérence.

En résumé, l’humour nécessite trois protagonistes : le locuteur, le destinataire et la cible qui au travers d’un acte humoristique partagent ou non une vision décalée, absurde, dénonciatrice, etc. de la réalité. Pour continuer, nous nous intéresserons aux effets de l’humour de manière générale.

4.4 Effets de l’humour

Selon les auteurs, les époques et les cultures, une multitude d’effets ont été attribués à l’humour. Charaudeau (2006) propose quatre types d’effet possibles sur le destinataire. Ces effets sont

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« possibles », car le locuteur « n’est jamais sûr que l’effet visé corresponde en tout point à l’effet produit » (Charaudeau, 2006, p. 35). Le premier effet entre le locuteur de l’acte humoristique et le destinataire est la « connivence ludique » (Charaudeau, 2006, p. 36). Nous pouvons résumer cet effet au plaisir « de rire pour rire », sans jugement critique ou moral. Prenons pour exemple un enfant qui raconte des bêtises à ses camardes. Le second effet est la « connivence critique » (Charaudeau, 2006, p. 36). Ici, l’effet escompté n’est plus du plaisir, mais plutôt l’attaque de la cible. Le locuteur propose au destinataire « une dénonciation du faux-semblant de vertu qui cache des valeurs négatives » (Charaudeau, 2006, p. 36). Il cherche ici « une contre-argumentation implicite » (Charaudeau, 2006, p. 36) de la part du destinataire. Selon l’auteur, cette visée est par exemple utilisée dans la caricature de presse ou encore dans les débats politiques. Ensuite, la « connivence cynique » est selon Charaudeau (2006) celle qui est la plus destructrice. En effet, elle cherche « à faire partager une dévalorisation des valeurs que la norme sociale considère comme positives et universelles » (Charaudeau, 2006, p. 37). Selon l’auteur, elle est plus violente que la « connivence critique », car elle ne cherche même pas de « contre argumentation implicite », mais juste un effet « ravageur et destructeur » (Charaudeau, 2006, p. 37). Nous pouvons prendre pour exemple les blagues sexistes. Le quatrième effet est la « connivence de dérision » (Charaudeau, 2006, pp. 37-38). Celle-ci vise à rabaisser une cible qui est ou se pense supérieure. Charaudeau (2006) cite deux principales raisons, le mépris ou l’insignifiance face à cette cible. Pour cette visée, l’effet est double, il dénonce une usurpation de pouvoir et en même temps critique cette position de pouvoir (Charaudeau, 2006). Enfin, la dernière visée est la « plaisanterie » dans le sens où le locuteur « ponctue ce qui vient d’être dit par un commentaire pour ôter au propos son caractère sérieux » (Charaudeau, 2006, p. 38). Par exemple quand le locuteur déclame « non, mais… je rigole » après un commentaire trop choquant ou incohérent. Malgré une critique pourtant évidente, le locuteur cherche à « annuler » ou nuancer ses propos.

4.5 Classifier l’humour

Malgré la diversité incommensurable des formes d’humour que nous pouvons imaginer (comique, ironique, etc.), certains auteurs ont tenté d’analyser les différentes formes d’humour. Selon Charaudeau (2006), la difficulté à classer les formes d’humour vient du fait que les auteurs se divisent en deux grandes catégories. Les premiers pensent « qu’analyser c’est déstructurer pour classer » et les seconds « qu’en déstructurant, on ne reconnaît plus rien de l’objet et donc qu’il faut en faire un commentaire suivi » (Charaudeau, 2006, pp. 26-27). Malgré les apports très intéressants de Charaudeau (2006) notamment dans la compréhension fine de l’humour et de ses effets, il propose une perspective linguistique qui n’est pas pertinente pour mon terrain. Son système de classification est adapté à une analyse de texte et n’est donc pas opérant pour mon analyse. Mon choix de catégorie s’est donc porté sur les apports de Bouquet et Riffault (2010). Ces auteurs proposent une catégorisation des formes du rire dont l’humour est une des catégories.

Afin de mieux comprendre l’humour, ces auteurs décortiquent les différentes formes du rire en six catégories distinctes. De plus, ils cherchent à comprendre ce qui les différencie de l’humour. La première forme de rire est le comique. En dehors d’un sens théâtral « le comique englobe ce qui fait rire, mais de manière involontaire et c’est cet aspect involontaire qui le différencie de l’humour » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 16). Un exemple de situation comique pourrait être un quiproquo, un lapsus, une mimique, etc. Le comique fait généralement « tenir ensemble des éléments contradictoires, ce qui est condamné à être dissocié » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 16).

La seconde catégorie est l’ironie. Dans cette forme particulière, le locuteur feint l’ignorance afin d’interroger quelque chose ou de se moquer, il dit généralement le contraire de ce qu’il pense (Bouquet & Riffault, 2010, p. 16). L’ironie se distingue de l’humour en ce sens qu’il vise généralement à ridiculiser le destinataire « alors que l’humour est une relativisation qui engendre la sympathie »

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(Bouquet & Riffault, 2010, p. 17). Malgré des mécanismes similaires, l’humour et l’ironie se différencient essentiellement sur les effets que cela peut avoir sur le destinataire. Notons tout de même que certains auteurs font la « distinction entre l’ironie purement dénonciatrice et l’ironie «humoresque», qui s’ouvre aux autres » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 18).

Pour continuer, la troisième forme regroupe plusieurs types : la moquerie, la raillerie, le mot d’esprit, la satire et enfin la blague. Selon les auteurs, moquerie et raillerie sont des synonymes qui s’apparentent à une forme d’injure. Pour ce qui concerne le mot d’esprit, « il est une réplique fine et subtile, pas toujours bien intentionnée alors que l’humour a un côté transcendant » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 18). Enfin selon Bouquet et Riffault (2010), la blague « frappe par ses ambiguïtés et désigne tantôt une parole trompeuse, tantôt une parole plaisante ».

