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ARTheque - STEF - ENS Cachan | La nécessité d'un modèle virtuel dans certaines activités de production industrielle

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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LA NÉCESSITÉ D’UN MODÈLE VIRTUEL DANS CERTAINES

ACTIVITÉS DE PRODUCTION INDUSTRIELLE

Antoine ZAPATA

Laboratoire d’Intelligence des Organisations - Université de Haute Alsace - Mulhouse

MOTS-CLÉS :

RÉSUMÉ : Le virtuel ne concerne pas seulement la simulation. Dans certaines situations très

concrètes de production, l’opérateur doit construire un modèle opératoire « virtuel », rattachant des indicateurs immédiats aux caractéristiques d’un produit qui n’existera que quelques dizaines de minutes plus tard. Dans cette communication, nous montrerons à travers l’exemple d’une production industrielle, comment fonctionne ce modèle « virtuel ».

SUMMARY : The virtual one does not relate to only simulation, in certain very concrete situations of

production, the operator must build an operational model " virtual ", attaching immediate indicators to the characteristics of a product which will exist only a few tens of minutes later. In this communication, we will show through the example of an industrial production, how this " virtual " model functions.

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1. INTRODUCTION

L’analyse de l’activité professionnelle conduit à définir les compétences que manifeste l’opérateur dans la situation de production, et dont la manifestation est une efficience à remplir la tâche qui lui est confiée. Cette efficacité est liée à l’utilisation par l’opérateur de modèles d’action dont certains sont virtuels, ainsi que nous avons pu le constater en observant le travail d’opérateurs intervenant sur des processus dynamiques complexes.

2. UN CADRE THÉORIQUE POUR INTÉGRER LE SAVOIR DANS L’ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE

L’explicitation de savoirs dans l’action et d’apprentissages informels repose sur le modèle du savoir en usage de G. Malglaive (1991). Ce modèle montre que l’acteur va d’une part requérir des savoirs savants (ce que Malglaive appelle savoirs théoriques dans le domaine de la pensée), d’autre part élaborer des savoirs à travers l’activité concrète, et la mise en œuvre des savoir-faire (ce qu’il appelle les savoirs pratiques dans le domaine de l’action). L’ensemble répondant à une dynamique qui va mobiliser/requérir/construire les savoirs entre eux suivants les besoins. Pourtant cela ne répond pas à l’interrogation sur la nature et la genèse des étapes conduisant au savoir pratique.

Depuis une dizaine d’années une approche constructiviste tente d’élucider cette question. Reprenant la notion de schème élaborée par J. Piaget (1974), comme principe d’organisation interne de l’action, G. Vergnaud (1996) la définit comme étant une totalité dynamique fonctionnelle, dont l’organisation ne varie pas dans une classe donnée de situations, et formée de buts, de règles d’action, de possibilités d’inférence en situation (donc possibilité d’améliorer le répertoire de réponses) et enfin d’invariants opératoires, qui peuvent s’assimiler à des concepts et/ou théorèmes en actes.

De leur côté, R. Samurçay et P. Pastré (1995) assimilent l’invariant opératoire au concept pragmatique, tout en affinant sa description. Pour eux le concept pragmatique se compose d’une part de variables (ayant statut de signifiant) et de dimensions abstraites (ayant statut de signifié), d’autre part d’un ensemble de relations entre ces deux éléments. Ce concept pragmatique est non seulement construit, mais aussi transmis par l’acteur à travers les pratiques du métier.

L’action implique l’utilisation d’un modèle, c’est-à-dire d’une relation construite (ou à construire) entre le concept pragmatique et la situation d’ensemble du système technique.

Deux grandes catégories de situation d’ensemble du système technique existent : situation stable et situation dynamique, celle dont nous allons parler ici. La situation dynamique peut se définir (R. Samurçay & J. Rogalski, 1992) comme un ensemble d’actions coordonnées, suivant un processus continu, à long délai de réponse, nécessitant inférence et planification, où les points critiques sont constitués d’une part de l’obligation d’anticipation par rapport aux états actuels du processus, et d’autre part de la prise en compte non pas des valeurs du système, mais de leur évolution. La situation dynamique se caractérise dès lors par l’existence d’une boucle d’activités asservies, qui, de la prise d’information initiale conduit au contrôle de l’exécution d’actions planifiées justifiées à la fois par le

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diagnostic de l’état du système technique à un moment donné to, et par le pronostic de son état au

temps to + x. Les variables sur lesquelles portent tant la prise d’information que le contrôle, les

relations les structurant et leur donnant signification, sont définies de deux façons différentes. Les unes que les auteurs appellent observables, et que nous appellerions plutôt prescrites1, sont issues d’un modèle théorique, construit a priori en partant des concepts et lois scientifiques ou techniques par des concepteurs, les autres, que les auteurs nomment construites, élaborées individuellement et parfois collectivement dans l’action, transmises par l’expérience ou le compagnonnage sont issues d’une modélisation opératoire.

