T HOMAS DE S T -L AURENT
Géométrie transcendante. Solution nouvelle d’un problème énoncé dans la correspondance sur l’école polytechnique
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 13 (1822-1823), p. 145-162
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I45
GÉOMÉTRIE TRANSCENDANTE.
Solution nouvelle d’un problème énoncé dans la
correspondance
surl’école polytechnique;
Par M. THOMAS
DEST-LAURENT, lieutenant , aide-major
du corps royal d’état major,
au7.e régiment d’artillerie à pied.
PROBLÈME DU CHIEN.
A la
page275
du ILe volume de laCorrespondance sur l’école polylechnique,
on trouve cequi
suit:« Un ancien
élève,
directeur des douanes àFuligno, département
» de
Trazimène ,
M.Dubois-Aymé
sepromenait
sur le bord de» la mer; il
aperçut
àquelque distance, quelqu’un
de sa connais-» sance , et se nait à courir pour
l’atteindre;
sonchien, qui
s’était»
écarté,
courut verslui,
en décrivant une courbe dontl’empreinte
» resta sur le sable. M.
Dubois ,
revenant sur ses pas , futfrappé
» de la
régularité
de cettecourbe ,
et il en cherchal’équation,
» en
supposant ,
I.° que le chien sedirigeait
constamment vers l’en-» droit où il
voyait
sonmaître;
2.° que le maîtreparcourait
une»
ligne droite ;
3.° que les vitesses du maître et du chien étalent» uniformes.
» Prenant pour axe
des y
laligne
droite parcourue par lemaître ,
» et pour axe des x la
perpendiculaire
abaissée sur cette te» du
point
dedépart
duchien
, on trouve , pourl’équation
de la»
courbe ,
Tom.
XIII ,
n.°V , I.er novembre I822.
2I» dans
laquelle
est lerapport
des vitesses duchien
etde
son»
maître; et 03B1 l’angle
que fait l’axedes y
avecla droite qui joint
les»
points
dedépart
du maître et du chien(*).
»
Cette
courbe est telle que ses rayons de courbure sont pro-»
poruonnels
auxabscisses
despoints auxquels
ces rayonsappar-
)) tiennent ».
En cherchant à me rendre
compte
de l’analisequi
avait puconduire à
cetteéquation elle
m’a paruinexacte ,
et il m’a sembléque
la courbequi
résout leproblème
nepourrait,
enparticulier, jouir
de lapropriété
annoncée. Je vais exposer ici la marche quej’ai suivie
et les résultats quej’en
aiobtenus ;
en laissant au lecteurà prononcer entre ces résultats et ceux
qui
se trouventconsignés
dans la
Correspondance.
Quelle
que soit la courbe décrite par lechien,
onpeut toujours supposer qu’à chaque
instant il marche sur la tangente à cettecourbe ;
d’où il suitqu’a chaque
instant aussi latangente
menée à la courbequ’il décrit,
par lepoint
de cette courbe où il setrouve.?
va couper la droite décrite par son maître aupoint
pu celui-ci se
trouve
lui-même en cet instant.Soit
prise
cette droite pour axedes 03B3 ,
lescoordonnées
étant(*) On jpe dit pas ce que a
représente ;
mais on peutprésumer
que c’est ladistance de
l’origine
aupoint
dedépart
du chien.J. D. G.
I47 rectangulaires
etl’origine quelconque.