La quatrième forme est la dérision. Son objectif est de blesser, rabaisser, critiquer une cible précise, elle n’a donc aucunement la légèreté de l’humour (Bouquet & Riffault, 2010, p. 19). De plus, elle porte « une dimension de contestation, de remise en cause de l’ordre établi » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 19). Selon Bouquet et Riffault (2010), cette forme est utilisée dans toute forme de critique d’un rapport de pouvoir afin de rééquilibrer celui-ci.

Ensuite, la cinquième catégorie est l’autodérision, elle est définie comme « une aptitude à reconnaître ses défauts en s’en moquant soi-même et en en faisant rire autrui » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 20). Cette forme est selon les auteurs salutaires en travail social, car elle permet de se protéger de « l’esprit de sérieux » qui alourdit la charge à porter au quotidien. Il n’est en effet pas rare que les travailleurs sociaux et les bénéficiaires prennent le parti de rire d’une situation devant l’adversité commune. Cependant, Bouquet et Riffault (2010) ajoutent qu’il est important que l’autodérision ne se transforme pas en autodépréciation ou encore en apologie cynique du désespoir.

Enfin, la dernière catégorie est tout simplement l’humour. Afin de ne pas reprendre les éléments de définitions du chapitre 4.1, nous ne redéfinirons pas l’humour dans ce paragraphe. Nous profiterons tout de même d’approfondir quelques caractéristiques que nous pouvons mettre en lien avec le travail social. Le premier élément est que l’humour est « une attitude existentielle qui implique de savoir rire de soi-même » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 22). En effet, nous pouvons imaginer que si le destinataire n’arrive pas à rire de lui-même, il peut le vivre comme une agression. L’humour devient alors source de souffrance. Un second élément mis en évidence par Bouquet et Riffault (2010) est que l’humour permet de se défendre face à une situation angoissante. Enfin, l’humour peut influencer les rapports entre les personnes, car il y a un aspect de correcteur social (Bouquet & Riffault, 2010, p. 22).

En conclusion, cette typologie des formes du rire me donne des éléments pour les différencier sur le terrain. Bien que les auteurs parlent ici des formes du rire et non de formes d’humour, cette classification reste pertinente afin de traiter le sujet de l’humour.

4.6 La relation en travail social

Après ces différents éléments de compréhension de l’humour, nous nous intéresserons à la relation entre bénéficiaires et travailleurs sociaux. Dans une première partie, nous définirons « la relation en travail social ». Enfin dans une seconde partie, nous réfléchirons à l’humour dans la relation d’aide. Selon le dictionnaire pratique du travail social (2010), la relation est particulièrement ancrée dans les professions sociales et éducatives. Elle représente même le dénominateur commun entre celles-ci (Rullac & Ott, 2010, p. 302). En effet, la relation est au centre de l’action chez l’éducateur social, l’assistant social ou encore l’animateur socioculturel. Selon les situations, elle peut apparaître comme « une condition de leur [les travailleurs sociaux] travail » (Rullac & Ott, 2010, p. 302). Par exemple, il

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est impensable d’essayer de résoudre un conflit entre des bénéficiaires sans une relation préalable, gage de légitimité. Ensuite, la relation représente également « la matière » même du travail social (Rullac & Ott, 2010, p. 302). Finalement, elle peut parfois être une finalité : établir une relation entre des usagers, des bénéficiaires, des institutions, etc. (Rullac & Ott, 2010).

Pour poursuivre, le terme « relation » est parfois utilisé dans plusieurs sens (contact, lien, relation). Il est donc nécessaire de faire la distinction entre ces différents sens. Le contact « semble être le préalable à tout travail », il peut se réaliser par hasard ou il peut au contraire être provoqué (Rullac & Ott, 2010, p. 303). Par exemple, une éducatrice de rue peut réaliser les premiers contacts avec des jeunes de manière fortuite. Ensuite, le lien social en travail social est généralement vu d’un point de vue sociologique comme « indicateur d’intégration, de socialisation d’un individu » (Rullac & Ott, 2010, p. 303). Finalement, la relation se distingue de ces deux termes, car elle « implique une réciprocité, une rétroaction et un effort commun » (Rullac & Ott, 2010, p. 303).

Le travailleur social entre en relation avec les usagers dans un cadre bien précis et professionnel. Il utilise ses compétences pour instaurer une relation socio-éducative. Cette relation « doit faire l’objet de distance, mais aussi sans que cela soit contradictoire de proximité » (Rullac & Ott, 2010, p. 304). Une certaine distance pour permettre « une analyse collective des situations et de l’expérience, mais également une proximité grâce à des outils éducatifs comme « la congruence » et « l’empathie » » (Rullac & Ott, 2010, p. 304). Enfin le travail dans une relation socio-éducative nécessite pour le professionnel une triple activité : « l’observation de la relation », « l’analyse de la relation » et enfin « l’action sur la relation elle-même » (Rullac & Ott, 2010, p. 304).

4.7 L’humour dans la relation d’aide

Nous avons tous en tête des situations professionnelles où un acte humoristique a été créateur d’un rapprochement ou d’un renforcement du lien entre les protagonistes. Mais il est également important de définir les limites de l’humour en travail social. Dans une première partie, nous explorerons les avantages de l’humour dans la relation d’aide puis ses limites.