Mais il existe une différence fondamentale entre les modèles opératoires utilisés dans les situations statiques d’une part et dans les situations dynamiques d’autre part. Dans une situation statique, le modèle fonctionne dans le ici et maintenant de l’opérateur, il produit des actes sur les paramètres d’action dont le résultat est concrètement observable, la rétroaction est directe. En revanche dans les situations dynamiques (conduite de centrale nucléaire, conduite de machines de process continu, etc.) le modèle doit fonctionner exclusivement sur des indicateurs qui font office de résultat concret en sortie, et non sur ces résultats. Nous sommes en présence d’un modèle virtuel, parce que ce sur quoi il porte est non la réalité du processus, mais un simulacre de celle-ci permettant son appréhension par l’opérateur, tout en étant efficace du point de vue du résultat. C’est ce que nous allons développer maintenant à travers l’analyse d’une situation de production en continu.

3. UN EXEMPLE D’ACTIVITÉ DE PRODUCTION INDUSTRIELLE REQUÉRANT LA MISE EN ŒUVRE D’UN MODÈLE VIRTUEL

L’entreprise choisie comme exemple produit des gélules à usage pharmaceutique, elles se classent en plusieurs modèles suivant leur taille, leurs couleurs, leur rapidité de dissolution. Le corps et la tête des gélules peuvent être de couleurs différentes. Le composant de base est la gélatine. L’usage auquel elles sont destinées induit la traçabilité totale du produit, le respect strict des caractéristiques de texture, de couleur, de tenue et de reconditionnement.

3.1 Organisation générale du travail dans cette entreprise

La production se compose d’une salle de préparation, de deux salles de fabrication et d’une salle de finition, qui précède le service d’expédition.

a) La préparation est la salle où se réalise le mélange des composés destinés à obtenir la matière gélatineuse (Slurry) en fonction d’un planning pré-établi, celle-ci est contrôlée (viscosité et couleur) et dirigée dans un récipient calorifugé et maintenu à température constamment, le Transfert-Tank (T-T), vers une des deux salles de fabrication où il est mis en poste sur la machine de production correspondante.

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C’est par analogie au concept de « Système concret d’action » développé par M. Crozier et E. Friedberg que je les nomme ainsi.

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b) La fabrication se compose de 21 machines qui produisent simultanément les Bodies (corps de gélule) et les Caps ( têtes). Un seul opérateur machine pilote et contrôle quatre machines en parallèle. De façon systématique il prélève une poignée de gélules toutes les heures en sortie de machine, qu’il contrôle (taille, coupe, couleur, qualité visuelle, présence de gélules orphelines). En outre il contrôle en continu le trempage des fontes, vérifie sur écran la température du T-T, la viscosité du Slurry dans le

Disch (bac de trempage). Il intervient pour corriger les glissements de caractéristiques ou prévient soit

le responsable de salle (ingénieur), soit le service de maintenance. C’est à ce poste que nous allons nous intéresser dans la suite de ce travail, pour analyser le modèle utilisé lors de la conduite des machines.

c) Les gélules terminées sont acheminées vers une salle de finition où elles aboutissent à des cartons de conditionnement. Une dernière opération, le Dusting (amélioration de la glisse), est conduite par l’opérateur de finition qui assure un contrôle terminal (pas de gélules étrangères, plus de défauts de coupe ou de montage, défauts d’aspect (9 niveaux), glisse des gélules etc.) ainsi que le conditionnement du produit et mis à l’expédition. De plus il doit assurer la remontée d’informations vers les opérateurs machine, afin de leur permettre un pilotage de la ligne.

3.2 L’activité des Opérateurs Machine, nécessité d’un modèle d’action virtuel

L’essentiel des activités de l’opérateur machine (environ 60 % de son temps) consiste en contrôles. On constate que les opérateurs machine ont besoin de manifester une masse importante de connaissances technologiques associées, liées notamment à des activités de diagnostic/pronostic. Le diagnostic se conduisant à partir des informations recueillies à l’écran, le pronostic concernant un objet virtuel (la gélule, qui n’est pas encore produite, ni même en cours de production, c’est-à-dire est inobservable concrètement). Le pilotage du processus étant lié aux données recueillies à l’écran et son contrôle ayant lieu lors des mesures des gélules prélevées en cours de fabrication sur le Borsor.