Si l’ondésigne
par(x’ ,y’)
le
point
de la courbe où se trouve le chien à un instantquel-
conque, la
tangente
en cepoint, dirigée
vers sonmaître ,
aurapour
équation
on aura donc la
position
du maître sur la droitequ’il décrit,
ousa
distance
àl’origine,
en cherchant l’intersection de ce cette tan- gente avec l’axedes y ,
c’est-à-dire la valeur de son ordonnéequi répond à
x=0 ;désignant
donc pary’’
cetteordonnée ,
on auraOr , présentement
si l’ondésigne
par n le nombre d’unités delongueur
queparcourt
le maîtrependant
que son chien enparcourt
une
seule,
et que, suivantl’usage,
onreprésente par SI
la lon-gueur de l’arc de courbe commençant à un
point quelconque
etse terminant en
(x’, y’),
on auramais,
d’unepart,
en différentiantl’équation (2) et y
considérant x’ comme la variableindépendante,
il vientd’une autre , on a en
remarquant que, s’ croissante
, x’ diminueI48
substituant
donc ,
etsupprimant
les accens ,désormais inutiles ,
on
obtiendra
pourl’équation
différentielle seconde de lacourbe cherchée
Remarquons d’abord ,
avant d’allerplus loin , que , d’après
lamanière dont nous avons
procédé,
cetteéquation
ne suppose pas essentiellement que les vitesses du chien et de son maître soient constantes ; mais seulementqu’elles
sont àchaque instant dans
lemême rapport. On
conçoit,
eneffet, que
la nature de la courbedécrite par le chien ne saurait
dépendre
des vitesses absolues.On sait
qu’en représentant
par r le rayon de courbure d’une courbe en l’un(x, y)
de sespoints ,
on aen mettant donc dans cette formule pour
d2y dx2
sa valeur(4),
ilviendra
d’où l’on voit
qu’il
n’est pas vrai que le rayon de courbure de la courbe dont ils’agit soit ,
comme on l’a annoncé dans laCorrespondance , proportionnel
à son abscisse. On voit en effet que ce rayon estproportionnel
auproduit
del’abscisse
par lequarré
de la co-sécantede son inclinaison sur l’axe des x.
Pour obtenir
l’intégrale première
del’équation (4) , faisons ,
sui-vant
l’usage, dy dx =p; elle
deviendra ainsiI49
c’est-à-dire ,
équation séparée
dontl’intégrale
estd’où
A étant la constante arbitraire.
Employons
cette constante a fixer laposition
del’origine ,
surlaquelle
nous n’avons pas encorestatué,
en laprenant
de la ma- nière laplus propre à simplifier
la forme del’équation primitive.
Remarquons
pour cela que, les résultatsauxquels
nous sommesparvenus
jusqu’ici
étant absolumentindépendans
dutemps,
il nousest
permis
de ne pas considérer depoint
dedépart, c’est-à-dire ,
de supposer que le maître et son chien marchent
depuis quel temps
on
voudra ; d’après quoi
onpeut
concevoir uneépoque
où la tan-gente
menée à latrajectoire
par lepoint
de cettetrajectoire
oùle chien se trouvait alors était
perpendiculaire à
la droite indé- finie décrite par sonmaître , c’est-à-dire , à
l’axe des y ; et oùconséquemment
le maître setrouvait au pied
de cetteperpendiculaire,
c’est-à-
dire
àl’origine.
Prenons donc cettetangente
pour axe desa , et supposons
qu’alors
la distance du chien à son maître est a ; cela reviendra à admettre que , tandis que le maîtrepart
del’origine
pourparcourir
l’axe des y, dans le sen sdes y positives,
son chien
part
d’unpoint
de l’axe des x distant de cetteorigine
PROBLÈME
de la
quantité
a: ondevra
doncavoir,
en mêmetemps ,
x=aet p=o;
au
moyen de quoi l’équation (7) deviendra simplement
valeur qui,
substituée dans cette mêmeéquation (7),
lachangera
en celle-ci :
En
transposant
et faisantdisparaître
leradical ,
on tire de cettedernière
valeur qui devient également infinie,
soitque x
soit nul ou bienqu’il
soitinfini,
On tire de là
successivement
d’où
ce
qui donne,
enintégrant ,
Si l’on veut
compter
les arcsdepuis
lepoint
que nous avons con-sidéré comme
point
dedépart
duchien ,
on devra avoir à ta foiss=o
et x=a ,
cequi
donnerapuis
en retranchantD’après
lesformules (6
et9 ),
on aurad’où on tirera
le rayon de courbure maximum ou minimum
répondra
donc aupoint
pourlequel
on aura l’une ou l’autre des deuxéquations
La
première , qui
revient àPROBLÈME
donne
valeur qui
ne sera réellequ’autant
que n sera unefonction ayant
un
dénominateur pair ,
etqui
sera alorségale à -a.
La secondedonne
valeur qui
seratoujours réelle , lorsqu’on
auran>I 2 ;
maisq,ui,
dans le cas de
n2 3
ne sera réellequ’autant
que n sera une fractionayant
un dénominateurpair. Quant
au rayon de courbure aupoint
de
départ
duchien
ou x=a , ilsera a n :
Passons enfin à la
recherche
del’équation
de lacourbe.