À partir d’une enquête de terrain réalisée en 2010 par Joris auprès de quatorze travailleurs sociaux, deux usagers, et complétée par des entretiens avec des groupes, des constats ont pu être établis quant à l’utilisation de l’humour dans la relation d’aide. Selon cette enquête, l’humour est un moyen « de détendre la relation, de mettre à distance, de faciliter la relation, de rééquilibrer la relation, de se défendre, de faire réagir ou déjouer l’agressivité » (Joris, 2010, p. 62). Mais c’est également un excellent moyen « de rétablir son équilibre intérieur » par exemple, par un processus de mise à distance de la souffrance de l’autre. Grâce à cette enquête, six objectifs de l’utilisation de l’humour dans la relation d’aide ont pu être identifiés par Joris (2010).

Le premier objectif est «de détendre et de faciliter la relation ». En effet, les usagers arrivent souvent avec une grande souffrance et de nombreuses difficultés. L’humour permet alors de « les libérer de la pression et de soulager leur tension ». Ensuite, le second objectif est de « mise à distance ». Cette mise à distance peut permettre de relativiser, dédramatiser et aider par exemple à accepter son impuissance dans une situation. L’objectif suivant est le « rééquilibrage de la relation ». Effectivement, la relation d’aide implique indubitablement un aidé et un aidant, donc une relation d’inégalité. L’humour participe ici à créer une alliance et à « désamorcer l’agressivité latente qui émane de la personne ». Le quatrième objectif est de « faire passer un message ». Certains messages sont parfois délicats ou difficiles à entendre pour les bénéficiaires. L’humour permet par exemple de briser la glace ou encore de parler d’une situation sous un autre angle. Ensuite, le cinquième objectif est « de se défendre ou défendre sa position en cas de relation extrêmement tendue ou en cas de tentative de séduction ». Afin d’illustrer ce cinquième objectif, une personne interviewée par Joris (2010) explique

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qu’elle utilise souvent l’humour quand ses jeunes bénéficiaires essayent de la draguer. L’humour permet ici de poser des limites tout en maintenant la relation avec les adolescents. Finalement, le dernier objectif est de « déjouer l’agressivité » dans une situation de conflit, l’humour est une possibilité. Un exemple pourrait être d’accepter de prendre sur soi et faire de l’autodérision. Afin de conclure cette première partie, nous pouvons relever la multiplicité des situations dans laquelle l’humour peut être utilisé. Cela met en évidence la puissance de l’humour dans la relation d’aide. Concernant les limites de l’humour, selon Joris (2010) elles sont différentes selon chaque professionnel. Mais l’avis des professionnels interviewés converge sur la notion de respect et sur le fait qu’on ne peut pas rire de tout. Au sujet des thématiques, nous avons vu que selon Charaudeau (2006), ce sont les thématiques jugées sacrées par la société qui polarisent le plus. Cette polarisation se retrouve également dans l’enquête de Joris (2010). Ainsi, elle relève que les thématiques sur lesquelles on peut rire ou non divergent selon les professionnels. Par exemple, certains professionnels pensent qu’il ne faut pas rire de la maladie, car c’est un sujet trop sensible, or d’autres, confrontés quotidiennement à cette thématique pensent que c’est le meilleur moyen pour « dédramatiser ». En d’autres mots, nous pouvons voir que les limites de l’humour sont difficilement désignables en travail social, car selon l’enquête de Joris (2010), de nombreux professionnels arrivent à rire de thématiques sérieuses, car c’est la réalité de leur terrain. Rire s’impose alors presque comme une nécessité pour eux. Les limites de l’humour changent alors en fonction du professionnel et de son contexte d’intervention.

L’auteure avance qu’« il est possible que la question des limites de l’humour renvoie chaque travailleur social à ses limites personnelles, à son vécu, ce qui expliquerait cette grande disparité d’attitudes » (Joris, 2010, p. 64). Cela montre que l’humour dans la relation d’aide est un sujet subjectif. En effet, chaque travailleur social a une identité professionnelle et un rapport à l’humour qui lui est propre, qu’il adapte et utilise selon les diverses situations qu’il rencontre. Un autre élément important que l’auteure relève est la capacité des professionnels à « estimer l’état émotionnel de la personne afin de décider si oui ou non, ils vont utiliser l’humour », mais également de sa capacité à « être en relation » (Joris, 2010, p. 64). Sans cette compréhension fine de la situation, l’humour peut être un véritable danger en travail social. Nous voyons ici que les limites de l’humour se construisent dans la relation et qu’elle est à double sens. C’est bien la rencontre entre les limites du travailleur social et celles des bénéficiaires qui permet de définir où se trouve la limite.

En conclusion, l’humour dans la relation d’aide offre de nombreuses opportunités par exemple pour faciliter la relation avec les personnes. Son utilisation est propre à chaque professionnel selon de multiples facteurs personnels (vécu, limites personnelles, etc.). Ensuite, ce ne sont pas tant les thématiques qui définissent les limites de l’humour, mais plus le contexte de son utilisation et la disponibilité des bénéficiaires. Enfin, les limites de l’humour sont une construction entre le travailleur social et le bénéficiaire. Pour poursuivre, le prochain chapitre s’intéressera à la méthodologie utilisée pour cette recherche.

5 Méthodologie

Dans un premier temps, je définirai le terrain d’enquête sélectionné pour ensuite délimiter plus précisément le public cible et l’échantillonnage. Pour continuer, je présenterai la méthode de récolte de données sélectionnées et ses limites. Enfin, je conclurai avec les enjeux éthiques de cette recherche.

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5.1 Terrain d’enquête

Pour réaliser cette étude, j’ai décidé de cibler trois institutions sociales valaisannes accueillant des publics différents afin de comprendre comment l’humour est utilisé. L’objectif est de pouvoir croiser le regard entre ces différents contextes. Après réflexion, mon choix de population est la suivante : enfants et adolescents, personnes en situation de handicap et personnes âgées. Afin de préserver l’anonymat de ces institutions, je vais simplement les présenter brièvement.