Ainsi l’objet d’application est un objet abstrait, modèle reconstruit de façon intuitive par l’opérateur à partir de ses propres connaissances sur les produits proches, donc transférables, de connaissances apportées de l’extérieur (maîtrise, pairs) et des connaissances construites au fur et à mesure du déroulement des activités (expérience ou savoir pratiques). Cette construction est abstraite et soutenue par des représentations abstraites elles aussi (graphes, mesures, spécifications). Le délai entre l’entrée et la sortie du process (20 à 30 minutes) et le nombre de pièces produites, sur lesquelles la dérive n’apparaît que de façon statistique, rend le modèle d’autant plus complexe à manipuler. En effet, le respect des valeurs Target est un optimum à rechercher, mais dont la mise en œuvre est délicate et nécessite une connaissance très fine de la machine et du contexte de production (masse de Slurry, type de colorant, température, viscosité mesurées et points de mesure).

Comme nous l’avons vu plus haut, le concept pragmatique parce qu’il définit les relations entre éléments le composant, parce qu’il donne du sens aux éléments qui le constituent permet à la fois de sélectionner les données pertinentes, d’affecter des statuts aux variables pour faire émerger les indicateurs et paramètres d’action2, et de générer une structure relationnelle qui puisse proposer une

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Les v a r i a b l e s sont les grandeurs qui varient au cours du phénomène, elles sont soit de cause (indépendantes) soit d’effet (dépendantes). Les paramètres d’action sont les variables sur lesquelles l’opérateur a la possibilité d’agir (que ce soit lui ou

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série de procédures efficaces en fonction de l’état du système technique : le modèle opérationnel. Ici ce modèle est virtuel.

Par exemple, pour gérer l’épaisseur de paroi de la gélule, les opérateurs s’appuient sur un concept pragmatique comprenant cinq variables (hydratation, température de calage du slurry, pureté du slurry qui sont des variables indépendantes, viscosité qui possède à la fois un double statut de variable indépendante et dépendante, ainsi que l’épaisseur de paroi qui est la variable dépendante), et structuré par deux relations unidirectionnelles simples et par une relation unidirectionnelle en cascade. Les opérateurs font appel à un premier modèle d’action où les variables indépendantes agissent sur une variable dépendante : l’uniformité de répartition de la gélatine sur les fontes de moulage. Toute anomalie de répartition se traduira par des pertes, des déséquilibres de masse gélatineuse et donc par une variation de l’épaisseur de la gélule. Mais la valeur de l’épaisseur (la quantité de gélatine piégée) est liée aussi à des caractéristiques prescrites, inaccessibles aux opérateurs (qualité des colorants, nature des adjuvants, facteurs biochimiques des gélatines). De fait la relation entre l’uniformité de répartition et l’épaisseur de paroi appartient donc à un second modèle plus large, intégrant une dimension temporelle, mais dont l’utilisation est matériellement impossible. Le premier modèle est donc un simulacre, dans le sens où les opérateurs agissent pour modifier des variables intermédiaires, dont l’effet au bout du compte participera au résultat.

4. CONCLUSION

Le pilotage de process fait appel à des modèles opératoires dont le type varie suivant la nature de la situation. Nous avons montré que dans les situations dynamiques la prise de décision et l’action des opérateurs se fait à partir de données indirectes (l’ici et maintenant de l’opérateur = Modèle 1) dont il faudra par la suite obtenir confirmation par des résultats temporellement décalés (Modèle 2). Le modèle 1 correspond à la mobilisation d’un modèle virtuel parce qu’il est une sorte de décalque du modèle complet (Modèle 2). Dans la situation dynamique, il est souvent impossible concrètement de faire appel au modèle complet, car il n’est utilisable que lorsque l’action est achevée et donc irréversible.

Ces modèles modifient profondément les enjeux de l’analyse du travail et remettent en question les cadres actuels de la formation des ouvriers.

BIBLIOGRAPHIE

MALGLAIVE G., Enseigner à des adultes, Paris : Presses Universitaires de France, 1991.

PASTRÉ P., La conceptualisation dans l’action : bilan et nouvelles perspectives, Éducation

permanente, 1999, 139.

quelqu’un d’autre habilité à le faire par les règles et procédures de production). Les i n d i c a t e u r s sont des données « image » de variables inaccessibles à la mesure directe

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PIAGET J., Réussir et comprendre, Paris : Presses Universitaires de France, 1974.

SAMURÇAY R., ROGALSKI J., Formation aux activités de gestion d’environnement dynamiques : concepts et méthodes, Éducation permanente, 1992, 111.

VERGNAUD G., Au fond de l’action la conceptualisation, in J.-M. Barbier (dir.), Savoirs théoriques

Références

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