Enremettant pour p sa valeur
dy dx dans
laformule (8),
on ac’est-à-dire
En se
rappelant qu’à
y=o doitrépondre
x=a , on aurad’où,
enretranchant
.2
I53
Telle est donc
l’équation
de la courbe.Cette
équation peut
être mise sous la formesuivante :
de sorte
qu’en portant l’origine
aupoint
de l’axedes y
pour le-quel
on acette
équation
deviendrasimplement
Si l’on pose
on aura
En construisant donc les courbes
exprimées par
leséquations (I8) ;
ce
qui
sera facile au moyen deslogarithmes,
les ordonnées de lacourbe cherchée seront la somme des leurs.
En
désignant
pary’
la distance du maître al’origine, lorsque
sonchien est au
point (x,y) ,
on a ,pour
ladistance
du chien à sonmaître ,
Tom.
XIII.
22PROBLÈME
mais la
formule (2) donne
ce
qui donne ,
ensubstituant ,
ou encore
Après
avoir ainsi déterminé les formulesgénérales ,
venons aquel-
ques cas
particuliers. Supposons,
enpremier lieu ,
que la vitesse du chien soitégale
à celle de sonmaître ;
on aura alors n=I ,ce
qui
rendra infinie unepartie
du second membre del’équation
de la courbe. Cette circonstance annonce un
changement
dans laforme de la
fonction ,
et nousoblige
de refaire unepartie
denos calculs pour ce cas
particulier.
Nous aurons ici
ce
qui donnera ,
enintégrant
en se
rappelant toujours qu’à
s=o doitrépondre
x=a, on auraI55
d’où ;
enretranchant ,
ou encore
Nous aurons ensuite
(11)
ou bien
l’abscisse du
point
pourlequel
le rayon de courbure est le moin-dre ,
seraet sa
longueur
seraQuant
au rayon de courbure aupoint
dedépart
duchien il
seraégal à
a.On aura enfin
c’est-à-dire ,
en se
rappelant
doncqu’à y=o
doitrépondre
x=a , on aurad’où ,
enretranchant y
Cette
équaion peut
êtreécrite
ainsid’où l’on voit
qu’en
descendantl’origine
sur l’axedes y
de laquantité
a
l’équation
dela
courbe serasimplement
de sorte
qu’en posant
on aura
I57
En construisant donc les deux courbes
exprimées par les équations (2I) ,
dont lapremière
est uneparabole
ayant pour axe (les y , son sommet à la nouvelleorigine ,
et sonfoyer-
à une distancea
au-dessus,
tandisque
la seconde est unelogarithmique ,
tes dif-férences de leurs ordonnées
correspondantes
seront les ordonnéesde la courbe cherchée.
On
voit aisément ,
par la forme del’équation (I9) ,
que la courbeest entièrement située du côté des x
positives
elle l’estégalement
du côté
des y positives ;
car , pour que yput
êtrenégatif ,
ilfaudrait
qu’on pût avoir (I9)
ce
qui
estimpossible, puisqu’on a ,
engénéral, ek2 =1+k2 I+k4 I.2+.>k2.
Cette courbe est donc
entièrement
situéedans l’angle
des coordonnéespositives.
La valeurde p, qui
est icifait voir d’ailleurs que x croissant de a à
l’infini,
p croîtra de zéro à l’infinipositif, tandis
que , x décroissant de a àzéro 1 p
décroîtde zéro à l’infini
négatif ;
et comme d’un autrecôté y
devientéga-
lement
infinie ,
soitqu’on
fasse x nul ouqu’on
le fasseinfini ,
onen doit conclure que la
courbe,
constamment convexe vers rayedes x ,
a deux branches infinies comme laparabole
avec cettedifference que ces deux branches n’ont pas la même courbure.
On
voit,
eneffet ,
que l’une d’elles esthyperbolique , ayant
l’axedes y
pourasymptote ,
tandis que l’autre a pourasymptote
uneparabole
située du côté de sa concavité etayant
pouréquation
Enfin , l’expression générale (I9)
de la distance du chien à son maîtredevient, dans
le casactuel 1
quantité qui
tend sans cesse à se réduire àI 2a ,
à mesure que xdevient plus petit. Ainsi,
non seulement le chien n’atteindrajamais
son
maître,
mais il en seratoujours
à une distanceplus grande
que la moitié de celle
qui l’en séparerait
au moment dudépart.
Il est facile de conclure de la que , si l’on
développait
la courbedécrite par le
chien ,
enl’appliquant
contre l’axedes y, son
ex- trémité tomberait à unedistance I 2
a au-dessous dupoint
dedépart
du maître.