La première institution est un établissement Médico-Social pour personnes âgées qui accueille des résidents bénéficiant de l’AVS et ne pouvant plus rester à domicile. Dans cette structure, une équipe d’animation organise quotidiennement des activités diverses telles que de la peinture, des chants, de la gymnastique.

La seconde institution a pour mission d’accueillir, d’accompagner et de former des personnes en situation de handicap mental. Cette structure se situe dans un petit village et collabore avec les ressources de celui-ci afin d’intégrer socialement les résidents. De plus, ce centre dispose de différents appartements en fonction de la compétence et de l’autonomie des personnes accueillies.

Enfin, la dernière institution a pour mission d’offrir un accueil de moyen à long terme à des mineurs âgés de 5 à 18 ans qui pour différentes raisons ne peuvent rester à domicile. Par exemple, certains de ces jeunes ont vécu des négligences éducatives importantes, des violences domestiques, ou encore des ruptures sociales et scolaires.

Concernant les éventuels risques qui concernent les terrains d’enquête, le premier risque est que les institutions ne répondent pas positivement à mes demandes en raison d’un manque de temps ou d’une trop grande sollicitation des étudiants en travail social. Il est donc important de les prévenir suffisamment tôt et de prévoir un plan B. Le second risque envisagé est que les institutions trouvent ce sujet pas assez sérieux.

5.2 Public cible

Le choix du public cible est le suivant : des travailleurs sociaux engagés dans une des trois structures de mon terrain d’enquête. Mon choix s’est porté sur des professionnels qui accompagnent au quotidien des bénéficiaires, afin de pouvoir comprendre comment ils utilisent l’humour dans leur quotidien professionnel.

Pour conclure, je me suis questionné sur la pertinence d’interroger la direction des institutions concernées. En effet, je pense que cela aurait pu être riche pour mon étude. Par exemple, pour observer la différence de perception entre la direction et les travailleurs sociaux. Cependant, cette démarche aurait nécessité un temps plus long que celui demandé par ce travail.

5.3 Échantillon

Selon Pascal Lièvre (2006) pour des raisons pragmatiques lors d’une recherche en travail social, il est essentiel de déterminer un échantillon de la population que nous allons interroger. Il définit l’échantillon comme un :

« Groupe d’individus extrait d’une population donnée, sous certaines conditions, choisies de manière que les conclusions de l’étude qu’il subit puissent être généralisables à l’ensemble de la population mère : en particulier, il faut veiller à ce que toutes les situations possibles, dans lesquelles peuvent se trouver les unités de la population mère, soient présentes dans l’échantillon » (Lièvre, 2006, p. 87)

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Les raisons de ce choix est qu’il est impossible et pas nécessaire d’interroger toute la population concernée par notre recherche pour obtenir des résultats fiables. Pour continuer, afin d’assurer « une représentativité statistique », Pascal Lièvre (2006) suggère de répondre aux deux questions suivantes : comment choisir les individus qui font partie de l’échantillon et quelle doit être la taille de l’échantillon ? Concernant la première question, le choix s’est fait en fonction des personnes disponibles et d’accord de participer à un interview le jour de ma visite dans les institutions concernées. Au sujet de la taille de l’échantillon, j’ai décidé d’interroger deux travailleurs sociaux par institution afin d’avoir un point de comparaison entre les institutions, mais également entre les personnes d’une même institution. Ensuite, le choix de l’échantillon se fera par la méthode de « choix raisonné ». La raison est l’impossibilité de constituer une base de données suffisamment fiable afin de faire un choix selon la méthode « probabiliste ». Pour ce faire, je vais sélectionner des éducateurs en respectant au maximum des critères de sexe, d’âge et d’institution.

Pour résumer, j’ai effectué six interviews de 15-30 minutes dans trois institutions différentes. Dans chaque institution, j’ai interviewé deux personnes titulaires d’une formation en travail social et travaillant quotidiennement avec les bénéficiaires de leur institution respective. Afin de respecter la sphère privée des personnes interviewées, des prénoms d’emprunt ont été utilisés.

• Institution accueillant des personnes âgées : Anne et Zoé

• Institution accueillant des personnes en situation de handicap : Mélanie et Nicolas • Institution accueillant des mineurs en difficultés : Mathis et Léo

5.4 Méthode de récolte de données

Lors d’une recherche en travail social, il existe plusieurs méthodes « classiques » afin de récolter des données fiables. Ces méthodes sont les suivantes : le corpus documentaire, l’observation en situation, le questionnaire et l’entretien. Afin de choisir la méthode adaptée à ma recherche, il est nécessaire de bien définir le type de résultat que je recherche. Pour ce travail, j'étudie la place de l’humour dans la relation entre bénéficiaire et travailleur social. Par conséquent, l’approche sera de type qualitatif. Le questionnaire n’est donc pas adapté, car c’est une méthode quantitative qui montre des tendances chiffrées. De plus, la rigidité du cadre laisse peu de place pour les commentaires et les informations des personnes interviewées (Van Campenhoudt & Quivy, 2011). Pour poursuivre, le corpus documentaire n’est également pas adapté, car je cherche à obtenir l’avis des protagonistes et non l’analyse d’un corpus. Ensuite, je ne sélectionne pas l’observation en situation, car mon objectif est d’avoir accès au discours des protagonistes et non une observation de leur pratique. Mon choix de récolte de données se porte donc sur l’entretien. Je le trouve particulièrement intéressant, car les entretiens permettent notamment « l’analyse du sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux événements auxquelles ils sont confrontés » (Van Campenhoudt & Quivy, 2011, p. 175). Néanmoins, je suis conscient des limites de cet outil comme les éventuelles divergences entre le discours d’une personne et la réalité du terrain.

Après cette première étape, il me reste à définir le type d’entretien qui est le plus adapté à ma recherche. Les trois types d’entretien les plus courants sont l’entretien libre, semi-dirigé et dirigé. Le premier offre une grande liberté à l’interviewé, il est par exemple particulièrement adapté au récit de vie. Au contraire, l’entretien directif laisse très peu de place à la « conversation », les questions sont préparées et posées dans un ordre précis. Enfin, mon choix s’est porté sur le modèle le plus courant : l’entretien semi-directif. Selon les auteurs, « il est semi-directif en ce sens qu’il n’est ni entièrement ouvert ni canalisé par un grand nombre de questions précises » (Van Campenhoudt & Quivy, 2011, p. 176). Je trouve cet outil pertinent en ce sens que mon objectif est d’explorer la réalité du terrain des professionnels et des bénéficiaires. Ce type d’entretien leur permettra d’avoir une certaine liberté

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d’expression. Cependant, il est primordial que je construise en parallèle « ma méthode de recueil et d’analyse des informations » (Van Campenhoudt & Quivy, 2011, p. 176) afin de pouvoir faire une analyse pertinente. Les principaux avantages de ce modèle sont : « le degré de profondeur des éléments recueillis » et la souplesse du dispositif (Van Campenhoudt & Quivy, 2011, p. 176). Cette souplesse permet une plus grande adaptation à la personne interviewée et donc une plus grande richesse de réponse. Cependant, notons également que cette souplesse peut « effrayer ceux qui ne peuvent travailler avec sérénité sans directives techniques précises » (Van Campenhoudt & Quivy, 2011, p. 176). Pour poursuivre, le chapitre suivant propose de clarifier la préparation des entretiens.

5.5 Entretien exploratoire

Après discussion avec ma directrice de travail de Bachelor, nous avons décidé d’un commun accord de réaliser un entretien exploratoire avant d’effectuer les entretiens semi-directifs. L’objectif de cette démarche a été de m’aider à la création d’un guide d’entretien, en testant certaines questions. Plus précisément d’observer comment la personne va répondre aux questions, et comment la personne parle de cette thématique (avec facilité ou non). J’ai décidé donc d’interviewer une personne de mon entourage. Les deux critères qui m’ont permis de définir la personne sont les suivants :

- Une personne travaillant dans un métier de type « social »

- Une personne qui est intéressée par cette thématique et qui pense utiliser l’humour dans son quotidien professionnel

En préambule de l’interview, j’ai présenté à la personne interviewée le sujet de l’étude. De plus, je lui ai proposé de réfléchir à des situations où elle a utilisé l’humour dans sa pratique professionnelle. Ensuite, j'ai délibérément décidé de ne pas l'informer sur le temps de l’entretien afin de ne pas l’influencer. L’objectif est de définir s’il est plus pertinent pour la suite de mon travail de faire six interviews d’une trentaine de minutes ou trois interviews d’une heure. J’ai décidé également de ne pas retranscrire l’entretien, car le discours ne sera pas analysé.

Voici mes impressions après ce premier entretien : il est important de demander aux personnes de se préparer à répondre à des questions sur cette thématique afin qu’elles réfléchissent à des situations concrètes. Mon objectif étant d’analyser et de comparer les discours, je ne peux pas me contenter de situations générales comme cela a pu être le cas dans mon entretien exploratoire. J’envisage également de leur demander de noter pendant une semaine des situations où elles ont utilisé l’humour. J’ai également pu observer que cette thématique relativement peu « sérieuse » est peut-être un avantage, car les personnes parlent plus librement de situations qu’elles ont vécues. Je note également qu’une fois l’entretien terminé, la personne parle encore de longues minutes de la thématique et parfois même de façon plus libérée. Je devrais donc faire attention à ne pas couper l’enregistrement trop tôt. Pour ce qui concerne le temps des interviews et ce thème, je pense qu’il est intéressant de faire plusieurs interviews (5-6) de 20-30 minutes afin d’avoir un panel de situations différentes. Enfin, il est important que je précise à la personne qu’il est parfois compliqué de raconter une histoire drôle, car son caractère humoristique vient justement de l’instant vécu et se raconte donc difficilement. Je peux donc lui préciser que mon but n’est pas de rire de cette situation, mais plutôt de comprendre finement la situation, le contexte.

En conclusion, cet entretien m’a permis de clarifier plusieurs points notamment : le temps d’entretien (15-30 minutes), les limites et avantages de ce sujet, l’importance des relances, etc. Grâce à cette première expérience, je me suis senti plus à l’aise lors de mes premiers entretiens. Pour la suite de mon parcours académique et professionnel, je retiens également que ces entretiens m’ont permis de tester ma grille d’entretien et ma posture sans aucune pression.

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5.6 Enjeux éthiques

Comme tous travaux de recherche HES-SO en travail social, il est essentiel de se référer au « code d'éthique de la recherche » édité par le Groupe romand de coordination Travail de Bachelor en 2008. Ce code propose des principes généraux que chaque chercheur et apprenti chercheur doit s’approprier et adapter à son étude. En ce qui me concerne, voici ci-dessous les principes que j’ai décidé de mettre en avant pour cette recherche. Cependant, je n’oublie pas pour autant les autres principes et le code de déontologie en travail social en Suisse édité en 2010 par AvenirSocial.

5.6.1 Consentement libre et éclairé du sujet partenaire de la recherche

Afin de répondre à ce premier point, j’ai avisé chaque participant ainsi que leur supérieur oralement des enjeux et des buts de ma recherche. De plus, afin de garantir leurs droits fondamentaux, ils sont également avisés de leur choix de participation et de rétractation à tout moment.

5.6.2 Respect de la sphère privée.

Pour respecter leur sphère privée, tous les acteurs de cette recherche ont été informés du traitement de leurs données (enregistrement audio, retranscription, etc.). Ils peuvent également, s’ils le désirent, choisir un nom d’emprunt et modifier quelques éléments notables afin qu’ils ne soient pas reconnaissables par le lecteur. De plus, les données récoltées qui n’apparaissent pas dans le document final ont été détruites dès la fin du processus.