Pour second cas
particulier ,
supposons que la vitesse du maître soit double de celle de sonchien, c’est-à-dire ,
supposons n=2.Nous aurons
d’abord (I0)
ou encore
Nous
aurons ensuite (i i)
ou bien
L’abscisse du
point
pourlequel
le rayon decourbure
sera mini- mum, sera(I4)
et la
longueur
de ce rayon seraL’équation
de la courbe sera(15)
En
portant l’origine (16)
aupoint
pourlequel
on acette
équation deviendra simplement (17)
de sorte
qu’en posant (18)
on aura
Les ordonnées de la courbe seront donc la somme de celles d’une
parabole cubique
et d’unehyperbole
ordinaire ayant leur centrecommun à la nouvelle
origine
et situées dans les deuxangles
descoordonnées de mêmes
signes ;
les nouveaux axes étant lesasymptotes
de
l’hyperbole
et celui des x étant unetangente a
laparabole
cu-bique.
La courbe cherchée aura donc aussi un centre à la nouvelleorigine ;
elle seracomposée
de deuxparties séparées, parfaitement égales,
situées dans lesangles
des coordonnées de mêmessignes ,
et
ayant
chacune deux branchesinfinies,
comme la courbequi répond
aupremier
cas , dont l’unehyperbolique
et l’autre para-bolique.
Les deux brancheshyperboliques
auront l’axe des y pourasymptote
commune.L’asymptote
commune des deux autres serala
parabole cubique.
On sent d’ailleurs que lapartie
de la courbesituée dans
l’angle
des coordonnéespositives
sera la, seule utile auproblème.
On trouvera enfin ici
(I9) ,
pourl’expression générale de
la dis-tance du chien à son
maître ,
quantité qui
tend à devenirintime, a
mesureque
x devientplus
petit. Ainsi ,
l’avance du maître sur son chien croîtra ici indéfiniment.Pour dernière
application,
supposonsqu’à
l’inverse’la vitesse da chien soit double de celle de sonmaître , c’est-à-dire ,
supposonsn=3 2. Nous
aurons d’abordNous
aurons ensuite(II)
d’où l’on
voit que
le rayon de courbure sera leplus petit possible lorsque x
seranul,
et que salongueur
sera alorsI 2a.
L’équation
de lacourbe
seraici (r5)
y
mais en
portant l’origine
aupoint
de l’axedes 03B3
pourlequel
on a(16)
elle deviendra
simplement (17)
de sorte
qu’en posant
c’est-à-dire
on aura
Il est aisé de conclure de là que la courbe est toute située du côté des x
positives; qu’elle
estsymétrique
parrapport
an nouvelaxe
des x, qui
en est un diamètreprincipal ;
que la nouvelleorigine
est le sommet de cediamètre ;
que la courbe par-tant de ce
point
s’écarteégalement
de l’axe des x, en dessus et endessous, jusqu’à
la distance a de l’axedes y;
où il y a une double ordonnée maximumégale à 2 3
a ; que,passé
ce terme , les deux branches serapprochent
de l’axe des x où elles vont se couper h une distance 3a del’origine ,
en faisant avec lui desangles
de30° ;
etqu’ensuite
elles seprolongent indéfiniment ,
en s’écartantde
plus
enplus
de cet axe.Tom. XIII. 23
L’expression générale
de la distance du chien à sonmaître (I9)
devant ici
qui
est nulle en même temps que x. Le chienatteindra
donc sonmaître ;
et comme abstraction faite dusigne,
pour x=o, on ail s’ensuit que ,
lorsqu’il l’atteindra,
le maître aura seulement par-couru
les 2 3
de l’intervalle aqui
l’enséparait
au moment dudépart.
Mais ,
afin que la loi de continuité soitmaintenue
lafigure
dela courbe
indique
que lechien, après
avoir atteint sonmaître ,
lefuira en conservant
toujours
une vitesse double de la sienne.On voit
donc,
enrésumé , qu’excepté
le seul cas où les vitessessont
égales ,
la courbe décrite par le chien esttoujours algébrique;
et que , sans
qu’il
soit nécessaire de fairedisparaître
lesradicaux
,ce
qui quelquefois pourrait
être assezdifficile ,
on pourratoujours
commodément la
décrire ,
au moyen de deux courbes auxiliaires dont une sera de la famillecomprise
sous la formulegénérale
tandis que l’autre sera de la même famille ou de la famille com-
prise
sous la formulegénérale
suivant que n sera moindre ou