5.6.3 Sources

Pour conclure, je m’engage à respecter la propriété intellectuelle de toutes les sources que je mentionne ou cite et à suivre les normes en vigueur lors de l’écriture dans ce travail de Bachelor.

6 Présentation et analyse des données

Après avoir effectué six interviews dans trois institutions respectives, j’ai procédé à différentes étapes afin d’analyser le contenu récolté. Pour ce faire, je me suis référé à la méthodologie proposée dans l’ouvrage « l’analyse de contenus » (Bardin, 2013). La première étape de ce processus fut la retranscription des entretiens. Ensuite, une lecture flottante m’a permis de faire une première approche avec la masse de données recueillies. Puis, j’ai repris mes hypothèses et relu mon cadre théorique afin de découper le contenu de mes interviews en thématiques, catégories et sous-catégories. L’objectif de cette étape fut de créer un tableau d’analyse me permettant de mettre en lumière et de comparer le discours des personnes interviewées. Ensuite, j'ai complété mon tableau d’analyse avec chaque entretien. Pour finir, afin de discuter mes hypothèses, j’ai ordonné mes thématiques pour construire le fil rouge de cette analyse.

6.1 Hypothèse 1 : L’humour comme outil

Cette première hypothèse propose de réfléchir à l’utilisation de l’humour de manière consciente ou non comme un outil par les travailleurs sociaux. Grâce à l’analyse des interviews, j’ai pu identifier trois axes qui représentent le fil conducteur de cette hypothèse. Le premier axe s’intéresse à l’utilisation de l’humour comme un outil au service de la relation. Le second envisage l’humour comme un moyen de communication. Enfin, le troisième axe se centre sur l’humour comme un outil pour supporter le quotidien. Pour conclure, je discuterai l’hypothèse au regard de cette analyse.

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6.1.1 Un outil au service de la relation

Un premier élément que les personnes interviewées ont relevé est l’utilisation de l’humour au service de la relation. Par exemple, Mélanie qui travaille avec des personnes en situation de handicap nous explique que l’humour :

« C'est vraiment une base pour moi, pour déjà au début créer du lien avec la personne et puis un peu chercher les centres d'intérêt ou les choses comme ça et dès qu'en fait il y a ce lien on peut encore plus jouer sur l'humour ».

Cette citation relève que l’humour peut constituer une première approche pour créer du lien avec les bénéficiaires. De plus, selon Mélanie, cette première approche amène un peu de légèreté dans un contexte parfois pesant et permet d’apprendre à connaître la personne. Notons cependant que Zoé est en opposition avec cette idée, car elle nous confie ne pas utiliser l’humour quand elle ne connaît pas la personne pour ne pas prendre de « risque » et être dans une démarche de « recueil d’informations ». Nous pouvons donc faire l’hypothèse que l’humour peut être un outil pour créer la relation en travail social, mais que son utilisation est propre à la personnalité de chaque professionnel. Pour continuer, l’humour est également une manière de vivre des moments de complicité et donc de renforcer des liens déjà existants. Par exemple, Mélanie nous explique son rituel avec une résidente :

« Elle a des gouttes dans les yeux le soir, tous les soirs et à chaque fois je vais et je lui dis "ouvre la bouche" et elle éclate de rire parce qu’elle sait très bien que c'est dans les yeux [bah oui] et puis elle...voilà elle ouvre la bouche puis elle se marre à n'en plus finir du coup c'est des petits moments en fait que maintenant c'est presque des fois un rituel ».

Elle nous explique également l’importance de ce rituel qui lui permet de « vivre des moments privilégiés », mais c’est également pour elle une manière de préparer la résidente à se mettre au lit dans de bonnes conditions. De plus, Mélanie nous dit avec beaucoup de simplicité que c’est aussi pour faire rire sa résidente et donc lui faire plaisir. Nous pouvons voir qu’elle utilise donc l’humour de manière volontaire comme un outil avec un but précis en tête. Afin de faire du lien avec notre cadre théorique, nous pouvons mettre en lien ses premières observations avec la recherche de Joris (2010) qui explique que le premier objectif de l’utilisation de l’humour dans le travail social est «de détendre et de faciliter la relation » (Joris, 2010, p. 62). Nous retrouvons donc ces éléments dans notre analyse.

6.1.2 Un outil de communication

Dans cette seconde partie, nous nous intéresserons plus particulièrement à l’humour comme un moyen de communication. En effet, lors de l’analyse des données recueillies, cet axe a été particulièrement mis en évidence par les travailleurs sociaux. Cet outil de communication s’utilise de multiples façons en fonction du contexte et de la personnalité des travailleurs sociaux.

La première utilisation de l’humour comme un moyen de communication est pour faire passer un message difficile. Nous pouvons prendre pour exemple la situation de Léo le jour où il y a dû annoncer à son directeur qu’il avait fait une touchette avec le bus de son institution. Il nous explique avoir utilisé l’humour pour « faire passer la pilule plus facilement ». Cependant, il relève que :

« C’est à double tranchant, car je ne le connaissais pas beaucoup et je ne savais pas comment il répondait à l’humour et surtout si on peut se le permettre dans ce genre de cas, et il s’avère que c’est bon ».

Nous retrouvons également cette idée de « sujet sensible » chez Zoé, qui rappelons, travaille avec des personnes âgées. En effet, elle utilise régulièrement l’humour pour parler de la mort avec ses résidents afin de dédramatiser certaines situations. En d’autres mots, nous pouvons observer que l’humour peut

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permettre de parler avec plus de légèreté d’un sujet sérieux, mais également de proposer un autre angle de lecture d’une situation. Nous retrouvons également cette idée dans l’étude de Joris (2010) qui explique que l’humour est utilisé pour « faire passer un message » (Joris, 2010, p. 63) par les travailleurs sociaux.

La seconde utilisation de l’humour comme moyen de communication est pour éviter un conflit. Ainsi, Mathis qui travaille avec des adolescents en foyer nous explique que dans son institution, l’humour est souvent utilisé dans cette optique, mais également pour se « défendre ». Nous reviendrons ultérieurement sur ce second point. En ce qui concerne les conflits, il nous explique utiliser l’humour pour communiquer de manière différente et par exemple éviter de dire dix fois la même chose sur le même ton, ce qui pourrait tendre une situation. Il utilise également l’humour pour éviter des conflits sur des sujets futiles comme l’heure du coucher ou encore le temps d’écran. Nous pouvons constater que l’humour permet de communiquer de manière détournée et de rester en lien avec les jeunes. Au sujet de l’humour pour se défendre, c’est également Mathis qui nous explique l’utiliser dans son quotidien professionnel. Dans la situation qu’il développe, il nous confie qu’il lui arrive de bégayer par précipitation, or les jeunes profitent de cela pour le taquiner. Alors il nous dit :

« J’utilise l’autodérision dans ce sens que ces jeunes avec qui on travaille sont souvent en train de tester la limite de l’éduc de voir où il y a une faille, de voir, si on peut piquer, si on peut lui faire mal, le déstabiliser, en faisant de l’autodérision, on montre qu’on n’est pas infaillible, parce que je ne pense pas que je suis infaillible, mais en tout cas on montre que pour cette histoire de bégaiement, ça va je vais réussir à dormir cette nuit ».

D’abord, l’autodérision peut se définir comme « une aptitude à reconnaître ses défauts en s’en moquant soi-même et en faisant rire autrui » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 20). Dans cette situation, elle a également pour fonction de répondre aux remarques des jeunes tout en restant en lien avec eux. Nous pouvons faire l’hypothèse que c’est également un moyen pour Mathis de se défendre devant ces tentatives de déstabilisation et de faire face.

Enfin, la dernière forme de communication est simplement le rire et le rire partagé. Rappelons que le rire est « un mode de communication permettant l’affirmation de soi et ayant une fonction de sociabilité » (Bouquet & Riffault, 2010, p. 13). Nous retrouvons cette idée dans les propos de Zoé :

« Finalement quand quelqu'un rigole souvent, les autres ils rigolent, même les personnes qui sont...qui sont plus capables de discernement et qui ont plus l’usage de la parole, que ce qu’ils disent c'est incohérent et bah le rire c'est pas incohérent finalement, tout le monde a rigolé alors que des personnes qui ne participent pas, qui ne communiquent pas, tout ça bah ils rigolent donc ça crée cet échange autour de la table ».

Dans cette citation, nous pouvons voir que le rire rassemble les personnes sans distinction éducateur/bénéficiaire. Le rire permet d’aller au-delà d’éventuels obstacles à la communication, mais également de mettre tout le monde sur un pied d’égalité. Nous retrouvons un témoignage similaire chez Léo qui travaille avec des personnes en situation de handicap et nous explique que le rire est parfois pour lui une manière de se sentir en « connexion » avec des personnes qui ne communiquent que très peu.

6.1.3 Un outil pour supporter le quotidien

Lors de l’analyse des données, j’ai observé que toutes les personnes interviewées ont d’une manière ou d’une autre parlé de certains aspects difficiles de leur quotidien. Que cela soit de la pression, de la violence, des insultes, de la tristesse, etc., le domaine du social implique régulièrement une charge

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émotionnelle importante. Si bien que ce domaine se retrouve régulièrement dans la liste des métiers à haut risque d’épuisement professionnel. Devant cette réalité, Fabre pose cette question : « Ce métier reste-t-il supportable très longtemps sans humour ? » (Fabre, 2010, p. 69). Nous retrouvons le témoignage de Nicolas qui nous confie avec lucidité :

« Mais donc c'est une situation où voilà quand il tape ou je lui dis "ah, mais on fera la bagarre après", ou enfin voilà toutes des choses comme ça on essaye un peu de détourner le côté voilà je me sens agressé, je me sens persécuté, je suis l'exutoire de quelqu'un parce qu'il n’aime pas ce moment, bah c'est une manière de se dire "bah c'est comme ça, mais on va le prendre un petit peu sur le ton de la rigolade, de l'humour, de la légèreté ».

Nicolas nous explique également que l’humour est pour lui « une manière de défense pour soi », mais qui a également « des répercussions positives sur la personne accompagnée ». En effet, nous pouvons faire l’hypothèse que grâce à l’humour, le travailleur social vit mieux certains aspects négatifs de sa profession. Ceci lui permet d’être plus disponible pour son bénéficiaire. Nous retrouvons également cette idée dans l’étude de Joris (2010), mais également de Fabre (2010) qui parle de l’humour comme « celui qui permet de survivre, celui qui est hygiénique, qui permet de supporter l’insupportable, le trop-plein, le négatif de ce quotidien qui nous bouffe, nous, travailleurs sociaux » (Fabre, 2010, p. 67). Nous pouvons conclure avec cette citation de Nicolas qui décrit bien comment l’humour peut être un outil pour supporter le quotidien. :

« Souvent on va pas se mentir, on imite les résidents, puis c'est marrant quand t'es en séjour, t'as tapé je sais pas 3 jours d'affilée avec les nuits que t'as pas dormi et tout bah c'est aussi un bon exutoire, tu te retrouves le soir dans la cuisine et puis t'imites un peu... bah voilà, ils ne vont pas entendre, ils ne sauront jamais...de manière effective ça aura aucune répercussion ».

6.1.4 Discussion de l’hypothèse

Pour conclure, nous pouvons constater que l’humour est véritablement utilisé comme un outil en travail social avec parfois une finalité en vue. Cependant, comme tous les outils, celui-ci ne fonctionne pas toujours et dépend en grande parte de la personnalité des travailleurs sociaux. Néanmoins, j’ai pu observer une constante quant à l’utilisation de l’humour entre collègues pour colorer leur quotidien et mieux vivre certains aspects difficiles de la profession. Pour conclure, ces différentes observations me permettent de confirmer mon hypothèse : l’humour est utilisé comme un outil dans le quotidien des travailleurs sociaux.

6.2 Hypothèse 2 Le type d’humour et la relation au bénéficiaire

Comme nous avons pu le voir dans le cadre théorique, la principale problématique du locuteur d’un acte humoristique est « sa légitimité qui l’autorise à produire l’acte humoristique » (Charaudeau, 2006, p. 22). Celle-ci se compose de trois facteurs : « la nature de son interlocuteur », « la relation qui s’est instaurée entre eux » et « les circonstances » dans lesquelles est produit l’acte humoristique. Pour ce qui concerne la nature et les circonstances, ces facteurs seront abordés dans la dernière hypothèse : « L’humour à des limites, et il y a des sujets dont on ne peut pas rire ». Dans cette partie, nous nous intéressons plus précisément à l’importance de la relation entre le travailleur social et le bénéficiaire dans le cadre d’un acte humoristique.

Après l’analyse des données recueillies, j’ai réalisé qu’il n’est pas possible d’analyser de manière pertinente l’influence de la relation sur le type d’humour que le travailleur social utilise. La première difficulté que j’ai rencontrée est que je n’arrivais pas à classer les actes humoristiques des personnes interviewées dans des « types d’humour ». De plus, je pense que le choix de l’entretien semi-directif

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n’était pas le bon pour obtenir une analyse pertinente pour cette hypothèse. Avec du recul, je pense qu’une analyse linguistique aurait été plus adéquate. Dès lors, j’analyserai uniquement la deuxième partie de mon hypothèse, soit : « le travailleur social adapte son humour à son destinataire. »

Pour débuter, nous pouvons prendre la situation de Mélanie qui rappelons travaille avec des personnes en situation de handicap. Dans cette situation, Mélanie est seule avec une résidente schizophrène qui souffre de troubles paranoïdes. Voici leur échange :

« [La résidente] "ah je suis sûr que sur votre ordinateur vous pouvez me regarder partout où je vais, vous pouvez savoir si je vais là, avec qui" ; [l’éducatrice] puis du coup je suis en fait directement rentré dans son jeu puis j'ai dit “ah oui on a engagé quelqu'un du FBI pour te suivre" et là bah c'est une personne qui n’aime pas du tout l'humour, mais en ayant créé du lien ça a permis de pouvoir utiliser l'humour, du coup elle a souri et puis elle s'est bien rendue compte que ce n’était pas vrai ».

Mélanie nous explique également que son but dans cette situation était de produire un « électrochoc » avec cette petite blague pour faire comprendre l’absurdité de la situation et la faire revenir à la réalité. Dans ce cas, Mélanie est légitime, car elle a tissé des liens depuis plusieurs mois avec cette résidente. Elle peut donc se permettre d’utiliser l’humour comme un outil professionnel.

Nous retrouvons un témoignage similaire chez Mathis qui nous parle d’une situation avec un adolescent qui rentre facilement en crise. Il nous confie utiliser régulièrement une technique pour le moins inattendue : « les chatouilles ». Il nous explique par exemple utiliser cette technique pour le faire se lever du canapé et aller dans sa chambre le soir. Cependant, il nous confie se permettre de lui faire des chatouilles, car il y a une relation de respect entre eux. De plus, il essaye toujours d’analyser le comportement non verbal du jeune en question avant de passer à l’acte.

6.2.1.1 Discussion de l’hypothèse

Bien que cette hypothèse n’ait pas pu être entièrement traitée, plusieurs éléments ont permis de répondre à la seconde partie de l’hypothèse. En effet, nous avons pu observer que les travailleurs sociaux adaptent leur humour en fonction de la relation qu’ils ont avec leurs résidents. Cette adaptation leur permet d’être légitimes à produire un acte humoristique dans un contexte donné. De plus, le fait de ne pas avoir pu analyser la première partie de l’hypothèse nous montre qu’il n’est pas pertinent de parler de « type » d’humour tel que l’humour noir, la blague. Effectivement, les personnes interviewées parlaient le plus souvent de situations humoristiques dans lesquelles se jouaient une complexité de choses, et donc plusieurs types d’humour étaient utilisés en même temps. Néanmoins, nous pouvons observer des tendances, par exemple les travailleurs sociaux privilégient l’humour, l’autodérision, et la blague pour rire avec les résidents et ils évitent l’ironie, la dérision afin de ne pas rire « contre » les résidents. Pour conclure, mon analyse me permet uniquement de confirmer partiellement mon hypothèse : les travailleurs sociaux adaptent leur humour en fonction de la relation qu’ils ont avec leurs bénéficiaires.

6.3 Hypothèse 3 : Les limites de l’humour

Cette dernière hypothèse pose la question des limites de l’utilisation de l’humour dans le travail social, mais également des sujets dont on ne peut pas rire. Les informations récoltées sur le terrain m’ont permis de définir plusieurs limites : celles liées au contexte, les limites personnelles et celles, liées à l’usager. Notons cependant que cette liste n’est pas exhaustive et qu’un plus grand nombre d’entretiens m’aurait certainement permis de mettre d’autres limites en évidence. Pour conclure, je me positionnerais plus précisément sur l’hypothèse de ce chapitre.

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